Rapport n° 517 (2017-2018) de M. Philippe BAS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 mai 2018

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N° 517

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 mai 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution de M. Gérard LARCHER, Président du Sénat, relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d' intérêts des sénateurs ,

Par M. Philippe BAS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

364 et 518 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie mercredi 30 mai 2018, sous la présidence de M. François Pillet , vice-président , la commission des lois a examiné le rapport de M. Philippe Bas , rapporteur , et établi son texte sur la proposition de résolution (n° 364, 2017-2018) relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs , présentée par M. Gérard Larcher , Président du Sénat .

Le rapporteur a indiqué qu'il était nécessaire d'actualiser le Règlement du Sénat, en matière de déontologie des sénateurs, pour tenir compte de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. La proposition de résolution procède à cette actualisation, sans toutefois apporter de bouleversement aux règles déontologiques déjà rigoureuses applicables aux sénateurs. Elle a donné lieu à un avis du comité de déontologie parlementaire.

D'une part, la suppression de l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), résultant de la mise en place par cette même loi d'un nouveau régime de prise en charge des frais de mandat, exige de revoir le mécanisme de retenue financière automatique en cas d'absences répétées d'un sénateur, car ce mécanisme comporte un prélèvement sur l'IRFM. La proposition de résolution explicite la possibilité pour le Bureau de prononcer en pareil cas une sanction disciplinaire de censure pour manquement à l'obligation d'assiduité, laquelle conduit à la retenue d'une partie de l'indemnité parlementaire.

D'autre part, des dispositions déontologiques, concernant notamment la prévention et le traitement des conflits d'intérêts, doivent être prévues par le Règlement, en vertu de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 précitée, alors qu'elles figurent aujourd'hui dans l'instruction générale du Bureau. Ainsi, la proposition de résolution fait figurer dans le Règlement, de façon synthétique, les règles déontologiques existantes, en particulier les principes déontologiques applicables aux sénateurs, l'obligation de déclarer les invitations, cadeaux, dons et avantages en nature, la composition du comité de déontologie parlementaire et la procédure en matière de prévention et de traitement des conflits d'intérêts, faisant intervenir le Bureau et le comité de déontologie. En application de cette même loi, la proposition de résolution crée un registre des déports.

À l'initiative de M. Philippe Bas, rapporteur, la commission des lois a adopté 19 amendements , destinés à suivre l'avis du comité de déontologie, à clarifier la proposition de résolution et à améliorer la cohérence du Règlement, à renforcer le contrôle disciplinaire de l'absentéisme, en prévoyant un examen disciplinaire automatique par le Bureau de la situation d'un sénateur en cas d'absences répétées pendant deux trimestres, et à permettre au Bureau de prononcer des sanctions de rappel à l'ordre en matière déontologique.

La commission des lois a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le 15 mars 2018, après une large concertation avec les présidents de groupe et les présidents de commission, le président Gérard Larcher a déposé, sur le Bureau du Sénat, une proposition de résolution (n° 364, 2017-2018) relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs. Il s'agit, par cette modification du Règlement du Sénat, de tirer les conséquences des lois organique n° 2017-1338 et ordinaire n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

Ces lois sont intervenues dans le régime de prise en charge des frais de mandat des parlementaires, en fixant des règles conduisant à la suppression de l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). Elles ont aussi complété le dispositif déontologique applicable aux parlementaires, avec l'obligation pour les assemblées de fixer des règles de prévention des conflits d'intérêts entre un intérêt public et des intérêts privés, de mettre en place un registre public des déports pour leurs membres en situation de conflit d'intérêts ou encore de prévoir la sanction de la méconnaissance des règles de cumul entre l'indemnité parlementaire et une autre rémunération publique, ainsi qu'avec l'extension des missions de l'organe chargé de la déontologie parlementaire.

Ces lois nécessitent d'actualiser et de compléter notre Règlement, pour l'essentiel en y intégrant des dispositions déontologiques déjà élaborées par le Bureau du Sénat au fil des dix dernières années et figurant dans l'instruction générale du Bureau, publiée en annexe au Règlement. Elles exigent également d'actualiser le mécanisme de retenue financière en cas d'absences répétées d'un sénateur en commission ou en séance, car ce mécanisme comporte notamment une retenue sur l'IRFM.

Conformément à l'article 4 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires tel qu'il résulte de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 précitée, la proposition de résolution a été soumise pour avis au comité de déontologie parlementaire du Sénat. Cet avis, reproduit en annexe du présent rapport, a inspiré nombre des amendements adoptés par votre commission.

I. UN TEXTE DE CONSOLIDATION ET D'ACTUALISATION DANS LE RÈGLEMENT DU SÉNAT DES OBLIGATIONS DÉONTOLOGIQUES DES SÉNATEURS

La loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a complété l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, qui détermine notamment les règles de cumul de l'indemnité parlementaire avec d'autres rémunérations publiques, afin de préciser que « chaque assemblée veille, dans les conditions déterminées par son règlement, à la mise en oeuvre de ces règles et à la sanction de leur violation, ainsi qu'aux modalités suivant lesquelles son président défère les faits correspondants au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière ». Ces dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017.

Sur le premier point, la proposition de résolution prévoit, dans le cadre des sanctions disciplinaires prévues en cas de manquement déontologique, de sanctionner la perception d'une rémunération publique en méconnaissance des règles prévues par l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 précitée. Elle ajoute utilement, par cohérence, que serait de même sanctionnée la perception d'une rémunération en méconnaissance de la disposition de l'article L.O. 145 du code électoral selon laquelle un parlementaire « désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur ne peut percevoir à ce titre aucune rémunération, gratification ou indemnité ».

Sur le second point, il apparaît que l'état du droit n'a pas besoin d'être modifié, dès lors que l'article L. 314-1 du code des juridictions financières donne déjà compétence au président du Sénat pour déférer au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière des infractions commises par toute personne ayant engagé des dépenses publiques de façon irrégulière, situation qui recouvre le fait de verser à un parlementaire une rémunération en violation des règles prévues en la matière. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé utile de clarifier le sens de cette disposition, en indiquant qu'elle visait à « sanctionner les personnes, justiciables de cette cour, qui ont procédé à la rémunération irrégulière d'un parlementaire », avant de préciser qu'elle n'avait pas valeur organique.

La loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a apporté à l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires plusieurs modifications et ajouts concernant la prise en charge des frais de mandat et la déontologie des parlementaires. Ces nouvelles dispositions figurent dans l'encadré ci-après.

Elles développent ainsi les règles existantes relatives à la prévention et au traitement des conflits d'intérêts des parlementaires, en visant uniquement les conflits « entre un intérêt public et des intérêts privés », excluant par conséquent l'idée de conflits d'intérêts entre intérêts publics. Votre commission approuve une telle définition du conflit d'intérêts pour les parlementaires, conforme à sa position constante sur la notion de conflit d'intérêts, car elle estime qu'aucun conflit d'intérêts ne peut exister au sens déontologique entre deux intérêts publics, en particulier entre un intérêt public national et un intérêt public local 1 ( * ) .

L'organe chargé de la déontologie parlementaire voit son rôle affirmé. Il devait déjà être consulté sur l'élaboration par le bureau de chaque assemblée des règles en matière de conflit d'intérêts - règles qui doivent être déterminées dorénavant par chaque assemblée elle-même, c'est-à-dire dans son règlement. Il se voit doté à présent d'un rôle d'avis individuel auprès des parlementaires - rôle déjà exercé au Sénat par le comité de déontologie parlementaire. Pour l'accomplissement de ses missions, il est prévu que cet organe puisse demander communication de tout document à un parlementaire.

En outre, chaque assemblée doit mettre en place un registre public des déports « recensant les cas dans lesquels un parlementaire a estimé devoir ne pas participer aux travaux du Parlement en raison d'une situation de conflit d'intérêts ». Si le Sénat a déjà introduit, dans l'instruction générale du Bureau, la possibilité pour un sénateur de formuler une déclaration orale d'intérêts en commission devant ses collègues, une telle déclaration n'emporte pas de conséquence en termes de participation aux débats. Ce nouveau dispositif de déport va plus loin, puisqu'il suppose que le parlementaire décide de s'abstenir de participer aux travaux de l'assemblée dont il est membre.

Cette innovation avait été contestée par nos collègues députés devant le Conseil constitutionnel. Celui-ci l'a validée, dans sa décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017, considérant qu'elle n'avait « ni pour objet ni pour effet de contraindre un parlementaire à ne pas participer aux travaux du Parlement ». Votre rapporteur estime qu'il appartient bien à chacun de nos collègues d'apprécier, librement et en conscience, s'il y a lieu de se déporter dans le cadre d'un débat particulier. Le Conseil a également précisé la portée de ce dispositif, en visant le fait de « ne pas participer, en commission ou en séance publique, aux délibérations ou aux votes ». Le déport peut donc recouvrir plusieurs modalités : être absent lors d'un débat, être présent sans prendre la parole ou être présent simplement sans voter. Ces deux dernières modalités peuvent utilement se combiner, de façon à informer nos collègues lors du débat, à la déclaration orale d'intérêts.

La proposition de résolution tend ainsi à tirer les conséquences dans le Règlement du Sénat de ces nouvelles dispositions relatives à la prévention et au traitement des conflits d'intérêts et à l'extension des prérogatives de l'organe chargé de la déontologie parlementaire, en l'espèce notre comité de déontologie parlementaire. Pour ce faire, elle intègre dans le Règlement, de façon condensée, des règles, principes et procédures qui figurent déjà dans l'instruction générale du Bureau depuis plusieurs années et qui satisfont largement, en réalité, aux nouvelles exigences législatives de 2017. La proposition de résolution y ajoute des dispositions nouvelles sur le dispositif de déport.

L'instruction générale du Bureau comporte ainsi aujourd'hui, dans un chapitre XX bis , une énumération de principes déontologiques applicables aux sénateurs 2 ( * ) , une définition des conflits d'intérêts et des obligations déclaratives concernant les invitations à des déplacements financés par des organismes extérieurs au Sénat, ainsi que les cadeaux, dons et avantages en nature. Dans un chapitre XX ter , elle traite de la composition et des compétences du comité de déontologie parlementaire, créé en 2009, et des procédures suivies devant lui. Un guide de bonnes pratiques, établi par le Bureau du Sénat après consultation du comité de déontologie parlementaire, est également annexé à l'instruction générale et donc au Règlement du Sénat.

Enfin, alors que les modalités de la prise en charge des frais de mandat des parlementaires relevaient jusqu'à présent de l'autonomie réglementaire des assemblées, le bureau de chacune d'elles ayant mis en place une indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), de nature forfaitaire, ainsi que divers dispositifs de prise en charge de certains frais spécifiques, la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 précitée a prévu que le bureau de chaque assemblée devait définir, après avis de l'organe chargé de la déontologie parlementaire, le régime de prise en charge des frais de mandat et la liste des frais éligibles. Il s'agissait de mettre fin au régime de l'IRFM et de lui substituer un mécanisme de prise en charge des frais effectivement engagés. Ces frais doivent en outre donner lieu à un contrôle par l'organe chargé de la déontologie parlementaire, afin de vérifier qu'ils correspondent bien à des frais de mandat. Ce nouveau dispositif est entré en vigueur au 1 er janvier 2018.

Trois modalités de prise en charge des frais ont été prévues : soit une prise en charge directe, soit un remboursement sur présentation de justificatifs, soit le versement d'une avance dans la limite d'un plafond fixé par le bureau. Au cours des derniers mois, l'Assemblée nationale et le Sénat ont mis en place de nouveaux dispositifs de prise en charge et de contrôle des frais de mandat, qui ont été rendus publics conformément à l'article 4 sexies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée.

Dispositions de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires issues de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique

Article 4 quater

Chaque assemblée, après consultation de l'organe chargé de la déontologie parlementaire, détermine des règles destinées à prévenir et à faire cesser les conflits d'intérêts entre un intérêt public et des intérêts privés dans lesquels peuvent se trouver des parlementaires.

Elle précise les conditions dans lesquelles chaque député ou sénateur veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d'intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver, après avoir consulté, le cas échéant, l'organe chargé de la déontologie parlementaire à cette fin.

Elle veille à la mise en oeuvre de ces règles dans les conditions déterminées par son règlement.

Elle détermine également les modalités de tenue d'un registre public recensant les cas dans lesquels un parlementaire a estimé devoir ne pas participer aux travaux du Parlement en raison d'une situation de conflit d'intérêts telle qu'elle est définie au premier alinéa.

Le registre mentionné à l'avant-dernier alinéa est publié par voie électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

Article 4 sexies

Le bureau de chaque assemblée, après consultation de l'organe chargé de la déontologie parlementaire, définit le régime de prise en charge des frais de mandat et arrête la liste des frais éligibles.

Les députés et sénateurs sont défrayés sous la forme d'une prise en charge directe, d'un remboursement sur présentation de justificatifs ou du versement d'une avance par l'assemblée dont ils sont membres, dans la limite des plafonds déterminés par le bureau.

Le bureau de chaque assemblée détermine également les modalités selon lesquelles l'organe chargé de la déontologie parlementaire contrôle que les dépenses donnant lieu aux prises en charge directe, remboursements et avances mentionnés au deuxième alinéa correspondent à des frais de mandat.

Les décisions prises pour définir le régime de prise en charge mentionné au premier alinéa et organiser le contrôle mentionné au troisième alinéa font l'objet d'une publication selon les modalités déterminées par le bureau.

Article 4 septies

Le bureau de chaque assemblée définit les conditions dans lesquelles l'organe chargé de la déontologie parlementaire peut demander communication, aux membres de l'assemblée concernée, d'un document nécessaire à l'exercice de ses missions.

Or, depuis la réforme du Règlement du Sénat adoptée en 2015 3 ( * ) , il existe un mécanisme de retenue financière en cas d'absences répétées d'un sénateur lors des votes solennels et des explications de vote qui les précèdent en séance, des séances de questions d'actualité au Gouvernement et des réunions de commission du mercredi matin avec un ordre du jour législatif. Ce mécanisme comporte des retenues sur l'indemnité de fonction et sur l'IRFM : l'absence à plus de la moitié 4 ( * ) de chacune de ces séances ou réunions, de façon alternative, au cours d'un même trimestre entraîne une retenue de la moitié de l'indemnité de fonction au cours du trimestre suivant, tandis que l'absence de façon cumulative à plus de la moitié de chacune de ces séances ou réunions, suivant le même principe trimestriel, entraîne une retenue de la totalité de l'indemnité de fonction et de la moitié de l'IRFM.

