F. LES DÉFIS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION « RECHERCHE »

Les crédits alloués par la mission « Recherche » ne constituent qu'une part des moyens financiers dont bénéficient les organismes de recherche, invités à diversifier leurs sources de financement.

Ainsi, les abondements en provenance des Programmes d'investissements d'avenir (PIA) et du programme Horizon 2020 de l'Union européenne représentent souvent une fraction non négligeable du budget des opérateurs.

L'épuisement progressif des crédits en provenance des PIA , de même que le recul des performances françaises à l'échelle européenne constituent dans ce cadre des préoccupations majeures.

1. Quels crédits pour remplacer les PIA ?

Composante du Grand plan d'investissement (GPI) depuis la loi de finances pour 2018, le troisième Programme d'investissements d'avenir (PIA 3) contribue au financement de plusieurs actions relevant de la mission « Recherche » . Ainsi, en 2019, une enveloppe de 170 millions d'euros serait ouverte pour financer la construction du réacteur Jules Horowitz (voir supra ), via l'ANR.

Le PIA 3 accompagne également des « Programmes prioritaires de recherche » (350 millions d'euros de dotations décennales), qui portent notamment les actions « Make our planet great again » (30 millions d'euros), « Instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle » (50 millions d'euros) et « Maladies rares » (20 millions d'euros).

Le Grand Plan d'Investissement (GPI)

Le GPI a pour ambition « d'accélérer l'émergence d'un nouveau modèle de croissance, d'augmenter le potentiel de croissance et d'emplois, d'accélérer la transition écologique et de réduire structurellement la dépense publique ».

Les investissements prévus par le plan couvrent un champ très large de dépenses dépassant largement l'investissement public au strict sens comptable, et englobant toute mobilisation temporaire de ressources ayant un effet à long terme, par exemple les actions de formation ou subventions destinées à orienter le comportement des acteurs dans la transition énergétique.

Les décaissements prévus en 2019 au titre du GPI représentent 10,22 milliards d'euros au total (7,75 milliards d'euros en 2018), dont 6,2 milliards d'euros imputés sur le budget général (y compris 1,05 milliard d'euros de la mission « Investissements d'avenir »).

Le GPI intègre ainsi le Programme d'investissements d'avenir 3 (PIA 3), doté de 10 milliards d'euros dans la mission « Investissements d'avenir » et assure son financement.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Sur le périmètre de la mission « Enseignement supérieur et recherche » les crédits issus des PIA représentent des sommes considérables , avec des montants engagés avoisinant les 10,0 milliards d'euros pour le PIA 1, 3,0 milliards d'euros pour le PIA 2 et 124 millions d'euros pour le PIA 3.

Si ces crédits sont évidemment bienvenus, le financement durable de la recherche par le biais des PIA soulève deux questions :

- en premier lieu, l'abondement des programmes via les PIA participe d'une complexification de la tuyauterie budgétaire propre à la recherche . Les dépenses n'en sont que plus difficilement pilotables, le canal des PIA entretenant une confusion réelle quant au montant exact des financements publics alloués à la recherche.

- en second lieu, comme le relevait la Cour des comptes 39 ( * ) , ces financements ponctuels ont pris la place de financements classiques qui auraient dû être dégagés de manière pérenne . La fin progressive des PIA 1 et 2 place ainsi certains opérateurs dans une situation d'impasse budgétaire. À titre d'exemple, l'Inserm se trouvera confronté à la fin de l'année 2019 à l'épuisement des crédits du PIA 1 dédiés au financement de ses cohortes. De la même manière, le risque financier associé à la fin des PIA est estimé à 9,5 millions d'euros par an pour les infrastructures majeures auxquelles le CEA contribue, tandis que le niveau actuel des ressources de l'INRA issues du PIA s'élève à environ 30 millions d'euros, finançant une partie de l'activité scientifique de l'établissement.

La transition avec la période post-PIA devra ainsi faire l'objet d'un suivi très attentif afin de prévenir les éventuelles impasses budgétaires tout en identifiant des sources alternatives de financement.

