II. VERS UNE PLUS GRANDE SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE

1. L'augmentation continue de la subvention à l'agence de santé de Wallis-et-Futuna

L'agence de santé du territoire des îles de Wallis-et-Futuna, regroupe deux hôpitaux et plusieurs dispensaires. Établissement public national à caractère administratif, elle devrait bénéficier, en 2020, d'une subvention de 43,8 millions d'euros en CP, soit une progression de 7 millions d'euros par rapport à la LFI 2019 (action n° 19 « Modernisation de l'offre de soins » du programme 204). Cette majoration, se décompose de la façon suivante :

- 4,5 millions d'euros dédiés à de nouvelles mesures de prévention ;

- 2,5 millions d'euros destinés à la reconstitution de la dette.

La principale difficulté de l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna tient au coût des évacuations sanitaires vers la Nouvelle Calédonie, les établissements métropolitains, voire les hôpitaux australiens.

La progression des crédits est louable. A l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2018, votre rapporteur spécial avait en effet relevé une sous-budgétisation manifeste, l'exécution faisant apparaître une consommation de crédits à hauteur de 40,25 millions d'euros, la loi de finances pour 2018 prévoyant initialement une dotation de 32,45 millions d'euros. La Cour des comptes avait également invité l'État à mieux déterminer les crédits nécessaires à l'agence afin de couvrir ses dépenses et éviter un recours à l'endettement à l'occasion de son examen des exécutions budgétaires 2016 et 2017.

Il convient de rappeler à ce stade que la dette de l'agence de santé de Wallis et Futuna auprès de l'Agence française de développement représentait, au 31 décembre 2018, 22,6 millions d'euros, soit 73 % des restes à payer de l'ensemble de la mission « Santé ».

Faisant suite à un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du contrôle général économique et financier d'avril 2019, le Gouvernement propose aujourd'hui une augmentation en trois temps de la subvention de l'agence. La majoration retenue cette année devrait être suivie d'une nouvelle hausse en 2021 (4 millions d'euros) puis en 2022 (1,6 million d'euros). La subvention devrait in fine atteindre 48,1 millions d'euros à cette date, soit 85 % de plus qu'en 2013.

Trajectoire de la subvention accordée à l'Agence de santé
de Wallis-et-Futuna (2013-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

La simple rallonge budgétaire ne peut constituer, cependant, une option à long terme. La subvention accordée en 2020 à l'agence de santé représente 85 % des crédits de l'action n° 19, qui constitue elle-même un quart du programme 204. Elle devrait en 2021 dépasser le montant actuel accordé à cette action. L'État avait reconnu, en 2016, que le besoin de financement minimal de l'agence s'élevait à 30,5 millions d'euros 2 ( * ) . 15 mesures avaient alors été élaborées au sein d'un projet stratégique quinquennal en vue de parvenir à une maîtrise des coûts. Rien ne semble indiquer que ces préconisations aient aujourd'hui toutes abouti.

Observation n° 8: L'augmentation des crédits accordés à l'agence de santé de Wallis-et-Futuna répond aux remarques du Sénat sur la sous-budgétisation observée au cours des derniers exercices. Elle ne saurait cependant constituer une fin en soi et incite à la mise en oeuvre d'une réflexion sur l'offre de soins sur ce territoire.

2. Le Fonds d'indemnisation de la Dépakine

Les lois de finances pour 2018 et 2019 ont prévu une dotation de respectivement 77,7 millions d'euros et 65,7 millions d'euros affectée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) afin d'abonder le dispositif d'indemnisation de victimes de valproate de sodium et ses dérivés (Dépakine). Cette somme était justifiée au regard du nombre potentiel de dossiers, de la ventilation des dommages par pathologie et par gravité et des frais de fonctionnement du dispositif.