La proposition de résolution tire les conséquences de la suppression de l'IRFM en ne conservant que la retenue sur l'indemnité de fonction. En effet, si le caractère forfaitaire de l'IRFM permettait de lui appliquer un mécanisme de retenue financière, il n'est pas possible de pratiquer un tel mécanisme sur le nouveau dispositif de prise en charge des frais de mandat, dès lors que sont seuls pris en charge les frais effectivement engagés, soit directement, soit sous forme de remboursement, soit sous forme d'avance - et ce d'autant que le cadre législatif prévu en la matière par l'article 4 sexies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 ne le permet pas. Même une retenue sur l'avance de frais de mandat n'aurait guère de sens, puisque les frais devraient tout de même in fine être pris en charge, en vertu des exigences de ce même article 4 sexies : ne pas prendre en charge des frais de mandat effectivement engagés y contreviendrait. Au surplus, compte tenu du caractère variable du montant des frais selon les sénateurs, appliquer un mécanisme proportionnel de retenue aurait pu soulever des interrogations au regard du principe d'égalité.

Par ailleurs, l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 précitée ne permet de faire porter un mécanisme automatique de retenue financière en fonction de la présence des parlementaires que sur l'indemnité de fonction 5 ( * ) , à l'exclusion par conséquent de l'indemnité parlementaire proprement dite. En 2015, le Règlement du Sénat avait pu asseoir ce mécanisme sur l'IRFM car cette indemnité avait été instaurée par le Bureau du Sénat, dans le cadre du principe d'autonomie des assemblées parlementaires, de sorte que son régime n'avait pas à être contrôlé par le Conseil constitutionnel, mais était laissé à l'entière appréciation du Sénat 6 ( * ) .

En complément de la suppression des dispositions concernant l'IRFM dans le mécanisme de retenue financière, la proposition de résolution explicite spécifiquement le principe selon lequel des absences répétées peuvent donner lieu, outre la retenue sur l'indemnité de fonction, à une sanction disciplinaire de censure, au titre d'un manquement déontologique à l'obligation d'assiduité. En effet, la réforme du Règlement du Sénat de 2015 avait prévu la possibilité pour le Bureau, de manière générale, de prononcer des sanctions de censure dans divers cas de manquement déontologique, en particulier en cas de manquement grave aux principes déontologiques définis par le Bureau. Parmi ces principes figurent, dans l'instruction générale du Bureau, l'obligation d'assiduité.

La censure est une sanction disciplinaire parlementaire traditionnelle. On distingue la censure simple et la censure avec exclusion temporaire du Sénat. Les deux formes de censure entraînent en outre la privation d'une partie de l'indemnité parlementaire et de la totalité de l'indemnité de fonction. Le Conseil constitutionnel a admis que des sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre d'un parlementaire puissent avoir une conséquence sur l'indemnité parlementaire, tant lors de l'examen des règlements des nouvelles assemblées en 1959 que lors de l'examen de la modification du Règlement du Sénat en 2015, puisqu'il n'a fait aucune observation sur ce sujet.

En matière déontologique, la censure peut entraîner, outre la privation de la totalité de l'indemnité de fonction, la privation d'une partie de l'indemnité parlementaire : le tiers pendant un mois en cas de censure simple et les deux tiers pendant au plus six mois en cas de censure avec exclusion temporaire 7 ( * ) .

Votre rapporteur précise que les retenues ainsi opérées sur l'indemnité de fonction ou sur l'indemnité parlementaire ont logiquement pour effet de réduire l'assiette des cotisations sociales et le montant du revenu imposable.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ADOPTER LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION, AVEC QUELQUES AJUSTEMENTS PONCTUELS ASSURANT LA COHÉRENCE DU RÈGLEMENT

À l'initiative de son rapporteur, votre commission des lois a adopté 19 amendements , destinés à renforcer le contrôle disciplinaire de l'absentéisme par le Bureau, à suivre l'avis du comité de déontologie parlementaire, à clarifier la proposition de résolution et à améliorer la cohérence interne du Règlement.

Ainsi, en matière d'absentéisme, votre commission a prévu, au-delà des deux premiers niveaux de retenue financière automatique, un troisième niveau, en cas d'absences importantes et répétées d'un sénateur au cours de deux trimestres de la session ordinaire, consistant en un examen automatique par le Bureau du Sénat de la situation de ce sénateur. Le Bureau pourrait, s'il l'estime nécessaire, prononcer une sanction disciplinaire de censure.

Alors que le premier niveau de sanction consiste en une retenue de la moitié de l'indemnité de fonction pendant trois mois et que le second consiste en une retenue de la totalité de cette indemnité pour la même durée, en raison de la suppression de la possibilité de retenue sur l'indemnité représentative de frais de mandat, la censure simple prononcée en matière déontologique emporterait, dans le texte adopté par votre commission, outre la privation de la totalité de l'indemnité de fonction, la privation d'un tiers de l'indemnité parlementaire pour une durée de trois mois, et la censure avec exclusion temporaire la privation des deux tiers de l'indemnité parlementaire pendant six mois. Votre commission a supprimé la possibilité pour le Bureau de moduler ces durées à la baisse.

Un tel examen disciplinaire automatique de la situation par le Bureau s'effectuerait sans préjudice de la faculté de prononcer par ailleurs une sanction disciplinaire, quelle qu'elle soit, dans une situation ne relevant que des deux niveaux de retenue financière automatique, par exemple en cas de répétition du premier niveau de sanction.

Reprenant une proposition du comité de déontologie parlementaire, votre commission a également prévu que le Bureau devait pouvoir prononcer, en matière déontologique, non seulement des censures, mais également des rappels à l'ordre, afin de traiter des manquements déontologiques mineurs. Le rappel à l'ordre et le rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal sont dépourvus d'incidence financière, mais ils seraient rendus publics, comme c'est le principe pour toute sanction disciplinaire en matière déontologique.

Reprenant une autre proposition du comité de déontologie, votre commission a prévu que les membres du Bureau ne pouvaient pas faire partie du comité.

Par ailleurs, votre commission a clarifié le régime de publicité des avis du comité, rendus à la demande du Bureau, sur une question générale ou individuelle, ou à la demande d'un sénateur, sur une question individuelle le concernant, tout en garantissant la confidentialité des informations nominatives qui y figurent. En effet, une telle publicité permettrait d'éclairer l'ensemble des sénateurs en matière déontologique sur la base d'avis rendus, notamment, sur des cas particuliers et concrets.

Votre commission a également clarifié les dispositions relatives à la faculté de déport des sénateurs, permis au Bureau d'interroger le comité de déontologie non seulement sur un possible conflit d'intérêts, mais aussi sur tout manquement déontologique d'un sénateur, renforcé le caractère contradictoire de la procédure de contrôle par le Bureau de la situation d'un sénateur en matière déontologique. Elle a procédé à diverses coordinations et clarifications rédactionnelles.

Enfin, comme le mécanisme de retenue financière pour absentéisme s'applique au cours de la seule session ordinaire, compte tenu également des délais nécessaires au Conseil constitutionnel pour contrôler la résolution, votre commission a prévu une entrée en vigueur de cette modification du Règlement du Sénat à compter de la prochaine session ordinaire, en octobre 2018.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de résolution relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. 23 bis du Règlement) - Ajustement du mécanisme de retenue financière en cas d'absences répétées à la suite de la suppression de l'indemnité représentative de frais de mandat

L'article 1 er de la proposition de résolution tend à ajuster le mécanisme de retenue financière prévue en cas d'absences répétées d'un sénateur, instauré en 2015 dans un nouvel article 23 bis du Règlement, afin de tenir compte de la suppression au 1 er janvier 2018 de l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) et de la création d'un nouveau dispositif législatif de déport en cas de conflit d'intérêts. Il procède également à une clarification rédactionnelle du deuxième niveau de retenue financière prévue à l'article 23 bis .

L'article 23 bis dispose en premier lieu que « les sénateurs s'obligent à participer de façon effective aux travaux du Sénat ». Cette exigence correspond à l'obligation d'assiduité, qui figure au chapitre XX bis de l'instruction générale du Bureau parmi les principes déontologiques applicables aux sénateurs 8 ( * ) , que l'article 3 de la proposition de résolution prévoit d'intégrer dans le Règlement lui-même, dans un nouvel article 91 bis .

Il découle de cette exigence de participation effective aux travaux du Sénat un mécanisme de retenue financière à deux niveaux en cas d'absences répétées d'un sénateur. Plusieurs cas d'absences justifiées sont prévus, de façon indépendante des cas dans lesquels un sénateur a la possibilité de déléguer son vote en commission : participation aux travaux d'une assemblée internationale, mission outre-mer ou à l'étranger au nom d'une commission permanente, maternité et longue maladie.

Le premier niveau prévoit la retenue pendant un trimestre de la moitié du montant de l'indemnité de fonction en cas d'absence, au cours d'un même trimestre de la session ordinaire, soit à plus de la moitié des votes solennels et des explications de vote qui les précèdent en séance sur des projets de loi ou des propositions de loi ou de résolution, décidés par la Conférence des présidents, soit à plus de la moitié des séances hebdomadaires de questions d'actualité au Gouvernement, soit à plus de la moitié des réunions de commission du mercredi matin comportant un ordre du jour législatif, c'est-à-dire consacrées à l'examen de projets de loi ou de propositions de loi ou de résolution. En cas d'absence à plus de la moitié de deux de ces rubriques, la retenue est toujours de la moitié de l'indemnité de fonction. Le seuil de la moitié est porté aux deux tiers pour les sénateurs élus outre-mer.

Le second niveau prévoit la retenue pendant un trimestre de la totalité du montant de l'indemnité de fonction et de la moitié du montant de l'IRFM en cas d'absence, au cours d'un même trimestre de la session ordinaire, de façon cumulative, à plus de la moitié des votes solennels, à plus de la moitié des séances de questions d'actualité et à plus de la moitié des réunions législatives des commissions le mercredi matin.

La proposition de résolution procède à cet égard à une clarification de la rédaction de ce second niveau de retenue, qui correspond à la pratique suivie en la matière depuis 2015, et procède à une coordination oubliée à l'époque, en précisant que le seuil de la moitié est porté aux deux tiers pour les sénateurs élus outre-mer.

Surtout, la proposition de résolution supprime la retenue sur la moitié du montant trimestriel de l'IRFM, puisque cette indemnité a été supprimée au 1 er janvier 2018 en application de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Le mécanisme de retenue financière pouvait s'appliquer à cette indemnité en raison de son caractère forfaitaire. Dès lors que le nouveau régime de prise en charge des frais de mandat ne porte que sur les dépenses engagées de façon effective, donnant lieu à un contrôle par le comité de déontologie parlementaire, il n'est plus possible d'appliquer une retenue.

Telles qu'elles résultent de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 précitée, les nouvelles règles de prise en charge des frais de mandat, à présent fixées par l'article 4 sexies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ne permettent pas de pérenniser le mécanisme sénatorial de retenue au-delà de la seule indemnité de fonction. Trois modalités de prise en charge des frais ont été prévues : soit une prise en charge directe, soit un remboursement sur présentation de justificatifs, soit le versement d'une avance. Reposant sur la prise en charge des frais qui ont été effectivement engagés, ce dispositif législatif ne semble pas permettre, selon votre rapporteur, un mécanisme de retenue financière en cas d'absences sur l'avance pour frais de mandat, puisque les frais engagés doivent de toute façon être pris en charge.

Par conséquent, le second niveau de retenue financière se limite à la totalité de l'indemnité de fonction, soit 1 441,95 euros au 1 er janvier 2018, alors que le premier niveau représente la moitié de cette indemnité.

Aussi la proposition de résolution prévoit-elle explicitement que, dans le cas du second niveau de retenue financière, les sanctions disciplinaires de censure prévues en cas de manquement déontologique par l'article 99 ter du Règlement sont applicables. Cette faculté de sanction disciplinaire existe déjà, depuis 2015, puisque l'article 99 ter précise que ces sanctions sont encourues par tout sénateur qui manque gravement aux principes déontologiques définis par le Bureau du Sénat, parmi lesquels figure l'obligation d'assiduité, ainsi que cela a déjà été évoqué supra . La proposition de résolution tend néanmoins à affirmer plus clairement cette faculté de sanction, à l'appréciation du Bureau, sur proposition du Président du Sénat, en cas d'absences importantes et répétées conduisant déjà à appliquer le second niveau de retenue financière.

Compte tenu de la disparition de la possibilité de retenue sur l'IRFM, votre rapporteur considère qu'il est nécessaire d'aller plus loin, en faisant de ces peines disciplinaires un réel troisième niveau de sanction, au-delà des deux niveaux de retenue financière sur l'indemnité de fonction, de façon à marquer plus clairement la gradation des niveaux de sanction en cas de manquements importants et répétés d'un sénateur à son obligation de participation aux travaux du Sénat.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement COM-3 prévoyant, au-delà des deux premiers niveaux de retenue financière automatique en cas d'absences répétées d'un sénateur au cours d'un même trimestre, un réel troisième niveau consistant, en cas d'absences importantes et répétées au cours de deux des trois trimestres de la session ordinaire, en un examen automatique par le Bureau du Sénat de la situation de ce sénateur. Le Bureau pourrait alors, s'il l'estime nécessaire, prononcer l'une des deux sanctions de censure, laquelle constitue la sanction disciplinaire la plus élevée dans le droit parlementaire.

En matière déontologique, outre la retenue de la totalité de l'indemnité de fonction, la censure simple emporte la privation pendant un mois du tiers de l'indemnité parlementaire et la censure avec exclusion temporaire emporte la privation au plus pendant six mois des deux tiers de l'indemnité parlementaire. L'article 9 de la proposition de résolution prévoit de relever le premier de ces montants au tiers de l'indemnité parlementaire pendant au plus trois mois.

En outre, alors que la proposition de résolution rappelle la faculté de prononcer une censure pour le second niveau de retenue financière seulement, votre rapporteur indique qu'en l'état du droit le Bureau peut prononcer une telle sanction pour tout manquement grave à l'obligation d'assiduité, laquelle pourrait consister, par exemple, en des absences importantes et répétées lors des réunions de commission du mercredi matin pendant toute la session ordinaire, et pas seulement lors d'un trimestre, situation qui ne conduirait pourtant qu'à l'application du premier niveau de retenue financière.