2. La nécessité d'améliorer les performances à l'échelle européenne

Alors que les financements européens consacrés à la recherche augmentent, les participations françaises dans les projets sélectionnés poursuivent leur diminution .

En effet, depuis le début des années 2000, les financements ouverts par l'Union européenne en matière de recherche au travers des sixième et septième programmes-cadres de recherche et développement technologique (PCRDT) puis du programme-cadre « Horizon 2020 », ont connu une augmentation marquée , comme le montre le graphique ci-dessous.

L'enveloppe dédiée au programme-cadre « Horizon 2020 » sur la période 2014-2020 s'élève ainsi à 79 milliards d'euros .

Évolution du budget des programmes européens
de financement de la recherche

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Commission européenne

Or, l'obtention de financements européens par les chercheurs français via les appels à projets constitue un enjeu financier décisif pour la recherche française .

Si la France était le troisième pays bénéficiaire du septième programme-cadre pour la recherche et le développement technologique (PCRDT), la participation de la communauté française de recherche aux appels à projets européens a significativement décru depuis 1998. Les financements obtenus par les participants français sont ainsi passés de 13,5 %, pour le cinquième programme, à 13 % pour le sixième avant de nettement diminuer à 11,3 %, pour le septième.

À ce stade, les chiffres de programme-cadre « Horizon 2020 » ne laissent pas envisager d'amélioration réelle de la position de la France en matière de recherche au niveau européen. La France participe à 22,1 % des projets retenus (4 167 projets sur les 18 628 sélectionnés) et représente 9,7 % des participations dans les projets (3 517 participations sur un total de 39 859, soit une amélioration de 0,9 % par rapport à 2017).

Ces participations représentent un total de 3 523 millions d'euros obtenus par les équipes françaises, soit 10,7 % des financements disponibles , contre 11,3 % sur l'ensemble du septième PCRDT .

Par rapport aux chiffres du septième PCRDT, on observe, en dépit d'une augmentation à 8,4 % (contre 7,7 % lors de la période précédente) de la part des financements demandés par la France, et d'une hausse à 9 % de la part relative des participations françaises dans les projets retenus (contre 9,4 % auparavant), une diminution :

- de la part des propositions à participation française ( 16,9 % contre 20,7 % sous le septième PCRDT) ;

- de la part relative des participations françaises dans les projets déposés ( 7,6 % contre 7,9 % sous le septième PCRDT) ;

- des projets retenus à participation française ( 22,1 % contre 27,7 % sous le septième PCRDT) ;

Face à ce constat, et dans la perspective des négociations du 9 ème programme-cadre de recherche et d'innovation, « Horizon Europe », une étude portant sur la participation française au programme-cadre a été confiée par le Premier ministre à l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et au Conseil général de l'économie en 2016.

Parmi les difficultés identifiées par le rapport figurent le manque d'incitation à déposer pour les chercheurs et les structures pour lesquelles ils travaillent, les insuffisances d'articulation entre niveaux de programmation nationaux et européens, l'insuffisance des dispositifs d'accompagnement et la nécessité d'affirmer l'influence de la communauté française sur les institutions européennes en charge de définir la programmation.

Dans le but d'exploiter les conclusions de ce rapport, le Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a été chargé de produire un plan d'action pour renforcer la participation française . Validé en réunion interministérielle le 6 juillet 2018, ce plan d'action s'articulerait autour de 3 axes :

- inciter davantage d'acteurs à participer au programme cadre de recherche et d'innovation (PCRI) et à coordonner des projets ;

- restructurer l'accompagnement au niveau national, régional et local ;

- renforcer les capacités d'influence française sur le PCRI et sa mise en oeuvre.

Le Forum Horizon Europe, qui se tiendra le 5 décembre 2018 au Quai Branly, devrait constituer une première étape dans la mise en oeuvre de ce plan d'action, qu'il conviendra de suivre avec attention.


* 39 Cour des comptes, Le programme d'investissements d'avenir - une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger, décembre 2015.

Page mise à jour le

Partager cette page