EXAMEN EN COMMISSION LE 9 MARS 2023

M. Jean-François Rapin , président . - Nous examinons ce matin la proposition de résolution européenne n° 345 déposée par notre collègue André Gattolin le 10 février dernier, pour dénoncer les transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie.

Depuis son dépôt, ce texte a reçu un appui sur tous les bancs : 75 de nos collègues l'ont cosigné, au premier rang desquels je relève quatre présidents de groupes (RDPI, UC, RDSE et Les Indépendants), ainsi que la Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Ukraine, et notre collègue Claude Kern que notre commission a désigné pour rapporter avec André Gattolin sur cette proposition de résolution.

Avant de leur laisser la parole, je rappellerais simplement que le sujet du déplacement forcé d'enfants ukrainiens me préoccupe personnellement au plus haut point, depuis que m'en a informé Ivanna Klympusch-Tsintsadze, présidente de la commission pour l'intégration européenne de la Rada ukrainienne, quand je l'ai rencontrée en marge de la COSAC à Prague en novembre dernier. De fortes présomptions laissent en effet penser que la Russie procède au transfert forcé d'enfants ukrainiens loin de leur famille et de leur pays ; c'est effectivement un crime odieux qui ne peut laisser insensible. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'interroger à ce sujet le Président de la Rada d'Ukraine, M. Ruslan Stefanchuk, lors de l'entretien qu'il a eu avec le Président Larcher et auquel j'ai participé, à l'occasion de sa venue au Sénat le 1 er février dernier. Le Sénat a déjà adopté une résolution transpartisane condamnant fermement l'agression russe contre l'Ukraine et appelant au renforcement de l'aide fournie à l'Ukraine, qui est devenue définitive le 7 février dernier. Grâce à l'initiative prise par André Gattolin, cette nouvelle proposition de résolution européenne (PPRE) ferait du Sénat la première chambre parlementaire nationale de l'Union européenne à se positionner haut et fort pour dénoncer spécifiquement de tels crimes visant des enfants. C'est pourquoi je l'en remercie et lui propose, ainsi qu'à Claude Kern, de nous présenter leur rapport sur cette PPRE.

M. André Gattolin , co-rapporteur. - La guerre d'agression brutale menée par la Russie contre l'Ukraine a ramené sur le sol européen une violence inédite depuis la deuxième guerre mondiale. Elle a infligé d'immenses souffrances et des destructions insensées à l'Ukraine et à ses populations civiles.

Les atrocités perpétrées et mises en évidence dès les tout premiers jours de l'invasion continuent à faire de trop nombreuses victimes : ce sont, au-delà du crime d'agression, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité.

Outre l'action intense, sur le terrain, des agences des Nations unies, des organisations non gouvernementales (ONG), des autorités judiciaires et des services d'enquête spécialisés d'Ukraine et de nombreux pays sont allés enquêter, identifier, recueillir des preuves : par exemple, plusieurs équipes de gendarmes et d'experts de l'institut de recherches criminelles de la Gendarmerie nationale se sont rendues sur place dès le mois de mai 2022, tout de suite après que les forces ukrainiennes reprirent le contrôle des territoires concernés, à Boutcha notamment.

Il y a les morts qu'il faut identifier, les victimes de massacres qu'il faut dénombrer, les auteurs qu'il faut aussi identifier pour pouvoir les confondre et les punir, mais il y aussi les vivants, ou les survivants, qu'il faut retrouver, soigner, loger, nourrir, aider, soutenir, accompagner dans leur longue marche vers la reconstruction et la justice.

L'Ukraine s'est dotée à cette fin d'organismes et d'institutions spécifiques, pour enregistrer, dénombrer, et rassembler les informations sur les prisonniers de guerre, mais aussi sur les personnes civiles, blessées, déplacées ou disparues : le « Bureau national d'information » joue à cet égard un rôle clé, avec le soutien de plusieurs organisations internationales et ONG, de l'Union européenne, mais aussi du Canada.

L'invasion russe de l'Ukraine a entraîné, depuis plus d'un an, le déplacement de plus de treize millions de personnes, dont plus de huit millions dans différents pays de l'Union européenne - un million et demi en Pologne, un million en Allemagne -, selon le dernier point du Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR), datant du 20 février.

Trois millions de « réfugiés » seraient enregistrés en Russie et en Biélorussie, toujours selon le HCR et plus de 5 350 000 personnes déplacées à l'intérieur même de l'Ukraine, selon la même source. Parmi eux, il y aurait plus de 700 000, 800 000, voire un million d'enfants. Les chiffres varient beaucoup.

L'objet de la présente proposition de résolution, qui s'adresse au Gouvernement français et que nous pourrions doubler d'un projet d'avis politique à la Commission européenne, est d'attirer l'attention et d'appeler à agir par une expression politique forte du Sénat, en faveur des personnes les plus vulnérables : outre les personnes âgées et les personnes handicapées, il s'agit bien évidemment des enfants.

