B. UN OUTIL VIDÉ DE SA SUBSTANCE ET CONCURRENCÉ

1. Le CAS est contourné dans ses règles

Les entités ou ministères occupants ne sont censés pouvoir exercer leurs droits de tirage sur le CAS qu'en contrepartie de la mutualisation de produits de cession . Il est cependant parfois choisi, en accord avec les ministères concernés et le ministère du budget, de ne pas mutualiser tous les produits de cession , par exemple pour le plateau de Saclay, pour les immeubles domaniaux occupés par le ministère des armées ou encore pour les immeubles domaniaux du ministère de l'Europe et des affaires étrangères situés à l'étranger, et ce jusqu'au 31 décembre 2025.

Le deuxième processus conduisant à contourner les règles du CAS résulte de l'octroi d'avances . En effet, le montant des avances consenties par le CAS pourrait s'élever à 370 millions d'euros d'ici la fin de l'année 2021 .

Ce montant devient non seulement très élevé, mais impossible à couvrir par un versement du budget général . Ce versement constituait en quelque sorte la « bouée de sauvetage » du mécanisme des avances, par exemple si un ministère se révélait incapable de concrétiser la ou les cessions sur lesquelles il s'était engagé pour financer son projet. Or, la contribution du budget général au CAS est limitée à 10 % des crédits ouverts en loi de finances initiale.

Pour que la capacité de financement du CAS ne soit pas totalement préemptée par ces avances, le rapporteur spécial estime que ce mécanisme de préfinancement devrait être mieux encadré et documenté , notamment sur les conditions de « rétrocession » des avances. Si en effet les avances n'ont pas d'impact sur la soutenabilité du CAS, les dépenses s'appuyant toujours sur des recettes équivalentes, elles peuvent affecter la capacité du CAS à débloquer ces crédits pour d'autres ministères que ceux bénéficiant de ces avances 12 ( * ) .

2. D'autres vecteurs budgétaires reprennent les objectifs du CAS

Les recettes du CAS sont loin d'être suffisantes pour couvrir l'ensemble des besoins du parc immobilier de l'État . Ses principes de fonctionnement font également obstacle au lancement, par ce vecteur budgétaire historique, de grands projets structurels pour le patrimoine immobilier de l'État. Le Gouvernement a donc procédé par d'autres moyens, comme l'illustrent le programme 348 et le plan de relance.

a) Le programme 348 « Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants » de la mission « Transformation et fonction publique »

La direction de l'immobilier de l'État est responsable du programme 348 « rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » de la mission « Transformation et fonction publiques ».

Ce grand plan de rénovation, dédié spécifiquement aux cités administratives et sites domaniaux multi-occupants est doté d'un milliard d'euros sur cinq ans (2018-2022) pour financer des opérations permettant de réduire la consommation énergétique de ces bâtiments et lutter contre leur obsolescence .

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, le choix de recourir à un programme indépendant du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » s'explique par les contraintes fortes pesant sur l'ouverture de crédits sur le CAS . Pour rappel, les dépenses ne sont normalement engagées qu'à hauteur des recettes issues des produits de cession et des redevances domaniales. Elles seraient alors trop faibles pour pouvoir financer un plan d'une telle envergure sur cinq ans, sauf à accepter de rénover les cités administratives au détriment de tous les autres bâtiments du parc immobilier de l'État.

Le recours à un programme séparé et attaché à une autre mission montre que les grandes opérations structurantes ont de plus en plus vocation à être financées en dehors du vecteur budgétaire historique de la politique immobilière de l'État , renforçant ainsi son éclatement.

b) L'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance »

Dans le cadre de la mission « Plan du relance », qui a été introduite dans le projet de loi de finances pour 2021, une nouvelle action a été créée pour porter un plan de plus de 6,29 milliards d'euros pour la rénovation énergétique, dont 4 milliards d'euros pour celle des bâtiments publics (action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie »). En 2021, 2,86 milliards de crédits de paiement ont été ouverts sur cette action.

Dans le projet de loi de finances pour 2022, l'action comprend 1,51 milliard de crédits de paiement.

Cette action est indépendante du programme 348, même si les méthodes et les objectifs sont quasi-similaires . Le programme 348 a été très rapidement contraint par le niveau des crédits qui lui avaient été octroyés et qui lui permettaient finalement de ne couvrir qu'une quarantaine de bâtiments, soit une part infime des plus de 190 000 bâtiments contrôlés par l'État.

Le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » n'est donc ni nécessaire ni suffisant pour porter les grands projets immobiliers de l'État . Fragilisé, il n'est plus un instrument incontournable pour porter les priorités de la politique immobilière de l'État.


* 12 Dans l'hypothèse par exemple où les avances seraient équivalentes à la totalité des dépenses pouvant être ouvertes en année n sur le CAS.

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