Rapport n° 402 (2022-2023) de M. Bernard FIALAIRE , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 8 mars 2023

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N° 402

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 mars 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1)
sur la proposition de loi portant
réforme de la loi du 9 février 1895 sur les fraudes
en
matière artistique ,

Par M. Bernard FIALAIRE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mmes Nathalie Delattre, Véronique Del Fabro, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .

Voir les numéros :

Sénat :

177 et 403 (2022-2023)

AVANT-PROPOS

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté, le 8 mars 2023, son texte sur la proposition de loi portant réforme de la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique, déposée par Bernard Fialaire sur le bureau du Sénat le 5 décembre 2022.

Cette proposition de loi vise à créer une nouvelle infraction pénale au sein du code du patrimoine réprimant les fraudes artistiques, en remplacement de l'infraction prévue par la loi du 9 février 1895, dite « Bardoux », devenue inadaptée pour sanctionner la diversité des fraudes désormais constatées. La commission de la culture a jugé cette refonte législative particulièrement pertinente pour permettre à notre pays de mieux lutter contre le phénomène des faux artistiques en pleine expansion.

À l'initiative de son rapporteur, elle a adopté plusieurs amendements destinés à clarifier et à compléter le dispositif afin de lui conférer un caractère pleinement opérationnel.

I. LE FAUX EN ART : UN PHENOMÈNE NUISIBLE AU MARCHÉ DE L'ART QUE LA LÉGISLATION EN VIGUEUR NE PERMET PAS D'APPRÉHENDER GLOBALEMENT

A. UN PHÉNOMÈNE EN HAUSSE AUX CONSÉQUENCES NÉFASTES

Si les fraudes artistiques ne constituent pas un phénomène nouveau, celles-ci semblent se multiplier ces dernières années sous l'effet de plusieurs facteurs. D'une part, elles se révèlent de plus en plus profitables pour leurs auteurs compte tenu de l'explosion des prix des oeuvres d'art . D'autre part, la hausse significative de la demande sur le marché de l'art , l'arrivée en nombre d'acheteurs qui ne sont pas des connaisseurs, ainsi que l'essor de la vente d'art en ligne et la réglementation insuffisante des plateformes contribuent à faciliter l'écoulement des faux et des contrefaçons artistiques. À ces éléments s'ajoutent les avancées scientifiques et technologiques qui permettent aux faussaires de perfectionner leurs techniques afin que leurs fraudes ne soient pas détectées. L'utilisation malveillante de l'intelligence artificielle fait craindre un accroissement, dans les années à venir, des risques de fraudes.

L'acheteur - qu'il s'agisse d'un particulier ou, parfois, d'une institution publique malgré les règles encadrant les acquisitions par les musées - constitue la première victime de ces fraudes. L'artiste pâtit également du pillage de son oeuvre, sans que ses ayants droit ou lui ne disposent de moyens suffisants ou adéquats pour y faire face. Le professionnel peut voir, lui aussi, son activité perturbée ou entravée par l'existence de ces faux. Le fonctionnement du marché de l'art dans son ensemble subit donc les conséquences de la méfiance qui s'instaure entre ses acteurs .

À l'instar des autres activités clandestines, aucun chiffre ne permet malheureusement de saisir l'ampleur exacte du phénomène et son impact sur le marché de l'art et dans les collections publiques.

Fait récent, le trafic illicite de biens culturels suscite désormais l'intérêt des organisations criminelles au niveau mondial , compte tenu de ses avantages comme technique de blanchiment, de son caractère lucratif et du caractère peu dissuasif des peines applicables en comparaison d'autres formes de trafic. L'efficacité de la répression de ces infractions revêt donc un enjeu majeur .

Source : Évaluation de la criminalité
visant les biens culturels en 2020, Interpol

B. LES INSUFFISANCES DES DISPOSITIONS JURIDIQUES PERMETTANT DE LUTTER CONTRE LES FRAUDES EN MATIÈRE ARTISTIQUE

Plusieurs travaux ont eu pour objet, au cours des dernières années, d'évaluer la pertinence et l'efficacité de la prévention et de la détection des faux artistiques 1 ( * ) . Ils ont permis de mettre en évidence le caractère inadapté de la loi du 6 février 1895 sur les fraudes en matière artistique et l'importance d'une réforme de la législation pour adapter le dispositif répressif aux enjeux contemporains du marché de l'art international.

« Le délit même de fraude artistique devrait être repensé »
Jean-Claude Marin, Procureur général près la Cour de Cassation (nov. 2017)
.

Adoptée en 1895 dans le but de protéger les acquéreurs contre la prolifération des faux artistiques ainsi que les artistes victimes de ces fausses attributions, la loi Bardoux apparait en effet désormais comme un texte désuet, d'application limitée et aux effets peu dissuasifs . Elle ne permet pas de poursuivre la plupart des faussaires et des marchands d'art mal intentionnés.

Son champ d'application est trop restrictif pour recouvrir l'étendue des faux dans leur réalité actuelle : elle couvre uniquement les catégories d'oeuvres d'art en vogue à la Belle Époque (peinture, sculpture, dessin, gravure, musique), et au sein de celles-ci, celles qui ne sont pas tombées dans le domaine public et qui sont revêtues d'une signature apocryphe , laissant de côté tous les faux sans signature ainsi que les faux sans auteur identifié.

Les peines de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende fixées par la loi sont bien moins sévères que celles prévues pour des infractions pénales approchantes .

Certes, la loi Bardoux n'est pas le seul texte à pouvoir s'appliquer pour réprimer les fraudes artistiques. Plusieurs infractions de droit commun - en particulier l'escroquerie, la tromperie, la contrefaçon et le faux et usage de faux - peuvent permettre de sanctionner les coupables de telles fraudes, mais leur champ d'application, qui n'est pas propre au marché de l'art, n'est pas pleinement adapté pour réprimer, dans sa globalité, le phénomène des faux artistiques .

En revanche, le décret dit « Marcus » du 3 mars 1981 vise à sanctionner spécifiquement les vendeurs d'oeuvres d'art et d'objets de collection qui frauderaient sur la terminologie applicable à ces biens lors de transactions. Cependant, il est exclusivement opposable aux vendeurs et la peine infligée aux contrevenants reste limitée à une amende d'un montant maximal de 1 500 euros.

II. UNE PROPOSITION DE LOI BIENVENUE MAIS À LA RÉDACTION PERFECTIBLE POUR GARANTIR SON CARACTÈRE OPÉRATIONNEL

A. UNE PROPOSITION DE LOI DESTINÉE À RÉPRIMER LES ATTEINTES FRAUDULEUSES PORTÉES À LA VÉRITÉ D'UNE oeUVRE D'ART

L'actualisation de la loi Bardoux correspond à un réel besoin exprimé par les auteurs ou leurs ayants droit, les professionnels du marché de l'art, les praticiens du droit et les services enquêteurs. Les fraudes artistiques portent non seulement atteinte à des intérêts privés (violation des droits moraux et patrimoniaux des artistes, préjudice subi par les acquéreurs), mais elles érodent également la confiance dans le marché de l'art et les institutions patrimoniales et elles constituent, au final, une menace pour la création. Une réforme législative est donc indispensable afin d'améliorer la protection des consommateurs et le respect des droits des artistes, de restaurer la crédibilité du marché de l'art et d'accroître la transparence et la fiabilité dans ce domaine.

L'article 1 er de la proposition de loi vise à créer, au sein du code du patrimoine, une nouvelle infraction pénale remplaçant celle prévue par la loi Bardoux, que l'article 2 prévoit d'abroger. Cette infraction aurait pour objet de réprimer la réalisation, la présentation, la diffusion ou la transmission, à titre gratuit ou onéreux, et en connaissance de cause, d'un bien artistique ou d'un objet de collection affecté, par quelque moyen que ce soit, d'une altération de la vérité sur l'identité de son créateur, sa provenance, sa datation, son état ou toute autre caractéristique essentielle.

La proposition de loi ne se contente donc pas d'une simple actualisation de la loi Bardoux, mais procède à une véritable refonte de la répression des fraudes en matière artistique .

Elle corrige plusieurs lacunes de la loi Bardoux :

• elle élargit le périmètre de l'infraction aux falsifications affectant l'ensemble des biens artistiques et objets de collection , sans la restreindre à certaines catégories d'oeuvres particulières ni distinguer entre les oeuvres couvertes encore ou non par le droit d'auteur. Son objectif est de protéger tous les supports de l'art, y compris des modes d'expression artistique appelés à apparaitre dans le futur ;

• elle étend l'infraction aux falsifications relatives à la datation, l'état ou la provenance d'une oeuvre d'art , ne la limitant plus aux seules falsifications liées à la signature ou à la personnalité de l'artiste ;

• elle alourdit le régime des peines en alignant la peine principale sur celles applicables en matière d'escroquerie (5 ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende) avec possibilité d'aggravation sous certaines circonstances (commission avec l'aide de complices, commission de manière habituelle ou commission en bande organisée). Elle maintient la peine complémentaire prévue par la loi Bardoux de confiscation ou de remise au plaignant de l'oeuvre d'art, même en cas de relaxe lorsqu'il est établi que l'oeuvre en question est un faux.

Mais, elle ne vise pas, à la différence de la loi Bardoux et de la plupart des infractions pénales de droit commun, à punir le préjudice économique et financier subi par la victime de la duperie ou du mensonge. Elle a pour objet de prévenir toute atteinte portée aux oeuvres d'art elles-mêmes en sanctionnant les falsifications portant sur les traits incontournables d'une oeuvre d'art susceptibles d'intervenir depuis la création de l'oeuvre jusqu'à sa commercialisation ou son transfert, en passant par des étapes intermédiaires de présentation ou de diffusion. L'infraction n'est plus conditionnée, ni à la nécessaire identification d'un artiste, ni à celle d'une transaction ou d'un cadre contractuel .

Cette nouvelle infraction revêt un caractère symbolique . Elle permet d'affirmer que les oeuvres d'art ne sont pas assimilables à de simples marchandises et qu'elles constituent un bien commun de tous.

B. LA POSITION DE LA COMMISSION : CLARIFIER LE DISPOSITIF POUR LE RENDRE PLUS OPÉRATIONNEL

Même si les différentes infractions de droit commun rendent possible la répression, dans une très large majorité des cas, des fraudes artistiques, la commission a jugé utile la création d'une nouvelle infraction au regard, d'une part, de la reconnaissance symbolique des spécificités de la matière artistique qu'elle pourrait apporter et, d'autre part, du signal fort qu'elle pourrait adresser aux auteurs de fraudes artistiques sur le caractère hautement répréhensible de leurs actions.