Les enfants sont particulièrement protégés par le droit international, qu'il s'agisse du droit de la guerre ou du droit international humanitaire, régi notamment par les conventions de Genève du 12 août 1949, mais aussi bien sûr par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et par la convention internationale relative aux droits de l'enfant, tous textes ratifiés par la Russie. Ils le sont aussi par les traités et les textes européens.

De nombreuses ONG, ukrainiennes et internationales, dont Amnesty international, dans plusieurs rapports successivement publiés dès l'an dernier, plusieurs organes officiels spécialisés dans la défense des droits de l'homme, tel le bureau international de la démocratie et des droits de l'homme (BIDDH) de l'OSCE, mais aussi la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, ont rapporté et signalé aux assemblées parlementaires les transferts massifs de populations civiles et en particulier d'enfants organisés par les forces ou administrations et « associations » russes dans les territoires ukrainiens occupés vers la Fédération de Russie.

Ces rapports reposent sur de nombreuses enquêtes de terrain, sur des entretiens menés avec des réfugiés issus des régions de Kharkiv, Zaporijia et Kherson, ainsi que de certaines parties des territoires de Donetsk et de Louhansk.

Dans un rapport publié en novembre 2022, Amnesty international a montré, à partir d'entretiens avec des enfants issus de ces territoires, que les Russes procédaient à leur tri et à leur séparation d'avec leurs parents dans des camps dits de filtration, répartis dans les territoires occupés ou dans les régions russes limitrophes pour leur conférer la nationalité russe et les envoyer ensuite dans différentes régions russes en vue de leur adoption.

Combien de tels cas d'enlèvements ou de déportations d'enfants ont-ils été enregistrés ? Différents chiffres à ce sujet, allant de plusieurs centaines à 150 000, circulent. Il est difficile d'être fixé aujourd'hui, compte tenu des difficultés de contrôle.

Selon les données de la plateforme officielle du gouvernement ukrainien, Children of War , au 9 février 2023, 16 207 enfants auraient été déportés dont, directement à la Fédération de Russie, 11 593 enfants. Ce site dépend du Bureau national d'information précité et du ministère de la Réintégration des territoires occupés.

Parallèlement, selon la police nationale ukrainienne, 347 enfants seraient considérés comme disparus. Cependant, il ne s'agit que des cas pour lesquels les dossiers enregistrés contiennent des pièces et données d'identification considérées comme fiables par les autorités ukrainiennes.

Le HCR, pour sa part, aurait recensé une centaine de demandes de recherches d'enfants en Russie émanant de familles ukrainiennes, mais reconnaîtrait que les « vrais » chiffres seraient bien supérieurs, sans pouvoir, à ce stade, fournir d'estimation. Certaines familles pourraient être réticentes à assumer, face aux autorités ukrainiennes, qu'elles ont délibérément envoyé leur enfant en « colonies de vacances » en Russie.

Il est d'ailleurs curieux que les médias russes, donc la propagande russe, citant des sources officielles de la Fédération de Russie, rapportent que près de 733 000 enfants ukrainiens ont été emmenés sur le territoire de la Russie. Bien sûr, selon le narratif officiel, pour les protéger, pour les mettre à l'abri du conflit...

Que sait-on réellement de ces enlèvements ou déportations ?

Selon les témoignages recueillis notamment par le commissaire aux droits de l'homme et ombudsman ukrainien, Dmytro Lubinets, mais aussi par les ONG que nous avons auditionnées, des enlèvements, certains parlent même de rafles, ont été organisés sous prétexte d'évacuation.

Selon le rapport commandé par le département d'État américain à l'université de Yale, et paru le 14 février, les enfants ukrainiens provenant de diverses institutions où ils étaient hébergés dans les territoires occupés ont également pu être emmenés dans des camps de pseudo-rééducation. Le rapport dénombre et situe 43 camps répartis sur l'ensemble du territoire russe. D'autres sont accueillis dans des familles russes. Pour combien de temps ? Certains médias ou comptes de réseaux sociaux russes laissent entendre que c'est pour longtemps. Le rapport de Yale évoque en conséquence une politique systématique qui toucherait des milliers d'enfants ukrainiens. Ce rapport cite des cas d'enfants qui ont été retirés d'orphelinats ukrainiens. C'est ce qui se serait passé, par exemple, à Oleshki, où des enfants handicapés ont été emmenés en Crimée.

Dans 307 cas, les parents, parfois les grands-parents de ces enfants seraient venus seuls en Russie par des voies difficiles, longues de plusieurs milliers de kilomètres pour franchir quelques dizaines de kilomètres à vol d'oiseau, en contournant les territoires occupés et les zones de guerre par la Pologne, la Biélorussie et en traversant de grandes étendues de territoire russe, pour récupérer leurs enfants. Les demandes de papiers sont extrêmement lourdes.

Opération pensée, préméditée, planifiée, organisée, centralisée, au plus haut niveau ? Il paraît difficile d'en douter. Le rapport de Yale commence à décrypter ce système.

