B. RADIO FRANCE : UNE INTERROGATION DE TAILLE SUR LE FINANCEMENT DU CHANTIER DE RÉHABILITATION DE LA MAISON DE LA RADIO

Contrairement à l'année 2018 où les efforts demandés à Radio France avaient entièrement été absorbés par sa dotation d'investissement en raison du retard des travaux du chantier de réhabilitation de la maison de la Radio, le groupe devra réaliser des économies de fonctionnement à hauteur de 4 millions d'euros en 2019. La dotation de Radio France proposée par le projet de loi de finances s'élève à 592,3 millions d'euros HT. Les efforts de Radio France consisteront à redéployer ses moyens afin de renforcer l'offre numérique du groupe, ce qui devrait permettre de produire davantage de contenus avec des effectifs équivalents.

Ce sont les incertitudes qui entourent le financement de la poursuite du chantier de réhabilitation de la maison de la Radio qui ont principalement retenu l'attention de votre rapporteur spécial cette année. Cet important projet, qui a connu de nombreux retards et surcoûts depuis son origine, doit désormais être achevé dans des délais raisonnables. Pour cela, il est indispensable que le Gouvernement indique clairement les modalités du financement de la fin de ces travaux.

Il est particulièrement regrettable que les éléments transmis par le Gouvernement au Parlement pour éclairer son vote sur le budget de l'audiovisuel public se contentent d'énoncer que « les coûts du chantier restant à couvrir ne seront définitivement connus qu'à l'issue des études techniques, à la fin de l'année 2018. La part non encore libérée de l'augmentation de capital de 2016 reste à verser en 2018, et les montants de subvention d'investissement pour les prochaines années demeurent encore à déterminer. La possibilité d'un recours à l'emprunt est également à l'étude, en conformité avec le contrat d'objectifs et de moyens de la société. L'objectif est en toute hypothèse que le chantier bénéficie d'un financement ad hoc et de ce fait ne pèse pas sur le reste du compte d'exploitation de la société » 2 ( * ) . Votre rapporteur spécial souligne la nécessité pour le Gouvernement de préciser, au cours des débats budgétaires, les modalités du financement de la fin des travaux de la Maison de la Radio.

C. DES EFFORTS DEMANDÉS À DES SOCIÉTÉS AYANT RÉALISÉ LEURS RÉFORMES DE STRUCTURES ET LA MAÎTRISE DE LEURS CHARGES : ARTE, FRANCE MÉDIAS MONDE ET L'INA

Parmi les sociétés de l'audiovisuel public, certaines ont réalisé depuis plusieurs années des réformes de structure et une transformation des métiers qui ont permis de maîtriser l'évolution de leurs coûts de fonctionnement. Pourtant, le choix du Gouvernement a consisté à demander à l'ensemble du secteur de l'audiovisuel public un effort en 2019, avec une diminution de la dotation accordée, sans tenir compte de la trajectoire parcourue. Pour certaines sociétés, cet effort peut s'avérer sinon équitable, du moins dangereux pour l'exercice des missions de service public qu'elles assument.

1. Arte France : un mauvais signal adressé au partenaire allemand ?

La dotation d'Arte France proposée par le projet de loi de finances pour 2019 est en diminution de 2 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 et s'élève à 277,5 millions d'euros HT.

La chaîne a réalisé au cours des dernières années d' importants efforts de maîtrise de ses charges courantes . Ainsi, de 2011 à 2017, le montant de ces charges a été réduit de 62,5 millions d'euros à 47,5 millions d'euros, ce qui représente un effort de 24 %. Dans le même temps, les investissements dans les programmes ont été augmentés d'environ 35 millions d'euros, pour atteindre 150,1 millions d'euros en 2017.

Les transformations du groupe, en particulier la transformation numérique, ont été réalisées par un effort de formation de l'ensemble des personnels, sans recours aux licenciements ou à des recrutements. L'objectif d'un média tourné vers le numérique, que la réforme proposée par le Gouvernement a fixé aux sociétés de l'audiovisuel public, a donc d'ores et déjà été intégré par Arte France, qui a développé sa diffusion sur internet. La chaîne est désormais disponible en ligne dans une version sous-titrée en anglais, en espagnol, en polonais et en italien, grâce au soutien financier de la Commission européenne.

Votre rapporteur observe que la chaîne répond à une mission claire de service public , constante depuis sa création, qui consiste à oeuvrer pour le rapprochement des peuples d'Europe à travers la promotion de la création audiovisuelle européenne.

Au regard de ces éléments, il semble difficile de demander à Arte France de contribuer à hauteur de ce que le projet de loi de finances pour 2019 propose , sans que ces efforts ne pèsent à terme sur les investissements en programmes qui ont constitué l'élément clé du redressement des audiences de la chaîne. Par ailleurs, il apparaît que le signal envoyé au partenaire allemand d'Arte France pourrait s'apparenter à un désengagement français. Le niveau de financement public de l'audiovisuel étant fixé en Allemagne de façon pluriannuelle, la crainte des dirigeants d'Arte France est donc que la diminution de la contribution française ne conduise à une diminution de la contribution de son partenaire allemand.

Par ailleurs, dans un courrier adressé le 18 octobre 2018 à Emmanuel Macron et Angela Merkel, les dirigeants d'Arte G.E.I.E. et Arte France, Peter Boudgoust et Véronique Cayla, ont rappelé le rôle pionnier de la chaîne en matière numérique et proposé de « faire de l'offre européenne d'Arte en six langues une plateforme commune à l'ensemble des chaînes de l'audiovisuel public franco-allemand, enrichie des programme de France Télévisions, de la ZDF, l'ARD et d'autres partenaires européens. Arte deviendrait ainsi l'incubateur européen de l'audiovisuel public » .

