III. UNE BAISSE DES CRÉDITS EN TROMPE-L'oeIL

La trajectoire d'économies pour le service public prévoyait une diminution des crédits qui leur étaient octroyés de 80 millions d'euros pour l'exercice 2021. L'effort de réduction des coûts demandé en contrepartie aux sociétés publiques audiovisuelles est, cependant diminué, dans le présent projet de loi de finances, de 10 millions d'euros pour s'établir à 70 millions d'euros. Cette minoration est, notamment, reliée au maintien, légitime au regard de son apport pendant le confinement, de l'activité de France 4 jusqu'à l'été 2021. Le succès des émissions éducatives de la chaine durant cette période a, en effet, conduit à ajourner cette perspective d'un an.

Montant des réductions de crédits accordés aux sociétés d'audiovisuel public
en lois de finances initiales

(en millions d'euros HT)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Cette réduction des moyens est, en outre, à relativiser, le programme 363 - « Compétitivité de la mission Plan de relance » - prévoyant, par ailleurs, 70 millions d'euros en AE et 65 millions d'euros en CP afin d'aider l'audiovisuel public, en visant principalement son rôle de soutien à la création.

Cette aide se décompose de la façon suivante :

- 45 millions d'euros pour France Télévisions ;

- 20 millions d'euros pour Radio France (dont 15 millions d'euros dès 2021) ;

- 2 millions d'euros pour Arte France et l'INA ;

- 0,5 million d'euros pour TV5 Monde et France Médias Monde.

L'aide accordée pour France Télévisions devrait couvrir exactement le montant des pertes publicitaires constaté avant le reconfinement.

A. CHRONIQUE D'UNE MORT ANNONCÉE : LA RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Ces mouvements contradictoires ne sont pas sans susciter d'interrogation, alors même qu'aucune réforme du périmètre de l'audiovisuel public n'a pour l'heure été réellement mise en oeuvre. La réforme législative semble en effet abandonnée après son examen par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale. Le texte apparaissait cependant assez décevant, au plan financier.

Il ne poussait pas, en effet, à une rationalisation du paysage de l'audiovisuel public et à une réflexion sur le positionnement des différentes chaînes. Le format généraliste de France 2 ne semblait ainsi pas remis en cause. Or à défaut de priorisation ou de choix des missions assumées par ces groupes, en particulier par France Télévisions, la réalisation d'économies pour le secteur relève de l'équation insoluble.

Un projet faussement ambitieux

La réforme de l'audiovisuel public semblait se résumer à la création de France Médias, holding censée chapeauter les sociétés publiques audiovisuelles. Arte France et TV5 Monde n'étaient pas, cependant, intégrées à cette nouvelle structure. Trois missions lui auraient eté assignées :

- définir des coopérations éditoriales entre les différentes entités, les décisions éditoriales demeurant du ressort des entreprises éditrices de programme ;

- déployer une offre « trimédia » : télévision, radio et internet ;

- mutualiser les fonctions non éditoriales à l'image de la formation, de la régie publicitaire ou de la recherche et développement.

France Médias devait être lancée fin 2022. Elle aurait été dotée d'un conseil d'administration composé de douze membres, désignés par l'État, le Parlement et les représentants du personnel pour 5 ans. Ce conseil choisirait son président-directeur-général, qui sera ensuite nommé par décret présidentiel. Les présidents de chaînes seraient remplacés, à cet horizon, par des directeurs généraux, eux-mêmes désignés par les conseils d'administration de ces entités, sous l'impulsion du président de la holding.

Le rapporteur spécial rappelle que la création d'une holding ne constitue pas forcément un levier indispensable en vue de développer les synergies.

Les émissions communes mises en place par France 3 et France Bleu répondent ainsi d'ores et déjà à cette ambition. Suite à une première expérimentation associant les antennes locales des deux chaînes en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Occitanie menée en début d'année, Radio France et France Télévisions ont en effet annoncé en mai 2019 leur souhait de généraliser la diffusion des matinales locales des 44 antennes de France Bleu sur 44 zones de diffusion TV aménagées pour correspondre à l'auditoire de France Bleu. La fin de la mise en place de ce dispositif devrait intervenir à l'horizon 2022. Une dizaine de stations devraient être concernées chaque année. Des projets immobiliers communs concernant les deux entités sont également mis en oeuvre à Rennes, Lyon, Clermont-Ferrand, Strasbourg, Vesoul, Toulon ou Châteauroux.

D'autres projets de mutualisation sont également en cours à l'image de l'offre d'information du service public franceinfo, qui associe Radio France, France Télévisions, France Médias Monde et l'INA. Les six organismes de de l'audiovisuel public ont, par ailleurs, lancé, le 22 novembre 2018, Culture Prime, média social culturel visant à favoriser l'accès à la culture et à la connaissance au plus grand nombre. Les entreprises de l'audiovisuel public ont également mis en place un appel à projets dédié aux écritures numériques, à destination des créateurs audiovisuels et numériques, « l'Atelier de l'audiovisuel public ». Une offre éducative commune est également en cours d'élaboration, en lien étroit avec le ministère de l'Éducation nationale.

Au niveau financier, un « Club achats » a été créé fin 2017, rassemblant l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel public. Il vise à

- mettre en place des marchés mutualisés sur des besoins existants ou nouveaux ;

- échanger sur les bonnes pratiques du secteur et les stratégies achat, ainsi que sur la nomenclature achat (référentiel commun) afin d'harmoniser les procédures ;

- réaliser un gain de temps ;

- rendre plus aisées certaines synergies grâce à l'adoption de mêmes outils technologiques.

Source : commission des finances du Sénat

De fait, faute de réforme structurelle permettant de dégager de nouvelles marges de financement, le Gouvernement semble envisager de faire progresser les ressources propres des chaînes publiques, via l'ouverture de la publicité segmentée et géolocalisée pour accroître les ressources de Radio France et France Télévisions.

Le Gouvernement continue par ailleurs à poursuivre une logique de coups de rabot via le gel de la CAP. Celle-ci présente le risque de fragiliser un peu plus certaines entités du service public, à l'image de France Médias monde voire de Radio France, alors même que ces structures ont mis en oeuvre depuis plusieurs années une réelle maîtrise de leurs coûts de fonctionnement. La diminution de la CAP n'est, en effet, pas corrélée à une réflexion quant à son utilisation.

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