Aussi votre commission a-t-elle aussi veillé, par l'amendement précité présenté par son rapporteur, à une articulation plus claire entre le mécanisme de retenue financière et le dispositif disciplinaire en matière déontologique, en prévoyant que la retenue s'applique, tant au premier qu'au second niveau, sans préjudice de la possibilité pour le Bureau, s'il l'estime nécessaire, de prononcer une sanction disciplinaire. Cette sanction pourrait donc être une censure, mais également un rappel à l'ordre, sanction moins lourde, car votre commission, à l'article 10 de la proposition de résolution, a prévu que toutes les peines disciplinaires devaient pouvoir s'appliquer aux manquements déontologiques, c'est-à-dire le rappel à l'ordre aussi et pas seulement la censure.

Par ailleurs, la proposition de résolution tire la conséquence dans ce mécanisme de retenue financière de la mise en place, par la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 précitée, d'un dispositif de déport. Elle précise ainsi qu'un sénateur absent en commission ou en séance publique pour cause de déport est considéré comme présent au regard du mécanisme de retenue financière. Votre commission approuve ce nouveau cas d'absence justifiée, dans l'hypothèse où un sénateur ayant décidé de se déporter lors d'un débat voudrait être absent. À cet égard, l'amendement précité apporte une précision rédactionnelle.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (chapitres XVI bis [nouveau] et XVII du Règlement) - Création d'un nouveau chapitre consacré aux seules obligations déontologiques au sein du Règlement du Sénat

L'article 2 de la proposition de résolution vise à introduire au sein du Règlement du Sénat un nouveau chapitre XVI bis , consacré aux obligations déontologiques des sénateurs.

Depuis 2015, les dispositions relatives à la déontologie figurent au sein du chapitre XVII du Règlement sur la discipline, compte tenu notamment de la déclinaison des sanctions disciplinaires en cas de manquement déontologique. L'article 99 bis évoque le comité de déontologie parlementaire du Sénat, tandis que l'article 99 ter énumère les manquements déontologiques pouvant donner lieu à une sanction disciplinaire de censure.

Compte tenu du développement des dispositions déontologiques dans le Règlement auquel procède la proposition de résolution, il semble pertinent à votre rapporteur d'isoler ces dispositions dans un chapitre spécifique consacré aux obligations déontologiques. Ce chapitre regrouperait les articles 91 bis à 91 septies , créés par les articles 3 à 8 de la proposition de résolution.

La déontologie parlementaire ne doit pas être appréhendée sous le seul angle de la sanction disciplinaire qu'un manquement déontologique peut faire encourir. Globalement, la proposition de résolution contribue à une meilleure lisibilité des obligations déontologiques, incluses aujourd'hui pour l'essentiel dans l'instruction générale du Bureau.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

Article 3 (art. 91 bis [nouveau] du Règlement) - Principes déontologiques applicables aux sénateurs

L'article 3 de la proposition de résolution tend à énumérer les principes déontologiques applicables aux sénateurs. Il reprend ainsi, dans une rédaction plus synthétique, une partie des dispositions du chapitre XX bis de l'instruction générale du Bureau, au sein d'un nouvel article 91 bis du Règlement.

Ainsi, cet article précise que les sénateurs font prévaloir dans l'exercice de leur mandat, en toutes circonstances, l'intérêt général sur tout intérêt privé et veillent à rester libres de tout lien de dépendance à l'égard d'intérêts privés ou de puissances étrangères. Ces dispositions reprennent les principes d'intérêt général et d'indépendance figurant dans l'instruction générale du Bureau.

Cet article ajoute que les sénateurs exercent leur mandat avec assiduité, dignité, probité et intégrité, principes figurant aussi dans l'instruction générale.

Votre rapporteur observe que l'obligation d'assiduité figurera donc à deux endroits du Règlement du Sénat, au début de l'article 23 bis , sous la forme de l'exigence de participation effective aux travaux du Sénat, et à l'article 91 bis .

À l'issue d'un débat, à l'initiative de notre collègue Marie-Pierre de la Gontrie, votre rapporteur a présenté un amendement COM-22 , adopté par votre commission, visant à reprendre au présent article la mention du principe de laïcité figurant dans l'instruction générale du Bureau parmi les principes déontologiques applicables aux sénateurs et omise par la proposition de résolution. Les sénateurs devraient ainsi exercer leur mandat dans le respect du principe de laïcité. Votre rapporteur relève qu'un tel principe ne saurait toutefois s'entendre de façon aussi rigoureuse pour un parlementaire que pour un agent public, tenu à une obligation de neutralité. Si un tel principe emporte incontestablement l'interdiction du prosélytisme, il ne saurait empêcher pour autant nos collègues d'exprimer des opinions religieuses.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (art. 91 ter [nouveau] du Règlement) - Prévention des conflits d'intérêts et déport résultant d'un conflit d'intérêts

L'article 4 de la proposition de résolution tend à introduire dans le Règlement l'obligation pour tout sénateur de prévenir ou de faire cesser toute situation de conflit d'intérêts dans laquelle il se trouve ou pourrait se trouver, conformément à l'article 4 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée, tel qu'il résulte de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 précitée, qui exige que « chaque assemblée (...) détermine des règles destinées à prévenir et à faire cesser les conflits d'intérêts entre un intérêt public et des intérêts privés dans lesquels peuvent se trouver des parlementaires ». Il crée à cette fin un nouvel article 91 ter dans le Règlement.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-4 de nature rédactionnelle visant à clarifier la définition du conflit d'intérêts pour les parlementaires, laquelle ne concerne qu'un conflit entre un intérêt public et des intérêts privés. Votre commission estime en effet qu'aucun conflit d'intérêts ne peut exister entre plusieurs intérêts publics, en particulier entre un intérêt public national et un intérêt public local, et se félicite que cette position constante ait été reprise par le législateur en 2017.

L'article 4 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée, tel qu'il résulte de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 précitée, prévoit également la mise en place, au sein de chaque assemblée, d'un « registre public recensant les cas dans lesquels un parlementaire a estimé devoir ne pas participer aux travaux du Parlement en raison d'une situation de conflit d'intérêts », autrement dit un registre des déports. La proposition de résolution reprend la définition du déport telle qu'elle résulte de la loi.

Toutefois, dans un souci de clarification là encore, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a adopté un amendement COM-5 tendant à reprendre les termes de la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017 sur la loi pour la confiance dans la vie politique, laquelle a défini plus précisément les modalités du déport. Il s'agit de la situation dans laquelle un parlementaire, en raison d'un conflit d'intérêts, estime devoir « ne pas participer, en commission ou en séance publique, aux délibérations ou aux votes » de l'assemblée à laquelle il appartient. La mention des travaux en commission ou en séance effectuée par le Conseil omet toutefois les hypothèses de déport dans d'autres cadres, par exemple lors des travaux d'une délégation ou lors des délibérations du Bureau, de sorte que votre commission n'a pas jugé pertinent d'énumérer la nature des travaux pouvant donner lieu à un déport, se limitant à la mention des délibérations et des votes lors de certains travaux.

Ainsi, le déport peut prendre plusieurs formes : soit l'absence pure et simple lors des débats, soit l'absence de prise de parole lors des débats, soit seulement l'absence de vote lors des débats. Dans l'hypothèse d'une présence lors des débats, le sénateur peut, en outre, effectuer une déclaration orale d'intérêts, de façon à informer ses collègues, cette faculté étant maintenue par l'article 5 de la proposition de résolution.

Votre rapporteur tient à ajouter que l'exigence de déport relève de la libre appréciation de chacun de nos collègues, en conscience, et ne concerne que le cas où un intérêt privé pourrait le placer en situation de conflit d'intérêts. Le déport ne doit pas être interprété comme conduisant à un contrôle extérieur du comportement de chaque sénateur ou interdisant de participer aux travaux sur un sujet dont on est familier, par exemple en raison de sa profession. Aucune mauvaise compréhension ne doit subsister quant à la portée du déport.

Votre rapporteur tient aussi à ajouter que, en vertu de la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017 sur la loi pour la confiance dans la vie politique, l'exigence de déport n'a « ni pour objet ni pour effet de contraindre un parlementaire à ne pas participer aux travaux du Parlement ».

En lien avec le déport, la proposition de résolution intègre au sein du Règlement une disposition figurant dans le guide de bonnes pratiques établi par le Bureau en matière déontologique et annexé à l'instruction générale du Bureau. Il s'agit de l'obligation pour tout sénateur de s'abstenir de solliciter ou d'accepter dans le cadre des travaux du Sénat des fonctions susceptibles de le placer en situation de conflit d'intérêts. Sont spécialement visées les fonctions de rapporteur d'un projet ou d'une proposition de loi. Cet ajout est cohérent, au sein d'un article traitant de la prévention des conflits d'intérêts et du déport.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (art. 91 quater [nouveau] du Règlement) - Déclaration orale d'intérêts

L'article 5 de la proposition de résolution tend à introduire dans le Règlement, dans un nouvel article 91 quater , le mécanisme de la déclaration orale d'intérêts, figurant aujourd'hui dans le guide de bonnes pratiques annexé à l'instruction générale du Bureau.

Cette bonne pratique consiste, pour un sénateur qui estime qu'il détient un intérêt présentant un lien avec les travaux du Sénat auxquels il participe, sans pour autant être dans une situation de conflit d'intérêts, à informer ses collègues oralement de cet intérêt. Cette déclaration est mentionnée au compte rendu. Votre commission approuve le maintien de ce mécanisme, qui permet d'offrir à nos collègues, outre le déport, une diversité d'outils déontologiques dans le cadre des travaux parlementaires.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

Article 6 (art. 91 quinquies [nouveau] du Règlement) - Obligation de déclarer au Bureau du Sénat les invitations, cadeaux, dons et avantages en nature

L'article 6 de la proposition de résolution vise à introduire dans le Règlement l'obligation pour les sénateurs de déclarer au Bureau du Sénat les invitations à des déplacements financés par des organismes extérieurs au Sénat qu'ils ont acceptées, ainsi que les cadeaux, dons et avantages en nature qu'ils ont reçus, lorsque leur valeur est supérieure à un montant fixé par le Bureau. Il crée à cette fin un nouvel article 91 quinquies dans le Règlement. Il reprend sans modification majeure une partie du chapitre XX bis de l'instruction générale du Bureau.

Votre rapporteur rappelle qu'une obligation de déclaration n'est pas une interdiction, mais simplement une règle permettant au Bureau du Sénat de s'assurer de l'absence de manquement déontologique. C'est aussi une règle de transparence pour nos concitoyens : la liste des invitations, cadeaux, dons et autres avantages fait ainsi l'objet d'une publication. Aujourd'hui, seule la liste des invitations est publiée, sur le site internet du Sénat 9 ( * ) .

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté trois amendements COM-6 , COM-7 et COM-9 de précision rédactionnelle. Il s'agit notamment de préciser dès le début du nouvel article que les déclarations sont adressées au Bureau du Sénat, dans un souci de lisibilité, et de renvoyer à l'instruction générale du Bureau le soin de préciser les modalités pratiques de ces déclarations, en particulier les délais. Le Bureau doit déjà définir le montant de la valeur des invitations et autres avantages en-deçà duquel la déclaration n'est pas obligatoire. Ce montant est actuellement fixé à 150 euros.

En cas de doute sur la valeur d'une invitation ou d'un cadeau, il est possible de saisir le comité de déontologie parlementaire. Il est aussi possible d'adresser en tout état de cause une déclaration au Bureau quelle que soit la valeur réelle ou supposée d'une invitation ou d'un cadeau, comme le comité y incite nos collègues dans son avis sur la proposition de résolution, « dans un souci de transparence ». Nos collègues doivent pouvoir, s'ils le souhaitent, tout déclarer au Bureau.

Par ailleurs, la proposition de résolution précise, comme l'instruction générale du Bureau, que ne sont pas soumis à cette obligation déclarative « les cadeaux d'usage et les déplacements effectués à l'invitation des autorités étatiques françaises ou dans le cadre d'un mandat électif, ou les invitations à des manifestations culturelles ou sportives en métropole ou, pour les sénateurs élus outre-mer, dans leur circonscription d'élection », de même évidemment que les invitations et cadeaux d'une valeur inférieure au montant de 150 euros fixé par le Bureau. Les cadeaux d'usage peuvent donc valoir plus de 150 euros. En cas de doute sur la notion de cadeau d'usage, il est possible de saisir le comité de déontologie parlementaire.

Dans son avis sur la proposition de résolution, le comité de déontologie a suggéré la suppression de l'exception à l'obligation déclarative concernant les invitations à des manifestations culturelles ou sportives, dont la justification ne lui semble pas assurée. Lors des auditions de votre rapporteur, cette exception a été discutée à plusieurs reprises. La question de l'égalité de traitement entre un sénateur de métropole et un sénateur d'outre-mer a également été soulevée : en l'état de la rédaction, un sénateur du Nord pourrait être dispensé de déclaration s'il était invité à une manifestation culturelle dans les Alpes-Maritimes, tandis qu'un sénateur de Guadeloupe devrait déclarer qu'il accepte une invitation en Martinique...

Approuvant l'analyse du comité de déontologie, votre rapporteur a présenté un amendement COM-8 de suppression en ce sens, estimant que cette exception à une simple obligation déclarative ne semble pas justifiée et porte atteinte à la cohérence d'ensemble du dispositif déontologique. En outre, une telle exception n'existe pas dans le code de déontologie des députés. Toutefois, à l'issue d'un large débat faisant apparaître les contraintes supplémentaires qui pourraient en résulter pour nos collègues, votre rapporteur a préféré retirer cet amendement, au profit d'une réflexion ultérieure sur l'adéquation de la charge que représentent ces obligations déclaratives avec l'objectif recherché.

Votre rapporteur tient à rappeler que la suppression de cette exception n'aurait pas conduit à instaurer une interdiction d'accepter des invitations à des manifestations culturelles et sportives, mais simplement une obligation de déclaration au Bureau, lui permettant d'apprécier, s'il y a lieu, avec l'aide du comité de déontologie, toute difficulté déontologique pouvant résulter d'une invitation par un organisme extérieur. En outre, les invitations dans le cadre d'un autre mandat électif n'ont pas à être déclarées au Bureau du Sénat.