Votre rapporteur spécial proposera donc, par voie d'amendement, que la dotation d'Arte France pour 2019 soit maintenue au niveau de l'année précédente et bénéficie de 2 millions d'euros supplémentaires par rapport au montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2019.

2. France Médias Monde : la nécessité de soutenir l'audiovisuel extérieur, au coeur de la mission de l'audiovisuel public

Votre rapporteur spécial avait pointé l'année dernière au cours de la discussion budgétaire la nécessité de garantir les ressources de l'audiovisuel public extérieur , afin de maintenir la présence française dans le monde au travers des différents médias que rassemble France Médias Monde. L'amendement adopté par le Sénat, qui prévoyait de redonner 1,9 millions d'euros au groupe, n'avait cependant pas été conservé par l'Assemblée nationale.

À nouveau cette année, le niveau de la dotation proposée pour France Médias Monde conduit à s'interroger sur l' exercice de ses missions de service public . Ainsi, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une dotation de 256,2 millions d'euros HT, en diminution de 1,6 million d'euros.

Le budget de France Médias Monde est composé à 55 % de charges de personnel, le groupe n'achetant pas de programmes. Une diminution des frais support de 35 % a été réalisée ces dernières années, à la suite de réformes de structure qui avaient été soulignées l'année dernière. Cependant, le glissement mécanique de la masse salariale conduit à diminuer les marges de manoeuvre du groupe malgré les réformes entreprises.

La diminution proposée cette année conduit à remettre en question l'exercice de certaines missions assumées par France Médias Monde. Votre rapporteur spécial déplore le caractère incantatoire des économies demandées par le Gouvernement , sans déterminer les réelles priorités de l'audiovisuel extérieur. Les conséquences d'une diminution des financements publics de l'audiovisuel extérieur semblent bien plus problématiques en termes stratégiques , en particulier pour l'influence française dans le monde que le seraient des économies réalisées dans des programmes nationaux à caractère général. Il convient de rappeler que la concurrence mondiale s'intensifie et que les grands acteurs que sont la Russie, la Chine, mais également le Royaume-Uni et l'Allemagne tendent à renforcer les moyens consacrés à leur présence audiovisuelle dans le monde.

Ainsi, la poursuite de la trajectoire de réduction de la dotation de France Médias Monde conduira le groupe à devoir faire des choix déterminants concernant sa présence dans le monde.

Compte tenu de la diminution de la dotation proposée pour 2019 et de l'augmentation inéluctable de ses charges à hauteur de 2,9 millions d'euros, et malgré la possibilité d'un nouveau plan d'économies de 1,5 million d'euros, le déficit de France Médias Monde s'élèverait en 2019 à 3 millions d'euros.

Les dirigeants du groupe proposent deux pistes pour sécuriser le financement de l'audiovisuel extérieur et donc l'exercice des missions de service public que France Médias Monde, mais également TV5 Monde, assument à l'heure actuelle :

- en comparaison avec le modèle britannique qui a intégré une part des moyens supplémentaires consacrés à l'audiovisuel extérieur dans l'aide publique au développement, France Médias Monde a proposé à l'Agence française de développement un projet d'aide au développement par les médias à destination de l'Afrique ;

- garantir un pourcentage (au minimum 10 %) de contribution à l'audiovisuel public consacré à l'audiovisuel public extérieur, comprenant TV5 Monde.

Dans l'attente de la définition de priorités stratégiques et d'une solution pérenne de financement de l'audiovisuel public extérieur, votre rapporteur spécial proposera dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 un amendement augmentant la dotation de France Médias Monde de 5 millions d'euros .

3. L'institut national de l'audiovisuel (INA) : des coûts maîtrisés et une transformation réussie

La dotation proposée par le projet de loi de finances pour 2019 pour l'Institut national de l'audiovisuel (INA) s'élève à 87,4 millions d'euros HT, en baisse de 1,2 million d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cette diminution devrait conduire l'Institut à puiser dans sa capacité d'auto-financement pour poursuivre les projets en cours. Cette solution est rendue possible par la réalisation d'un processus de maîtrise des charges d'exploitation et de personnels , conformément aux objectifs fixés par le contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2015-2019. Ainsi, la masse salariale a été diminuée, fait rare, de 1,8 million d'euros entre 2013 et 2017, pour atteindre 65,6 millions d'euros. Les charges d'exploitation ont baissé quant à elles de 2 millions d'euros en cinq ans et s'élèvent sur la période 2015-2017 à 38 millions d'euros.

L'Institut a particulièrement développé la formation interne pour permettre la transformation des métiers rendue nécessaire par les évolutions numériques de son activité.

La caractéristique du financement de l'INA réside dans la part importante de ressources propres de nature commerciale , qui représentent environ un tiers de l'ensemble de ses ressources et près de 40 millions d'euros chaque année. L'INA ne se limite plus à la vente d'archives brutes mais propose désormais également des contenus produits.

Par ailleurs, l'Institut mène un projet immobilier global de modernisation de ses locaux sur le site de Bry-sur-Marne, où seront regroupés l'ensemble des services de l'INA. Ce projet a conduit l'Institut à renoncer à ses locaux parisiens. Le budget global de l'opération est de 25,8 millions d'euros, financés sur la trésorerie de l'Institut, et devrait être achevé à la fin de l'année 2020. Les budgets et délais sont pour le moment respectés.


* 2 Réponse au questionnaire parlementaire.

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