TITRE VII

DISPOSITIONS FINALES

Article 31
Habilitation à légiférer par voie d'ordonnance

Cet article vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance, en application de l'article 38 de la Constitution, afin de prendre les mesures nécessaires :

- à l'application de la loi, sous réserve des adaptations nécessaires, dans certaines collectivités ultra-marines (I) et pour les diverses mises en cohérence qui apparaîtraient utiles (IV) ;

- à l'adaptation du droit national dans le domaine des dispositifs médicaux, des recherches impliquant la personne humaine (II) et des médicaments de thérapie innovante (III).

La commission spéciale a restreint le champ de cette habilitation en ce qui concerne dispositions relatives aux investigations cliniques.

I - Le dispositif proposé

1. Les habilitations directement justifiées par l'application du projet de loi

• L'application dans certaines collectivités d'outre-mer (I)

Le I habilite le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances, dans un délai de 18 mois suivant la promulgation de la loi, afin d'appliquer ses dispositions, sous réserve des adaptations nécessaires :

- à Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, qui relèvent du principe d'identité législative mais disposent d'un régime particulier de sécurité sociale ;

- en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et à Wallis-et-Futuna, collectivités régies par le principe de spécialité législative où certaines dispositions du projet de loi doivent être explicitement étendues pour trouver à s'appliquer 384 ( * ) .

• Les diverses mises en cohérence (IV)

Le IV autorise quant à lui le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans le même délai, les mesures nécessaires pour procéder à diverses mises en cohérence à droit constant avec les dispositions du projet de loi ou des ordonnances (cohérence rédactionnelle, harmonisations, correction d'erreurs matérielles...).

Ces mises en cohérence pourront inclure, comme l'a relevé le Conseil d'Etat dans son avis sur le projet de loi dans un objectif de clarté et d'intelligibilité de la loi, des adaptations du code civil si la reconnaissance d'une double filiation maternelle était actée, en particulier des articles rédigés sur le modèle de l'altérité sexuelle des parents, comme ceux relatifs à l'établissement de l'acte de naissance ou l'exercice de l'autorité parentale.

2. Les habilitations visant à adapter le droit national au droit européen

• Dans le domaine des dispositifs médicaux (II)

Le II propose d'adapter par ordonnance, dans un délai d'un an, le code de la santé publique en vue de l'entrée en application de deux règlements n° 2017/745 et n° 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatifs, respectivement, aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro 385 ( * ) .

Ces règlements ont abrogé les directives de 1990 et 1993 386 ( * ) formant le cadre réglementaire européen des dispositifs médicaux et une directive de 1998 387 ( * ) relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

Ils poursuivent deux objectifs présentés comme indissociables : garantir le bon fonctionnement du marché intérieu r des dispositifs médicaux, sur lequel sont actifs un grand nombre de petites et moyennes entreprises, et fixer des normes élevées de qualité et de sécurité pour les patients et usagers, afin de faire face aux enjeux communs de sécurité relatifs à ces produits.

Le règlement 2017/745 sera d' application directe le 26 mai 2020 dans tous les Etats membres après une période transitoire de trois ans qui a débuté le 26 mai 2017. Son champ intègre des dispositifs sans finalité médicale, par exemple à finalité esthétique. Pour l'ANSM, ces dispositions devraient permettre d'harmoniser les règles applicables en favorisant la mise en place d'un réseau organisé des autorités compétentes à l'échelle européenne. En matière de matériovigilance, ce règlement a notamment décidé de la création d'Eudamed, une base de données européennes, dont l'un des modules concerne spécifiquement les incidents. Il impose en outre des obligations aux fabricants en matière de surveillance de ses produits après commercialisation, dans le cadre notamment d'un rapport périodique actualisé de sécurité permettant d'apprécier en continu le rapport bénéfices-risques.

Pour les dispositifs de diagnostic in vitro, les modifications les plus importantes portées par le règlement 2017/746 portent sur une nouvelle classification en quatre classes et de nouvelles règles limitant l'autocertification (dans l'objectif de la réduire de 80 % à 20 %).

Les ordonnances concerneront :

- d'une part, en application de ces nouvelles exigences européennes, le renforcement du rôle de l'ANSM, la mise en cohérence du système de matério ou réactovigilance et les modalités de traçabilité des dispositifs médicaux notamment au sein des établissements de santé ( 1° du II ) ;

- d'autre part, les modalités de réalisation des investigations cliniques qui devront être réalisées en application de ces règlements ( 2° du II ).

