TROISIÈME PARTIE - LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE ET LES MOYENS GÉNÉRAUX DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

I. LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE

A. LE RETOUR DU CYCLE ÉLECTORAL

1. En 2019, un calendrier électoral qui se remplit à nouveau

Les crédits du programme 232 augmentent de 81,3 millions d'euros par rapport aux crédits de la loi de finances initiale pour 2018, cette augmentation provenant en entier des crédits ouverts pour l'organisation des élections (+ 82 millions d'euros).

Les autres lignes de crédit du programme sont stabilisées.

Évolution des crédits du programme 232
(2018-2019)

en millions d'euros

Ouverts en LFI pour 2018

Demandés pour 2019

Évolution 2019-2018

Action 01 - Financement des partis

68,7

68,7

0

Action 02 - Organisation des élections

46,6

128

+81,4

Action 03 - Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

7,7

7,5

-0 ,2

Action 04 - Cultes

2,8

2,8

0

Action 05 - Vie associative

0,09

0,2

+0,1

Total programme 232

125,9

207,2

+ 81,3

Source : projet annuel de performances 2019

Toutefois, au regard des prévisions d'exécution des crédits du programme pour 2018, l'année 2019 devrait se traduire par des évolutions moins nettes en particulier du fait des implications sur les dépenses de 2018 des délais nécessaires à l'apurement des comptes de campagne.

En 2018, année sans élections, les crédits ouverts étaient restés marqués par un besoin de compléter les paiements des nombreuses élections de l'année précédente, dont les besoins n'avaient pas été budgétés en totalité dans la loi de finances pour 2017.

Par ailleurs, les crédits du programme ont été abondés en cours de gestion par :

- le report des autorisations d'engagement affectées non engagées par arrêté du 2 février 2018 (0,5 million d'euros en autorisations d'engagement) ;

- le report des crédits anticipés 2017 sur 2018 par arrêté du 1 er mars 2018 (61,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 65,3 millions d'euros en crédits de paiement) ;

- le report des crédits généraux par arrêté du 27 mars 2018 (6,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7 millions d'euros en crédits de paiement).

Au total, en crédits de paiement, un peu plus de 72 millions d'euros de plus que les crédits de la loi de finances initiale devraient être dépensés en 2018, faisant ressortir un ressaut pour 2019 limité à une dizaine de millions d'euros, sous l'hypothèse d'un règlement complet des engagements liés aux scrutins de 2019 au cours de l'année, condition dont la réunion est difficile à anticiper.

En effet, le rythme de règlement des suites des élections est conditionné par les contrôles exercés sur les comptes de campagne par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n'est possible qu'après l'approbation du compte de campagne par la commission.

Celle-ci dispose, en règle générale, d'un délai de six mois pour se prononcer sur les comptes de campagne. Il faut, en outre, compter avec les contentieux dont l'issue peut être plus ou moins rapide.

Sur les 128 millions d'euros inscrits au titre de l'organisation des élections en 2019 (les élections européennes et les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie et, éventuellement des élections partielles), le budget provisionné pour les élections européennes absorbe 111 millions d'euros au total.

Le financement des élections mobilise essentiellement des dépenses hors titre 2, la répartition pour 2019 s'établissant à environ 10 % de dépenses de personnel (13,4 millions d'euros) et 90 % d'autres dépenses (114,6 millions d'euros, principalement des dépenses de fonctionnement).

En titre 2, le programme 232 finance :

- les indemnités pour travaux supplémentaires qui correspondent aux dépenses de personnel pour les soirées électorales ;

- les frais de la commission de propagande qui recouvrent les indemnités de mise sous pli versées aux personnels de l'État effectuant cette prestation ;

- les autres indemnités qui correspondent au défraiement des personnels de l'État qui prennent part aux commissions de contrôle des opérations électorales ou qui sont chargés de recueillir les procurations à domicile.