M. Claude Kern , co-rapporteur. - Dès mai 2022, en effet, M. Poutine a signé un décret sur la procédure simplifiée d'acquisition de la citoyenneté par les orphelins, les enfants privés de soins parentaux, les personnes handicapées qui sont citoyennes ukrainiennes et se trouvent dans les territoires occupés de l'Ukraine...

Cela a permis de faciliter la procédure d'adoption d'enfants ukrainiens sans tenir aucun compte de leur statut dans leur pays d'origine.

Cette procédure d'adoption simplifiée a été aussitôt utilisée par la Commissaire présidentielle aux droits de l'enfant de la Fédération de Russie, Mme Maria Lvova-Belova, qui joue un rôle clé dans l'exécution de cette politique, à grand renfort de publicité, jusque sur le site internet officiel du Kremlin, où on la voit, face à Vladimir Poutine, se féliciter qu'elle ait pu adopter un garçon de quinze ans, originaire de la région de Donetsk, « grâce à lui ». (M. le rapporteur diffuse une vidéo)

Au-delà de quelques cas documentés et fortement médiatisés par les réseaux sociaux et organes de presse et de propagande russes, il faut reconnaître, après avoir auditionné plusieurs officiels ukrainiens, mais aussi des ONG et des représentants de diverses administrations et organisations internationales, que nous ne disposons pas à ce stade de statistiques précises sur le nombre d'enfants ukrainiens ayant reçu la nationalité russe et ayant été adoptés de cette manière.

Selon certaines des personnalités que nous avons entendues, et selon le rapport de Yale, ces enfants ukrainiens séjourneraient donc dans des orphelinats ou des familles russes.

Selon la plupart de nos interlocuteurs, ils subiraient un véritable lavage de cerveau, avec remise en grande pompe de passeports russes, et volonté de les assimiler et de renier leur passé ukrainien et leurs racines familiales, alors que nombre de ces soi-disant orphelins pourraient encore avoir des parents vivants, dont ils ont été arbitrairement séparés, qu'ils résident en Ukraine ou ailleurs, y compris sur le territoire russe ou dans les territoires occupés par la Russie.

Les enfants ainsi déplacés sont malheureusement susceptibles de constituer des victimes toutes désignées pour des prédateurs ou auteurs d'abus ou pour les organisateurs de trafics illicites ou de traite des êtres humains, nous a déclaré le Représentant spécial de l'OSCE chargé de la lutte contre ce fléau.

Signant une politique d'État volontariste destinée à accélérer ce processus d'assimilation ou de « russification » forcée, la Fédération de Russie aurait un programme de financement pour les familles qui acceptent d'adopter un enfant ukrainien, nous ont déclaré des officiels et ONG ukrainiens.

Même si les agences des Nations Unies sont prudentes, car elles doivent pouvoir continuer d'intervenir partout et auprès de tous leurs interlocuteurs pour mener à bien leurs missions quelles que soient les circonstances, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, aurait récemment confié sa préoccupation quant au respect des principes fondamentaux de la protection de l'enfance par la Russie.

D'autres observateurs soulignent les mises en scène médiatiques abjectes auxquelles ils ont pu assister sur les ondes russes : ainsi, lors de festivités patriotiques au grand stade Loujniki de Moscou, le 22 février, des enfants aux sourires forcés, présentés comme étant originaires de Marioupol, ont été invités, devant les caméras de télévision, à se serrer contre un soldat russe, « Tonton Youri », qui les aurait soi-disant sauvés de la ville en cendres.

« Avez-vous des contacts avec eux ? Y a-t-il des négociations pour leur retour ? » est l'une des questions que nous avons posées à nos interlocuteurs ukrainiens.

Lors d'une réunion organisée par la Turquie, la Médiatrice russe Tetyana Moskalkova aurait assuré que la Fédération de Russie ne souhaitait pas garder les enfants emmenés d'Ukraine qui veulent retourner dans leur pays d'origine, sans donner les noms et le nombre de ces enfants. Elle aurait ajouté qu'elle était prête à faciliter leur retour : faut-il la croire ?

Ce qui est certain, c'est que l'ombudsman de l'Ukraine, président de la commission des droits de l'homme de la Rada, nous a dit parler à son homologue russe. Et d'autres officiels ukrainiens ont laissé entendre l'existence d'échanges d'informations, voire de tractations dans certains cas. Toujours est-il que 307 enfants auraient été ainsi récupérés à ce jour.

Les officielles russes, Mme Maria Lvova-Belova, et la Commissaire russe aux droits de l'homme de la Fédération de Russie, Mme Moskalkova, semblent en revanche réticentes à communiquer les données personnelles des enfants, même aux services officiels ukrainiens.