Sur ce dernier point, les règlements précités font de l'investigation clinique la règle pour l'évaluation des dispositifs implantables et des dispositifs relevant de la classe III 388 ( * ) . Les fabricants devront résumer les résultats de l'évaluation clinique dans un document destiné à être rendu public. Si l'investigation clinique pourra être réalisée de manière coordonnée dans plusieurs Etats membres, l'examen par un comité éthique - les comités de protection de la personne en France - restera du niveau national. A l'issue de la procédure d'évaluation, chaque Etat membre rend sa décision.

Comme l'a indiqué l'ANSM, cette procédure est facultative jusqu'au 25 mai 2027 et devient obligatoire à compter du 26 mai 2027 pour les dispositifs médicaux, et de 2029 pour les dispositifs de diagnostic in vitro .

• Dans le domaine des médicaments de thérapie innovante (III)

Le III vise à autoriser le Gouvernement à prendre une autre ordonnance dans un délai d'un an afin de mettre en cohérence la législation avec le règlement n° 1394/2007 sur les médicaments de thérapie innovante (MTI) 389 ( * ) sur deux points ponctuels :

- d'une part, pour abroger les références aux préparations de thérapie cellulaire xénogénique et de thérapie génique (définies aux 12° et 13° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique), couvertes par la catégorie de MTI ;

- d'autre part, pour supprimer de la catégorie de produits cellulaires à finalité thérapeutiques les cellules servant à transférer du matériel génétique et donc génétiquement modifiées, qui doivent être considérées comme des MTI et non des préparations de thérapie cellulaire du fait de cette modification substantielle.

Compte tenu de ce champ très circonscrit, on peut se demander pour quelles raisons ces ajustements n'ont pas été apportés directement au texte de l'article 27 du projet de loi relatif aux médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel de sa rapporteure.

III - La position de la commission

Si des habilitations à légiférer par ordonnance ouvertes par cet article sont justifiées par l'objet même du projet de loi, d'autres portent sur des sujets larges ne présentant qu'un lien ténu avec le texte. On peut ainsi s'interroger sur la justification, dans un projet de loi de bioéthique, d'une telle mesure concernant le régime général applicable aux dispositifs médicaux.

A cet égard, du fait des enjeux attachés à ce sujet sur le plan de la sécurité sanitaire, comme l'ont montré de récents évènements, la commission spéciale a tenu à exclure du champ des habilitations les dispositions relatives aux investigations cliniques dans ce domaine ( amendement COM-231 de son rapporteur).

Alors qu'une proposition de loi transpartisane a été récemment déposée au Sénat sur le thème plus général de l'évaluation éthique de la recherche impliquant la personne humaine 390 ( * ) , ce sujet qui nécessitera une modification de la loi Jardé 391 ( * ) , mérite d'être débattu au sein du Parlement. Lors de l'examen de la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, le Sénat et sa commission des affaires sociales s'étaient de même opposés au principe de légiférer par voie d'ordonnance pour adapter la législation française au droit européen en matière de recherches biomédicales 392 ( * ) .

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 32
Clause de révision et évaluation de la loi de bioéthique

Cet article propose de fixer à cinq ans le délai dans lequel la loi de bioéthique devrait faire l'objet d'un nouvel examen par le Parlement, après évaluation par l'OPECST. La commission en a approuvé le principe et y a apporté des modifications rédactionnelles.

L'article 32 du projet de loi reprend la clause de révision présente dans la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Elle figurait également dans l'une des lois fondatrices de 1994 (loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal) 393 ( * ) .

Fixée à cinq ans en 1994 puis à sept en 2011, le projet de loi propose de revenir à cinq ans. Comme précédemment, la révision législative serait précédée d'une évaluation de la loi par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), dans les quatre ans de sa promulgation.