En hors-titre 2, le programme 232 finance :

- les frais de la commission de propagande qui recouvrent des dépenses de mise sous pli et de colisage des documents électoraux confiés à des prestataires extérieurs ;

- les autres indemnités qui englobent les remboursements des frais de transports des personnels de l'État prenant part aux commissions de contrôle des opérations électorales ou qui sont chargés de recueillir les procurations à domicile ;

- le remboursement de la propagande électorale ;

- les remboursements forfaitaires aux candidats qui correspondent aux comptes de campagne validés par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ;

- les frais d'assemblée électorale qui sont des transferts aux communes de crédits d'investissement pour l'entretien des bureaux de vote ;

- les autres frais de préfecture qui recouvrent l'achat de matériels divers ;

- l'acheminement de la propagande électorale qui correspond aux dépenses d'acheminement des plis de propagande électorale au domicile de l'électeur et des bulletins de vote aux mairies ;

- les frais de l'administration centrale qui regroupent l'ensemble des dépenses relatives aux soirées électorales, aux achats globaux de matériel électoral, au financement des dépenses liées aux Français de l'étranger et aux campagnes de communication.

Ces dépenses correspondraient pour les élections européennes à un coût moyen par électeur de 2,67 euros, cible du dispositif de performance du programme pour 2019.

Pour mémoire, le coût par électeur s'est élevé à 4,35 euros pour les élections présidentielles de 2017 et à 3,72 euros pour les élections législatives.

Si les élections européennes pour 2019 seraient moins coûteuses que ces scrutins, elles extérioriseraient un coût sensiblement plus élevé que les dernières élections européennes. En 2014, le coût par électeur inscrit sur les listes électorales avait atteint 2,12 euros marquant une nette diminution par rapport au précédent scrutin (2,48 euros). Les prévisions pour 2019 inversent cette tendance, avec un accroissement très significatif du coût unitaire de près de 26 %.

Comme pour les autres élections, une part importante des coûts est imputable aux frais de propagande électorale. Ils pèseraient pour 68,5 % du coût par électeur inscrit. Les proportions sont à peu près équivalentes pour les élections présidentielles (64,6 %) mais plus faibles pour les élections législatives (57,5 %).

Pour les élections européennes, le coût de la propagande électorale atteindrait 76 millions d'euros.

Cette charge recouvre en réalité plusieurs opérations. La mise sous pli et l'acheminement sont directement pris en charge par l'État tandis que les frais d'impression et d'affichage sont payés par les candidats et font l'objet d'un remboursement, conditionné à des performances électorales. Pour les élections européennes, le seuil de remboursement (3 % des suffrages exprimés) est inférieur à celui généralement appliqué (5 % des suffrages exprimés), ce qui peut être de nature à entraîner un supplément de charges pour l'État.

La plus grande partie de ces charges pourraient être évitée par le recours à la dématérialisation des opérations liée à la propagande électorale.

C'est d'ailleurs sur la base d'une telle hypothèse qu'a été fondée la programmation pluriannuelle des crédits de la mission. Elle tablait, à ce titre, sur une économie de 414,3 millions d'euros pour la période de 2018 à 2022.

Le projet de budget pour 2019 ne s'inscrit pas en cohérence avec cette programmation, non plus d'ailleurs qu'avec la priorité stratégique consistant à prolonger les expérimentations réalisées ces dernières années en matière de dématérialisation de la propagande électorale .

À cet égard, s'agissant de la plateforme de dématérialisation de la propagande expérimentée à titre volontaire pour les élections s'étant tenues en 2015 (élections départementales et élections régionales et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique) ainsi que pour les élections législatives de 2017, le ministère de l'intérieur estime qu' « elle a donné pleinement satisfaction. L'outil a démontré son utilité et a recueilli l'adhésion des candidats » et indique que « si la décision en était prise, le ministère de l'intérieur serait en capacité technique de mettre en oeuvre la dématérialisation de la proposition électorale pour des élections locales ou nationales » .

Le ministère de l'intérieur tend par ailleurs à faire valoir les difficultés rencontrées lors des opérations de diffusion des plis de propagande. Concernant l'externalisation de la mise sous pli, il suggère que peu de sociétés ont une capacité logistique suffisante pour traiter les documents de propagande dans des délais très contraints. Pour les élections organisées en 2017, seule une dizaine de prestataires différents auraient été retenus sur l'ensemble du territoire métropolitain et une même société aurait été retenue par 50 % des préfectures ayant recours à une externalisation.

Ces dernières observations ne recueillent pas l'assentiment de tous, à commencer par les services du ministère de l'intérieur lui-même. Ainsi, pour les élections présidentielles et législatives de 2017, plus de 70 % des préfectures ont opté pour une externalisation de la mise sous pli de la propagande électorale à un prestataire privé sans que, pour l'élection présidentielle, les plis de propagande adressés aux électeurs aient subi des difficultés notables.