Les ONG et autorités ukrainiennes se démènent, pour tenter de faciliter le retour des enfants et empêcher leur adoption hâtive et illégale au regard du droit international. Elles font appel, outre le HCR déjà cité, au Comité des droits de l'homme des Nations Unies, au Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, au Comité international de la Croix-Rouge. Nous relayons cet appel auprès du Gouvernement français qui a de l'influence aux Nations Unies, où Mme Colonna s'est exprimée le mois dernier, à l'assemblée générale à New York et à la commission des droits de l'homme à Genève, en mentionnant les enfants ukrainiens déportés en Russie.

Ces ONG ont aussi recueilli des informations qui peuvent être utiles pour préciser les responsabilités dans la chaîne des décisions de ce que le rapport de Yale décrit comme un « système ».

Ces informations, à condition bien sûr qu'elles soient solidement étayées et vérifiées par les autorités et services compétents, peuvent être précieuses, pour, dans un premier temps, prendre des sanctions à l'encontre des personnes ou des organismes prêtant leurs concours à ces déportations et adoptions illégales ; nous proposons que la France plaide pour que l'Union européenne étende en ce sens la liste du prochain paquet de sanctions puis, le moment venu, pour traduire ces personnes et organismes en justice.

C'est ici aussi que l'action du Gouvernement français et de l'Union européenne peut être décisive, pour recueillir et recouper ces données, consolider les enquêtes qui sont diligentées et y participer ou fournir aux enquêteurs les moyens nécessaires.

Les qualifications pénales applicables aux faits avérés et documentés et à leurs auteurs, si leur implication est prouvée, apparaissent en effet très claires et relèvent, soit des juridictions nationales, le cas échéant, soit de la Cour pénale internationale (CPI), qui a compétence à l'égard des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des crimes de génocide.

En effet, en vertu du statut de Rome, la CPI entend par « crimes de guerre » les « atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants », incluant « la déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale ». Elle entend, par « crime contre l'humanité », « la déportation ou le transfert forcé de population ». Quant au crime de génocide, aux termes de la résolution du 11 décembre 1946 de l'Assemblée générale de l'ONU, adoptée après Nuremberg, il se définit ainsi : « le génocide est le refus du droit à l'existence à des groupes humains entiers, de même que l'homicide est le refus du droit à l'existence d'un individu ». La Convention du 9 décembre 1948, adoptée la veille de la Déclaration universelle des droits de l'homme, renvoie autant à la responsabilité des États qu'à celle des individus. L'article 6 du statut de la CPI reprend à l'identique les termes mêmes de l'article 2 de ladite Convention, selon lesquels « on entend, par crime de génocide, l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : [...] e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ».

Le Procureur de la CPI, M. Karim Khan, a annoncé, dès le 2 mars 2022, avoir fait usage de son pouvoir pour, de sa propre initiative, ouvrir une enquête sur la situation en Ukraine au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour, sur la base des saisines reçues les 1 er et 2 mars 2022 par 39 États parties au statut de Rome, dont la France.

Lors de la toute récente conférence, intitulée United for Justice , qui s'est tenue à Lviv en fin de semaine dernière, avec les plus hautes autorités ukrainiennes, en présence du président de la République lituanienne, du vice-premier ministre néerlandais - la CPI siégeant à La Haye -, du Commissaire européen à la Justice Didier Reynders, de plusieurs procureurs généraux, la France étant représentée par le directeur juridique du Quai d'Orsay et par son ambassadeur en Ukraine M. Etienne de Poncins, le procureur de la CPI a déclaré continuer à enquêter sur le sort des enfants ukrainiens et a sollicité le plein concours des autorités judiciaires et policières ukrainiennes pour ce faire.

C'est aussi là que l'Union européenne a un rôle très important à jouer, et c'est, au fond, le sens même de la proposition de résolution et de l'avis politique que nous vous proposons d'adopter.

Dès le 8 avril 2022, l'Union européenne a annoncé mettre à disposition tous les moyens en sa possession pour participer aux enquêtes ouvertes par l'Ukraine pour crimes de guerre de la part de la Fédération de Russie.

Depuis le Règlement européen du 25 mai dernier, l'agence de coopération judiciaire européenne Eurojust, qui regroupe les États membres de l'UE (sauf le Danemark), mais également des pays partenaires comme l'Ukraine depuis 2016, tient une place essentielle dans le dispositif.

En effet, l'aide fournie par Eurojust prend trois formes. Tout d'abord, l'agence chapeaute une équipe commune d'enquête, constituée d'enquêteurs polonais, lituaniens et ukrainiens. Depuis le 25 avril 2022, celle-ci coopère avec le procureur de la CPI. Eurojust centralise aussi les éléments de preuve recueillis afin de faciliter les échanges et ainsi accélérer les enquêtes et les éventuelles poursuites pouvant être menées devant la CPI.

Cette coopération permet notamment d'éviter des doublons : qu'un témoin d'un crime ne soit pas entendu, par exemple, une première fois par la police ukrainienne, puis par celle du pays dans lequel il se serait réfugié. Elle permet aussi aux enquêteurs de retrouver facilement des témoins qui se seraient ensuite éparpillés sur le territoire européen. Tous les États membres et associés à l'Agence peuvent se joindre à cette équipe. C'est pourquoi nous appelons le Gouvernement et les autorités françaises à lui apporter un soutien renforcé, en fonction des compétences et des moyens disponibles pour venir en aide aux enfants ukrainiens et documenter les cas susceptibles de passer devant la CPI.