La commission a néanmoins souhaité modifier la proposition de loi initiale afin, notamment :

• de clarifier la définition de l'infraction afin de la recentrer sur les différentes manoeuvres frauduleuses sur ou autour de l'oeuvre d'art ou de l'objet de collection , dans la mesure où l'altération de vérité, qui constitue l'élément caractéristique du délit de faux, lui a semblé être une notion plus délicate à apprécier en matière artistique où la vérité est souvent difficile à établir et sujette aux aléas des connaissances et des techniques. Cette clarification lui est par ailleurs apparue essentielle pour ne pas remettre en cause la liberté de création artistique, l'objectif étant bien de sanctionner les comportements frauduleux sans empêcher la pratique de la copie, du plagiat, de la parodie ou du détournement d'oeuvre d'art à partir du moment où l'artiste qui s'y adonne n'a pas pour objectif de tromper autrui en faisant passer son oeuvre pour ce qu'elle n'était pas ;

• d'élargir le champ d'application de la circonstance aggravante en prévoyant également un alourdissement de la peine lorsque les faits sont commis par des professionnels du marché de l'art ou lorsque le préjudice était subi par une institution patrimoniale publique ;

• de préciser et compléter les peines complémentaires de ce nouveau délit en offrant au juge la faculté de prononcer une interdiction d'exercice de l'activité professionnelle dans le cadre de laquelle l'infraction a été commise et en le laissant libre de la mise hors circuit des oeuvres falsifiées et de ses modalités.

La commission a noté que le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique avait confié aux professeurs Azzi et Sirinelli une mission sur les faux artistiques, dont les conclusions sont attendues en juillet prochain. Elle estime que le résultat de ses travaux permettra d'enrichir le texte au cours des prochaines étapes de la navette parlementaire.

La commission est par ailleurs convaincue que l'efficacité de la lutte contre les fraudes artistiques passe par un renforcement des moyens des services de la police et de la justice et une meilleure sensibilisation de ceux-ci aux spécificités des infractions qui peuvent être commises dans le domaine de l'art .

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Refonte de l'infraction pénale relative au délit de fraude artistique

Cet article vise à introduire, au sein du code du patrimoine, des dispositions pénales réprimant le délit de fraude artistique , jusqu'ici couvert, de manière plus étroite, par la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique.

Tout en souscrivant à l'objectif d'une refonte de l'infraction de fraude artistique compte tenu des lacunes présentées par la loi Bardoux pour réprimer correctement les faux en art dans leur diversité actuelle, la commission a clarifié la définition de l'infraction, élargi le champ d'application de la circonstance aggravante et précisé et complété les peines complémentaires applicables à ce nouveau délit .

I. - La législation actuelle : un arsenal répressif aujourd'hui incomplet pour lutter contre le phénomène des fraudes artistiques dans sa globalité

Même si le droit français comporte un certain nombre de dispositions permettant d'assurer la répression des fraudes artistiques (droit d'auteur, infractions pénales de droit commun, infractions spécifiques aux fraudes dans le domaine de l'art), ce cadre juridique ne permet pas aujourd'hui d'appréhender toute la diversité des faux artistiques, ni de pouvoir engager des poursuites dans toutes les circonstances dans lesquelles le faux pourrait être détecté.

(1) Les lacunes de la loi Bardoux

En dépit de son intitulé, la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique présente plusieurs lacunes pour permettre de lutter efficacement contre la prolifération des faux .

Celles-ci tiennent principalement à son champ d'application, trop restrictif .

Les circonstances qui ont conduit à l'adoption de cette loi peuvent permettre de comprendre ce périmètre restreint. En effet, la loi Bardoux fut élaborée à la suite de l'acquisition par Alexandre Dumas fils d'un faux tableau de Corot. Ce tableau avait en réalité été peint par Paul-Désiré Trouillebert, peintre de l'école de Barbizon, dont le nom avait ensuite été effacé pour le remplacer par celui d'un artiste plus prestigieux. La loi Bardoux entend donc non seulement protéger les acheteurs, mais aussi très largement les artistes dont la paternité est bafouée . À ce titre, elle réprime les faussaires qui apposent un faux nom sur une oeuvre d'art ou imitent la signature d'un artiste, ainsi que les marchands et intermédiaires qui se livreraient au recel, à la circulation ou à la commercialisation de telles oeuvres.

Néanmoins, son champ d'application ne correspond plus à la diversité des oeuvres d'art que l'on trouve aujourd'hui sur le marché, et, par conséquent, à la diversité possible des faux.

Premièrement, la loi Bardoux couvre uniquement les catégories d'oeuvres d'art en vogue à la Belle Époque lorsqu'elle fut adoptée, à savoir la peinture, la sculpture, le dessin, la gravure et la musique. Elle n'apporte donc aucune solution pour lutter contre les faux manuscrits, les faux objets d'arts appliqués à l'instar des meubles ou encore des objets de design, les fausses photographies, les fausses installations ou les fausses oeuvres d'art numériques qui circulent sur le marché.

Deuxièmement, elle porte exclusivement sur les oeuvres non tombées dans le domaine public , limitant la répression des faux aux seules oeuvres récentes. Ainsi les « faux Picabia » et les « faux Dufy » rejoindront, dans quelques mois, les tableaux de la plupart des grands maîtres, les meubles anciens ou encore les antiquités, qui ne bénéficient déjà pas de la protection offerte par la loi Bardoux, malgré le nombre important d'oeuvres anciennes parmi les affaires de faux.

Troisièmement, la loi Bardoux réprime seulement les oeuvres revêtues d'une signature apocryphe , soit par imitation de la signature ou du signe distinctif d'un auteur, soit par apposition d'un nom sur l'oeuvre d'autrui. En consacrant la signature comme l'élément matériel constitutif du délit, elle laisse donc de côté tous les faux sans signature , à l'instar de nombreux faux « à la manière de » qui ne sont pas non plus couverts par le délit de contrefaçon, limité aux seules reproductions intégrales ou partielles d'une oeuvre sans le consentement de son auteur. Elle exclut également de son champ tous les faux sans auteur identifié qui peuvent, par exemple, concerner des oeuvres relevant du champ des arts premiers, des antiquités, de l'art médiéval, de l'art islamique, des arts asiatiques ou des arts appliqués et ne bénéficient pas de la protection des droits patrimoniaux et moraux offerte par le code de la propriété intellectuelle, dans la mesure où il n'existe aucun auteur ou ayant droit identifié ayant qualité pour agir.

Au-delà des lacunes liées à son champ d'application, les peines prévues par la loi Bardoux - deux ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, sans possibilité de les alourdir au motif d'une quelconque circonstance aggravante - n'apparaissent pas suffisamment sévères pour jouer leur rôle dissuasif . La simple exposition du faux échappe par ailleurs à l'incrimination, alors que les escrocs peuvent être tentés, avant d'écouler le bien, de garantir sa respectabilité et de faire grimper sa côte en l'exposant ou en obtenant sa mention dans des publications.

(2) Les limites des autres infractions pénales

Certes, la loi Bardoux n'est pas le seul texte à pouvoir s'appliquer pour réprimer les fraudes artistiques. Plusieurs infractions pénales de droit commun peuvent permettre de sanctionner les coupables de telles fraudes, mais leur champ d'application, qui n'est pas propre au marché de l'art, n'est pas toujours parfaitement adapté pour assurer la répression, dans sa globalité, du phénomène des faux artistiques . La caractérisation des faits se révèle complexe dans certains cas, tels les faux « à la manière de » non signés, ou dans certaines circonstances, comme par exemple en l'absence de transaction.

• La contrefaçon (art. L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle)

Délit à la fois civil et pénal permettant de lutter contre les violations de droits patrimoniaux et extra-patrimoniaux d'un auteur d'une oeuvre de l'esprit, il ne permet cependant pas d'appréhender toutes les hypothèses de faux ou de fraudes artistiques, telles les oeuvres « à la manière de ». Son application reste par ailleurs très largement conditionnée à l'existence d'un auteur ou d'un de ses ayants droit ayant qualité pour agir, ce qui restreint sa portée.

• L'escroquerie (article 313-1 du code pénal)

Souvent qualifiée d'infraction-balai, elle a le mérite de couvrir un large spectre de comportements frauduleux. Sa mise en oeuvre se limite néanmoins aux cas dans lesquels les manoeuvres frauduleuses sont destinées à obtenir la remise de fonds ou de biens ou la fourniture d'un service. Elle ne peut permettre de sanctionner la présentation d'un objet frauduleux, sans recherche d'un quelconque profit.

• La tromperie (article L. 441-1 du code de la consommation)

Elle porte sur les marchandises qui font l'objet d'un contrat. Si elle peut être utilisée pour réprimer les mensonges, indépendamment des conséquences produites par celui-ci, son application reste néanmoins limitée à l'existence d'un cadre contractuel.

• Le faux et usage de faux (article 441-1 du code pénal)

Elle permet de réprimer les altérations frauduleuses de la vérité, sous réserve que cette altération ait pour objet ou pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, ce qui n'est pas le cas d'une oeuvre d'art.

• La répression des fraudes en matière de transaction d'oeuvres d'art et d'objets de collection (décret dit « Marcus » du 3 mars 1981)

Visant à généraliser l'usage des certificats d'authenticité à l'occasion des ventes d'oeuvres d'art ou d'objets de collection en imposant des règles précises dans la description opérée de ces oeuvres ou objets, ce décret permet de sanctionner les vendeurs qui ne respecteraient pas la terminologie qu'il définit lors des transactions. Ses limites tiennent au fait qu'il ne s'applique qu'en cas de transaction et que ses sanctions sont réduites à une peine d'amende d'un montant maximal de 1 500 euros (contravention de cinquième classe).

II. - Le dispositif proposé : La création d'une nouvelle infraction pénale visant à répondre aux critiques émises à l'encontre de la loi Bardoux

L'article 1 er insère un nouveau chapitre consacré à la lutte contre les fraudes artistiques , composé de cinq articles (L. 112-28 à L. 112-32), au sein du titre du code du patrimoine portant sur la protection des biens culturels.

L' article L. 112-28 définit les éléments constitutifs de l'infraction et les peines principales qui lui sont applicables.

À cet effet, il prévoit de sanctionner la réalisation, la présentation, la diffusion ou la transmission , à titre gratuit ou onéreux, de tout bien artistique ou objet de collection qui serait, par quelque moyen que ce soit, affecté d'une altération de la vérité , dès lors que cette réalisation, présentation, diffusion ou transmission s'est faite en pleine connaissance de cause de l'état d'altération dudit bien ou objet.

À la différence de l'infraction prévue par la loi Bardoux et de la plupart des infractions pénales de droit commun, l'infraction envisagée n'est plus conditionnée à l'existence d'une transaction ou d'un cadre contractuel. L'objectif des auteurs de la proposition de loi n'est plus uniquement d'assainir le marché en protégeant les acquéreurs et les artistes dont les droits seraient violés, mais, de façon plus globale, de prévenir les atteintes portées aux oeuvres d'art elles-mêmes .