Il faut rappeler que le Parlement s'est régulièrement opposé à la dématérialisation envisagée, le vote de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, qui l'intégrait faisant toutefois exception.

Les Gouvernements successifs n'ont guère su convaincre de l'opportunité d'une modification qui paraît assez logique avec les évolutions de toutes sortes impliquées par la numérisation, mais concerne des opérations d'une particulière éminence dans le vie démocratique d'une Nation.

Au demeurant, le Gouvernement actuel n'a pas pris l'initiative de pousser la dématérialisation lors des prochaines élections européennes, qui auraient pu être l'occasion d'une expérimentation.

Votre rapporteur spécial encourage les progrès recherchés pour dématérialiser les procurations électorales. Ils peuvent favoriser la participation électorale, ce qui est un objectif en soi. Le ministère de l'intérieur y voit aussi un moyen de réaliser des économies. Pour l'heure, le projet de loi de finances pour l'an prochain porte encore la trace de coûts dus à ce projet.

Enfin, il importe de veiller à ce que l'amélioration du suivi des électeurs et des conditions de leur participation aux scrutins qui ont été au coeur des trois lois du 1 er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales (deux lois organiques et une loi ordinaire), à travers la mise en oeuvre du répertoire électoral unique (REU) en cours de déploiement pour simplifier le travail de l'INSEE et des communes trouvent leur pleine concrétisation. À terme, le REU permettra aux électeurs de s'inscrire sur les listes électorales jusqu'au sixième vendredi précédant chaque scrutin.

Ce dispositif ne sera que partiellement opérationnel au début de l'année 2019 de sorte que, transitoirement, l'inscription sur les listes électorales ne sera possible que jusqu'au 31 mars pour les prochaines élections européennes.

2. Le financement des partis politiques entre inertie et volatilité

Le régime applicable à l'aide publique aux partis et groupements politiques est défini par les articles 8 à 10 de la loi du 11 mars 1988.

Le montant global des crédits inscrits à cet effet dans la loi de finances de l'année est divisé en deux fractions égales :

- une première fraction répartie entre des partis et groupements politiques en fonction de leurs résultats lors du dernier renouvellement général de l'Assemblée nationale ;

- une seconde fraction spécifiquement répartie entre les partis et groupements politiques représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Pour l'année 2019, un montant de 68,67 millions d'euros est inscrit. Cette enveloppe est stable en valeur depuis 2014.

Évolution de la dotation prévue au titre du subventionnement
des partis politiques (2008-2019)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Conformément à l'article 9 de la loi du 11 mars 1988, modifié par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, la première fraction de l'aide publique est attribuée :

- soit aux partis et groupements politiques qui ont présenté lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ;

- soit aux partis et groupements politiques qui n'ont présenté des candidats lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale que dans un ou plusieurs départements d'outre-mer, ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou dans les îles Wallis et Futuna et dont les candidats ont obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans l'ensemble des circonscriptions dans lesquelles ils se sont présentés.

La répartition de cette première fraction de l'aide publique s'effectue proportionnellement au nombre des suffrages obtenus lors du dernier renouvellement de l'Assemblée nationale par les candidats se réclamant de ces partis.

Concrètement, le mécanisme repose sur un principe déclaratif organisé comme suit.

En vue d'effectuer la répartition de cette première fraction, les candidats à l'élection législative ont indiqué, s'il y avait lieu, dans leur déclaration de candidature, le parti ou groupement politique auquel ils se rattachaient.

Le troisième jeudi précédant le premier tour au plus tard, les partis ou groupements politiques ont déposé au ministère de l'intérieur, en vue de bénéficier de la première fraction des aides prévues à l'article 8 de la loi du 11 mars 1988 susvisée relative à la transparence financière de la vie politique, la liste complète des candidats qu'ils présentaient aux élections législatives

L'attribution de la totalité de la première fraction de l'aide publique est conditionnée au respect du principe de parité (art. 9-1 de la loi du 11 mars 1988).

Ainsi, lorsque, pour un parti ou un groupement politique, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe rattaché au parti dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le montant de la première fraction qui lui est attribuée est diminué d'un pourcentage égal à 150 % de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats.