Nous faisons également référence à une initiative toute récente de la Commission européenne et de la Pologne, annoncée le 27 février 2023 par une porte-parole de la Commission européenne, à laquelle nous invitons le Gouvernement français à apporter tout son soutien. Il s'agit, là aussi, de réunir des preuves et de consolider les enquêtes, afin que ces crimes, s'ils sont avérés, ne demeurent pas impunis.

En, effet, peu importe les motivations de la Russie - assimiler, remédier à des déséquilibres démographiques voire « russifier », ou « dénazifier » l'Ukraine -, qui font tragiquement écho aux pires relents du siècle précédent pour l'Européen et l'Alsacien que je suis ; l'essentiel est que ces crimes cessent le plus tôt possible, et qu'ils cessent dès maintenant de se perpétrer dans l'ombre.

En adoptant ce texte, vous ferez oeuvre pionnière, car le Sénat serait le premier Parlement national à s'exprimer officiellement sur cette tragédie et sur le meilleur moyen de la combattre : la Justice. L'oeuvre de justice prendra son temps. Mais pour nous, il est temps d'agir. Oui, les enfants ukrainiens sont l'avenir de l'Europe, ils incarnent l'avenir du continent européen.

M. Jean-François Rapin , président . - Merci pour ce travail important, vous avez dû travailler dans des conditions dégradées puisque les interlocuteurs ne sont pas tous autour de la table - et vous avez su faire preuve de perspicacité, quoique nous ne connaissions pas le nombre d'enfants victimes, et que nous ne le connaîtrons jamais précisément. J'avais surpris M. Ruslan Stefanchuk, le président de la Rada ukrainienne, en l'interrogeant sur le sujet lors de sa venue au Sénat, mais je crois que nous devons bien prendre conscience de l'enjeu spécifique qui s'attache à l'enfant dans la guerre : je pense non seulement au traumatisme pendant la guerre, on le voit tous les jours avec les bombardements russes sur la population civile - il y a encore eu 80 missiles tirés la nuit dernière , mais aussi aux troubles psychiatriques persistant des années après la guerre. C'est un sujet pour l'Union européenne aussi, dès lors que l'Ukraine est candidate à nous rejoindre. Merci encore pour ce travail important, qui sera très probablement complété par celui de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. André Gattolin , co-rapporteur - Effectivement, je crois savoir que la commission permanente à laquelle sera renvoyée la proposition de résolution que notre commission adoptera va se saisir du sujet. Le transfert d'enfants est un sujet très important et trop peu documenté, d'autant que les Ukrainiens ont déjà beaucoup à faire dans les territoires libérés : il est particulièrement difficile de suivre ce qui se passe dans les territoires occupés, ou en Russie même.

M. Jean-François Rapin , président . - J'invite chacun de vous à noter que, le 11 mai prochain, nous auditionnerons Mme Ivanna Klympusch-Tsintsadze, présidente de la commission pour l'intégration européenne de la Rada ukrainienne, qui aura été reçue la vieille par le président du Sénat.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Merci pour ce travail des plus intéressants concernant un sujet, que j'ai pour ma part déjà beaucoup travaillé, alertant dès le 8 août sur la situation des enfants déplacés. Je m'en suis aussi entretenue à Kiev avec Mme Oleksandra Matvichuk, responsable du Centre des Libertés civiles d'Ukraine, que nous avons également reçue avec notre collègue Nadia Sollogoub dans le cadre du groupe interparlementaire d'amitié France-Ukraine. J'avais interpelé le Président Ruslan Stefanchuk sur les chiffres, lors de sa venue au Sénat, car les Ukrainiens, quand ils parlent de centaines de milliers d'enfants déplacés, comptent bien au-delà de ceux qui ont été déplacés par les Russes, dont le chiffre documenté est celui que vous avez donné, d'environ 16 200 enfants.

J'ai déposé l'an passé une proposition de résolution sur la reconnaissance du génocide ukrainien de 1932-1933, c'est-à-dire sur l'« extermination par la faim » - ou Holodomor - de plusieurs millions d'Ukrainiens par le régime soviétique d'alors. Si j'ai voulu attirer l'attention sur ce qui c'était passé en 1932-1933, c'est parce que cela s'apparente au génocide qui se passe aujourd'hui : les enlèvements d'enfants, à cette échelle, constituent un crime de génocide au sens du droit international public. Ma proposition de résolution a été saluée par le Président Ruslan Stefanchuk à la tribune du Sénat, mais elle n'a toujours pas été inscrite à notre ordre du jour, alors que d'autres l'ont été depuis : je ne comprends pas pourquoi - d'autant que nous serions les premiers à le faire. Le Parlement européen lui-même aurait travaillé sur le sujet : c'est ce que j'ai compris à un propos de Mme Nathalie Loiseau, mais cela reste à vérifier.