Par ailleurs, le champ d'application de l'infraction est élargi par rapport à celui de la loi Bardoux . Seraient concernés tout bien artistique ou objet de collection, sans restriction à certaines catégories d'oeuvres particulières ni distinction entre les oeuvres non tombées et celles déjà tombées dans le domaine public. Les altérations sanctionnées, jusqu'ici limitées par la loi Bardoux à l'apposition de nom ou à l'imitation de signature, seraient étendues à toutes les tromperies qui pourraient concerner l'identité de l'artiste, la provenance de l'oeuvre ou de l'objet, sa datation, son état ou toute autre caractéristique essentielle.

Les peines sont alignées sur celles applicables en matière d'escroquerie, de recel ou de blanchiment . La peine d'emprisonnement, jusqu'ici de deux ans en application de la loi Bardoux, est portée à cinq ans, et l'amende, aujourd'hui fixée à 75 000 euros, passerait à 375 000 euros.

Les articles L. 112-29 et L. 112-30 déterminent les circonstances aggravantes de cette nouvelle infraction .

En application du nouvel article L. 112-29, les peines seraient portées à sept ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende - comme pour les circonstances aggravantes prévues en matière de contrefaçon, de tromperie et d'escroquerie - lorsque le délit est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ou lorsqu'il est commis de manière habituelle. Cette seconde circonstance aggravante s'applique déjà en matière de faux, de blanchiment, de recel ou d'abus de confiance.

En application du nouvel article L. 112-30, les peines seraient alourdies à dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende lorsqu'ils sont commis en bande organisée.

L' article L. 112-31 prévoit les peines complémentaires applicables, à savoir la confiscation des oeuvres ou leur remise au plaignant lorsque les accusés sont reconnus coupables. Par rapport à la rédaction actuelle de la loi Bardoux, qui offre au juge la faculté de prononcer ces peines complémentaires, la rédaction de l'article L. 112-31, qui prévoit que « les personnes physiques coupables [...] encourent également les peines complémentaires suivantes », tend à les rendre à l'avenir systématiques.

L'article L. 112-32 autorise également le juge à ordonner la confiscation ou la remise au plaignant du bien artistique ou de l'objet de collection en cas de relaxe ou de non-lieu. Une disposition similaire figure déjà aujourd'hui dans la loi Bardoux. Son article 3-1, inséré à l'occasion d'une réforme de la répression de la contrefaçon en 1994, autorise la juridiction à prononcer la confiscation des oeuvres ou leur remise au plaignant, même « en cas de non-lieu ou de relaxe, lorsqu'il est établi que les oeuvres saisies constituent des faux ».

III. - La position de la commission : une réforme attendue dont la rédaction mérite d'être clarifiée et complétée

(1) Une adhésion au principe de la création d'une nouvelle infraction

Dans un contexte marqué par une recrudescence du trafic d'oeuvres d'art au niveau international, la commission est convaincue que la lutte contre la prolifération des fraudes artistiques doit gagner en efficacité , ce qui impose d'élargir le champ d'application de l'infraction et le quantum des peines applicables.

La refonte de la loi Bardoux correspond d'ailleurs à une véritable attente exprimée, tant par les auteurs ou leurs ayants droit, les professionnels du marché de l'art, les praticiens du droit et les services enquêteurs. Les lacunes de la législation existante sont unanimement dénoncées. La consolidation des mesures de compliance est également souhaitée afin d'améliorer la confiance des vendeurs et des acheteurs sur le marché de l'art, dans un contexte marqué par un certain nombre de scandales autour de l'authenticité ou de la provenance douteuse d'oeuvres d'art. À cet égard, le rapporteur estime que, loin de constituer un handicap, le renforcement des règles peut contribuer à accroître la notoriété de la place de Paris sur le marché de l'art.

La commission juge intéressante l'approche retenue par la proposition de loi qui consiste à focaliser la répression sur les atteintes portées aux oeuvres d'art elles-mêmes , indépendamment de la finalité de la fraude ou de l'existence d'un auteur victime au titre de ses droits sur son oeuvre. Cette approche présente l'avantage de ne pas assimiler les oeuvres d'art à de simples marchandises , puisqu'elle permet de sanctionner des manoeuvres frauduleuses qui n'auraient pas seulement pour but le versement de fonds, comme dans le cas de l'escroquerie. Elle permet également de traiter le problème posé par les faux sans auteur identifié , jusqu'ici non protégés par la loi Bardoux ou par le code de la propriété intellectuelle. L'élargissement de la qualification de l'infraction aux tromperies sur l'origine, l'ancienneté ou l'état de l'oeuvre devraient permettre de couvrir un nombre beaucoup plus important de faux sans auteur identifié (fausses antiquités, faux meubles...).

Même s'il est vrai que les différentes infractions de droit commun rendent possible la répression, dans une très large majorité des cas, des fraudes artistiques, la commission a jugé utile la création d'une nouvelle infraction au regard, d'une part, de la reconnaissance symbolique des spécificités de la matière artistique qu'elle pourrait apporter et, d'autre part, du signal fort qu'elle pourrait adresser aux auteurs de fraudes artistiques sur le caractère hautement répréhensible de leurs actions . Les faussaires font encore trop souvent l'objet d'une glorification inacceptable.

La commission s'est interrogée sur le bien-fondé de l'insertion de cette nouvelle infraction dans le code du patrimoine . Elle a considéré que la codification de cette nouvelle infraction était importante afin qu'elle jouisse d'une meilleure visibilité que la loi Bardoux, trop méconnue des magistrats du fait de son objet très spécifique et de sa non-codification. À cet égard, elle estime qu'il serait également important d'améliorer, à l'avenir, la formation des services de police judiciaire et des magistrats à ce type d'infractions très spécifique.

La commission s'est en revanche demandé s'il ne serait pas plus opportun d'intégrer ces nouvelles dispositions dans le code pénal, où sont déjà inscrites les infractions de faux et usage de faux, d'escroquerie ou de recel. L'insertion dans le code pénal de cette nouvelle infraction pourrait en effet lui conférer une plus grande portée symbolique et serait une garantie de sa meilleure appropriation par les magistrats.

La commission a néanmoins souhaité maintenir les dispositions dans le code du patrimoine, afin de tenir compte de la mission en cours sur les faux artistiques du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, dont les conclusions sont attendues en juillet prochain. Une partie de la réflexion menée dans le cadre de cette mission porte sur les différentes procédures judiciaires qui pourraient être mises en place pour mieux lutter contre la prolifération des faux sur le marché , y compris pour mieux circonscrire les risques que fait peser le développement des plateformes en ligne. Les auteurs réfléchissent notamment à l'intérêt qu'il pourrait y avoir à ouvrir la possibilité d'une voie d'action civile alternative à l'action pénale, comme cela existe en matière de contrefaçon - avec notamment la procédure jugée très efficace de « saisie-contrefaçon ».

La commission considère qu'il s'agit d'une piste intéressante et qu'elle donnerait un intérêt supplémentaire à la réforme de la loi Bardoux envisagée par la présente proposition de loi en offrant des possibilités plus puissantes d'action à l'encontre des faux. Les auditions ont montré qu'il pourrait être utile de disposer de moyens d'actions judiciaires plus rapides pour intervenir contre les pratiques frauduleuses de certaines galeries éphémères ou de plateformes en ligne.

Si cette piste devait être retenue, il paraitrait préférable, dans un souci de clarté, que l'ensemble des dispositions relatives aux poursuites judiciaires susceptibles d'être engagées pour lutter contre les faux artistiques soient regroupées au sein du même code. Or le code pénal ne serait pas approprié pour fixer des voies civiles de recours. En matière de contrefaçon, c'est d'ailleurs dans le code de la propriété intellectuelle que figurent l'ensemble des dispositions. La commission a donc préféré, à ce stade, maintenir ouverte la possibilité d'étendre le champ de la proposition de loi à la matière civile au cours de la navette parlementaire en maintenant le délit de faux artistique dans le code du patrimoine.

(2) Une clarification nécessaire de la définition de l'infraction

La commission a estimé que certaines notions employées dans la définition de l'infraction laissaient planer des ambiguïtés incompatibles avec l'exigence de précision imposée par la matière pénale ou susceptibles de nuire à la qualification des faits.

L'emploi de la notion de « bien artistique » lui est apparu risqué , dans la mesure où ses contours ne sont pas définis, puisqu'elle ne figure jusqu'ici dans aucun code ni texte de loi. Il lui a semblé plus opportun de privilégier le terme d'« oeuvre d'art » qui, au-delà de son aspect symbolique, est déjà employée dans le code du patrimoine ou en matière fiscale. Elle a considéré que la terminologie utilisée dans le décret Marcus d'« oeuvre d'art et objet de collection » permettrait d'inclure toutes les catégories d'oeuvres et d'objets susceptibles de faire l'objet de fraudes que la proposition de loi entendait sanctionner , c'est-à-dire à la fois les catégories classiques (peintures, sculptures, dessins, gravures, estampes, lithographies, tapisseries...), mais aussi des catégories plus récentes faisant l'objet de nombreuses transactions sur le marché de l'art (les photographies, l'ameublement, les objets relevant des arts appliqués, les objets archéologiques et ethnologiques, les manuscrits, les partitions de musique...), ainsi que des catégories très contemporaines (installations, vidéo, oeuvres d'art numériques...). La notion d'objet de collection est définie de manière large par le droit européen 2 ( * ) , ce qui présente l'avantage de pouvoir y faire rentrer toutes sortes d'éléments.

La commission s'est également inquiétée de la difficulté que pourrait avoir un juge à apprécier dans quelle mesure une oeuvre d'art ou un objet de collection aurait fait l'objet d'une altération de sa vérité tant la vérité en matière artistique est souvent difficile à établir et sujette aux aléas des connaissances et des techniques. Si l'altération de la vérité est effectivement l'élément constitutif de l'infraction de faux et usage de faux, cette notion apparait plus difficilement transposable lorsqu'on touche à la matière artistique.

La commission a par ailleurs estimé qu'il était essentiel de préserver la liberté de création artistique et qu'il n'y avait pas lieu d'empêcher la pratique de la copie, du plagiat, de la parodie ou du détournement d'oeuvre d'art à partir du moment où l'artiste qui s'y adonnait n'avait pas pour objectif de tromper autrui en faisant passer son oeuvre pour ce qu'elle n'était pas. Elle a donc jugé utile de recentrer l'infraction sur les comportements frauduleux destinés à tromper autrui .

Elle n'a pas souhaité maintenir dans le texte l'emploi de l'expression « toute autre caractéristique essentielle » , compte tenu du risque de censure de celle-ci par le Conseil constitutionnel pour non-respect du principe de légalité des délits et des peines, dans la mesure où aucun texte de loi ne dresse la liste des éléments devant être considérés comme des qualités essentielles d'une oeuvre d'art.

La commission a par ailleurs jugé indispensable de mieux distinguer les fraudes portant directement sur l'oeuvre d'art ou l'objet de collection des fraudes réalisées lors de la présentation, de la diffusion, de la transmission ou de la mise en vente d'une oeuvre d'art ou d'un objet de collection destinées à le faire passer pour ce qu'il n'est pas .

