V. LA BUDGÉTISATION INCERTAINE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION

Le programme 206 est consacré au financement des actions mises en oeuvre pour assurer la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation.

Aucune évolution organisationnelle n'est intervenue ces dernières années, malgré les préconisations formulées par les précédents rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat dans leur rapport consacré à la politique de sécurité sanitaire des aliments 30 ( * ) .

Ils avaient appelé à des améliorations profondes du cadre d'actions en faveur d'une politique qui doit mieux répondre aux inquiétudes des Français, inquiétudes justifiées au regard des événements sanitaires du temps présent.

Plus récemment, le rapport d'information de nos collègues des commissions des affaires sociales et des affaires économiques sur l'affaire Lactalis avait été l'occasion de confirmer la nécessité de « mieux contrôler, mieux informer et mieux sanctionner 31 ( * ) » .

La politique de sécurité sanitaire des aliments est largement interministérielle, réalité que l'information budgétaire continue à occulter, situation qu'il conviendrait de corriger au plus vite par l'élaboration d'un document de politique transversale, puisqu'elle nuit à la lisibilité des financements publics consacrés par l'État à cette action de première importance et à ses résultats.

Il s'y ajoute une très grande confusion dans l'exposé des interventions financées par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation à raison de ladite politique. Cette dernière demeure « sans carte d'identité budgétaire » .

Certains crédits consacrés par le ministère à la sécurité sanitaire des aliments demeurent extérieurs au programme 206, qu'ils soient inscrits dans le programme 149 ou dans le programme réservoir de la mission AAFAR 215.

Certains financements proviennent de taxes affectées, dont certaines sont plus théoriques qu'effectives, ce dont témoigne un article du projet de loi de finances pour 2021, voté à l'initiative du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Quant au programme 206 lui-même, la conception d'une politique publique de sécurité sanitaire des aliments « du champ à l'assiette » , qui n'est pas sans justification conceptuelle, a pour effet qu'il porte des crédits destinés à des actions assez différentes dans leur objet, les unes visant à assurer l'intégrité sanitaire des actifs des exploitations agricoles, les autres plus directement destinées à prévenir la mise à disposition des consommateurs de produits non indemnes.

Dans ces conditions, les appréciations formées à partir des crédits des projets de loi de finances de l'année au titre du programme 206 ne sauraient valoir qu'au regard du cadre imparfait de la nomenclature budgétaire.

Par ailleurs, plus fondamentalement, au vu des impasses budgétaires à répétition apparues ces dernières années en cours de gestion, il va de soi que la mise en perspective du projet de budget avec une base aussi virtuelle que les lois de finances de l'année en cours est fort peu éclairante. Au-delà, il est à craindre que la forme de répétitivité constatée pour le passé ne vaille également pour l'avenir.

A. DES ENJEUX CONSIDÉRABLES

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » est plus spécifiquement consacré aux missions de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) .

Comme cela arrive fréquemment dans le secteur d'activité agricole, de nombreux intervenants participent à la mise en oeuvre des actions censées conforter la sécurité sanitaire des aliments avec des soutiens publics provenant du programme 206 mais aussi de budgets des collectivités territoriales et des contributions volontaires des professionnels, les cofinancements en résultant offrant un défi au suivi financier et opérationnel des actions.

Les années qui viennent de s'écouler n'ont pas manqué de rappeler, par les calamités sanitaires qui les ont marquées, mais aussi par le malaise suscité par plusieurs controverses concernant tant les effets sur la santé humaine ou animale des perturbateurs endocriniens (avec le dossier des produits phytopharmaceutiques) que la situation du bien-être animal, l'importance d'une vigilance très forte dans un domaine où les objectifs affichés sont souvent suivis d'effets inversement proportionnels à leur très forte médiatisation.

Il s'agit d'abord de garantir la santé des consommateurs mais également d'assurer l'intégrité des matières premières et des actifs des exploitants dont la valeur dépend étroitement de la qualité sanitaire de leurs productions.

Les enjeux sont donc considérables d'autant que les interventions financées par le programme 206 poursuivent encore des objectifs environnementaux.

De ce point de vue, les évolutions en cours ou prévisibles sont inquiétantes .

Ainsi, les rapporteurs spéciaux ne peuvent manquer de mentionner la prégnance des cas de maladie animale et végétale observés ces dernières années.

Ces évolutions se sont traduites par la survenance de crises majeures parmi lesquelles on peut mentionner la multiplication des foyers de Xylella fastidiosa, une bactérie nuisible à de nombreux végétaux (en particulier, les oliviers), la fièvre catarrhale ovine (FCO), et les différentes formes du virus d'influenza aviaire qui ont entraîné la décimation des canards, en particulier dans les départements du Sud-Ouest.

Mais, d'autres dangers sont très présents qu'il s'agisse de la tuberculose bovine ou de la trichine. Si la France n'a pas perdu son statut de pays indemne au regard de la première, il n'en va pas de même pour la seconde 32 ( * ) . Quant à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), l'identification d'un cas d'ESB en 2016 a fait rétrograder la France au rang de pays à risque maîtrisé (et non plus indemne).

Enfin, l'existence à nos frontières de cas de peste porcine suppose des mesures très résolues de préservation contre un danger considérable.

C'est également le cas de la multiplication des situations d'influenza aviaire.

Quant aux impacts sanitaires sur les consommateurs , mais aussi sur les personnes pouvant avoir des contacts avec les végétaux et les animaux, ils demeurent insuffisamment connus comme en témoignent les controverses scientifiques portant sur les produits phytosanitaires mais aussi insuffisamment suivis, la veille épidémiologique souffrant parfois d'une forme de négligence au quotidien ou de la trop forte rareté des moyens d'analyses. Mais le nombre de certaines affections apparaît d'ores et déjà considérable comme l'illustre le tableau ci-dessous exposant des données transmises aux rapporteurs spéciaux lors de leurs travaux sur la sécurité sanitaire des aliments.

Type de pathologie

Nombre de cas par an

Hospitalisation

Décès

Bactériennes

900 000

12 680

179

Virales

504 887

4 201

23

Parasitaires

44 669

1 118

37

Source : audition des rapporteurs spéciaux

Dans ce contexte, la mise en oeuvre d'une étude globale sur la consommation alimentaire tout au long de la vie représente un indéniable progrès.


* 30 Rapport d'information n° 442 du 23 février 2017 d'Alain Houpert et Yannick Botrel, « Pour une politique de sécurité sanitaire des aliments zéro défaut », fait au nom de la commission des finances du Sénat.

* 31 Rapport d'information n° 403 du 5 avril 2018 de Sophie Primas et Alain Milon, « Après l'affaire Lactalis : mieux contrôler, informer et sanctionner », fait au nom de la commission des affaires économiques et des affaires sociales du Sénat.

* 32 Voir l'annexe n° 2 qui recense la situation de la France au regard des différentes maladies animales suivies par les instances internationales.

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