La commission des affaires étrangères va effectivement se saisir de ce sujet : je suis pressentie pour rapporter ce texte, eu égard au travail que j'ai déjà accompli. Je signale qu'un Français de l'étranger a créé une application pour retrouver des enfants à l'étranger et que les autorités ukrainiennes travaillent avec lui pour améliorer cet outil utile ; je pense que nous serions avisés de le soutenir dans ses efforts.

M. Jean-François Rapin , président . - C'est une très bonne nouvelle que la commission des affaires étrangères entende vous confier ce travail.

M. Pierre Ouzoulias . - Les récits qui nous parviennent sont bouleversants et la réalité est probablement pire encore que les informations collectées. Les faits sont incontestables, et si l'on ne connait pas le nombre de victimes, on sait que c'est dans la tradition russe de déplacer des populations entières : les Tatars de Crimée, les Tchétchènes, les Ingouches, les Arméniens ont subi ces violences qui visent une assimilation forcée et la négation même de leur identité. C'est maintenant le cas pour les Ukrainiens, les Russes niant l'existence d'une identité ukrainienne ; le déplacement d'enfants peut avoir aussi un objectif démographique : la démographie est une nouvelle dimension de guerre de haute intensité. Avec un taux de natalité à 1,5 enfant par femme, la Russie perd chaque année 0,3 à 0,5 % de sa population, c'est une angoisse pour le pouvoir russe et le transfert de masse des enfants ukrainien est un moyen pour lui de compenser ces pertes.

Face à ces crimes, il est indispensable d'établir les faits, car nous savons que les preuves disparaissent vite : votre démarche est fondamentale. La France peut jouer un rôle important pour aider l'Ukraine à établir et instruire des dossiers, en vue de les déposer ensuite devant les instances judiciaires internationales. Nous sommes impuissants à arrêter le conflit, mais nous pouvons aider l'investigation policière, et envoyer le message que les crimes ne resteront pas impunis. Le groupe CRCE votera cette PPRE.

M. Jean-Yves Leconte . - Merci à l'auteur de cette PPRE et à son co-rapporteur. Les déportations d'enfants sont une partie d'un ensemble plus large encore, car la guerre place des enfants sous la menace de trafics en tous genres, on le voit même dans des pays de l'Union européenne - et ces trafics ne sont pas, pourtant, comptabilisés parmi les crimes de guerre et le crime de génocide. Il faut donc être précis. Il y a la déportation, qui est un crime de guerre, et la « russification », qui est un crime de génocide - il y a ceux qui en décident, mais aussi ceux qui en font l'apologie, ceux qui organisent les « camps de vacances » où sont envoyés les enfants ukrainiens, mais aussi ceux qui, dans l'administration, organisent la reconstitution des états civils, et les entreprises qui leur fournissent les équipements : tous ces gens sont potentiellement des complices et auteurs de ces crimes.

On manque d'information sur ce que qu'ont pu voir les agences onusiennes et le Comité international de la Croix rouge (CICR) - certains considèrent qu'on est à la limite de la complicité de crimes, à ne pas témoigner de ce qu'on voit sur le terrain... Nous avons un rôle à jouer aussi à l'échelon européen, en passant par Eurojust, parce qu'il ne suffit pas d'envoyer des gendarmes de notre côté, il faut compiler des témoignages, préparer des dossiers. Ensuite, nous avons à changer certaines de nos règles pénales : dans notre droit actuel, Mme Maria Lvova-Belova pourrait venir passer ses vacances en France sans être du tout inquiétée...

M. André Gattolin , co-rapporteur - Non, elle est déjà inscrite sur la liste des personnes faisant l'objet de sanctions de l'Union européenne...

M. Jean-François Rapin , président . - Très bien !

M. Jean-Yves Leconte . - Tant mieux ! Toujours est-il que notre code de procédure pénale interdit toute poursuite de non-résidents. ..

MM. Claude Kern et André Gattolin , co-rapporteurs - En effet !

M. Jean-Yves Leconte . - On verra quelle position prendra la Cour de cassation le 17 mars prochain, mais cela fait plus de dix ans qu'une proposition de loi de Jean-Pierre Sueur attend de faire sauter ce « verrou », et qu'on ne le fait pas... J'espère que nous le ferons bientôt.

Sur le texte même de la PPRE, il serait peut-être judicieux d'y rappeler l'existence du dixième paquet de sanctions européennes adopté le 25 février, et d'insérer un considérant exigeant que les enfants soient restitués à leurs familles.

M. André Gattolin , co-rapporteur - Nous avons pour notre part modifié le paragraphe 63 pour y intégrer l'initiative de la Commission européenne et du Premier ministre polonais. Il règne encore du flou autour de cette initiative, mais nous avons voulu marquer le fait que le droit polonais dispose de la compétence universelle...