Introduite en 2011 dans la loi à l'initiative du Sénat, la commission a de nouveau approuvé, en adoptant l'amendement COM-255 du rapporteur, le principe de cette révision périodique, réintroduite dans la loi de 2011 à l'initiative du Sénat.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 33
Rapport au Parlement présentant l'état des stocks
des gamètes en France et les conditions de recours à ces derniers

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, demande la remise d'un rapport au Parlement sur l'état des stocks de gamètes en France et les conditions de recours à ces gamètes. La commission spéciale l'a supprimé en considérant que cette mission incombe déjà à l'Agence de la biomédecine.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article est issu d'un amendement présenté par Maxime Minot et d'autres députés du groupe Les Républicains, adopté en séance publique avec l'avis favorable de la commission spéciale et un avis de sagesse du Gouvernement.

Il sollicite la remise, dans un délai de deux ans, d'un rapport au Parlement « présentant l'état des stocks des gamètes et France et les conditions des recours à ces dernières » . Il s'agit notamment d'évaluer l'impact de l'ouverture, par l'article 1 er , de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées sur les « stocks » de gamètes.

II - La position de la commission

L'Agence de la biomédecine met d'ores et déjà à disposition du Parlement et du public, chaque année, dans son rapport médical et scientifique , les données relatives à l'assistance médicale à la procréation et au don de gamètes, qui relèvent de son champ de compétences.

Il lui appartiendra bien évidemment d'évaluer l'impact du projet de loi - notamment de la conjugaison de ses articles 1 er , 2 et 3 concernant l'ouverture de l'accès à l'AMP, la dissociation entre les démarches de don et d'autoconservation et la levée de l'anonymat des donneurs - sur le don de gamètes et les délais d'accès pour les demandeurs.

Si ces enjeux sont essentiels, solliciter un rapport supplémentaire sur le sujet paraît superfétatoire et sans réelle portée. C'est la raison pour laquelle la commission spéciale a adopté l'amendement COM-156 de sa rapporteure de suppression de l'article.

La commission a supprimé cet article.

Article 34
Rapport au Parlement sur l'application des dispositions
encadrant l'entretien avec les proches en matière
de prélèvement d'organes et de tissus

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, demande la remise d'un rapport au Parlement sur l'application des dispositions encadrant l'entretien avec les proches en matière de prélèvement d'organes et de tissus, comportant l'évaluation de l'organisation de ces prélèvements au sein des établissements. Constatant sa portée trop relative quelle que soit l'importance du sujet abordé, la commission spéciale a supprimé cet article.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article est issu d'un amendement de Jean-Louis Touraine et de membres du groupe La République en Marche, adopté en séance publique contre l'avis de la commission 394 ( * ) mais avec l'avis favorable du Gouvernement.

Il sollicite, dans un délai d'un an, la remise d'un rapport au Parlement sur l'application des dispositions de l'arrêté du 16 août 2016 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives à l'entretien avec les proches en matière de prélèvement d'organes et de tissus, pris en application de la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016 ( cf. encadré ci-après). Ce rapport devra notamment évaluer l'organisation de ces prélèvements au sein des établissements.

D'après l'auteur de l'amendement, les dispositions de l'arrêté mentionné n'auraient contribué qu'à modifier « à la marge » des pratiques qui « demeurent trop hétérogènes selon les territoires et selon les équipes » .

Les évolutions apportées par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 en matière de prélèvement d'organes

La loi du 26 janvier 2016 a réaffirmé et clarifié le principe du consentement présumé au don.

Jusqu'alors, si le médecin n'avait pas directement connaissance de la volonté du défunt, il devait « s'efforcer de recueillir auprès des proches l'opposition au don d'organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen » .

La loi de 2016 a supprimé cette disposition : l'article L. 1232-1 du code de la santé publique prévoit désormais que le médecin informe les proches du défunt, préalablement au prélèvement envisagé, de sa nature et de sa finalité , « conformément aux bonnes pratiques arrêtées par le ministre chargé de la santé sur proposition de l'Agence de la biomédecine. »

L'arrêté du 16 août 2016 a ainsi précisé les différentes étapes et finalités de cet entretien qui intervient dans un contexte singulier après l'annonce du décès. Il poursuit plusieurs objectifs : recueillir l'éventuelle expression d'un refus de prélèvement exprimé par le défunt de son vivant, recueillir des informations sur des antécédents médicaux ou sur les circonstances du décès pour réduire les risques de transmission de pathologie, ou encore informer sur la nature et les modalités du prélèvement dès lors qu'ils sont possibles et que la personne ne s'y est pas opposée.