À cet effet, elle a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction globale de l'infraction ( COM-1 ) distinguant quatre hypothèses :

- celle de la réalisation ou de la modification d'une oeuvre d'art ou d'un objet de collection dans l'intention de tromper autrui sur l'identité de son créateur, son origine, sa datation, sa nature ou sa composition. Cette définition reprend les éléments rendus obligatoires par le décret Marcus sur les certificats d'authenticité délivrés par les vendeurs à l'occasion des transactions. Il permet de sanctionner l'auteur ou le commanditaire du faux proprement dit ;

- celle de la présentation, de la diffusion ou de la transmission, à titre gratuit ou onéreux, d'un faux en toute connaissance de son caractère trompeur et sans rétablir la vérité à son sujet. Il vise à sanctionner le receleur ;

- celle de la présentation, de la diffusion ou de la transmission d'une oeuvre authentique en mentant sur l'identité de son auteur, son origine, sa datation, sa nature ou sa composition dans l'intention de tromper autrui. Il vise à sanctionner l'escroquerie autour de l'authenticité de l'oeuvre , même en l'absence de remise de fonds ;

- celle enfin de la présentation, de la diffusion ou de la transmission d'une oeuvre, qu'elle soit authentique ou fausse, en lui inventant une fausse provenance. Il vise à sanctionner l'escroquerie autour de la provenance de l'oeuvre , qu'il s'agisse d'un faux ou d'une oeuvre authentique.

Comme pour tout délit, le délai de prescription de cette nouvelle infraction devrait s'établir à six ans . On peut néanmoins considérer que le délit de fraude artistique s'apparente, par sa nature, à un délit occulte et que le point de départ de la prescription devrait commencer à courir à partir du moment où l'infraction a été découverte.

( 3) Un élargissement des sanctions

La commission a estimé que le quantum de la peine proposé était de nature à jouer un rôle beaucoup plus dissuasif . Jusqu'ici très largement inférieures aux peines prévues dans le cadre des infractions de droit commun dont la loi Bardoux se rapprochait (cf. infographie page 9), les peines prévues par la proposition de loi placeraient cette infraction parmi celles qui sont les plus lourdement sanctionnées . Ce quantum , similaire à celui applicable en matière d'escroquerie, de recel ou de blanchiment, apparait néanmoins cohérent face à l'intérêt croissant manifesté par les organisations criminelles en matière de trafic d'oeuvres d'art.

La commission a jugé utile de compléter les circonstances aggravantes par deux autres :

- la première, déjà applicable en matière de recel (article 321-2 du code pénal) et en matière de blanchiment (article 324-2 du code pénal), concerne les cas dans lesquels l'auteur du délit serait une personne qui aurait utilisé les facilités que lui aurait procurées l'exercice de son activité professionnelle pour le commettre ( COM-3 ). Cet amendement vise les professionnels du marché de l'art et répond au souci de renforcer la confiance des futurs acquéreurs dans le fonctionnement du marché et la déontologie de ses acteurs ;

- la seconde concerne les cas dans lesquels la victime de la fraude artistique serait une collectivité publique , c'est-à-dire soit l'État, soit une collectivité territoriale, soit un établissement public de l'État ou d'une collectivité territoriale - un musée ou un monument notamment ( COM-4 ). Cette circonstance aggravante se justifie par le préjudice subi par la société du fait de l'acquisition par le biais de deniers publics.

Elle a par ailleurs adopté un amendement rédactionnel destiné à préciser que les circonstances aggravantes sont alternatives et non cumulatives ( COM-2 ).

La commission a par ailleurs inséré des dispositions précisant les peines applicables dans le cas où le délit aurait été commis par une personne morale ( COM-5 ).

La commission a constaté que les peines complémentaires prévues par l'article 1 er visent à parvenir à faire définitivement sortir du marché les faux artistiques reconnus comme tels . La présence des faux gangrène le marché de l'art et constitue un vrai problème pour les artistes ou leurs ayants droit. Leur destruction ou leur mise hors circuit apparait, de ce point de vue, importante pour éviter que les faux ne reviennent, tôt ou tard, sur le marché .

La difficulté réside dans le fait qu' il est souvent complexe d'établir la vérité en matière d'oeuvre d'art , comme l'illustrent les querelles d'experts. L'oeuvre considérée aujourd'hui comme authentique pourra être déclarée fausse demain à la lumière des progrès technologiques permettant de mieux détecter les faux. Inversement, il est arrivé que des pièces considérées comme fausses soient ensuite reconnues comme des oeuvres authentiques. À cela s'ajoute le fait que, comme le souligne Pierre Hénaff, « la question du faux n'est pas binaire, découpée entre ce qui serait très authentique et ce qui serait très faux mais [...] au contraire, des hypothèses intermédiaires coexistent entre ces deux pôles ». Entre le faux artistique intégral, le faux « à la manière de », l'imitation, l'objet « attribué à », la copie, l'oeuvre dégradée puis restaurée, l'oeuvre d'atelier ou la réplique d'auteur, lequel est-il légitime de confisquer ou de détruire ?

Par l'amendement COM-6 , La commission a souhaité laisser la faculté au juge de décider s'il y avait lieu d'ordonner la confiscation de l'oeuvre d'art ou de l'objet de collection ayant servi à commettre l'infraction compte tenu des difficultés qu'elle soulève au regard du droit de propriété d'un possesseur de bonne foi. Elle a en effet estimé que le juge serait le plus à même d'apprécier, en fonction des circonstances d'espèce, si l'oeuvre ou l'objet était un faux qui justifiait son retrait du marché et une atteinte au droit de propriété. Elle a parallèlement ouvert la faculté au juge d'ordonner la destruction de l'oeuvre ou de l'objet . Plutôt que de rendre possible la remise de l'oeuvre au plaignant, comme actuellement prévu par la loi Bardoux, elle a limité la possibilité de cette remise au seul créateur qui aurait été victime de la fraude ou à ses ayants droit , dans la mesure où les droits moraux et patrimoniaux dont ils disposent sur l'oeuvre leur donnent le pouvoir de sa destruction.

De la même manière, elle a précisé la rédaction de l'article permettant la confiscation ou la remise de l'oeuvre d'art ou de l'objet de collection même en cas de relaxe du prévenu ou de non-lieu ( COM-7 ). Elle a autorisé le juge, dans ces circonstances, à ordonner la confiscation, la destruction ou la remise de l'oeuvre d'art ou de l'objet de collection faisant l'objet des poursuites, à la condition qu'il ait été reconnu, en tant que tel, comme un faux et que la fraude poursuivie n'ait pas simplement consisté en un discours fallacieux autour de l'oeuvre.

Elle n'a en revanche pas souhaité mentionner , ni en cas de condamnation, ni même en cas de relaxe ou de non-lieu, la possibilité du marquage , par crainte que le juge ne retienne systématiquement cette option moins attentatoire au droit de propriété, alors qu'elle n'apporte pas nécessairement de garantie d'un retrait définitif de l'oeuvre ou de l'objet du marché, le marquage pouvant toujours être retiré (en tronquant une partie de l'oeuvre, par exemple).

Néanmoins, afin de limiter les risques de retour sur le marché des faux, la commission a souhaité prévoir l'inscription, à l'avenir, de toute oeuvre ou objet reconnu comme faux qui n'aurait pas été détruit sur un registre des fraudes artistiques , sur le modèle de la base TREIMA mise en place par Interpol recensant les biens culturels volés ( COM-9 ). Elle estime d'ailleurs que la France devrait plaider pour généraliser la mise en place d'un tel registre au niveau international, compte tenu du caractère aujourd'hui totalement internationalisé du marché de l'art.

Enfin, par cohérence avec l'introduction de la nouvelle circonstance aggravante en cas de commission de l'infraction en utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle, la commission a ouvert la faculté pour le juge de prononcer, à titre de peine complémentaire, l'interdiction pour les personnes physiques coupables d'exercer, à titre temporaire ou définitif, l'activité professionnelle dans l'exercice de laquelle ils auraient commis l'infraction ( COM-8 ).

La commission a adopté cet article ainsi modifié

Article 2

Abrogation de la loi Bardoux et coordinations y afférentes

Cet article vise à abroger la loi Bardoux, susceptible de devenir sans objet du fait de la création de l'infraction pénale prévue à l'article 1 er . Il procède par ailleurs aux coordinations rendues nécessaires par cette abrogation dans le code général de la propriété des personnes publiques.

La commission a adopté plusieurs amendements visant à empêcher toute différence de traitement entre les faux qui concerneraient des oeuvres ou des objets non tombés dans le domaine public et ceux qui concerneraient des oeuvres ou des objets qui seraient déjà tombés dans celui-ci .

I. - Un article tirant les conséquences, sur le plan légistique, des dispositions de l'article 1 er

La création d'une nouvelle infraction réprimant les fraudes artistiques par l'article 1 er de la proposition de loi nécessite d'opérer un certain nombre de coordinations sur le plan légistique.

Le I de l'article 2 abroge la loi « Bardoux » du 9 février 1895, dont les dispositions deviendraient sans objet, dans la mesure où elles seraient redondantes avec la nouvelle infraction, dont le périmètre d'application concerne tous les types de tromperie liés à l'identité de l'auteur.

Son II opère les coordinations rendues nécessaires par l'abrogation de la loi « Bardoux » en remplaçant par les références à la nouvelle infraction les références à cette loi dans les seules dispositions de nature législative qui l'évoquent , à savoir l'article L. 3211-19 du code général des personnes publiques (visé par le 1° du II), ainsi que l'article L. 5441-3 de ce code relatif à l'application dudit article L. 3211-19 à Saint-Pierre-et-Miquelon (visé par le 2° du II).

L'article L. 3211-19 du code général de propriété des personnes publiques définit les règles particulières applicables à certains biens relevant du domaine privé de l'État et gérés par l'administration des domaines. Il précise notamment que les faux artistiques confisqués sur décision de justice en application de la loi Bardoux sont « soit détruit [] s, soit déposé [] s dans les musées de l'État et de ses établissements publics ». Par dérogation aux règles de droit commun applicables au domaine privé de l'État, il interdit par ailleurs l'aliénation des faux artistiques mentionnés par la loi Bardoux par souci de ne pas remettre sur le marché des oeuvres frauduleuses.

Dans le but d'opérer les strictes coordinations rendues nécessaires par l'abrogation de la loi Bardoux sans modifier l'état du droit existant, le II du présent article limite la possibilité de destruction ou de conservation, dans les musées relevant de l'État, des faux considérés comme tels en application de la nouvelle infraction, ainsi que de leur aliénation, aux seules oeuvres qui ne seraient pas tombées dans le domaine public, dans la mesure où la loi Bardoux ne couvrait pas jusqu'ici les oeuvres déjà tombées dans le domaine public. L'exposé des motifs de la proposition de loi justifie ce choix par la volonté d'autoriser « la vente d'un tableau tombé dans le domaine public, réalisé par l'élève d'un peintre de renom faussement attribué au maître », puisque celui-ci conserverait, en dépit de sa réattribution, une valeur majeure dans l'histoire de l'art.