Par ailleurs, votre rapporteur relève que le code de conduite applicable aux représentants d'intérêts au Sénat 10 ( * ) , tel qu'il a été adopté par le Bureau en 2017, dispose dans son article 10 que « les représentants d'intérêts s'abstiennent de proposer ou de remettre aux personnes avec lesquelles ils entrent en contact au Sénat des présents, dons ou avantages quelconques d'une valeur excédant un montant de 150 euros ». Les dispositions de ce code de conduite sont cohérentes avec celles qui figurent à ce jour dans l'instruction générale du Bureau.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (art. 91 sexies [nouveau] du Règlement) - Mission et composition du comité de déontologie parlementaire

L'article 7 de la proposition de résolution consolide dans le Règlement, au sein d'un nouvel article 91 sexies , la mission et la composition du comité de déontologie parlementaire du Sénat. Il ne comporte aucune nouveauté.

Depuis 2015, l'existence du comité est mentionnée à l'article 99 bis du Règlement, qui évoque également sa mission : « assiste[r] le Président et le Bureau du Sénat dans la prévention et le traitement des conflits d'intérêts des sénateurs ainsi que sur toute question d'éthique concernant les conditions d'exercice du mandat des sénateurs et le fonctionnement du Sénat ». Cette disposition est reprise, dans une rédaction quasiment identique, la mention de l'éthique étant remplacée par celle de la déontologie.

Les règles de composition du comité sont reprises du chapitre XX ter de l'instruction générale du Bureau. Tous les membres du comité sont désignés par le Président du Sénat, qui consulte les groupes en pratique. Le comité est présidé par un sénateur du groupe ayant l'effectif le plus important en dehors de ceux qui se sont déclarés comme groupe d'opposition ou groupe minoritaire. Il comprend en outre un sénateur par groupe politique. Le sénateur du groupe d'opposition ayant l'effectif le plus important exerce les fonctions de vice-président du comité. Votre commission a adopté à l'initiative de son rapporteur un amendement COM-10 de clarification rédactionnelle de la composition du comité.

Compte tenu à la fois du rôle du comité auprès du Bureau du Sénat et du pouvoir disciplinaire que le Bureau peut exercer sur la base des avis rendus par le comité, celui-ci, dans son avis sur la proposition de résolution, a suggéré de prévoir une incompatibilité entre les fonctions de membre du comité et celles de membre du Bureau. Approuvant cette recommandation, votre commission a adopté un amendement COM-11 présenté par son rapporteur précisant que les membres du Bureau du Sénat ne peuvent faire partie du comité.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

Article 8 (art. 91 septies [nouveau] du Règlement) - Procédures de saisine du comité de déontologie parlementaire par le Bureau du Sénat ou par tout sénateur et publicité des avis du comité

L'article 8 de la proposition de résolution précise les conditions dans lesquelles le comité de déontologie parlementaire peut être saisi par le Bureau ou le Président du Sénat d'une demande d'avis à caractère général ou bien de la situation particulière d'un sénateur pouvant constituer un conflit d'intérêts. Il ajoute que tout sénateur peut demander un conseil au comité. Il crée à cette fin un nouvel article 91 septies dans le Règlement du Sénat. Tout en reprenant, pour l'essentiel, une partie du chapitre XX ter ainsi que le chapitre XX quinquies de l'instruction générale du Bureau, il fait ainsi application de l'article 4 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée, tel qu'il résulte de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 précitée.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté plusieurs amendements sur ces dispositions importantes de la proposition de résolution, car elles constituent le coeur du contrôle déontologique du Bureau du Sénat sur les sénateurs, pouvant conduire à des sanctions disciplinaires.

Conformément aux recommandations formulées par le comité de déontologie dans son avis sur la proposition de résolution, votre commission a adopté un premier amendement COM-12 visant à clarifier et unifier le régime de publicité des avis et conseils du comité, rendus à la demande du Bureau sur une question générale ou sur une question individuelle ou à la demande d'un sénateur sur une question individuelle le concernant, tout en garantissant la confidentialité des informations nominatives qui y figurent. En effet, une telle publicité plus large permettrait d'éclairer l'ensemble des sénateurs en matière déontologique sur la base d'avis rendus, notamment, sur des cas particuliers et concrets.

Ainsi, sauf décision contraire du Bureau, le comité devrait assurer lui-même la publication de ses avis généraux ou individuels. Il pourrait en outre faire état des conseils donnés à leur demande à des sénateurs. Dans les deux cas, les modalités de publication devraient exclure le risque d'identification des personnes concernées.

Reprenant aussi une proposition formulée par le comité dans son avis sur la proposition de résolution, votre commission a adopté un amendement COM-13 visant à permettre au Bureau ou au Président du Sénat de saisir le comité de déontologie non seulement de la situation d'un sénateur pouvant soulever une difficulté en matière de conflit d'intérêts, mais également de toute question déontologique concernant un sénateur, de façon plus large. Une telle modification appelle quelques ajustements rédactionnels dans le texte.

Lorsque le Bureau saisit le comité de la situation d'un sénateur, il peut s'agir pour le comité d'examiner la déclaration d'intérêts et d'activités ou bien une déclaration d'invitation ou de cadeau, don ou avantage de ce sénateur, afin d'apprécier si une telle déclaration révèle une situation de conflit d'intérêts ou un manquement déontologique. Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-14 de clarification rédactionnelle de cette disposition, consistant à préciser simplement que le Bureau peut transmettre au comité les différentes déclarations que les sénateurs sont tenus d'adresser au Bureau, c'est-à-dire la déclaration d'intérêts et d'activités et les déclarations d'invitations et de cadeaux, dons ou avantages. Ces déclarations sont en effet nécessaires au comité pour pouvoir procéder à son examen.

En outre, reprenant là encore l'avis du comité sur la proposition de résolution, votre commission a adopté un amendement COM-15 tendant à affirmer plus clairement, par cohérence avec les dispositions déjà prévues en matière de sanction disciplinaire, le caractère contradictoire de la procédure pouvant conduire le Bureau à prononcer une sanction disciplinaire en cas de manquement déontologique, dans l'hypothèse où il a demandé au comité de déontologie d'examiner la situation d'un sénateur. Le Bureau serait ainsi tenu d'entendre le sénateur concerné ou un de ses collègues qu'il aurait désigné pour le représenter.

Enfin, votre commission a adopté un amendement COM-16 visant à supprimer, dans un souci de clarification, une disposition pouvant soulever des difficultés d'interprétation, selon laquelle le Bureau, après avoir demandé un avis au comité sur la situation d'un sénateur, peut rendre public cet avis et, le cas échéant, les sanctions disciplinaires qu'il pourrait prononcer par la suite. La question de la publicité de l'avis du comité est traitée supra . Le principe de la publicité des sanctions disciplinaires prononcées en cas de manquement déontologique étant déjà prévu à l'article 99 ter du Règlement, il n'y a pas lieu de prévoir ici une règle différente de publicité facultative. En outre, il convient de rappeler que le Bureau, en vertu du même article 99 ter , a la possibilité de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre d'un sénateur qui n'a pas respecté une décision du Bureau lui demandant de faire cesser une situation de conflit d'intérêts ou de prendre les mesures recommandées par le comité de déontologie, de sorte qu'il n'est donc pas nécessaire de rappeler ici cette faculté, qui plus est de façon implicite.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 9 (art. 94, 99 [abrogé], 99 bis [abrogé] et 99 ter du Règlement) - Actualisation des sanctions disciplinaires en cas de manquement déontologique

L'article 9 de la proposition de résolution tend à modifier l'article 99 ter du Règlement, qui traite des sanctions disciplinaires applicables dans divers cas de manquement déontologique des sénateurs. Cet article a été introduit en 2015. En outre, la proposition de résolution abroge par coordination les articles 99 et 99 bis du Règlement, dont les dispositions sont reprises respectivement par les articles 99 ter et 91 sexies .

En premier lieu, votre commission a adopté un amendement COM-17 présenté par son rapporteur visant à assurer une coordination à l'article 94 du Règlement.

Ainsi, l'article 99 ter ainsi modifié énumère une série de manquements déontologiques, en prévoyant qu'ils sont passibles de la censure simple ou de la censure avec exclusion temporaire :

- un manquement grave aux principes déontologiques définis par les articles 23 bis et 91 bis du Règlement, visant notamment l'obligation d'assiduité à deux reprises ;

- le fait d'user de son titre de sénateur pour d'autres motifs que pour l'exercice de son mandat, reprenant le contenu de l'article 99 ;

- le fait d'omettre sciemment de transmettre au Bureau une déclaration obligatoire d'invitation ou de cadeau, don ou avantage ;

- le fait de ne pas respecter une décision du Bureau demandant soit de faire cesser sans délai une situation de conflit d'intérêts soit de prendre les mesures recommandées par le comité de déontologie parlementaire, dans le prolongement des dispositions de l'article 8 de la proposition de résolution ;

- le fait de percevoir une rémunération publique, une gratification ou une indemnité en méconnaissance des règles prévues à l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement et à l'article L.O. 145 du code électoral.

Conformément à une suggestion formulée par le comité de déontologie parlementaire dans son avis sur la proposition de résolution, votre commission a adopté un amendement COM-18 de son rapporteur visant à permettre au Bureau de prononcer, en matière déontologique, les sanctions de rappel à l'ordre et de rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal, et pas seulement les sanctions plus lourdes de censure et de censure avec exclusion temporaire, comportant des conséquences financières. Ainsi, les quatre peines disciplinaires prévues par le Règlement pourraient être prononcées en matière déontologique. Le rappel à l'ordre permettrait de pouvoir mieux traiter des manquements déontologiques mineurs en y apportant une réponse proportionnée. En tout état de cause, ces sanctions plus légères ne devraient pas trouver à s'appliquer en cas d'absences importantes et répétées d'un sénateur en commission ou en séance, compte tenu du mécanisme de retenue financière déjà prévu en la matière. Ce même amendement procède également à des coordinations.

Si votre rapporteur considère que le rappel à l'ordre est une sanction adaptée avant tout à la séance publique, pour des sénateurs perturbant l'ordre normal des débats dans l'hémicycle, il reconnaît néanmoins qu'il peut être utile au Bureau de disposer d'une sanction moins lourde que la censure, dépourvue de conséquence financière.

En tout état de cause, votre rapporteur rappelle le principe selon lequel toute sanction disciplinaire prononcée en matière déontologique par le Bureau est rendue publique, ce qui constitue en soi une aggravation de la sanction. Prononcée à l'issue d'une procédure contradictoire, permettant à l'intéressé ou à l'un de ses collègues en son nom d'être entendu par le Bureau, la sanction doit être motivée et proportionnée. Par dérogation aux règles ordinaires en matière disciplinaire, la sanction est prononcée par le Bureau et non par le président de séance (rappel à l'ordre) ou le Sénat lui-même (censure).

Votre commission a également adopté un amendement COM-19 de coordination présenté par son rapporteur concernant le manquement grave aux principes déontologiques. En effet, dès lors que l'obligation d'assiduité est évoquée à l'article 91 bis , il n'y a pas lieu d'évoquer également de façon générale l'article 23 bis , lequel prévoit, parmi de nombreuses dispositions, l'obligation similaire de participation effective aux travaux du Sénat. Au demeurant, les dispositions ajoutées par votre commission à l'article 23 bis , à l'article 1 er de la proposition de résolution, indiquent bien que la retenue financière s'applique sans préjudice des sanctions disciplinaires prévues à l'article 99 ter .

Enfin, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-20 visant à supprimer la possibilité de moduler à la baisse la durée de la privation d'une partie de l'indemnité parlementaire, s'ajoutant à la privation de la totalité de l'indemnité de fonction, dans les cas de sanction de censure pour manquement déontologique, notamment en cas de manquement à l'obligation d'assiduité, prononcée par le Bureau du Sénat.

La censure simple emporterait donc la privation du tiers de l'indemnité parlementaire pendant trois mois - et non « au plus » pendant trois mois - et la censure avec exclusion temporaire la privation pendant six mois des deux tiers de l'indemnité parlementaire - et non « au plus » pendant six mois. Au surplus, s'agissant d'un manquement à l'obligation d'assiduité, ces durées trimestrielles seraient cohérentes avec la périodicité trimestrielle utilisée dans le mécanisme automatique de retenue financière en cas d'absences répétées. De plus, si ce mécanisme automatique ne peut plus conduire à des retenues aussi importantes qu'auparavant, du fait de la suppression de l'indemnité représentative de frais de mandat, il est nécessaire que les sanctions disciplinaires applicables en la matière soient suffisamment importantes.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

Article 10 - Entrée en vigueur de la résolution

L'article 10 de la proposition de résolution prévoit que son entrée en vigueur interviendra le premier jour du deuxième mois suivant son adoption.

Or, compte tenu de la date d'examen de ce texte en séance et des délais de son contrôle par le Conseil constitutionnel, l'entrée en vigueur interviendrait sans doute à la fin du mois d'août ou au début du mois de septembre, quelques semaines seulement avant l'ouverture de la session ordinaire 2018-2019. Votre rapporteur rappelle que le mécanisme de retenue financière, actualisé par la proposition de résolution, s'applique au cours des sessions ordinaires.

Dans ces conditions, dans un objectif de plus grande simplicité dans la mise en oeuvre de la résolution, sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-21 visant à ajuster l'application dans le temps de la résolution, en prévoyant une entrée en vigueur à compter de l'ouverture de la prochaine session ordinaire, en octobre 2018.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de résolution relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 30 MAI 2018

M. Philippe Bas , rapporteur . - Depuis plusieurs années, l'absentéisme est sanctionné de manière très sévère au Sénat, de manière plus sévère d'ailleurs qu'à l'Assemblée nationale. La sanction est entièrement automatique : quand un sénateur n'assiste pas à plus de la moitié des séances de questions d'actualité au Gouvernement ou à plus de la moitié des votes solennels, y compris les explications de vote, ou à plus de la moitié des réunions de commission du mercredi matin avec un ordre du jour législatif au cours d'un trimestre de la session ordinaire, un prélèvement est automatiquement opéré sur son indemnité de fonction au cours du trimestre suivant.