Par ailleurs, pour bénéficier de l'aide publique, les partis doivent avoir respecté les obligations comptables prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 précitée.

La seconde fraction de l'aide publique est attribuée aux partis et groupements politiques bénéficiaires de la première fraction, proportionnellement au nombre de députés et de sénateurs qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre de chaque année, y être inscrits ou s'y rattacher.

Chaque parlementaire ne peut indiquer être inscrit ou rattaché à ce titre qu'à un seul parti ou groupement.

Cette année, le temps nécessaire à l'apurement du contentieux des élections législatives auquel est suspendue la détermination du montant de l'aide publique pouvant mettre en difficulté plusieurs formations politiques, le Premier ministre a décidé de verser une avance d'environ 50 % sur le total dû aux partis ou groupements politiques éligibles au titre de l'aide publique pour 2018.

Cette décision a occasionné un retard regrettable dans le versement des subventions. La prudence dont elle témoigne est respectable, mais particulièrement attentive compte tenu du régime juridique des sommes en cause.

Le financement public des partis et groupements politiques s'assimile à une subvention publique.

Il est soumis aux règles de répétition de l'indu et de saisissabilité des subventions.

Finalement, un décret du 11 octobre 2018 a apuré la situation.

Au total, la première fraction de l'aide publique atteint 32,1 millions d'euros, dont 31,9 millions d'euros pour les seuls partis ayant présenté plus des candidats dans plus de 50 circonscriptions en métropole.

Quant à la seconde fraction, elle atteint 34,3 millions d'euros.

Le total du financement s'élève à 66,4 millions d'euros , soit 2,3 millions d'euros de moins que la dotation théorique, la différence s'expliquant par la pénalisation des partis n'ayant pas respecté leurs obligations au titre de la parité.

Cette économie pérenne n'est pas prise en compte dans la programmation des crédits pour 2019, qui surestime les besoins à due proportion.

Votre rapporteur spécial suggère que le Gouvernement affecte ces disponibilités à des actions en faveur des droits des femmes.

Cette initiative ne revient pas dans l'esprit de votre rapporteur spécial à assimiler les dépenses de soutien aux partis politiques à des actes répondant à un quelconque « entre soi ». Bien au contraire, le financement de la vie politique obéit à des principes éminemment louables dans une démocratie qui se veut à la fois vivante et égalitaire.

À cet égard, le gel des dotations depuis 2014, qui est une mesure d'exception lui semble relever davantage d'une forme de démagogie frisant le populisme que d'une vision claire et saine des besoins d'un forum démocratique dans lequel les formations politiques jouent un rôle primordial du fait même de leur objet.

Ce n'est pas à dire que rien ne doive évoluer dans le mécanisme d'attribution des soutiens.

À ce propos, votre rapporteur spécial réalise un travail d'évaluation et de contrôle sur les soutiens publics au financement de la vie politique, dont il livrera prochainement les conclusions.

En l'état, il rappelle les éléments de répartition observés ces dernières années (voir l'annexe n° 1 au présent rapport). Il en ressort que les partis politiques se sont vus attribuer une fraction globalement stable des subventions financées par le programme.

Par contraste, les résultats des élections législatives du mois de juin 2017 ont entraîné de profondes modifications.

À titre d'exemple, on mentionnera que les 22,5 millions d'euros attribués à « En Marche ! », organisation de création très récente, se sont accompagnés d'une réduction des soutiens de « Les Républicains » de 5,8 millions d'euros, et de 18,4 millions d'euros pour le parti socialiste (respectivement, - 31 % et 74 % des subventions de 2017).

La sensibilité du financement de partis politiques qui, pour nombre d'entre eux, sont inscrits dans l'histoire politique et parlementaire longue du pays, à des évènements politiques dont la pérennité n'a par définition pas été démontrée peut être considérée comme excessive au regard de la réalité de structures politiques auxquelles l'histoire a conféré une forme de consécration.

Compte tenu d'une certaine volatilité de l'opinion publique, il pourrait être envisagé de lisser des évolutions ponctuelles en introduisant une troisième fraction dans l'enveloppe de financement des formations politiques, qui, à ce jour, néglige complètement la composante territoriale de la vie politique.

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