II. - La position de la commission : supprimer toute différence de traitement entre les faux qui concerneraient des oeuvres récentes et ceux relatifs à des oeuvres anciennes

Si la commission considère l'abrogation de la loi Bardoux justifiée par sa redondance avec la nouvelle infraction, elle ne juge pas légitime de maintenir, dans le code général de la propriété des personnes publiques, une distinction entre les faux artistiques selon qu'ils correspondent à des oeuvres originales tombées ou non dans le domaine public .

Elle estime en effet que les dispositions prévues par l'article L. 3211-19 du code général de la propriété des personnes publiques relatives aux faux artistiques ont pour objectif de garantir le retrait du marché de ces oeuvres et objets . Il lui semble, par conséquent, dangereux, d'autoriser l'administration des domaines à pouvoir les céder, que l'artiste auquel ils sont faussement attribués jouissent encore ou non de ses droits patrimoniaux, à partir du moment où il est établi qu'ils sont, en eux-mêmes, des faux et que la fraude ne consiste pas uniquement en un discours frauduleux sur l'identité de leur auteur. Elle juge important que l'État montre l'exemple en ne remettant pas lui-même des faux sur le marché .

La commission constate par ailleurs que la réattribution d'un tableau qui serait déjà tombé dans le domaine public à l'élève du maître auquel il était jusqu'ici attribué ne lui fait nullement perdre sa valeur artistique ou historique, ce qui justifie qu'il ne puisse pas être aliéné par l'État . Le ministère de la culture a d'ailleurs confirmé qu'aucune des oeuvres appartenant aux collections publiques qui ont fait l'objet d'une réattribution n'avait fait l'objet d'une mesure de déclassement afin de permettre sa cession, dans la mesure où la réattribution ne se traduit pas par une perte d'intérêt scientifique de l'oeuvre.

Par conséquent, la commission a adopté un amendement à l'initiative du rapporteur supprimant la mention limitant l'aliénation et la confiscation aux seules oeuvres non tombées dans le domaine public ( COM-10 ). Cette suppression lui est apparue d'autant plus justifiée que la rédaction de l'article 2 laissait planer une ambiguïté sur le fait de savoir si l'entrée dans le domaine public s'apprécierait au regard de la date de décès de l'artiste dont les droits sur son oeuvre avaient été bafoués ou au regard de la date de décès du faussaire ayant réalisé le faux. Dans la mesure où il est rare que l'identité des faussaires soit découverte, cette disposition se serait, de toute façon, révélée, dans la plupart des cas, inapplicable.

La commission a adopté cet article ainsi modifié .

*

* *

En conséquence, la commission de la culture, de l'éducation
et de la communication a adopté la proposition de loi ainsi modifiée
.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 8 MARS 2023

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M. Laurent Lafon , président . - Nous examinons le rapport de Bernard Fialaire sur la proposition de loi portant réforme de la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique, déposée par ses soins et celui de ses collègues du groupe RDSE en décembre dernier sur le bureau du Sénat.

Ce texte est inscrit en séance publique jeudi prochain, le 16 mars, en seconde position sur la niche du groupe RDSE.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - Si le phénomène des fraudes artistiques n'est pas nouveau, il semble aujourd'hui en pleine expansion. Il faut dire que la hausse de la demande sur le marché de l'art, l'explosion des prix des oeuvres depuis une vingtaine d'années et l'essor de la vente d'art en ligne encouragent ce type de pratiques.

Nous avons tous en tête les scandales récents des faux sièges de Marie-Antoinette acquis par le château de Versailles ou de la fausse Vénus de Cranach achetée par le prince de Liechtenstein et saisie lors de son exposition à l'hôtel de Caumont à Aix-en-Provence en 2016. Nous entendons régulièrement parler d'affaires liées à des faux certificats ayant permis de tromper, soit sur l'authenticité, soit sur la provenance de pièces. Pensons à l'enquête révélée au printemps dernier sur l'acquisition par le Louvre Abu Dhabi d'une stèle de Toutankhamon, en réalité illégalement sortie d'Égypte en 2011.

Le service d'enquête de la police judiciaire spécialisé dans la lutte contre le trafic de biens culturels, l'OCBC, que nous avons reçu en audition, n'a pas caché l'intérêt croissant des organisations criminelles au niveau mondial pour cette forme de trafic.

Il est donc important que nous puissions disposer d'outils efficaces pour prévenir et réprimer ce type d'infractions.

Le problème, c'est que le seul texte de nature législative dont nous disposons en France afin de réprimer spécifiquement les fraudes artistiques est un texte daté, d'application limitée et aux effets peu dissuasifs.

Il s'agit de la loi du 6 février 1895 sur les fraudes artistiques, plus connue sous le nom de loi « Bardoux », par référence au nom du sénateur qui l'avait déposée.

Ce texte réprime les faussaires qui apposent un faux nom sur une oeuvre d'art ou imitent la signature d'un artiste, ainsi que les marchands et les intermédiaires qui se livrent au recel, à la circulation ou à la commercialisation de telles oeuvres.

Son champ d'application ne correspond plus à la diversité des oeuvres d'art que l'on trouve aujourd'hui sur le marché, et, par conséquent, à la diversité possible des faux.

Il concerne uniquement les catégories d'oeuvres d'art en vogue à la Belle Époque (peinture, sculpture, dessin, gravure, musique), laissant de côté les faux manuscrits, fausses photographies, faux meubles ou faux objets de design.

Au sein de ces catégories, il ne vise que les faux qui correspondent à des oeuvres authentiques qui ne sont pas encore tombées dans le domaine public. Il n'est donc pas applicable aux faux qui concernent des oeuvres anciennes, alors que ceux-ci constituent pourtant un nombre important des affaires de faux.

Enfin, il ne s'intéresse qu'aux faux revêtus d'une signature apocryphe. Il exclut donc tous les faux sans signature, à l'instar des faux « à la manière de », ainsi que tous les faux sans auteur identifié, dont relèvent pourtant l'essentiel des oeuvres des arts premiers, des antiquités, de l'art médiéval, de l'art islamique, des arts asiatiques ou des arts appliqués.

À cela s'ajoute le fait que les peines prévues par la loi « Bardoux » ne sont pas suffisamment sévères pour jouer un rôle dissuasif. Elles sont de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, sans possibilité de les alourdir quelle que soit la circonstance dans laquelle l'infraction est commise.

Existe-t-il pour autant un intérêt à réformer la loi « Bardoux » alors que la France dispose, par ailleurs, d'un arsenal répressif en matière pénale assez étoffé ? Plusieurs infractions de droit commun peuvent être utilisées pour poursuivre les auteurs de fraudes artistiques. Pensons, en particulier, aux délits de contrefaçon, d'escroquerie, de tromperie ou de faux et usage de faux.

Ceci dit, comme aucun de ces délits n'est propre au marché de l'art, leur champ d'application n'est pas tout à fait adapté pour assurer la répression des fraudes artistiques dans leur globalité. La caractérisation des faits se révèle complexe en présence de faux « à la manière de » non signés, ou dans certaines circonstances, comme par exemple en l'absence de toute transaction.

Il y a bien un autre texte spécifique aux fraudes artistiques : le décret Marcus, datant de 1981, qui vise à réprimer les tromperies sur l'authenticité d'une oeuvre d'art et d'un objet de collection. Néanmoins, là encore, le texte ne s'applique qu'aux seules transactions : il permet de sanctionner les seuls vendeurs contrevenants et ses peines se limitent à une amende d'un montant maximal de 1 500 euros.

C'est pour combler les insuffisances du cadre juridique en vigueur qu'en décembre dernier, j'ai déposé cette proposition de loi portant réforme de la loi « Bardoux ». Il faut savoir que cette question avait fait l'objet d'un certain nombre de réflexions préalables. La Cour de cassation a notamment consacré un colloque à ce sujet en 2017 et l'Institut Art et Droit - une association de réflexion réunissant des juristes et des acteurs du monde de l'art - a mis en place un groupe de travail à compter de 2018, dont le résultat des travaux a été présenté lors d'un colloque en mars 2022, et qui a très largement inspiré mon texte.

Je reprends maintenant ma casquette de rapporteur pour aborder le contenu de la proposition de loi.

Son article 1 er crée une nouvelle infraction pénale dans le code du patrimoine, remplaçant celle prévue par la loi « Bardoux ». Elle vise à sanctionner la réalisation, la présentation, la diffusion ou la transmission, à titre gratuit ou onéreux, de tout bien artistique ou objet de collection qui serait, par quelque moyen que ce soit, affecté d'une altération de la vérité sur l'identité de son créateur, sa provenance, sa datation, son état ou toute autre caractéristique essentielle, et ce, sous réserve que cette réalisation, présentation, diffusion ou transmission ait été faite en pleine connaissance de cause de l'état d'altération dudit bien ou objet.

Les peines prévues sont identiques à celles applicables en matière d'escroquerie, de recel ou de blanchiment, soit cinq ans d'emprisonnement - au lieu de deux dans la loi « Bardoux » - et 375 000 euros d'amende - au lieu de 75 000 euros. Elles peuvent être alourdies à sept ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende lorsque le délit est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ou lorsqu'il est commis de manière habituelle. Elles passent à dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende lorsque les faits sont commis en bande organisée.

Le texte autorise par ailleurs la confiscation du bien ou de l'objet saisi ou sa remise au plaignant à titre de peine complémentaire. Elle rend également possible cette confiscation ou cette remise en cas de relaxe ou de non-lieu, lorsqu'il est établi, à l'issue de la procédure judiciaire, que le bien ou l'objet saisi est affecté d'une altération de la vérité. La loi « Bardoux » comportait déjà des dispositions similaires, insérées dans le but de faciliter le retrait des faux du marché à l'occasion d'une réforme de la contrefaçon en 1994.

L'article 2 tire les conséquences de l'article 1 er : il abroge la loi « Bardoux » et opère les coordinations y afférentes dans le code général de la propriété des personnes publiques.

Que penser des dispositions cette proposition de loi ?

J'ai essayé de m'acquitter de ma mission de rapporteur en procédant à un maximum d'auditions. Nous avons entendu une trentaine de personnes environ en l'espace de deux semaines : ministère de la culture, ministère de la justice, OCBC, autorité de régulation des ventes aux enchères, professionnels du marché de l'art, experts en art, professeurs de droit pénal et de droit civil, avocats spécialisés en droit de l'art, représentants des artistes et de leurs ayants droit. J'en profite pour remercier chaleureusement Sylvie Robert, qui a participé à la quasi-totalité des auditions et qui m'a accompagné dans cette PPL.

Il ressort de ces différents échanges que la proposition de loi répond à un besoin réel.