L'indemnité de fonction est une partie de l'indemnité parlementaire, la partie minoritaire. Si, au cours d'un trimestre, le parlementaire est absent à plus de la moitié des séances de questions d'actualité au Gouvernement, plus de la moitié des votes solennels et plus de la moitié des réunions de commission du mercredi matin avec un ordre du jour législatif, de façon cumulative, la retenue financière est égale à la totalité de l'indemnité de fonction et, jusqu'au 1 er janvier dernier, un prélèvement automatique était également opéré sur l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). La nature de cette indemnité était hybride : d'un côté, l'instruction générale du Bureau rappelait que son usage devait être strictement consacré à la couverture des dépenses liées au mandat, dont les principales catégories étaient énoncées avec précision ; de l'autre, cette indemnité libre d'emploi était assujettie à des prélèvements sociaux, à l'instar de n'importe quel revenu de nos concitoyens. Ce caractère hybride, justifié par des dépenses de frais de mandat, mais traité par ailleurs, sur le plan des prélèvements sociaux, à certains égards comme un revenu, faisait qu'un prélèvement sur ce revenu pouvait être considéré comme une sanction, une sanction automatique.

Parallèlement, notre Règlement prévoit la possibilité de prononcer des sanctions disciplinaires en cas de manquement à la déontologie, sans que cela ait été explicité dans le détail. L'absentéisme était considéré comme une faute déontologique si bien que, en cas de manquement encore plus grave à nos obligations de présence, il n'était pas impossible que le Bureau décidât de sanctions disciplinaires : une procédure contradictoire permet alors à la personne de justifier les raisons du comportement réputé fautif et, éventuellement, de s'exonérer de sa responsabilité. Cela implique aussi que la sanction n'est pas automatique : elle suppose une décision motivée prise par le Bureau du Sénat, sur proposition du Président.

Le régime de la sanction automatique, incluant l'IRFM, a paru suffisant pour que le recours à la procédure disciplinaire ne soit pas envisagé comme le mode de régulation normal de la présence dans les différentes séances de travail.

Depuis la loi pour la confiance dans la vie politique, que le Parlement a adoptée l'an dernier, notamment pour réformer le régime de prise en charge des frais de mandat en supprimant l'IRFM au 1 er janvier 2018 et en prévoyant la possibilité d'une avance de frais de mandat, le régime de la sanction de l'absentéisme ne vaut plus pour la partie concernant le prélèvement sur l'IRFM. Il faut donc inventer un nouveau dispositif pour que cette loi, qui crée pour les parlementaires des contraintes nouvelles, n'implique pas, paradoxalement, un relâchement des possibilités de sanction de l'absentéisme.

On aurait pu envisager un prélèvement automatique sur l'avance de frais de mandat, mais il est immédiatement apparu que cette hypothèse ne pouvait pas prospérer. À la différence de l'indemnité de frais de mandat, l'avance pour frais de mandat n'est en aucun cas assimilable à un revenu et ne peut pas faire l'objet de prélèvements sociaux. Le sénateur sanctionné ne bénéficierait plus alors du régime d'avance, mais il bénéficierait toujours du régime de remboursement de ses frais de mandat sur justificatifs, si bien que la sanction porterait sur les modalités de prise en charge des frais de mandat et ne serait pas en réalité une sanction pécuniaire.

Aussi, nous prévoyons le maintien du système de prélèvement automatique sur l'indemnité de fonction et l'engagement automatique d'une procédure disciplinaire quand l'absentéisme est plus élevé que celui qui justifie le prélèvement sur l'indemnité de fonction. Cette sanction disciplinaire, avec toutes les garanties que recouvrent la procédure contradictoire et la motivation de la décision, conduirait à opérer un prélèvement sur l'indemnité parlementaire elle-même. Ce prélèvement est déjà possible en cas de sanction disciplinaire, mais il n'était pas expressément inscrit dans le dispositif de lutte et de prévention de l'absentéisme. Ce prélèvement sur le revenu du parlementaire sera d'ailleurs potentiellement supérieur au prélèvement qui pouvait avoir lieu sur l'indemnité de frais de mandat.

Telle est l'économie générale du dispositif proposé. Après son examen par le Bureau et son dépôt, ce texte a fait l'objet d'un avis très circonstancié de la part du comité de déontologie parlementaire du Sénat, présidé par notre collègue François Pillet et composé d'un représentant de chaque groupe parlementaire. Cet avis, que j'ai tenu à adresser à tous les membres de la commission, comportait un certain nombre de propositions que j'ai reprises dans les amendements qui vous seront présentés ultérieurement.

La proposition de résolution intègre également des dispositions déontologiques qui étaient déjà prévues par l'instruction générale du Bureau, mais qui ne figuraient pas dans le règlement. La loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique exige que celles-ci soient désormais inscrites dans le règlement de notre assemblée.

Telles sont les observations préliminaires que je souhaitais formuler.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Le président du comité de déontologie siégeant parmi nous, nous allons pouvoir être éclairés sur de nombreux points. Ce texte résulte d'une obligation de transposition, en quelque sorte, de la loi sur la moralisation de la vie politique. M. Bas a parfaitement détaillé les modalités nécessaires.

Concernant la déontologie et la prévention des conflits d'intérêts, je m'interroge sur le fait que ne soit pas repris le principe de laïcité dans la liste des principes déontologiques que doivent respecter les sénateurs, à l'inverse notamment des principes d'assiduité, de dignité et de probité, car il figure dans l'instruction générale du Bureau.

Pour ce qui est des obligations déclaratives, est mis en place un système extrêmement subtil - peut-être trop ! - concernant les invitations aux manifestations culturelles et sportives modulo le fait que vous soyez élu outre-mer ou pas - vous avez d'ailleurs déposé un amendement sur ce sujet. Le comité de déontologie - je rappelle que l'avis a été adopté à l'unanimité - avait soulevé cette question : y a-t-il matière à exclure les invitations à des manifestations sportives ou culturelles ? Faut-il faire un distinguo selon que l'invitant est une personne privée ou publique ? Il faut aussi régler le problème de disparité entre les métropolitains et les ultramarins.

Sur le statut de membre du comité de déontologie, vous avez veillé à ce qu'il n'y ait pas de cumul de fonctions entre les membres du comité et les membres du Bureau, les uns devant examiner les propositions de l'autre. J'y souscris.

Quid de la capacité d'autosaisine du comité ? Quid de la publicité de ses avis ? Il serait intéressant que nous ayons des exemples anonymisés de ce qui est possible ou pas.

Enfin, vous êtes sans doute vous aussi invités dans des restaurants de haute renommée ou au restaurant du Sénat par des cabinets privés pour participer à des rencontres. Personnellement, je vérifie si ces personnes figurent sur la liste des représentants d'intérêts, mais je ne suis pas sûre que ce soit toujours le cas. Aussi, nous pourrions utilement demander que les invitations mentionnent que ces personnes figurent bien sur cette liste. Ce ne serait pas une mesure drastique. Des affaires secouent régulièrement l'opinion publique, telle l'affaire du glyphosate. Veillons à ne pas laisser s'installer une petite musique d'antiparlementarisme.

Quoi qu'il en soit, le groupe socialiste et républicain est favorable à ce texte et fera éventuellement quelques modestes propositions.

M. François Pillet , président . - Le comité de déontologie publiera vraisemblablement à la fin de l'été un guide spécifiquement et uniquement dédié à toutes les règles déontologiques des sénateurs, y compris les incompatibilités. Celui-ci reprendra la jurisprudence anonymisée des questions qui nous sont régulièrement posées. En outre, le comité a également prévu de réexaminer l'ensemble de notre dispositif déontologique l'année prochaine, pour voir s'il y a lieu de l'ajuster.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je demanderai une précision et formulerai deux remarques, voire deux propositions.

S'agissant des sanctions, il n'y a donc pas de changement par rapport à la situation antérieure, hormis la ponction qui ne se fait plus sur l'IRFM... pour la bonne raison qu'elle n'existe plus ! Il s'agit maintenant, sans contestation possible, d'une avance pour frais de mandat, ce qui empêche cette ponction. J'aimerais avoir la confirmation, car d'autres collègues de mon groupe n'ont pas compris la même chose que moi.

Parmi les absences qui ne donnent pas lieu à sanction, il serait de bon goût de prévoir les absences dues à des stages recommandés par le Sénat dans des entreprises, l'armée, la gendarmerie, etc.

Enfin, tous les groupes politiques sont certes représentés au sein du comité de déontologie, mais ne pourrait-on pas prévoir d'en confier la présidence et la vice-présidence aux sénateurs membres respectivement du groupe majoritaire et du groupe minoritaire à l'effectif le moins important, plutôt qu'aux deux groupes les plus importants ?

M. Loïc Hervé . - Dispose-t-on de chiffres anonymisés sur la fréquence de la mise en oeuvre du dispositif relatif à l'absentéisme et le nombre de recours ?

Mme Josiane Costes . - Le groupe RDSE se félicite de ce texte et y est tout à fait favorable. Nous attachons une importance particulière aux questions liées aux conflits d'intérêts. Nous veillons à prévenir et faire cesser les conflits d'intérêts des hauts-fonctionnaires, mais il importe aussi de considérer les conflits d'intérêts qui pourraient concerner les sénateurs. Il faut être très pointilleux sur ce point.

M. François Pillet , président . - Certains amendements répondent déjà partiellement à plusieurs de vos suggestions.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je remercie tous les collègues qui soutiennent les évolutions nécessaires de notre Règlement, afin que nous ne donnions pas le sentiment injustifié de diminuer la contrainte pesant sur l'obligation de présence.

Mme de la Gontrie, qui a souligné l'état d'esprit très positif du groupe socialiste et républicain, a notamment relevé la question de la mention de la laïcité parmi les obligations déontologiques. Je souscris pleinement à cette observation, car cette obligation figure déjà dans l'instruction générale du Bureau parmi les autres obligations déontologiques : elle suppose que, dans notre expression publique au Sénat, nous ne fassions pas preuve de prosélytisme, ce qui me semble aller de soi et se rattache à une forme de neutralité attendue de chacun, sans qu'elle vienne entraver les convictions personnelles des uns et des autres. Dès lors que nous reversons dans le Règlement le contenu de l'instruction générale du Bureau sur un certain nombre de points, je ne vois pas pourquoi la laïcité disparaîtrait. Il faut éviter toute mauvaise interprétation.

Je n'ai pas pris l'initiative de déposer un amendement sur ce point, mais je suis prêt à vous le proposer, parce que cela ne change rien aux règles actuellement applicables. Dans notre société, la laïcité est souvent attaquée. Je ne voudrais pas que l'on nous reproche d'avoir fait subrepticement disparaître notre obligation de laïcité. C'est donc une bonne suggestion, et je proposerai que l'on intègre au texte de la commission cette obligation de laïcité. Je vous demande, en conséquence, de me donner mandat de le rajouter.

M. François Pillet , président . - Sur ce point, il est donné mandat à notre rapporteur d'agir en ce sens.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Il serait élégant de votre part de me permettre de cosigner cet amendement.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je n'ai pas manqué de vous attribuer la maternité de cette recommandation et je ne manquerai pas de le faire savoir...

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je note cet amendement oral.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Cher Pierre-Yves Collombat, je suis très perplexe à l'idée d'ajouter de nouveaux motifs légitimes d'absence. Beaucoup de motifs d'absences possibles seraient de nature à perturber le travail de fond que nous devons réaliser en tant que législateurs. Les motifs d'absence existent déjà ; ils doivent être véritablement liés à une mission s'exerçant dans le cadre des travaux sénatoriaux. Il faut rester suffisamment restrictif. Aujourd'hui, sont prévus comme motifs d'absence les travaux d'une assemblée internationale en vertu d'une désignation faite par le Sénat ou la participation à une mission outre-mer ou à l'étranger au nom de la commission permanente dont le sénateur est membre. Le sénateur est alors réputé présent en séance ou en commission. Il n'y a pas non plus de retenue financière lorsque l'absence résulte d'une maternité ou d'une longue maladie.

M. Pierre-Yves Collombat . - J'évoquais un cas précis : nous recevons de la présidence du Sénat, relayée par la présidence de la commission, un certain nombre de propositions de stages au sein des forces armées, de la gendarmerie, etc. Je suppose que la présidence du Sénat nous transmet ces propositions parce qu'elle estime qu'elles présentent un intérêt pour le Sénat en général. Sinon pourquoi le fait-elle ? Il faut peut-être trouver une formule qui ne laisse pas à penser que tout est possible.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je rappelle qu'il est possible de s'absenter sans que cela donne lieu à sanction : un sénateur est sanctionné en cas d'absences trop nombreuses au cours d'un même trimestre de la session ordinaire. Dès lors, on devrait parvenir à organiser nos emplois du temps de telle sorte qu'une telle situation ne se produise pas trop souvent.

La question de la répartition de la présidence et de la vice-présidence du comité de déontologie a été récemment tranchée. Il n'existe pas de solution idéale ; celle que vous proposez n'est pas sans intérêt, mais ne revenons pas sur ce point dans le cadre de ce texte.

M. Hervé nous a demandé des chiffres concernant les sanctions. Je ne les connais pas, car les sanctions ne sont pas rendues publiques, pour ne pas ajouter à une sanction déjà dissuasive une forme de malédiction médiatique qui s'abattrait sur le sénateur sanctionné.

M. Pierre-Yves Collombat . - On pourrait avoir des statistiques...

M. Philippe Bas , rapporteur . - Les sanctions sont des retenues financières ; ce n'est en aucun cas la mise au pilori sur la place de Grève. C'est différent pour ce qui concerne les sanctions disciplinaires, si bien que le nouveau dispositif ici proposé donne lieu à publicité, comme toute sanction disciplinaire en matière déontologique.

Enfin, je remercie Mme Costes de son intervention : elle souligne à quel point il est nécessaire que nous soyons irréprochables au regard des règles qui nous sont imposées.

Mme Josiane Costes . - Tout à fait.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - La mention de l'inscription des auteurs d'invitations sur le registre des représentants d'intérêts est-elle, selon vous, totalement saugrenue ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Cette question, qui mérite d'être examinée, ne relève pas du champ du Règlement du Sénat mais de textes d'application.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je souhaiterais que les invitations adressées aux parlementaires fassent mention de cette inscription.

M. François Pillet , président . - Cela relève d'un arrêté du Bureau ou des Questeurs. À cet égard, je rappelle qu'il est interdit à un groupe d'intérêts d'offrir un cadeau à un parlementaire.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-3 prévoit qu'un sénateur dont le déport est inscrit sur le registre public est considéré comme présent en séance ou en commission, pour éviter toute sanction. Il prévoit également un examen automatique par le Bureau de la situation d'un sénateur très souvent absent, au-delà des seuils de retenue financière automatique.

M. François Pillet , président . - Cet amendement répond partiellement à l'observation de notre collègue Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat . - Non, il répond à autre chose.