Comme l'a noté la Cour des comptes dans une récente étude 395 ( * ) , cet entretien permet également d'identifier les cas dans lesquels « en raison du contexte, le prélèvement n'a pas été possible », qui permet aux équipes hospitalières de ne pas pratiquer le prélèvement en cas d'opposition des familles, sachant que l'accord des familles reste dans les faits déterminants.

Parallèlement, le décret n° 2016-1118 du 11 août 2016 a précisé les modalités d'expression de l'opposition au prélèvement d'organes et de tissus, dont le principal moyen est l'inscription au registre national des refus géré par l'Agence de la biomédecine. Cette inscription peut se faire en ligne depuis janvier 2017.

II - La position de la commission

• Les règles de bonnes pratiques définies par l'arrêté du 16 août 2016 relatives à l'abord des proches ont fait l'objet, comme l'a indiqué l'Agence de la biomédecine, d'une large concertation.

Elles imposent une préparation de l'entretien, sa formalisation et l'accompagnement des proches, qu'il y ait ou non don d'organes. Le président de la Société française de médecine des prélèvements d'organes et de tissus a souligné le caractère vertueux de ce référentiel pour renforcer la professionnalisation de l'entretien. D'après l'Agence, cela aurait déjà permis d'harmoniser les pratiques des professionnels des coordinations de prélèvement, même si cela nécessite, en raison du renouvellement des personnels, un effort de formation important.

• Il est de bon sens de vouloir faire un bilan de l'application par les équipes de terrain de cet arrêté. Cependant, cela relève pleinement de la mission de l'Agence de la biomédecine , à travers l'audit des coordinations de prélèvements auquel elle procède.

Il appartiendra à celle-ci d'en rendre compte dans ses différentes publications, comme sur tout sujet relevant de son champ de compétences, notamment dans la perspective d'un nouveau « plan greffes » à compter de 2022.

Quelle que soit l'importance du sujet et la réalité des enjeux, il apparaît dès lors inutile de solliciter un rapport spécifique . C'est la raison pour laquelle la commission spéciale a adopté l'amendement COM-230 de son rapporteur de suppression de l'article.

La commission a supprimé cet article.


* 384 Il en avait été de même avec la loi de bioéthique de juillet 2011, étendue adaptée à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française et Wallis-et-Futuna par l'ordonnance du 18 avril 2012.

* 385 Un dispositif médical de diagnostic in vitro est défini comme tout dispositif médical, utilisé seul ou en association, destiné par le fabricant à être utilisé in vitro dans l'examen d'échantillons provenant du corps humain, uniquement ou principalement dans le but de fournir des informations sur un état physiologique ou pathologique, des déficiences congénitales physiques ou mentales, la prédisposition à une affection ou à une maladie, permettant de prévoir la réponse ou les réactions à un traitement ou de définir ou contrôler des mesures thérapeutiques.

* 386 Directives 90/385 du 20 juin 1990 et 93/42/CEE du 14 juin 1993.

* 387 Directive 98/79CE du 27 octobre 1998.

* 388 Relèvent de la classe III d'après le règlement 2017/745 « les dispositifs non invasifs consistant en une substance ou un mélange de substances et destinés à une utilisation in vitro en contact direct avec des cellules, tissus ou organes humains prélevés dans le corps humain ou utilisés in vitro avec des embryons humains avant leur implantation ou leur administration dans le corps. »

* 389 La mise en cohérence de la législation nationale avec le règlement de 2007 a été principalement faite par la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

* 390 Proposition de loi n° 105 relative à l'évaluation éthique de la recherche impliquant la personne humaine, présentée par Catherine Deroche, enregistrée le 7 novembre 2019.

* 391 Loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine.

* 392 Cette habilitation votée contre l'avis du Sénat a donné lieu à l'ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 2016 relative aux recherches impliquant la personne humaine.

* 393 Aucun principe de révision ne figurait dans la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, qui fixât les grands principes tels l'inviolabilité ou la non patrimonialité du corps humain.

* 394 La rapporteure Laëtitia Romeiro Dias a indiqué toutefois y être favorable à titre personnel.

* 395 « La politique des greffes : une chaîne de la greffe fragile à mieux organiser », Cour des comptes, rapport sur l'application des lois de sécurité sociale, septembre 2019.

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