M. Jean-Yves Leconte . - Pas exactement. En réalité, l'État polonais ne poursuit que s'il y a atteinte à ses intérêts, ce qui n'est pas tout à fait pareil que la compétence universelle - dont disposent les Belges, eux.

M. André Reichardt . - À mon tour de vous remercier pour cette PPRE, dont je rejoins l'orientation et l'objectif de traduire en justice les responsables de ces crimes. Cependant, je comprends mal pourquoi on ne documente pas mieux les faits et le nombre d'enfants victimes, car, par définition, les autorités russes prennent des enfants en Ukraine sur des territoires occupés ; parmi ces territoires, certains ont été libérés, on y a relevé les exactions qu'elles y ont commises, on devrait pouvoir documenter plus précisément le nombre d'enfants enlevés. Par ailleurs, comment les choses se passent-elles en Crimée, depuis 2014 ? Je comprends qu'on ne puisse mener des investigations sérieuses sur les territoires occupés, mais pas dans le reste de l'Ukraine.

Ensuite, autant je me félicite qu'on aide les Ukrainiens à mieux documenter les crimes qu'ils subissent, autant je me demande encore : que fait-on de ces enfants, en Russie ? Est-ce que le drame s'arrête à des adoptions, à cette politique de « russification », ou bien y a-t-il aussi d'autres abominations, comme la traite d'êtres humains, de l'esclavage, des prélèvements d'organes ? Cette PPRE n'exprime pas clairement que nous devons savoir ce que les enfants déplacés deviennent, alors que des pratiques terribles peuvent exister, comme elles existent ailleurs.

Enfin, la guerre se prolonge ; à chaque territoire « conquis » par la Russie, d'autres terrains « à conquérir » apparaissent, d'autres crimes sont mis au jour : il faut que cette guerre s'arrête, et pour cela nous devons doter l'Ukraine des moyens de résister à la Russie et de récupérer son territoire - la PPRE est muette aussi sur ce point capital, c'est dommage.

M. Jean-François Rapin , président . - Notre soutien à l'effort de guerre de l'Ukraine est manifeste, l'UE vient d'y ajouter 2 milliards d'euros...

Mme Patricia Schillinger . - Ce sujet nous touche très profondément, l'UE doit mettre en place des moyens spécifiques pour s'en occuper. La bonne volonté ne manque pas, mais on se perd un peu entre toutes les initiatives, alors qu'il faut avant tout identifier ces enfants et faire qu'ils retournent dans leurs familles. Il y a des difficultés juridiques, ces enfants sont difficiles à localiser, mais il faut y mettre les moyens, ou bien ces enfants ne reviendront pas chez eux.

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Quelques éléments sur la question des chiffres, d'abord. Les Ukrainiens ont reconquis le quart des territoires que les Russes ont occupés, hors Crimée, et les 16 022 enfants identifiés l'ont été sur ces territoires libérés, avec le nom, l'âge, l'état civil, les parents et la localisation. L'association Voice of Children, qui a travaillé en Crimée et dans les autres régions occupées, nous a dit l'impossibilité d'avoir des informations sur ce qui se passe dans ces territoires. Et l'on a de quoi s'inquiéter lorsque les Russes parlent de 733 000 enfants « transférés » sur le territoire russe pour les « protéger », car cela correspond quasiment à tous les enfants des territoires concernés ; et quand le Kremlin avance ce chiffre pour montrer sa « solidarité » avec les Ukrainiens qui subiraient la guerre voulue par les Occidentaux, on peut craindre qu'il y ait aussi une manoeuvre pour dissimuler le nombre de morts civils - on parle de 30 000 à 40 000 victimes civiles à Marioupol, c'est considérable ! Dans cette ville martyre, les satellites ont identifié dix véhicules d'incinération, qui sont utilisés pour brûler des charniers et donc effacer les traces de crime de génocide, et de massacre de la population civile.

Il y a encore beaucoup à faire en matière de sanctions, les Ukrainiens nous disent avoir identifié 109 personnes qui participent de manière active et organisée au crime de génocide : il y a toute une chaîne de décision - le représentant polonais auprès de l'UE, lui, parle de 55 personnes directement impliquées. Il est important de dénoncer ce phénomène, car la Fédération de Russie, qui a mis en avant la « solidarité humanitaire » avec les Ukrainiens, est gênée de voir que la déportation des enfants est de mieux en mieux documentée. Du reste, la destruction de preuves est évidente, mais Voice of Children documente des crimes bien au-delà des enfants identifiés.

S'agissant de la situation en Crimée, on sait que les Tatars, qui représentaient 20 % de la population en 2014, n'en représentent plus que 3 % ; j'ai rencontré leurs représentants au Conseil de l'Europe.

M. Claude Kern , co-rapporteur. - Des parents ne témoignent pas devant les autorités ukrainiennes par peur de représailles, après avoir laissé partir leurs enfants en « colonies de vacances » russes au moment où la Russie occupait leur territoire ; ils ont peur, nous avons eu des témoignages très émouvants lors de nos auditions.