M. François Pillet , président . - J'ai dit partiellement !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - C'est le même raisonnement, mais il ne s'applique pas aux mêmes cas.

L'amendement COM-3 est adopté.

Article 3

M. Philippe Bas , rapporteur . - Concernant la question de la laïcité évoquée précédemment, je vous propose donc un amendement visant à modifier l'alinéa 3 de l'article 3 en insérant le terme : « laïcité » avant le terme « assiduité ».

M. Jean-Pierre Sueur . - On lirait alors ainsi cet alinéa : « Ils exercent leur mandat avec laïcité, assiduité, dignité, probité et intégrité. » On ne peut pas tout mettre sur le même plan...

M. Philippe Bas , rapporteur . - Nous allons améliorer la rédaction.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je propose la rédaction suivante : « Ils exercent leur mandat avec assiduité, dignité, probité et intégrité, dans le respect de la laïcité. »

M. Philippe Bas , rapporteur . - Ce n'est plus la même chose. Il s'agirait alors de respecter les autres obligations au regard de la laïcité... Je vous propose d'adopter l'amendement et de me donner mandat pour améliorer sa rédaction.

L'amendement COM-22 est adopté.

Article 4

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-4 vise à préciser la définition du conflit d'intérêts applicable aux parlementaires, laquelle ne concerne qu'un conflit entre un intérêt public et des intérêts privés. C'est un point très important. Un conflit entre un intérêt public et un autre intérêt public n'est pas un conflit d'intérêts au sens de la loi pour la confiance dans la vie politique et donc des dispositions du Règlement du Sénat prises pour sa mise en oeuvre.

L'amendement COM-4 est adopté, ainsi que l'amendement de précision COM-5 .

Article 6

Les amendements rédactionnels COM-6 et COM-7 sont adoptés.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-8 , qui reprend une recommandation du comité de déontologie, vise à supprimer l'exception faite à l'obligation de déclarer au Bureau des invitations concernant des manifestations culturelles ou sportives se déroulant sur le territoire national. Désormais, il conviendrait de déclarer les invitations à de grandes manifestations sportives ou culturelles se déroulant dans le pays que nous accepterions, à l'instar de toutes les autres invitations que nous acceptons pour d'autres manifestations dont la valeur excède 150 euros.

M. Jean-Pierre Sueur . - Très bien !

Mme Brigitte Lherbier . - Et les congrès ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Il s'agit uniquement de revenir sur l'exception faite en faveur des manifestations culturelles ou sportives, comme les grandes compétitions automobiles, les grands tournois de tennis, les grands festivals culturels et artistiques...

M. Pierre-Yves Collombat . - Quel flicage !

M. Philippe Bas , rapporteur . - Si vous recevez un cadeau de plus de 150 euros, vous devez le déclarer. Si vous êtes invités à une manifestation impliquant une dépense supérieure à 150 euros, vous devez aussi le déclarer ; cela ne signifie pas que vous n'avez pas le droit de vous y rendre. Vous devez déjà déclarer les invitations qui ne concernent pas des manifestations culturelles ou sportives.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je suis favorable à cet amendement, mais il me semble difficile d'assimiler le public et le privé. L'utilité de l'invitation se pose lorsqu'on est invité par une personne privée, mais c'est plus compliqué quand il s'agit d'une personne publique. D'autant que l'on peut être invité ès qualités par une collectivité publique, et le déplacement peut coûter assez cher. Cette nuance me semble devoir être prise en considération. J'aurais tendance à penser qu'il convient de distinguer le privé et le public. Je livre ma réflexion à la sagacité du rapporteur...

M. Pierre-Yves Collombat . - Mais où va-t-on ? Tout cela à cause des médias ! Est-ce notre travail que d'aller dans leur sens ? Pourquoi ne pas peaufiner encore la rédaction en diminuant le montant autorisé ? Il faut peut-être effectivement faire un distinguo entre le public et le privé. À ce petit jeu-là, jusqu'où irons-nous ? Le Règlement du Sénat est tout à fait correct ; on a affiné les sanctions pour non-respect des obligations de présence. Je le répète, où va-t-on ?

M. Jacques Bigot . - Droit dans le mur !

M. Yves Détraigne . - Je partage totalement le sentiment de notre collègue Pierre-Yves Collombat. J'ai l'impression que l'on est présumé suspect...

M. Pierre-Yves Collombat . - Oui, et même présumé coupable !

M. Yves Détraigne . - En effet, et ce n'est pas possible !

M. François Pillet , président . - Il ne s'agit là que d'une obligation de déclaration. Permettez-moi de prendre la casquette du président du comité de déontologie : l'avis a été, je le rappelle, adopté à l'unanimité. Quelle serait la cohérence du dispositif si des invitations à certains types de manifestations échappaient à l'obligation de déclaration ? Pensez-vous normal que les invitations au festival de Cannes ne soient pas déclarées ? Personnellement, j'estime que de telles invitations doivent être déclarées.

Le comité de déontologie a prévu une clause de réexamen dans un an sur l'ensemble des mesures relatives à la déontologie. Nous verrons alors si certains points doivent être plus verrouillés et d'autres moins. J'attire sur votre attention sur le fait que nous devons justifier au quotidien nos frais de mandat et nos invitations. Pourquoi prêter le flanc à la critique dans un domaine particulier, alors que, dans tous les domaines, les invitations ou cadeaux excédant la valeur de 150 euros doivent être déclarés ? Je doute que les invitations de vos clubs sportifs locaux atteignent cette valeur...

M. Pierre-Yves Collombat . - C'est une question de principe.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Précisément !

M. Pierre-Yves Collombat . - Faut-il suivre les médias ? On alimente les soupçons. Vous croyez faire oeuvre utile, mais vous renforcez là le sentiment antiparlementaire - j'en suis intimement persuadé.

Mme Lana Tetuanui . - Alors là, c'est vraiment la cerise sur le gâteau, avec tout le respect que je vous dois, mon cher collègue ! Imaginez mon territoire, vaste comme l'Europe ! On ne va pas demander à des habitants des Tuamotu qui vivent du coprah et du poisson de financer le repas lorsque nous assurons une mission liée aux travaux du Sénat. Comment vais-je faire si je suis obligée de déclarer à chaque fois les invitations ? Je suis tout à fait d'accord avec M. Collombat, nous alimentons tous les propos entendus à l'extérieur. Si l'on continue comme cela, à un moment, on ne pourra plus rien faire. C'est hallucinant !

M. André Reichardt . - Permettez-moi de rappeler une affaire : des collègues ont été cloués au pilori pour avoir participé à une exposition au Grand Palais. Certains bien-pensants ont relevé que le coût de l'entrée à cette exposition et du cocktail servi dépassait le montant acceptable pour un sénateur. Il ne s'agissait là en aucun cas d'une volonté de détournement de fonds publics. Or, avec une telle disposition, la discussion portera sur ce qu'incluent les 150 euros.

Mme Catherine Troendlé . - L'alinéa 3 de cet article me gêne quelque peu, car l'ensemble de ces déclarations seront rendues publiques, ce qui peut donner lieu à une sorte de chasse à l'homme par les médias. Je crains le pire.

M. Jean-Pierre Sueur . - Mme Joissains et moi-même avons reçu à Wallis un cochon entier grillé, que nous avons offert aux pauvres de la commune. Il existe des manières élégantes de s'en sortir...

M. François Grosdidier . - Se base-t-on sur le cours des monnaies locales ou de l'euro pour calculer la valeur des invitations ?

M. François Pillet , président . - Toutes les déclarations d'invitations sont déjà rendues publiques sur le site internet du Sénat depuis 2014.

M. Éric Kerrouche . - Il faut trouver un équilibre. À l'étranger, il existe de multiples chartes d'éthique, et l'attente des citoyens est de plus en plus forte. En Grande-Bretagne, la révélation du montant des frais des députés anglais...

M. Pierre-Yves Collombat . - Ce n'est pas 150 euros !

M. Éric Kerrouche . - Non, c'est à partir d'une livre sterling !

Même si j'entends bien les propos de M. Collombat, le manque de régulation accentuera aussi le soupçon. Trouvons une solution équilibrée, et il me semble que ce texte est relativement équilibré.

M. Henri Leroy . - Je prendrai un exemple concret. La fédération française de football invite actuellement les parlementaires dans le cadre des matchs amicaux de l'équipe de France qui se déroulent dans leur ville ou leur région. La place en tribune et le cocktail coûtent entre 300 et 400 euros, et la fédération invite même les épouses des parlementaires...

M. Jacques Bigot . - Depuis les années quatre-vingt-dix, chaque fois que nous ajoutons des textes de ce type, nous accréditons l'idée selon laquelle nous ne sommes pas respectueux des règles. On le fait encore ce matin !

Aux termes de l'article 6, « ces invitations et cadeaux, dons ou avantages en nature sont déclarés, dès leur réception ou leur remise, au Bureau, qui en rend publiques les listes ». Le fait d'avoir rendu le cochon, monsieur Sueur, n'empêche pas que vous l'ayez reçu ; il fallait donc le déclarer ! Les textes sont précis...

M. Jean-Pierre Sueur . - Cette règle n'était pas encore en vigueur...

M. Jacques Bigot . - Je ne suis pas passionné par le sport, mais le président du Racing Club de Strasbourg m'invite de temps en temps. Dois-je lui demander le coût de cette invitation ? On va parfois à ces manifestations sportives ou culturelles simplement par politesse.

Monsieur le président du comité de déontologie, très jeunes, nous avons été concernés par la déontologie en tant qu'avocats. La déontologie, c'est d'abord un état d'esprit, plus qu'une accumulation de règles. Mais si le comité de déontologie souhaite que je transmette, toutes les semaines, l'intégralité de mon emploi du temps... On risque d'en arriver là si ça continue...

M. Pierre-Yves Collombat . - La biographie, comme du temps de Staline !

M. Jacques Bigot . - Je comprends très bien la démarche, mais on entre là dans des détails excessifs.

Mme Jacky Deromedi . - Quand nous nous déplaçons à l'étranger, nous sommes la plupart du temps invités aux galas de la chambre de commerce et d'industrie, de l'Alliance française, etc., des manifestations où les places sont vendues entre 300 et 500 dollars. Toutes ces invitations au cours de nos déplacements doivent donc faire l'objet de déclarations ?

M. François Pillet , président . - Oui, le problème ne se pose pas, car il ne s'agit pas de manifestations culturelles ou sportives. La déclaration est déjà obligatoire.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Nous ne modifions aucunement la règle déjà applicable dans ce cas, mais nous débattons de la suppression de l'exception à l'obligation de déclaration pour les manifestations culturelles et sportives, afin de les aligner sur la règle générale existante.

Monsieur le président, j'avoue que je suis très sensible à certaines des observations formulées. Dans le régime actuel, les invitations à des manifestations culturelles et sportives en métropole ou pour les sénateurs élus outre-mer dans leur circonscription d'élection ne font pas l'objet d'une déclaration. Le comité de déontologie s'est prononcé, me semble-t-il, à l'unanimité - son président pourra le confirmer - en faveur de la suppression de cette exception. Ce qui a motivé le comité de déontologie, c'est, je l'imagine, la participation non pas au match de football Cherbourg-Avranches, mais à de grands événements, tels que le festival de Cannes, celui d'Aix-en-Provence, les 24 Heures du Mans, des cadeaux d'entreprises ou d'institutions publiques...

À la lumière des échanges que nous venons d'avoir, je crains que, par l'amendement COM-8, nous ne jetions le bébé avec l'eau du bain. Pour éviter des situations qui mériteraient d'être déclarées, on ferait passer à la trappe des participations à des événements qui, certes, ne sont pas anodins - ce serait faire injure aux personnes qui nous invitent -, mais relèvent de bonnes pratiques. D'ailleurs, en notre for intérieur, nous nous demandons régulièrement s'il n'y a pas un lien de dépendance trop fort avec la puissance invitante si nous acceptons une invitation.

Je le dis au président du comité de déontologie, la formulation de l'amendement va peut-être un peu trop loin : il emporte obligation de déclaration pour des événements très nombreux dans l'année, qui correspondent à l'exécution tout à fait normale du mandat parlementaire. Peut-être devrions-nous remettre l'ouvrage sur le métier. Nous pourrions répondre à la préoccupation du comité de déontologie en rendant obligatoire la déclaration pour des événements qui coûtent parfois plusieurs milliers d'euros à la puissance invitante, sans que cela nous contraigne dans l'exécution quotidienne de notre mandat. Aussi, à ce stade, je retire volontiers cet amendement, avec l'idée de rechercher un dispositif permettant de répondre aux problèmes que plusieurs d'entre vous ont soulevés et qui me paraissent réels.

M. Hervé Marseille . - J'entends volontiers les propos du rapporteur. À un moment, il faut s'arrêter... Quelle sera la prochaine étape ? Bientôt 30 % de parlementaires en moins, voire davantage. Il faut raison garder. Notre assemblée a des représentants dans toutes sortes d'institutions : le conseil d'administration de la SNCF, celui d'Air France... Devrons-nous à chaque fois nous demander si nous nous compromettons en répondant à une invitation ? Que ce choix soit laissé à la libre appréciation des parlementaires : ils ont à rendre compte à leurs électeurs et pas nécessairement à une supposée opinion publique qui en réclame toujours davantage.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Dans la mesure où cet amendement va être retiré, qu'en sera-t-il pour les outre-mer ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Pour les outre-mer, l'exception est limitée à la circonscription d'élection. Un élu de Guadeloupe doit donc déclarer un déplacement en Martinique...

M. Philippe Bas , rapporteur . - Nous n'allons pas remettre à plat l'ensemble du régime concernant les cadeaux ou avantages en nature. Nous traitions ponctuellement et de manière chirurgicale d'une exception à la règle de déclaration que le comité de déontologie voulait supprimer par cohérence. À la lumière de nos travaux, il me semble plus raisonnable d'approfondir le débat.

M. Dany Wattebled . - Je rejoins les propos de mon collègue Hervé Marseille, la presse se fera l'écho de tous les avantages des sénateurs. On sera fléché au jour le jour, alors que nous répondons à des obligations.

Mme Brigitte Lherbier . - J'ai découvert l'obligation de déclarer la participation à des congrès. Or on se rend aux congrès de notaires ou d'avocats non pas pour les défendre ensuite, mais pour participer à la réflexion.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Cela dépend de la prise en charge des frais d'hébergement et autres.