J'en veux pour preuve le fait que le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a lancé une mission il y a un an sur le faux artistique, qui a pour but d'examiner l'opportunité de faire évoluer le cadre juridique afin de mieux définir le faux en art, de faciliter sa détection et de renforcer sa répression.

Les fraudes artistiques portent non seulement atteinte aux intérêts privés - ceux des acquéreurs, des artistes... -, mais elles érodent également la confiance dans le marché de l'art et les institutions patrimoniales et constituent, au final, une menace pour la création. Une réforme de la loi « Bardoux » est indispensable pour améliorer la protection des amateurs d'art et le respect des droits des artistes, restaurer la crédibilité du marché de l'art et accroître la transparence et la fiabilité dans ce domaine, en particulier dans notre pays où le marché de l'art compte beaucoup.

La proposition de loi s'attache à réprimer les atteintes portées aux oeuvres d'art elles-mêmes plutôt qu'à réparer le seul préjudice subi par les acquéreurs ou les auteurs des oeuvres authentiques, comme dans la loi « Bardoux ». Cela présente un double avantage : celui de ne plus conditionner l'infraction, ni à la nécessaire identification d'un artiste, ni à celle d'une transaction ou d'un cadre contractuel ; ensuite, celui d'affirmer que les oeuvres d'art ne sont pas assimilables à de simples marchandises et qu'elles constituent un bien commun de tous : c'est une véritable reconnaissance symbolique des spécificités de la matière artistique. En créant une infraction spécifique aux différents types de fraudes artistiques, ce texte envoie un signal fort aux auteurs de ces fraudes sur le caractère hautement répréhensible de leurs actions.

Enfin, la proposition de loi parvient à corriger les principales lacunes de la loi « Bardoux ». Elle élargit le périmètre de l'infraction aux falsifications affectant l'ensemble des oeuvres d'art, quel que soit leur support, sans le restreindre à certaines catégories d'oeuvres particulières ni distinguer entre les oeuvres couvertes encore ou non par le droit d'auteur. Elle étend l'infraction aux falsifications relatives à la datation, l'état ou la provenance d'une oeuvre d'art, ne la limitant plus aux seules falsifications liées à la signature ou à la personnalité de l'artiste. Elle alourdit considérablement le régime des peines avec possibilité d'aggravation sous certaines circonstances, tout en restant dans un quantum comparable à ce qui est prévu en matière d'escroquerie, de recel ou de blanchiment.

Au demeurant, les échanges avec les différents interlocuteurs m'ont montré que la rédaction de la proposition de loi méritait d'être clarifiée et complétée sous certains aspects pour garantir son caractère pleinement opérationnel. C'est le sens des amendements que je vous présenterai.

La définition de l'infraction laisse planer un certain nombre d'ambiguïtés incompatibles avec l'exigence de précision imposée par la matière pénale ou susceptibles de nuire à la qualification des faits. Ainsi, l'emploi de la notion de « bien artistique » est-il risqué car ses contours ne sont pas définis, ne figurant dans aucun code ni texte de loi. Je vous proposerai donc de retenir la terminologie employée dans le décret Marcus, qui fait référence aux oeuvres d'art, en plus des objets de collection.

De même, la transposition au délit de fraude artistique de la notion d'« altération de la vérité », qui est au coeur de l'infraction de faux et usage de faux, fait polémique, dans la mesure où il n'y a pas forcément de vérité en art. Les nombreuses querelles d'experts qui jalonnent l'histoire de l'art montrent bien la difficulté à établir la vérité dans ce domaine, qui reste toujours tributaire des aléas des connaissances et des techniques. Il ne faudrait pas que cette notion empêche les experts d'émettre une opinion ou porte atteinte à la liberté de création des artistes, en rendant impossible la pratique de la copie, du plagiat, de la parodie ou du détournement d'oeuvre d'art. Ces pratiques n'ont rien de répréhensible à partir du moment où l'artiste n'a pas pour objectif de tromper autrui en faisant passer son oeuvre pour ce qu'elle n'est pas. Je vous proposerai donc plutôt de recentrer l'infraction sur les différents types de comportements frauduleux destinés à tromper autrui sur et autour de l'oeuvre d'art.

S'agissant des sanctions, l'émotion suscitée par plusieurs affaires récentes démontre que le champ des circonstances aggravantes pourrait être élargi afin de mieux y répondre. Je pense à l'affaire des faux meubles de Versailles, un délit qui a particulièrement suscité l'émoi non seulement parce que son auteur était un professionnel extrêmement reconnu, mais également parce qu'il a porté préjudice à l'une de nos plus prestigieuses institutions patrimoniales.

S'agissant enfin des peines complémentaires, je dois vous avouer que la question des modalités de retrait du marché des faux artistiques reconnus comme tels a occupé une part importante des discussions lors des auditions.

C'est une question complexe. Nous partageons tous le sentiment qu'il est essentiel que les faux artistiques soient détruits ou mis hors circuit pour éviter qu'ils ne reviennent tôt ou tard sur le marché. Mais, malheureusement, la question du faux n'est pas totalement binaire : comment être certain qu'une oeuvre constitue un faux, en dehors des faux grossiers ? Peut-on considérer qu'une oeuvre d'atelier signée de la main du maître est un faux ? Par ailleurs, peut-on porter atteinte au droit de propriété constitutionnellement garanti en confisquant une oeuvre lorsque celle-ci appartient à un propriétaire de bonne foi ?

C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement laissant au juge la possibilité, en fonction des circonstances d'espèce, d'apprécier s'il y a lieu de confisquer l'oeuvre, de la détruire, ou de la remettre à l'auteur victime ou à ses ayants droit, compte tenu du fait que les droits moraux et patrimoniaux dont ils disposent sur l'oeuvre leur donnent le pouvoir de sa destruction.

Je n'ai en revanche pas souhaité mentionner la possibilité du marquage. C'est une option séduisante, mais je crains qu'en offrant cette possibilité au juge, il ne la retienne systématiquement, dans la mesure où elle est moins attentatoire au droit de propriété, alors qu'elle n'apporte pas de garantie d'un retrait définitif de l'oeuvre ou de l'objet du marché, le marquage pouvant toujours être retiré.

Je vous proposerai, à la place, la mise en place d'un registre des faux artistiques sur lequel seraient inscrits tous les faux reconnus comme tels qui ne seraient pas détruits. J'espère que vous y souscrirez et que, forte de cette création, la France pourra encourager d'autres pays à s'en doter également, car c'est au niveau international que cette base de données pourra donner sa pleine mesure compte tenu du caractère mondialisé du marché de l'art.

J'en viens à l'article 2. Par souci de tirer les conséquences de l'abrogation de la loi « Bardoux » sans modifier l'état du droit existant, cet article limite aux seules oeuvres qui ne seraient pas tombées dans le domaine public la possibilité de destruction ou de conservation, dans les musées relevant de l'État, des faux considérés comme tels en application de la nouvelle infraction, ainsi que de leur aliénation lorsqu'ils appartiennent au domaine privé de l'État. Or, ces dispositions ayant pour objet de garantir le retrait du marché des faux artistiques, les personnes auditionnées m'ont toutes fait valoir qu'il ne serait pas légitime d'opérer une distinction entre les faux selon que les droits patrimoniaux de l'auteur sont éteints ou non. Nous pourrions donc revenir sur cette rédaction, qui n'est de toute façon pas en phase avec l'esprit de la proposition de loi, laquelle vise à mieux traiter la question des faux sans auteur identifié.

Voilà, mes chers collègues, les principales raisons qui me conduiront à vous présenter cette série d'amendements.

Je ne doute pas, par ailleurs, que la suite de la discussion parlementaire permettra d'enrichir encore ce texte. Le CSPLA doit rendre, en juillet prochain, les conclusions de la mission qu'il conduit sur les faux artistiques. Pour avoir échangé avec les responsables de cette mission, nous savons qu'une partie de leur réflexion porte sur les différentes procédures judiciaires qui pourraient être mises en place pour mieux lutter contre la prolifération des faux sur le marché. Ils réfléchissent notamment à l'intérêt d'une voie d'action civile complémentaire à l'action pénale, comme cela existe en matière de contrefaçon - avec notamment la procédure jugée très efficace de « saisie contrefaçon ». Ils voudraient également mieux encadrer l'activité des plateformes en ligne.

Ces pistes peuvent renforcer l'intérêt de réformer la loi « Bardoux », offrant des possibilités plus puissantes d'action à l'encontre des faux. Les auditions ont montré qu'il pourrait être utile de disposer de moyens d'actions judiciaires plus rapides pour intervenir contre les pratiques frauduleuses de certaines galeries éphémères ou de plateformes en ligne. C'est la raison pour laquelle nous avons jugé plus sage de maintenir l'inscription de la nouvelle infraction au sein du code du patrimoine plutôt que de la transférer dans le code pénal, comme le souhaitait un certain nombre de personnes auditionnées. Il est vrai que son inscription dans le code pénal permettrait sans doute aux juges de mieux se familiariser avec cette nouvelle infraction. Pour autant, si des procédures civiles devaient venir compléter cette procédure pénale, il apparait plus approprié qu'elles soient toutes regroupées dans le même code pour plus de clarté. Or, le code pénal ne serait pas le bon vecteur pour fixer des voies civiles de recours. J'en veux pour preuve le fait qu'en matière de contrefaçon, c'est bien dans le code de la propriété intellectuelle que figurent l'ensemble des dispositions.

Ces considérations montrent bien, en revanche, qu'au-delà de la réforme de la loi « Bardoux », il est indispensable, d'une part, de mieux sensibiliser les services de la police et de la justice aux spécificités des infractions qui peuvent être commises dans le domaine de l'art et, d'autre part, de renforcer les moyens mis à la disposition de ces services pour que la lutte contre les fraudes artistiques gagne en efficacité. J'espère que le Gouvernement en tiendra compte en prenant les mesures appropriées une fois cette réforme adoptée.

M. Laurent Lafon , président . - J'invite notre rapporteur à nous présenter le périmètre de ce texte.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - Je vous propose que nous considérions comme faisant partie du périmètre de l'article 45 de la Constitution les dispositions visant à prévenir et à réprimer les fraudes en matière artistique, ainsi qu'à réparer les préjudices qu'elles causent.

Il en est ainsi décidé.

M. Max Brisson . - Merci d'avoir fait revivre la mémoire du sénateur Agénor Bardoux, issu d'une famille d'élus du Puy-de-Dôme, qui a aussi compté, bien plus tard, Valéry Giscard d'Estaing - vous nous rappelez le temps long de notre république. Merci d'avoir mis au jour ce vrai sujet, qui n'est pas nouveau, puisque la loi « Bardoux » avait été motivée par une escroquerie sur une oeuvre d'art dont avait été victime Alexandre Dumas fils.

