I. L'HABITAT NON-DÉCENT : UN PHÉNOMÈNE MAL QUANTIFIÉ, MAIS PARTICULIÈREMENT PRÉGNANT EN OUTRE-MER, MALGRÉ LES MESURES SPÉCIFIQUES DE RÉSORPTION MISES EN oeUVRE CES DERNIÈRES ANNÉES

A. L'HABITAT NON-DÉCENT, UNE CATÉGORIE RESTRICTIVE QUI NE CONCERNE QUE LES LOGEMENTS LOCATIFS

1. Les critères de non-décence des logements locatifs ont été constamment renforcés depuis 30 ans

Si la notion de décence des logements locatifs était déjà présente dans l'article 6 de la loi de 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs 3 ( * ) , qui prévoyait l'obligation, pour le bailleur, de délivrer au locataire un logement « en bon état d'usage et de réparation », et « répondant [à des] normes minimales de confort et d'habitabilité », le terme a été introduit dans ce même article en 2000 par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite loi « SRU ») 4 ( * ) : un logement décent est un logement « ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation ».

Parallèlement, la loi SRU a introduit dans le code civil (1° de l'art. 1719) l' obligation pour les bailleurs de mettre en location des logements décents .

Les critères de décence des logements sont définis par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent 5 ( * ) . Pour être qualifié de décent, un logement doit ainsi satisfaire à des conditions :

- d' absence de risques manifestes pour la sécurité physique ou à la santé , ce qui implique notamment :

o l' étanchéité contre les infiltrations d'eau et (depuis 2018), infiltrations d'air parasites 6 ( * ) ;

o l'utilisation de matériaux de construction ne présentant pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité, et leur bon entretien ;

o la conformité aux normes de sécurité et le maintien en bon usage des branchements d'électricité, de gaz, de chauffage et de production d'eau chaude ;

- de mise à disposition d'équipements le rendant propre à l'habitation (chauffage, alimentation en eau potable, évacuation des eaux usées, cuisine, raccordement au réseau électrique et, sauf cas particuliers, installation sanitaire intérieure au logement) ;

- de surface minimale 7 ( * ) ;

- d'absence de nuisibles ou parasites ;

- de performance énergétique : depuis le 1 er janvier 2023, en application des dispositions de la loi « Énergie Climat » 8 ( * ) , les logements dont la consommation d'énergie, estimée par le diagnostic de performance énergétique (DPE), est supérieure à 250 kWh/m² (dits « G + »), ne peuvent être qualifiés de décents, et doivent donc être retirés de la location 9 ( * ) . Cette interdiction sera progressivement élargie aux logements notés G, puis F et E, respectivement en 2025, 2028 et 2034.

Compte tenu notamment de leurs spécificités climatiques, certains de ces critères ne sont pas applicables dans les territoires d'outre-mer , notamment la présence d'un chauffage 10 ( * ) , la mise à disposition d'eau chaude 11 ( * ) et l'étanchéité du logement à l'air 12 ( * ) . Les critères de performance énergétiques introduits par la loi « Énergie Climat » ne sont pas valables dans les départements d'outre-mer 13 ( * ) .

2. De l'habitat précaire au péril : une multiplicité de situations et de qualifications de l'habitat dégradé

Les situations de dégradation de l'habitat correspondent à une multiplicité de qualifications : en fonction du degré de dégradation, un logement pourra ainsi notamment être qualifié de non-décent, indigne 14 ( * ) , insalubre 15 ( * ) ou en péril. À chacune de ces qualifications répond une ou plusieurs procédure(s) spécifique(s), dont la mise en oeuvre repose sur des autorités différentes, ainsi que l'illustrent les schémas ci-dessous.

Source : Guide de repérage de l'habitat dégrad é, Préfecture de La Réunion,
ARS Océan Indien, ADIL de La Réunion, 2017

Ces qualifications se recoupent partiellement, les qualifications d'insalubrité ou de péril induisant automatiquement une qualification de non-décence 16 ( * ) . Néanmoins, dans les faits, il est courant que les dossiers concernant des situations d'insalubrité ou de péril ne soient pas automatiquement signalés à la Caisse d'allocations familiales, et que la procédure de signalement de la non-décence ne soit pas activée par le locataire parallèlement à celles concernant l'insalubrité ou le péril.

Les critères de décence se recoupent généralement aussi en partie avec ceux contenus par les règlements sanitaires départementaux (RSD), édictés par arrêté préfectoral.

Source : Fondation Abbé Pierre,
L'état du mal-logement en France 2022. Rapport annuel #27

L'ordonnance du 16 septembre 2020, prévue par l'article 198 de la loi « ELAN » 17 ( * ) a procédé à la refonte des polices administratives spéciales de lutte contre l'habitat indigne afin de simplifier les procédures.


* 3 Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

* 4 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 5 Décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 6 Modification introduite par le décret n° 2017-312 du 9 mars 2017 modifiant le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 7 Pour une location de logement vide, hors colocation : au moins une pièce principale d'au moins 9 m², avec une hauteur sous plafond d'au moins 2,20 m, ou un volume habitable d'au moins 20 m 3 .

* 8 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, notamment son article 17.

* 9 Modification introduite par les décrets n° 2021-19 du 11 janvier 2021 et n° 2021-872 du 30 juin 2021.

* 10 1 de l'article 3 du décret du 30 janvier 2002.

* 11 Dernier alinéa de l'article 3 du décret du 30 janvier 2002.

* 12 2 de l'article 2 du décret du 30 janvier 2002.

* 13 Art. 3 bis du décret du 30 janvier 2022.

* 14 Notion introduite par la loi « Besson » de 1990, et actuellement définie par l'article 84 de la loi n° 2099-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion comme « les locaux ou les installations utilisées aux fins d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité ou à leur santé ».

* 15 Défini à l'article L. 1331-26 du code de la santé publique comme un logement qui constitue « soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins » .

* 16 Art. 5 du décret du 30 janvier 2002.

* 17 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

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