Rappelons que la loi de finances pour 2017 avait inscrit 9,2 millions d'euros pour les victimes de la Dépakine. 500 000 euros ont été réellement consommés en raison du temps d'instruction nécessaire à chacun des dossiers et du retard pris dans l'installation du comité d'experts, institué par un décret publié seulement en mai 2017. En 2018, seuls 15,3 millions d'euros ont été dédiés à cette indemnisation. Votre rapporteur spécial s'était interrogé, lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2018, sur les éléments dont disposait le ministère de la santé pour évaluer le nombre de dossiers.

Le montant de l'indemnisation, entièrement prise en charge par l'État, est estimé à 424,2 millions d'euros sur six ans, soit en moyenne 77,7 millions d'euros par an, chiffre retenu par la loi de finances pour 2018. La direction générale de la santé avait indiqué à la Cour des comptes en 2016 que cette estimation constituait une « fourchette basse », réalisée sur des hypothèses de nombre de bénéficiaires remplissant les critères d'indemnisation. Le coût en année pleine de l'indemnisation des victimes de la Dépakine a été estimé sur la base d'un effectif de 10 290 personnes remplissant les critères d'indemnisation, sur un total de 30 000 à 40 000 demandes.

Reste que cette estimation est intervenue bien avant que ne soit présentée la première étude scientifique sur le nombre de victimes. Le rapport de l'ANSM n'a en effet été publié qu'en juin 2018. Il évalue le nombre d'enfants touchés entre 16 600 et 30 400. Jusqu'alors, l'ANSM n'avait communiqué que sur les malformations congénitales graves provoquées par la Dépakine et ses dérivés, en évaluant entre 2 150 et 4 100 le nombre d'enfants victimes. Ces chiffres de malformations et ceux des troubles mentaux et du comportement ne peuvent cependant pas être additionnés, car certains enfants peuvent cumuler plusieurs handicaps.

De fait, au 9 juillet 2019, le montant total des offres adressées par l'ONIAM s'élève à 3 384 903 euros, dont 3 150 088 euros aux victimes directes et 234 815 euros aux victimes indirectes. Les offres acceptées s'élèvent à 1 840 511 euros.

Nombre de dossiers traités par le dispositif d'indemnisation
des victimes de la Dépakine

Au 30 juin 2019, 507 dossiers avaient été déposés, concernant autant de victimes directes (enfants ayant subi des dommages du fait de leur exposition), et 1 278 victimes indirectes (proches des victimes directes). L'unité de compte est bien le nombre de dossiers déposés au nom de la victime directe, le collège d'experts puis le comité d'indemnisation examinant conjointement les demandes faites au titre des victimes directes et indirectes.

À cette date, le collège d'experts avait examiné au moins une fois 202 dossiers (soit près de 40 % des dossiers enregistrés, ce qui constitue un élément encourageant quant à l'accroissement du rythme d'examen des demandes) et rendu 123 rapports dont 106 d'imputabilité, soit plus de 82% d'imputabilité.

Source : Réponse au questionnaire budgétaire

Si l'on ne peut reprocher au Gouvernement d'anticiper un éventuel aléa à venir pour les finances publiques, votre rapporteur spécial avait noté qu'une approche plus rationnelle du sujet aurait pu être adoptée lors de l'élaboration de la loi de finances, compte-tenu, notamment, des retards déjà enregistrés dans ce dossier courant 2017. Le projet de loi de finances pour 2020 répond à ces réserves en révisant à la baisse le montant prévisionnel des dépenses de 25 millions d'euros.

Observation n° 9 : La réduction d'un tiers du montant prévisionnel des dépenses au titre du dispositif d'indemnisation de victimes de la Dépakine prend acte de la réalité du processus de collecte des informations et participe d'un effort de sincérité budgétaire qu'il convient de saluer


* 2 Agence de santé de Wallis-et-Futuna, Projet stratégique 2016-2020, 15 mesures pour conforter l'Agence dans ses missions et améliorer la santé des Wallisiens et Futuniens.

Page mise à jour le

Partager cette page