Vous avez raison de pointer les insuffisances de nos règles, leur caractère trop restrictif pour recouvrer l'étendue des fraudes en matière artistique. Il est vrai que le monde a changé depuis la loi « Bardoux », qui visait les expressions artistiques de son époque. L'échelle des peines n'est plus adaptée non plus aux infractions, qui sont comparables à des contrefaçons, faux et usage de faux.

Cette proposition de loi apporte une réponse utile pour lutter contre les fraudes qui causent des préjudices aux artistes et aux acquéreurs d'oeuvres d'art et qui érodent la confiance dans le marché. Elle définit une nouvelle infraction pénale et procède à une refonte de la répression, en élargissant le périmètre de l'infraction et en alourdissant le régime des peines : tout ceci va dans le bon sens. Vos amendements précisent et clarifient votre rédaction initiale, le texte en est plus opérationnel.

Le travail contre la fraude en matière artistique, cependant, sera loin d'être terminé une fois ce texte adopté. Le Sénat, fidèle à sa tradition, aura ouvert la voie. Le CSPLA a confié aux professeurs Tristan Azzi et Pierre Sirinelli une mission pour mieux appréhender le faux artistique et la pertinence de nos outils juridiques ; ils rendront leurs travaux en juillet prochain, il sera important d'en tenir compte.

D'ici là, le groupe Les Républicains votera ce texte et vos amendements.

Mme Sylvie Robert . - Merci à l'auteur et rapporteur de ce texte. Il s'agit d'un sujet très complexe et les auditions ont démontré que le sujet de l'art pose des questions d'ordre philosophique, de relation à la vérité, qui rendent particulièrement ardue la tâche de légiférer - que l'on doit toujours faire avec précision et ce d'autant plus lorsque l'on touche à la matière pénale. Qui plus est, la fraude artistique se développe et prend de nouvelles formes et il est important de s'en saisir dans le débat public, c'est aussi le mérite de ce texte.

Il faut actualiser la loi « Bardoux », du nom de ce sénateur du Puy-de-Dôme, adoptée suite à l'acquisition par Dumas fils d'une oeuvre qu'on lui avait vendue comme étant de Corot et qui s'était avérée avoir été peinte par Paul Désiré Trouillebert. On voit que le sujet est ancien !

Ce texte est une première étape, j'espère que l'Assemblée nationale s'en saisira et que le Gouvernement y apportera son appui, avec les enseignements des travaux du CSPLA. La fraude artistique est un vrai sujet hexagonal et international et il est de notre responsabilité d'actualiser la loi « Bardoux » et de combler les vides juridiques que nous déplorons. Votre proposition de loi élargit le périmètre des oeuvres considérées, intégrant en particulier la photographie, la vidéo, les arts appliqués et, surtout, il renverse le paradigme en plaçant l'oeuvre au centre du dispositif : l'oeuvre, même, devient le terrain de l'incrimination de la fraude. Cela ouvre le champ des possibles dans l'interprétation et c'est la bonne façon, contemporaine, de répondre à ce sujet complexe. Cette démarche qui est la vôtre, fait basculer notre dispositif dans la modernité du 21 ème siècle.

Vos amendements en précisent et actualisent utilement certains termes. Je ne sais pas si vous aviez mesuré la complexité du sujet, j'ai pu le faire en suivant les auditions, et je vous remercie chaleureusement pour cette loi nécessaire. Nous avançons, mais il y aura encore du travail à faire pour compléter ce dispositif. Le groupe socialiste votera cette proposition de loi et vos amendements.

M. Pierre Ouzoulias . - Merci pour ce travail, monsieur le rapporteur ! Nous retrouvons certaines des idées qui vous ont animé dans la loi sur les restitutions, vos interrogations sur le statut des oeuvres, leurs propriétaires, où vous avez porté l'idée que la propriété n'est pas seulement matérielle mais qu'elle s'intéresse à l'oeuvre et à son auteur - vous menez ici encore une réflexion sur le droit d'auteur et sur la propriété scientifique et artistique. Vous dites qu'il faut laisser toute latitude aux experts et historiens de l'art de confronter leurs analyses et qu'il ne faut pas se passer d'un débat académique ; avec l'humilité qui vous caractérise et vous honore, vous dites que cette loi est in fieri - en devenir, on dirait un « work in progress » sur le champ de l'art contemporain. Vous apportez une première contribution à ce travail nécessaire qui en appelle d'autres. Parmi les questions importantes auxquelles la loi doit répondre, je veux souligner celle de la définition du plagiat, du pastiche dans le monde actuel, numérisé, où l'on peut désormais posséder des oeuvres numériques : quelle est l'articulation entre le plagiat et le numérique ? Qu'est-ce que la loi doit protéger ?

Je me félicite qu'avec cette proposition de loi, notre commission participe à ce débat sur la propriété artistique et intellectuelle à l'heure du numérique - le groupe CRCE votera ce texte, ainsi que vos amendements.

M. Julien Bargeton . - À mon tour de féliciter le rapporteur pour ce travail de grande qualité. Le contexte plaide pour cette réforme : la fraude artistique progresse à grand pas et représenterait 6,5 milliards d'euros par an. De nouvelles formes de falsification apparaissent et la loi « Bardoux », qui est le produit de son temps, mérite un toilettage - tout ceci justifie l'intention de cette proposition de loi, la volonté d'inclure les nouvelles formes d'art, la photographie, les arts appliqués, les oeuvres numériques en particulier : les Non fongible token (NFT) posent de redoutables problèmes à la protection du droit d'auteur, à la taxation de la chaine de valeur, alors qu'ils apparaissent bien comme une partie du futur de l'art.

Cependant, et je le dis sans déprécier l'excellent travail de notre rapporteur, cette proposition de loi me semble un peu hâtive en ce qu'elle précède les travaux que le CSPLA rendra en juillet prochain, qui ne manqueront pas d'ouvrir sur des propositions. Dans l'attente de ces travaux, le groupe RDPI s'abstiendra donc sur ce texte. Cette abstention est empreinte de bienveillance, nous pensons qu'il faut prendre le temps d'intégrer à ce texte les résultats des travaux du CSPLA. Par cohérence, nous nous abstiendrons aussi sur les amendements, en espérant que, d'ici cet été, ce texte pourra être complété.

Mme Monique de Marco . - Je suis très surprise par l'abstention du groupe RDPI. Je pensais que cette proposition était consensuelle. Je remercie notre rapporteur pour son travail approfondi sur un sujet en réalité très complexe. Cette proposition de loi actualise utilement la loi « Bardoux », la création d'un registre de faux facilitera l'application de la loi, comme pour les biens volés. Il est également très utile de cibler les manuscrits. Toutes ces adaptations contribueront à assainir le marché de l'art et rassureront les investisseurs.

On peut s'interroger, cependant, sur la portée de ce texte pour les artistes eux-mêmes. Et quel sera le droit d'auteur applicable pour une oeuvre attribuée frauduleusement à un autre artiste que l'auteur véritable ? L'oeuvre sera-t-elle détruite ? Ne faut-il pas réhabiliter l'auteur dans ses droits ?

En tout état de cause, le groupe écologiste votera ce texte, ainsi que vos amendements.

M. Pierre-Antoine Levi . - La réforme de cette loi vieille de 130 ans est attendue. Un colloque organisé par le Conseil constitutionnel en 2017 a conclu par exemple à la nécessité de modifier les nouvelles règles en vigueur. Vous donnez au juge un nouvel arsenal législatif, c'est utile, car le marché de l'art se développe et avec lui l'ampleur de la fraude.

Le groupe UC votera cette proposition de loi, ainsi que vos amendements.

Mme Alexandra Borchio Fontimp . - Merci pour vos travaux, ils nous font bien mesurer la dimension de ce sujet. La fraude artistique est un fléau contre lequel il faut lutter avec des peines plus dissuasives. Je me demande s'il ne faudrait pas attendre les résultats de la mission du CSPLA pour s'assurer que le texte soit suffisamment précis. Certaines fraudes rapportant des millions d'euros, ne faudrait-il pas prévoir une amende proportionnelle, plutôt qu'un plafond qui serait placé trop bas, donc peu dissuasif ?

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - Je vous accorde que j'ai commencé par voguer sur cette matière compliquée avec quelques idées simples et que j'ai dû m'adapter au fil des auditions - davantage que je ne l'avais envisagé. Je crois que nous devons présenter sans délai cette proposition de loi, même si elle est limitée. Car si on demandait aux intellectuels et aux juristes de légiférer, soyez assuré que nous y serions encore dans un siècle, sans avoir trouvé le parfait accord sur les termes... J'avais la naïveté de croire que l'expression de bien artistique était claire. J'ai constaté que c'était bien plus compliqué qu'il y parait. L'ambition de cette proposition de loi, c'est de poser le cadre pénal, quitte à ce qu'un cadre civil le complète. Ce texte ne règlera donc pas tous les problèmes, mais il pose un cadre pénal adapté. Notre objectif, c'est de rendre toute sa crédibilité à notre marché de l'art, qui occupe le quatrième rang mondial, et de protéger les amateurs d'art contre la tromperie, tout en garantissant la liberté de création des artistes.

J'espère que nous sommes parvenus à un bon équilibre, je remercie chaleureusement les services de la commission, en particulier pour la rédaction du texte : il traduit bien ce à quoi je tiens. Il faut de la liberté aux auteurs, des faux reconnus comme tels peuvent se trouver sur le marché dès lors qu'il n'y a pas tromperie, c'est pourquoi je crois que la destruction des faux n'est pas la bonne solution - car il faut compter avec le fait que des faux, signés par des artistes, constituent des oeuvres, parmi les nombreux détournements auxquels l'art d'aujourd'hui se livre.

Enfin, j'espère que les travaux du CSPLA complèteront utilement nos travaux, en particulier sur le volet civil.

Examen des articles

Article 1 er

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - L'amendement COM-1 redéfinit la nouvelle infraction de fraudes artistiques, levant les ambiguïtés que laissait planer la rédaction initiale. Il recentre l'infraction sur les comportements frauduleux destinés à tromper autrui, ce qui évite de porter atteinte à la liberté de création artistique - comme le ferait, par exemple l'interdiction de toute copie, plagiat ou détournement d'une oeuvre d'art.

Il substitue par ailleurs à la notion de « bien artistique et objet de collection », dont les contours n'étaient pas définis puisqu'ils ne figuraient dans aucun code ni texte de loi, celle d'oeuvre d'art et d'objet de collection, déjà employée dans le code du patrimoine, dans le décret Marcus ou en matière fiscale.

Plutôt que de faire de l'altération de la vérité l'élément constitutif de ce nouveau délit - tant la vérité en matière artistique est difficile à établir -, cette nouvelle rédaction distingue les fraudes portant directement sur l'oeuvre d'art ou l'objet de collection, des fraudes réalisées autour de l'oeuvre d'art ou de l'objet de collection lors de sa présentation, sa diffusion, sa transmission ou sa mise en vente qui ont pour but de tromper, soit sur son authenticité, soit sur sa provenance, ceci pour le faire passer pour ce qu'il n'est pas.