L'amendement COM-8 est retiré.

M. François Pillet , président . - Nous profiterons peut-être du réexamen par le comité de déontologie de l'ensemble des règles de déontologie dans un an, pour voir si nous devrons corriger ce point au regard des excès commis.

L'amendement rédactionnel COM-9 est adopté.

Les amendements COM-1 et COM-2 deviennent sans objet.

Article 7

L'amendement rédactionnel COM-10 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-11 prévoit que les membres du Bureau du Sénat ne peuvent pas faire partie du comité de déontologie.

L'amendement COM-11 est adopté.

Article 8

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-12 vise à clarifier le régime de publicité des avis du comité de déontologie, rendus à la demande du Bureau sur une question générale ou individuelle ou à la demande d'un sénateur sur une question individuelle le concernant, tout en garantissant la confidentialité des informations nominatives qui y figurent.

L'amendement COM-12 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-13 tend à permettre au Bureau ou au président du Sénat de saisir le comité de déontologie non seulement de la situation d'un sénateur pouvant soulever une difficulté en matière de conflits d'intérêts, mais aussi d'une question déontologique concernant un sénateur. Nous procédons également à des ajustements rédactionnels.

L'amendement COM-13 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-14 .

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-15 vise à affirmer plus clairement, par cohérence avec les dispositions déjà prévues en matière disciplinaire, le caractère contradictoire de la procédure pouvant conduire le Bureau à prononcer une sanction disciplinaire en cas de manquement déontologique. Le Bureau serait ainsi tenu d'entendre le sénateur concerné.

M. François Pillet , président . - Un principe général qu'il est bon de rappeler.

L'amendement COM-15 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-16 tend à supprimer une disposition inutile et en partie redondante.

L'amendement COM-16 est adopté.

Article 9

L'amendement de coordination COM-17 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-18 vise à permettre au Bureau de ne pas prononcer immédiatement une sanction de censure, qui pourrait apparaître disproportionnée pour un manquement pour lequel il pourrait faire preuve d'une certaine indulgence, tout en relevant que le comportement n'a pas été déontologique. Dans l'échelle des sanctions disciplinaires prévue par nos textes en matière déontologique, il n'y a pas de rappel à l'ordre, ni de rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal. Il n'existe que des sanctions plus lourdes de censure, qui visent à suspendre l'activité du parlementaire et à le sanctionner sur l'indemnité parlementaire.

L'amendement COM-18 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination COM-19 .

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-20 a pour objet de faire en sorte que la sanction pour absences répétées sur l'indemnité parlementaire soit systématiquement de trois mois, et non pas d'au plus trois mois, sinon le régime de la sanction pour absentéisme sera moins sévère que le régime actuel. Avant le 1 er janvier 2018, en cas d'absentéisme lourd, la sanction automatique était un prélèvement de 4 496 euros. La seule sanction automatique s'élèverait dans le nouveau système à 1 441 euros. Pour la compléter, la sanction disciplinaire pourrait conduire à un prélèvement total de 5 175 euros. Si l'on ne supprime pas les mots « au plus », la sanction pourrait apparaître comme potentiellement plus faible. D'où cet amendement.

L'amendement COM-20 est adopté.

Article 10

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-21 prévoit une entrée en vigueur à compter de l'ouverture de la prochaine session ordinaire, en octobre 2018.

L'amendement COM-21 est adopté.

La proposition de résolution est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. François Pillet , président . - J'indique ce texte sera obligatoirement soumis au Conseil constitutionnel.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Ajustement du mécanisme de retenue financière en cas d'absences répétées
à la suite de la suppression de l'indemnité représentative de frais de mandat

M. BAS, rapporteur

3

Examen disciplinaire automatique par le Bureau du Sénat en cas d'absences importantes et répétées d'un sénateur au cours de deux trimestres de la session ordinaire

Adopté

Article 3
Principes déontologiques applicables aux sénateurs

M. BAS, rapporteur

22

Ajout du respect du principe de laïcité dans la liste des principes déontologiques applicables aux sénateurs

Adopté

Article 4
Prévention des conflits d'intérêts et déport résultant d'un conflit d'intérêts

M. BAS, rapporteur

4

Précision dans la définition du conflit d'intérêts pour les parlementaires, visant une interférence entre un intérêt public et des intérêts privés

Adopté

M. BAS, rapporteur

5

Précision et clarification

Adopté

Article 6
Obligation de déclarer au Bureau du Sénat les invitations,
cadeaux, dons et avantages en nature

M. BAS, rapporteur

6

Rédactionnel

Adopté

M. BAS, rapporteur

7

Précision rédactionnelle

Adopté

M. BAS, rapporteur

8

Suppression de l'exception faite à l'obligation de déclarer au Bureau du Sénat des invitations à des manifestations culturelles et sportives faites par des organismes extérieurs au Sénat

Retiré

M. BAS, rapporteur

9

Précision rédactionnelle

Adopté

M. GRAND

1

Modalités et délais pour la déclaration au Bureau du Sénat des invitations, cadeaux, dons et avantages en nature

Satisfait ou sans objet

M. GRAND

2

Modalités et délais pour la déclaration au Bureau du Sénat des cadeaux, dons et avantages en nature

Satisfait ou sans objet

Article 7
Mission et composition du comité de déontologie parlementaire

M. BAS, rapporteur

10

Clarification rédactionnelle

Adopté

M. BAS, rapporteur

11

Instauration d'une incompatibilité entre les fonctions de membre du Bureau du Sénat et celles de membre du comité de déontologie parlementaire

Adopté

Article 8
Procédures de saisine du comité de déontologie parlementaire
par le Bureau du Sénat ou par tout sénateur et publicité des avis du comité

M. BAS, rapporteur

12

Clarification du régime de publicité des avis à caractère général ou individuel et des conseils individuels rendus par le comité de déontologie parlementaire

Adopté

M. BAS, rapporteur

13

Possibilité pour le Bureau du Sénat de solliciter l'avis du comité de déontologie parlementaire sur tout manquement déontologique d'un sénateur

Adopté

M. BAS, rapporteur

14

Clarification rédactionnelle

Adopté

M. BAS, rapporteur

15

Respect du caractère contradictoire de la procédure d'examen par le Bureau du Sénat de la situation déontologique d'un sénateur

Adopté

M. BAS, rapporteur

16

Suppression d'une disposition inutile et en partie redondante

Adopté

Article 9
Actualisation des sanctions disciplinaires en cas de manquement déontologique

M. BAS, rapporteur

17

Coordination

Adopté

M. BAS, rapporteur

18

Attribution au Bureau du Sénat de la faculté de prononcer une sanction disciplinaire de rappel à l'ordre en cas de manquement déontologique d'un sénateur

Adopté

M. BAS, rapporteur

19

Coordination

Adopté

M. BAS, rapporteur

20

Suppression de la possibilité de moduler à la baisse la durée de la privation d'une partie de l'indemnité parlementaire en cas de sanction disciplinaire de censure pour manquement déontologique

Adopté

Article 10
Entrée en vigueur de la résolution

M. BAS, rapporteur

21

Application à compter de l'ouverture de la prochaine session ordinaire

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. François Pillet , président du comité de déontologie parlementaire du Sénat

Présidents des commissions permanentes

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques

M. Christian Cambon , président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Alain Milon , président de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Hervé Maurey , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Vincent Éblé , président de la commission des finances

Représentants des groupes politiques et des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe

M. Bruno Retailleau , président du groupe Les Républicains

M. Patrick Kanner , président du groupe socialiste et républicain

M. Hervé Marseille , président du groupe Union Centriste

M. François Patriat , président du groupe La République En Marche

M. Alain Richard , membre du groupe La République En Marche

M. Jean-Claude Requier , président du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen

Mme Éliane Assassi , présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

M. Claude Malhuret , président du groupe Les Indépendants - République et Territoires

M. Philippe Adnot , délégué de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe

AVIS DU COMITÉ DE DÉONTOLOGIE PARLEMENTAIRE DU SÉNAT

AVIS N° CDP/2018-3 DU COMITÉ DE DÉONTOLOGIE PARLEMENTAIRE
DU SÉNAT

LE COMITÉ DE DÉONTOLOGIE PARLEMENTAIRE,

- Vu l'article 4 quater de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique ;

- Vu la décision n° 2017-752 DC du Conseil constitutionnel du 8 septembre 2017 ;

- Vu les chapitres XX bis et XX ter de l'Instruction générale du Bureau du Sénat ;

- Vu la lettre du 15 mars 2018 par laquelle le Président du Sénat a saisi le Comité de déontologie parlementaire d'une demande d'avis sur la proposition de résolution n° 364 relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs, qu'il a déposée le même jour sur le Bureau du Sénat,

- Vu les délibérations du Comité de déontologie parlementaire du Sénat en date du 3 avril 2018,

ÉMET L'AVIS SUIVANT :

1. Le Comité de déontologie parlementaire est consulté par le Président du Sénat sur la proposition de résolution relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs déposée, à son initiative, sur le Bureau du Sénat le 15 mars 2018.

2. Ce texte propose, au sein d'un nouveau chapitre du Règlement du Sénat, de déterminer les règles destinées à prévenir et faire cesser les conflits d'intérêts des parlementaires et à assurer la mise en oeuvre de ces règles. Il définit ainsi les mécanismes de nature à prévenir ou faire cesser toute situation de conflit d'intérêts dans laquelle un sénateur serait susceptible de se trouver. Il précise, à cet effet, les principes déontologiques qui s'imposent aux sénateurs et concourent à la prévention de ces conflits d'intérêts, ainsi que les obligations déclaratives qui assurent la transparence nécessaire au respect de ces principes. Il fixe également les cas de saisine du Comité de déontologie parlementaire en vue d'assurer la prévention ou le traitement des situations de conflit d'intérêts et le respect des principes déontologiques qui y concourent, en modifiant par voie de conséquence les sanctions disciplinaires attachées à la violation de ces principes.

L'examen de ces règles par le Sénat requiert l'avis préalable du Comité de déontologie parlementaire, en application de l'article 4 quater de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, dans sa rédaction résultant de l'article 3 de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

3. Ce même texte fixe également au sein du Règlement du Sénat les modalités de mise en oeuvre des règles limitant le cumul des rémunérations publiques ou indemnités des sénateurs, de même que la sanction de leur violation. Il actualise les modalités des retenues financières appliquées à un sénateur en cas d'absences répétées à certains moments clés de l'activité parlementaire du Sénat, afin de tirer les conséquences de la suppression, depuis le 1 er janvier 2018, de l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). Il détermine les règles de composition et de vote du Comité de déontologie parlementaire.

L'ensemble de ces règles, pour lesquelles l'avis du Comité de déontologie parlementaire n'est pas légalement requis, n'appelle, en tout état de cause, aucune observation particulière.

I. Sur les principes déontologiques

4. Il est proposé, au sein d'un nouvel article 91-1 du Règlement du Sénat, de consacrer les principes déontologiques s'imposant aux sénateurs dans l'exercice du mandat parlementaire, à savoir l'obligation de faire prévaloir l'intérêt général sur tout intérêt privé, ainsi que les obligations d'indépendance, d'assiduité, de dignité, de probité et d'intégrité. Ces principes déontologiques concourent à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs, leur respect permettant à chaque sénateur d'exercer son mandat de représentant de la Nation hors de l'emprise d'intérêts étrangers à l'intérêt général dont la poursuite reste la finalité de ce mandat.

5. Le texte reprend directement des principes déontologiques prévus depuis 2014, sur la proposition du Comité, au chapitre XX bis de l'Instruction générale du Bureau.

II. Sur les règles de prévention des conflits d'intérêts

a. Sur l'obligation de prévenir et faire cesser les conflits d'intérêts

6. Il est proposé, au sein d'un nouvel article 91-2 du Règlement du Sénat, de fixer le principe selon lequel les sénateurs doivent veiller à prévenir et faire cesser immédiatement toute situation de conflit d'intérêts. Cette situation correspond à l'interférence de l'intérêt public et des intérêts privés du sénateur, selon l'article 4 quater de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, reprenant ainsi la définition actuellement applicable aux sénateurs en application du chapitre XX bis de l'Instruction générale du Bureau du Sénat.

7. Lorsqu'un sénateur estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts, il lui incombe de faire connaître au Bureau les travaux du Sénat auxquels il décide de ne pas prendre part, en sollicitant son inscription au registre appelé à recenser ces travaux, qui sera, comme la loi le prévoit, rendu public en données ouvertes. Le fait pour un sénateur de considérer qu'il est placé dans cette situation relève de sa seule appréciation personnelle puisque ces dispositions n'ont « ni pour objet ni pour effet de contraindre un parlementaire à ne pas participer aux travaux du Parlement » comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel. Le Comité a approuvé la rédaction à caractère général de la proposition de résolution sur ce point, qui reprend les obligations fixées par le législateur, tels qu'interprétées par le juge constitutionnel. En effet, il a estimé qu'il serait délicat d'énumérer au sein du Règlement du Sénat les cas prévisibles de conflit d'intérêts, dès lors que cette qualification dépend des circonstances de fait résultant du contexte du débat et de la situation particulière du sénateur concerné. Au demeurant, tout sénateur dispose désormais de la possibilité de recueillir un avis déontologique sur sa situation personnelle s'il éprouve un doute sur la nécessité ou non de s'abstenir de prendre part à des travaux du Sénat.

8. Le Comité a en outre approuvé la règle reprenant la bonne pratique actuellement inscrite en annexe du chapitre XX ter de l'Instruction générale du Bureau, aux termes de laquelle un sénateur doit également s'abstenir de solliciter ou d'accepter des fonctions susceptibles de le placer dans une situation de conflit d'intérêts. Formulée en termes généraux, cette règle contribue à la prévention des conflits d'intérêts, en insistant sur les exigences déontologiques renforcées qui pèsent sur un sénateur appelé à exercer des fonctions particulières au sein du Sénat, à l'instar de celles de rapporteur pour ce qui concerne les travaux législatifs ou de contrôle du Sénat.

b. Sur le registre des déports

9. S'agissant de la mise en oeuvre du registre des déports, le Comité invite, au vu de son expérience, à ce que les modalités d'enregistrement sur le registre permettent au sénateur de choisir de la manière la plus souple les travaux au sujet desquels il sollicite son inscription. En effet, selon les cas, un sénateur peut souhaiter se déporter de tout ou partie des travaux sur un texte appelé ponctuellement à l'examen du Sénat ou, de manière plus pérenne, des travaux portant sur un domaine particulier relevant de la compétence du Parlement. Cette faculté de circonscrire avec précision l'objet pour lequel un sénateur sollicite son inscription au registre permet d'assurer une adéquation entre la mesure de prévention des conflits d'intérêts qu'il juge nécessaire et l'atteinte à ses prérogatives normales de parlementaire, le déport demeurant l'exception au principe de l'exercice normal de son mandat.

c. Sur la déclaration orale d'intérêts

10. La possibilité pour un sénateur de faire mentionner au compte rendu l'intérêt qu'il détient en lien avec les travaux en cours du Sénat serait par ailleurs consacrée au sein d'un nouvel article 91-3 du Règlement du Sénat. Cette faculté est actuellement reconnue en annexe du chapitre XX ter de l'Instruction générale du Bureau comme une bonne pratique.