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Je suis très heureux que vous preniez le relai en commission des affaires étrangères et de la défense, chère Joëlle Garriaud-Maylam. Vous avez raison de souligner la continuité des crimes actuels avec le génocide de 1932-33, l'Holodomor. Nous avions organisé un colloque au Sénat sur le sujet. En décembre 1949, pour que l'URSS signe à Paris la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, il a été accepté de ne pas retenir les aspects politiques et culturels du génocide, et comme l'Ukraine faisait partie de l'URSS, on a tu les spécificités ethniques et nationales des Ukrainiens - de fait, nous devons revenir sur ce compromis passé à l'époque.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - C'est bien parce que le terme de génocide ne peut pas être retenu, que les Ukrainiens tiennent à la résolution dont j'ai présenté le projet : les Ukrainiens me l'ont demandé dans le cadre de l'assemblée parlementaire de l'Otan - et c'est pourquoi je me désole de voir que ma proposition de résolution sur la reconnaissance du génocide ukrainien ne soit toujours pas inscrite à l'ordre du jour du Sénat, alors que d'autres l'ont été depuis que je l'ai déposée...

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Je crois savoir que le Parlement européen a commencé ses auditions pour une reconnaissance : Maître Emmanuel Daoud a été entendu. Quoiqu'il en soit, pour ce qui est du transfert d'enfants, nous serions, avec cette PPRE, le premier Parlement national à prendre position.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - N'oublions pas que le Parlement européen, dès le 7 avril 2022, a adopté une résolution qui traite des enfants et, le 14 septembre dernier, une résolution qui mentionne les déplacements.

M. Claude Kern , co-rapporteur. - Nous pouvons inclure, dans notre texte, une demande sur le sort réservé aux enfants.

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Le crime de trafic d'êtres humains n'est pas reconnu par le droit international en tant que tel : l'incrimination passe par l'usage et l'exploitation des êtres humains, qu'il faut donc prouver, par exemple via des transactions financières ou la mise en esclavage. Selon des indications que nous avons eues, dans le cadre de la « russification », l'adoption par des parents donnerait lieu à une compensation forfaitaire de plusieurs milliers d'euros : cela peut constituer un crime de trafic d'êtres humains. Je crois savoir que notre collègue Isabelle Raimond-Pavero travaille sur ces questions.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je connais également bien ce sujet...

M. Claude Kern , co-rapporteur. - On évoque aussi le fait que des enfants pourraient servir de monnaie d'échange, ce qui n'a rien d'officiel.

M. Jean-François Rapin , président . - Sur l'Holodomor, je signale à toutes fins utiles le film L'ombre de Staline , qui présente bien le tragique contexte de l'époque.

Je vous propose donc de modifier le texte de la proposition de résolution, comme suit :

- après l'alinéa 36, insérer un alinéa visant expressément le dixième paquet de sanctions décidé par l'UE ;

- après l'alinéa 70, insérer un nouvel alinéa 71 invitant le Gouvernement à demander aux autorités russes des précisions sur le sort réservé aux enfants ukrainiens présents sur le territoire de la Russie.

M. André Reichardt . - Pourquoi pas, plutôt, mentionner cette demande plus haut dans le texte, en insérant le sort des enfants parmi les demandes d'informations ?

M. Jean-François Rapin , président . - La précision aurait alors sa place à l'alinéa 63 qui deviendra 64 si l'on insère l'alinéa proposé concernant le dixième paquet de sanctions, en le complétant in fine .

M. Jean-Yves Leconte . - Il faut également demander qu'on arrête la perpétuation de ces crimes, donc qu'on demande le retour immédiat des enfants en Ukraine.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Il nous faudrait aussi appeler à soutenir les initiatives visant à identifier les enfants : je repense à cette application créée par notre compatriote...

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Il me semble que c'est déjà dans le texte...

M. Jean-Yves Leconte . - Il ne faut pas se concentrer sur le seul acte de déportation, mais sur toute la chaîne de décision qui permet ces déportations, en particulier les fonctions d'état civil.

M. Jean-François Rapin , président . - Nous pouvons modifier le paragraphe 61- qui deviendrait 62- pour y inclure l'exigence de retour des enfants en Ukraine.

M. Pierre Cuypers . - Faut-il viser aussi les organisations internationales ?

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Nous nous sommes posé la question pour l'Unicef et la Croix rouge : je ne vous cache pas que certaines associations en dénoncent l'attentisme, à la limite de la complicité, mais les Ukrainiens nous disent préférer que ces organisations internationales restent présentes sur les territoires occupés et en Russie, parce que cela permet d'obtenir des informations utiles et inaccessibles sinon. Nous avons donc préféré ne pas mentionner ces organisations internationales dans la proposition de résolution.

La commission adopte à l'unanimité la proposition de résolution européenne ainsi modifiée, disponible en ligne sur le site du Sénat, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

Page mise à jour le

Partager cette page