L'amendement COM-1 est adopté.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - L'amendement COM-2 précise que les hypothèses de circonstances aggravantes sont alternatives et non cumulatives.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - L'amendement COM-3 élargit le champ d'application des circonstances aggravantes aux cas dans lesquels les faits sont commis par des personnes utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle.

Déjà applicable en matière de recel ou de blanchiment, cette circonstance aggravante vise les professionnels du marché de l'art et répond au souci d'accroître la confiance des futurs acquéreurs dans le fonctionnement du marché et la déontologie de ses acteurs.

L'amendement COM-3 est adopté.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - L'amendement COM-4 élargit le champ d'application des circonstances aggravantes aux cas dans lesquels des institutions patrimoniales publiques sont les victimes de la fraude artistique.

Cette circonstance aggravante se justifie par le préjudice subi par la société du fait de l'acquisition par le biais de deniers publics.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - L'amendement COM-5 définit les peines applicables dans le cas où le délit est commis par une personne morale.

L'amendement COM-5 est adopté.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - Le retrait des faux artistiques est un enjeu majeur pour assainir le marché de l'art. Plusieurs options sont possibles : la confiscation de l'oeuvre ou de l'objet falsifié au profit de l'État, sa destruction ou, comme cela existe en matière de contrefaçon, la remise à la partie lésée des objets retirés du marché.

La loi « Bardoux » permet à la juridiction de prononcer la confiscation de l'oeuvre. L'article L. 3211-19 du code général de la propriété des personnes publiques précise que les oeuvres ainsi confisquées sont, soit détruites, soit conservées dans les musées de l'État ou ses établissements publics. La loi « Bardoux » octroie également au juge la possibilité de prononcer la remise de l'oeuvre au plaignant. Toutefois, le terme de plaignant est source d'incertitudes, dans la mesure où il ne serait pas acceptable qu'une personne qui ne serait titulaire d'aucun droit sur l'oeuvre - ni droit de propriété, ni droit moral ou patrimonial - se voie rétrocéder l'oeuvre en question.

La confiscation, la destruction ou la remise de l'oeuvre soulèvent des difficultés juridiques au regard du droit de propriété d'un possesseur de bonne foi - l'oeuvre n'étant pas, bien souvent, la propriété de la personne déclarée coupable.

C'est la raison pour laquelle l'amendement COM-6 prévoit que le prononcé de ces différentes sanctions demeure une faculté laissée à la libre appréciation du juge, en fonction des circonstances d'espèce.

L'amendement COM-6 est adopté.

L'amendement de coordination COM-7 est adopté.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - L'amendement COM-8 autorise le juge à prononcer, à titre de peine complémentaire, l'interdiction pour les personnes physiques d'exercer, à titre temporaire ou définitif, l'activité professionnelle dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de laquelle ils auraient commis l'infraction.

Il s'agit d'une peine complémentaire régulièrement prévue en cas de fraudes, comme par exemple dans le cadre du délit de tromperie.

L'amendement COM-8 est adopté.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - L'amendement COM-9 crée un registre des faux artistiques, sur le modèle de la base TREIMA développée par Interpol recensant les biens culturels volés, afin de limiter les risques de retour sur le marché des oeuvres d'art et des objets de collection qui auraient été reconnus comme tel à l'issue d'une procédure judiciaire, mais qui n'auraient pas été détruits.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 1 er , ainsi modifié, est adopté.

Article 2

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - L'amendement COM-10 supprime la disposition limitant aux seuls faux qui correspondraient à des oeuvres originales encore couvertes par le droit d'auteur la possibilité, soit de leur aliénation lorsqu'ils appartiennent au domaine privé de l'État, soit de leur destruction ou de leur stockage dans les musées appartenant à l'État ou à ses établissements publics après leur confiscation sur décision de justice.

Il n'apparait pas légitime de maintenir une différence de traitement entre les faux sur la base du droit d'auteur, au risque de faciliter la remise sur le marché de faux pourtant avérés, c'est-à-dire d'oeuvres ou d'objets créés ou modifiés dans le but de tromper autrui.

En revanche, il n'y a aucune raison d'interdire l'aliénation d'un bien culturel appartenant au domaine privé de l'État ou de rendre possible sa destruction, si le bien n'est pas, en tant que tel, un faux, mais a uniquement fait l'objet d'un discours frauduleux sur son authenticité ou sa provenance. C'est la raison pour laquelle l'amendement précise que la falsification s'entend au sens du 1° de l'article L. 112-28 du code du patrimoine - c'est-à-dire lorsque l'oeuvre d'art ou l'objet a été réalisé ou modifié, par quelque moyen que ce soit, dans l'intention de tromper autrui sur l'identité de son créateur, son origine, sa datation, sa nature ou sa composition.

L'amendement étend les dispositions de l'article L. 3211-19 du code général de la propriété des personnes publiques aux objets de collection par cohérence avec la rédaction du nouvel article L. 112-28 qui concerne à la fois les oeuvres d'art et les objets de collection.

L'amendement COM-10 est adopté.

L'article 2, ainsi modifié, est adopté.

L'ensemble de la proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Laurent Lafon , président . - Merci pour ce travail unanimement reconnu, je souhaite à ce texte de durer aussi longtemps que la loi « Bardoux » !

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. FIALAIRE, rapporteur

1

Redéfinition de la nouvelle infraction de fraudes artistiques

Adopté

M. FIALAIRE, rapporteur

2

Précision rédactionnelle

Adopté

M. FIALAIRE, rapporteur

3

Extension des circonstances aggravantes aux faits commis par un professionnel du marché de l'art

Adopté

M. FIALAIRE, rapporteur

4

Extension des circonstances aggravantes aux faits affectant une institution patrimoniale publique

Adopté

M. FIALAIRE, rapporteur

5

Définition des peines applicables aux personnes morales

Adopté

M. FIALAIRE, rapporteur

6

Faculté offerte au juge de prononcer des sanctions complémentaires visant à permettre la mise hors circuit des faux artistiques

Adopté

M. FIALAIRE, rapporteur

7

Coordination

Adopté

M. FIALAIRE, rapporteur

8

Création d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercice de l'activité professionnelle dans le cadre de laquelle l'infraction a été commise

Adopté

M. FIALAIRE, rapporteur

9

Création d'un registre des fraudes artistiques

Adopté

Article 2

M. FIALAIRE, rapporteur

10

Suppression de la distinction entre les faux artistiques selon qu'ils sont ou non encore couverts par le droit patrimonial de l'auteur

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Mardi 7 février 2023

Audition commune

. Institut art et droit : M. Gérard SOUSI , président,

. Paris 2, Panthéon-Assas : M. Yves MAYAUD , professeur émérite en droit privé et sciences criminelles.

Audition commune des membres de la mission du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique sur les faux artistiques

. Sorbonne Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne : MM. Tristan AZZI , professeur à l'École de droit de la Sorbonne, et Pierre SIRINELLI , professeur émérite,

. Université Lyon III : M. Yves EL HAGE , maître de conférences.

Mercredi 8 février 2023

- Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) : M. Hubert PERCIE DU SERT , colonel de gendarmerie, chef de l'OCBC, M. Thomas LECLAIRE , chef du groupe renseignement criminel, Mme Noémie GUNDOGAR , juriste.

- Table ronde des professionnels du marché de l'art

. Syndicat national des maisons de ventes volontaires : M. Jean-Pierre OSENAT , président,

. Syndicat national des antiquaires : M. Mathias ARY JAN , président,

. Comité professionnel des galeries d'art : M. Benoit SAPIRO , vice-président, Mme Gaëlle de SAINT-PIERRE , co-déléguée générale.

Jeudi 9 février 2023

Table ronde des avocats spécialisés dans le domaine de l'art

. Hélène Dupin Avocats : Mme Hélène DUPIN , avocate au barreau de Paris,

. Borghese Associés : Mme Anne-Sophie NARDON , avocate au barreau de Paris,

. Cabinet Corinne Hershkovitch : Mme Corinne HERSHKOVITCH , avocate à la cour.

- Compagnie nationale des experts (CNE) : M. Emmanuel LHERMITTE , secrétaire général.

Lundi 13 février 2023

Table ronde des artistes et de leurs ayants droit

. Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques : M. Thierry MAILLARD , directeur juridique,

. Fondation Le Corbusier : Mme Brigitte BOUVIER , directrice,

. Succession Chagall : Mme Meret MEYER , ayant droit du peintre,

Table ronde des experts d'art

. Syndicat français des experts professionnels en oeuvres d'art : M. Thierry BODIN , président,

. Confédération européenne des experts d'art (Cedea) : M. Michel MAKET , président.

Mardi 14 février 2023

- Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) : M. Olivier JAPIOT , président.

- Conseil des maisons de vente : M. Henri PAUL , président.

Mercredi 15 février 2023

Ministère de la culture : M. Christopher MILES , directeur général de la création artistique, Mme Pascale SUISSA-ELBAZ , cheffe du bureau des affaires juridiques à la direction générale de la création artistique, Mme Claire CHASTANIER , adjointe au sous-directeur des collections du service des musées de France à la direction générale des patrimoines, M. Yannick FAURE , chef du service des affaires juridiques et internationales au Secrétariat général, et M. David POUCHARD , adjoint à la chef de bureau de la propriété intellectuelle.

Jeudi 16 février 2023

Ministère de la justice - Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) : Mme Sophie MACQUART-MOULIN , adjointe du directeur DACG, et M. Thibault CAYSSIALS , chef du bureau de la législation pénale spécialisée.

CONTRIBUTION ÉCRITE

Mmes Marie Cornu , directrice de recherche, Centre national de la recherche scientifique (CNRS), et Elisabeth Fortis-Jodouin , professeur en droit privé et sciences criminelles, Université Paris-X Nanterre.

Proposition de loi n° 177 (2022-2023) portant réforme de la loi
du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 3 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 4 ( * ) .

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 5 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 8 mars 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 177 (2022-2023) portant réforme de la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique .

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions visant à prévenir et à réprimer les fraudes en matière artistique, ainsi qu'à réparer les préjudices qu'elles causent.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-177.html


* 1 On peut citer, en particulier, le colloque organisé par la Cour de Cassation le 17 novembre 2017 relatif à la question du « faux en art », ainsi que le colloque organisé le 17 mars 2022 par l'institut Art & Droit visant à restituer les travaux du groupe d'études mis en place en son sein à compter de 2018 pour réfléchir à la question des fraudes artistiques.

* 2 D'après le règlement n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l'exportation de biens culturels, les objets de collections « sont ceux qui présentent les qualités requises pour être admis au sein d'une collection, c'est-à-dire les objets qui sont relativement rares, ne sont pas normalement utilisés conformément à leur destination initiale, font l'objet de transactions spéciales en dehors du commerce habituel des objets similaires utilisables et ont une valeur élevée . »

* 3 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 4 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 5 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

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