11. Il ne s'agit pas là d'une mesure de nature à mettre fin à une situation de conflit d'intérêts, mais d'une mesure de transparence, particulièrement appropriée à des situations dans lesquelles le sénateur concerné doit concilier des intérêts opposés sans pour autant être placé dans une situation de conflit d'intérêts au sens de la loi. Cette mesure serait par exemple justifiée si un sénateur ressentait la nécessité de faire état de la défense d'un intérêt public local qui ne le placerait pas en situation de conflit d'intérêts mais dont il souhaiterait, par acquis de conscience, informer ses collègues lors d'un débat. Le Comité approuve donc cette disposition, jusque-là réservée aux travaux en commission et désormais étendue à l'ensemble des travaux parlementaires, en rappelant qu'elle n'a pas vocation à s'appliquer, comme le texte le rappelle, en cas de conflit d'intérêts puisque, en ce dernier cas, il appartient au sénateur de décider de ne pas prendre part aux travaux du Sénat.

III. Sur les obligations déclaratives

12. Il est proposé, au sein d'un nouvel article 91-4 du Règlement du Sénat, de prévoir la procédure selon laquelle les sénateurs sont tenus de déclarer au Bureau du Sénat les invitations à des déplacements financés par des organismes extérieurs, ainsi que les cadeaux, dons et avantages en nature reçus dans le cadre de leur mandat parlementaire, sous réserve d'exceptions limitatives permettant d'écarter du champ de l'obligation déclarative les invitations, cadeaux, dons et avantages d'une valeur inférieure à un montant fixé par le Bureau, ou remis dans des circonstances particulières.

13. Le Comité a approuvé ce dispositif qui reprend, sous réserve de précisions bienvenues, les règles actuellement prévues au chapitre XX bis de l'Instruction générale du Bureau. Il rappelle que ce dispositif doit se concilier avec la règle plus restrictive, en vigueur depuis le 1 er juillet 2017 en application de l'article 10 du code de conduite applicable aux représentants d'intérêts, qui interdit à ces derniers de remettre aux sénateurs un présent, don ou avantage dont la valeur excède 150 euros. Si le Bureau fixait le même montant comme seuil à partir duquel serait imposée la déclaration des cadeaux offerts aux sénateurs par des organismes extérieurs, ce qui serait souhaitable pour la clarté des règles déontologiques, l'obligation déclarative ne devrait alors plus concerner que les cadeaux adressés aux sénateurs par des organismes extérieurs autres que des représentants d'intérêts puisque les présents, dons et avantages procurés par ces derniers aux sénateurs sont par ailleurs proscrits par la règlementation sénatoriale.

14. Le Comité s'est interrogé sur l'exception actuellement prévue et reprise par la proposition de résolution visant à exclure de cette obligation déclarative « les invitations à des manifestations culturelles ou sportives en métropole ». Il a estimé que cette dérogation, peu justifiable au regard de la cohérence d'ensemble du dispositif, devrait être supprimée au profit de l'application de la règle générale imposant pour ce type d'invitations leur déclaration dès lors que leur valeur excèderait le montant fixé par le Bureau du Sénat.

15. Si ce dispositif rend obligatoire la déclaration d'invitations, cadeaux, dons et avantages en nature entrant dans les critères qu'il fixe, il ne doit pas faire obstacle, selon le Comité, à l'enregistrement de déclarations relatives à des invitations, cadeaux, dons et avantages en nature qu'un sénateur préfèrerait déclarer au Bureau du Sénat dans un souci de transparence, alors même qu'ils n'entreraient pas dans le périmètre de l'obligation de déclaration. Le Comité recommande que cette faculté laissée à la discrétion des sénateurs puisse être rappelée à l'occasion des travaux préparatoires à l'adoption de la proposition de résolution.

16. Le Comité approuve pleinement la proposition de rendre public le contenu de ces déclarations qui, sous le régime actuel résultant de l'Instruction générale du Bureau, n'était mis en ligne sur le site internet du Sénat que pour ce qui concerne les seules invitations. Or, la différence, d'ailleurs toute relative, entre les invitations, d'une part, et les cadeaux, dons et avantages, d'autre part, ne paraît pas justifier une distinction dans le régime de publicité donnée à ces informations.

IV. Sur l'examen des situations de conflit d'intérêts et de l'application des principes déontologiques

a. Sur les cas de saisine et les attributions du Comité de déontologie parlementaire

17. Un nouvel article 91-6 du Règlement du Sénat préciserait les cas de saisine du Comité de déontologie parlementaire et les attributions exercées par ce dernier en fonction de l'auteur et des conditions de la saisine. Le Bureau ou le Président du Sénat disposerait ainsi de la faculté de saisir le Comité de questions déontologiques à portée générale, ou de la situation particulière d'un sénateur au vu des déclarations d'intérêts et d'activités, des déclarations de cadeaux ou des déclarations d'invitations à des déplacements financés par des organismes extérieurs reçues par le Bureau. Le Comité répondrait à une saisine sur une question déontologique à caractère général par un avis qui serait, par principe, rendu public sous réserve de la confidentialité des informations nominatives. Parallèlement, conformément à l'article 4 quater de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, tout sénateur disposerait désormais de la faculté de saisir le Comité d'une question déontologique portant sur sa propre situation, à laquelle il serait répondu sous la forme d'un conseil dont seul l'intéressé pourrait décider de la publicité. Selon l'exposé des motifs de la proposition de résolution, cette compétence du Comité ne ferait pas obstacle à ce que le Bureau autorise le président et le vice-président du Comité à l'exercer, par délégation, pour les situations ne soulevant aucune difficulté de principe, ce qui paraît souhaitable au Comité pour assurer une réactivité suffisante dans les réponses apportées aux sénateurs.

18. Le Comité a approuvé les principes régissant les modalités de sa saisine, sous réserve de suggestions en vue d'une précision de la rédaction retenue ou de compléments inspirés par la répartition des compétences entre les différents organes du Sénat fixée par le Règlement.

19. D'une part, dans un souci d'harmonisation, le Comité propose que le champ de la saisine ouverte au Bureau ou au Président du Sénat sur la situation personnelle d'un sénateur soit identique à celui ouvert à tout sénateur sur sa propre situation dans la mesure où, dans les deux cas, la saisine porte sur une situation individuelle et non une question générale et que l'avis ou le conseil rendu par le Comité n'a pas vocation à être rendu public. Dès lors, le Bureau ou le Président du Sénat devrait pouvoir saisir le Comité non seulement sur une situation individuelle susceptible de constituer un conflit d'intérêts mais également sur toute question déontologique propre à la situation d'un sénateur et liée à l'exercice du mandat parlementaire.

20. D'autre part, le Comité partage le souci d'adapter le régime de publicité de l'avis rendu en fonction de l'auteur de la saisine et des informations sur la situation personnelle d'un sénateur que l'avis peut receler. Il a ainsi souhaité concilier la confidentialité nécessaire aux avis déontologiques rendus sur la situation personnelle des sénateurs et l'utilité que revêt, à l'expérience, la diffusion d'avis déontologiques anonymisés qui, sans dévoiler l'identité du sénateur, permet de faire état d'avis déjà rendus et susceptibles d'éclairer les autres sénateurs confrontés à des situations similaires. Le Comité approuve donc le régime de publicité des avis rendus. En revanche, le Comité suggère qu'un conseil déontologique rendu à la demande d'un sénateur puisse être soit intégralement rendu public par ce sénateur, soit par le Comité lui-même à la condition qu'il ne permette pas l'identification des personnes dont la situation particulière est évoquée, qu'elles soient ou non sénateurs.

21. Le texte proposé assigne un rôle consultatif au Comité de déontologie parlementaire et confie le soin au Bureau du Sénat de décider, au vu de l'avis émis, des suites à réserver aux recommandations qui lui sont adressées et, le cas échéant, de prononcer des sanctions disciplinaires. Dans la mesure où l'avis du Comité est destiné à préparer la décision éventuelle du Bureau, le texte entoure la procédure de garanties de nature à assurer le sénateur concerné que son point de vue serait entendu, ce qu'approuve d'autant plus le Comité qu'elles correspondent à celles d'ores et déjà mises en oeuvre. Afin de garantir à chaque sénateur que l'examen de sa situation personnelle, qui peut aboutir au prononcé de sanctions disciplinaires, serait effectué par des personnes distinctes, le Comité recommande que soit instituée au sein du Règlement du Sénat une incompatibilité entre les fonctions de membre du Comité de déontologie parlementaire et celles de membre du Bureau.

b. Sur l'obligation de prévenir et faire cesser les conflits d'intérêts

22. Il est proposé de redéfinir, au sein de l'article 99 ter du Règlement du Sénat, le régime des sanctions disciplinaires qui peuvent être prononcées en matière disciplinaire en reprenant pour l'essentiel le contenu de l'actuel article 99 du Règlement du Sénat dont l'abrogation est dès lors proposée. Par exception aux règles de droit commun, le Bureau ne peut prononcer que la censure simple et la censure avec exclusion temporaire, dont les possibilités de modulation sont adaptées, la censure simple pouvant emporter la privation au plus pendant trois mois d'un tiers de l'indemnité parlementaire et de la totalité de l'indemnité de fonction, et la censure avec exclusion temporaire pouvant emporter la privation au plus pendant six mois des deux tiers de l'indemnité parlementaire et de la totalité de l'indemnité de fonction. Un sénateur qui aurait commis un manquement à ses obligations déontologiques, désormais fixées au niveau du Règlement du Sénat, encourrait au minimum la censure simple, sans que le Bureau ait la faculté, notamment à l'égard de manquements mineurs, de décider de prononcer des sanctions de moindre intensité. C'est pourquoi il apparaîtrait judicieux au Comité d'ouvrir au Bureau du Sénat en pareille occasion la possibilité de prononcer un rappel à l'ordre qui, par dérogation à l'article 93 du Règlement du Sénat, relèverait du pouvoir d'appréciation du Bureau.

V. Sur l'entrée en vigueur des nouvelles règles

23. Il est prévu une entrée en vigueur différée de la proposition de résolution de manière à permettre au Bureau du Sénat de procéder aux adaptations de son Instruction générale rendues nécessaires par l'adoption de ce texte modifiant le Règlement du Sénat. Sur la proposition de son président, le Comité a souhaité mettre à profit ce délai pour élaborer, sous forme d'un document unique, un « guide déontologique du sénateur » synthétisant les obligations déontologiques applicables aux sénateurs et les procédures afférentes, éclairées par les avis et conseils rendus au nom du Comité de déontologie parlementaire, de manière à apporter une aide aux sénateurs appelés à prendre des décisions d'ordre déontologique.

*

* *

24. Sous réserve des observations formulées, le Comité a émis un avis favorable à l'adoption de la proposition de résolution soumise à sa délibération .


* 1 Voir par exemple en ce sens les travaux du Sénat sur la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

* 2 Sont détaillés les principes d'intérêt général, d'indépendance, d'intégrité, de laïcité, d'assiduité, de dignité et de probité.

* 3 Résolution du 13 mai 2015 réformant les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace. Le dossier de cette résolution est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr14-380.html

* 4 Ce seuil est porté aux deux tiers pour les sénateurs élus outre-mer.

* 5 L'article 2 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement dispose que « le règlement de chaque assemblée détermine les conditions dans lesquelles le montant de l'indemnité de fonction varie en fonction de la participation du parlementaire aux travaux de l'assemblée à laquelle il appartient ».

* 6 Le commentaire de la décision n° 2015-712 DC du 11 juin 2015 sur la résolution réformant les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace relève ainsi :

« L'IRFM, qui est destinée à permettre aux membres du Parlement de faire face aux dépenses liées à l'exercice de leur mandat, n'est pas une composante de l'indemnité parlementaire. L'ordonnance du 13 décembre 1958 susmentionnée est muette à son sujet et le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 92-306 DC du 21 février 1992, qu'« en vertu du premier alinéa de l'article 25 de la Constitution une loi organique fixe l'indemnité des membres de chaque assemblée du Parlement ; que relèvent de la loi organique aussi bien la fixation du montant de l'indemnité parlementaire que la détermination (...) de ses règles de perception par les intéressés ». L'IRFM a remplacé en 1997 l'indemnité d'aide dactylographique, qui avait été mise en place en 1970. Celle-ci, instituée par le Bureau de chacune des assemblées, est destinée à couvrir forfaitairement, pour les parlementaires, les diverses dépenses liées à l'exercice de leur mandat qui ne sont pas directement prises en charge ou remboursées par l'assemblée. Elle est, selon l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, une indemnité « versée à titre d'allocation spéciale pour frais par les assemblées à tous leurs membres ». Échappant aux prévisions de la loi organique, l'IRFM relève ainsi de la compétence de chaque assemblée. »

* 7 Prononcée en cas de manquement à un principe déontologique, la censure simple emporte, comme en matière disciplinaire ordinaire, la privation, pendant un mois, du tiers de l'indemnité parlementaire et de la totalité de l'indemnité de fonction, tandis que la censure avec exclusion temporaire peut emporter la privation au plus pendant six mois des deux tiers de l'indemnité parlementaire et de la totalité de l'indemnité de fonction, là où elle emporte, en matière disciplinaire ordinaire, la privation, pendant deux mois, du tiers de l'indemnité parlementaire et de la totalité de l'indemnité de fonction.

* 8 « Assiduité : les membres du Sénat s'obligent à participer de façon effective aux travaux du Sénat. »

* 9 Cette liste est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/sgp/Liste_deplacements_organismes_exterieurs_en_ligne.pdf

* 10 Ce code de conduite est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/sgp/Code_de_conduite.pdf

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