N° 23

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 octobre 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution en nouvelle lecture, de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027,

Par M. Jean-François HUSSON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël DAUBET, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Première lecture : 272, 282 et T.A. 24

Commission mixte paritaire : 621

Nouvelle lecture : 530, 1675 et T.A. 168

Première lecture : 71, 73, 86, 87 et T.A. 15 (2022-2023)

Commission mixte paritaire : 211 et 212 (2022-2023)

Nouvelle lecture : 2 et 24 (2023-2024)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 a été déposé en premier lieu à l'Assemblée nationale et comportait initialement 26 articles et un rapport annexé. Il a été examiné à l'Assemblée nationale les 10 et 11 octobre 2022 et finalement rejeté le 25 octobre 2022.

L'examen en première lecture au Sénat s'est déroulé le 2 novembre 2022. A son issue, aucun article n'a été adopté conforme, dans la mesure où l'Assemblée nationale avait rejeté le texte. Aux 26 articles initiaux du texte s'est ajouté un article 8 bis nouveau. 27 articles restaient donc en discussion.

La commission mixte paritaire (CMP) s'est réunie le 15 décembre 2022 et n'est pas parvenue à élaborer un texte commun.

Le texte du projet de loi tel qu'adopté par le Sénat en première lecture a été inscrit en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale lors de la session extraordinaire de septembre 2023. Le 27 septembre 2023, à l'issue de la discussion générale, le Gouvernement a fait usage de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution et engagé sa responsabilité sur le vote de son texte. La motion de censure déposée en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution ayant été rejetée par l'Assemblée nationale le 29 septembre 2023, le texte du Gouvernement est considéré comme adopté.

Au sein de ce texte, 7 articles sont sans modification par rapport au texte adopté par le Sénat1(*). Par ailleurs, l'article 23, supprimé par le Sénat, n'a pas été réintroduit et n'est donc plus en discussion.

19 articles restent donc en discussion en nouvelle lecture au Sénat.

I. L'ABSENCE DE PRISE EN COMPTE PAR LE GOUVERNEMENT DU VOTE DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

Tant sur la méthode que sur le fond, l'examen du texte du présent projet de loi en nouvelle lecture témoigne de l'absence de considération du Gouvernement pour les positions claires et fortes affirmées par le Sénat en première lecture du texte, et qui demeurent les siennes.

A. LE RETOUR À UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PEU AMBITIEUSE DONT L'ATTEINTE EST HYPOTHÉTIQUE

1. Les orientations fortes et claires exprimées par le Sénat en première lecture n'ont pas été prises en compte

Le Sénat a voté ce projet de loi de programmation des finances publiques, en première lecture, le 2 novembre dernier, avec deux orientations fortes et claires s'agissant de la trajectoire des finances publiques de la France :

- le retour à un déficit public en-deçà du seuil des 3 % du PIB avant l'échéance de 2027 proposée par le Gouvernement ;

- la nécessité d'efforts de redressement budgétaire identiques pour les collectivités territoriales et pour l'État, hors mesures exceptionnelles de crise.

Le Gouvernement n'a retenu aucune de ces orientations.

En nouvelle lecture, le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale après recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution reprend très largement la trajectoire initiale proposée par le Gouvernement. Le déficit public ne repasserait sous le seuil des 3 % qu'en 2027, faisant de notre pays le plus mauvais élève en Europe. Ce signal est particulièrement dommageable alors qu'à compter du 1er janvier 2024 les règles européennes du pacte de stabilité et de croissance vont être de nouveau applicables. Il fragilise également la France dans sa capacité à peser sur la renégociation en cours de ces règles.

Par ailleurs, le texte du Gouvernement ne recherche aucune équivalence entre l'effort de l'État et celui des collectivités territoriales. « L'effort » fait par l'État resterait très largement imputable à la fin des dépenses exceptionnelles de crise, sans aucune réforme structurelle. Pire, l'écart se creuse entre l'État et les collectivités puisqu'entre le texte initial et la nouvelle lecture la cible de dépenses des administrations centrales pour 2027 augmente de 21 milliards d'euros (+ 3,1 %), quand celle des administrations locales ne progresse que de 5 milliards d'euros (+ 1,5 %).

2. La faible ambition du texte du Gouvernement est porteuse de risques

Il ressort de l'absence d'ambition du texte que le Gouvernement reprend en nouvelle lecture trois risques majeurs, contre lesquels le Sénat avait déjà mis en garde à plusieurs reprises le Gouvernement.

Tout d'abord, faute d'ambition, la trajectoire de la dette apparait en très forte augmentation. Elle grève les moyens d'action de l'État dans un contexte qui nous oblige pourtant à conserver des capacités d'intervention face aux diverses crises traversées par notre pays. Ainsi, dans son scénario central nouveau présenté dans le rapport annexé au présent projet de loi, la charge de la dette passerait de 38,6 milliards d'euros en 2023 à 74,4 milliards d'euros en 2027. Ce sont donc plus de 35 milliards d'euros qui, en 2027, pourraient être consacrés à l'investissement de notre pays, à la transition énergétique et écologique ou à des dépenses productives qui seront consacrés au paiement de la dérive passée des comptes publics.

Par ailleurs, la France se met dans une situation où, à la veille de 2024, année qui marquera la fin de la suspension du cadre budgétaire européen, elle risque de faire l'objet d'une procédure de déficit excessif de la part de la Commission européenne.

Enfin, la position gouvernementale ne lève pas le risque d'une dégradation de la notation financière de la France, qui pourrait avoir un impact sur nos conditions d'emprunt et ainsi alimenter la spirale décrite ci-dessus.

3. L'atteinte des objectifs du projet de loi reste très hypothétique

L'atteinte des objectifs - bien que peu ambitieux - de la trajectoire budgétaire présentée par le Gouvernement, paraît en outre très hypothétique, pour deux raisons : d'une part, le caractère trop optimiste de ses hypothèses sous-jacentes et, d'autre part, le constat passé et actuel de l'incapacité du Gouvernement à faire baisser la dépense publique.

a) Les hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent le projet de loi sont trop optimistes

Comme détaillé dans le commentaire de l'article 3, les prévisions macroéconomiques qui sous-tendent la trajectoire budgétaire proposée par le Gouvernement et conditionnent la réalisation de ses objectifs paraissent trop optimistes. Ainsi, au seul titre de l'année 2024, le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1,4 %, alors que la Banque de France envisage 0,9 % et le consensus des économistes 0,8 %.

Ces prévisions gouvernementales reposent sur la réalisation d'une conjonction improbable d'hypothèses économiques toutes favorables : fin de l'impact du durcissement des conditions de crédit, investissement élevé des entreprises, contribution positive du commerce extérieur, retour du taux d'épargne à son niveau d'avant crise et, conséquemment, dynamisme de la consommation des ménages.

La prudence devrait pourtant collectivement nous conduire à fonder notre programmation sur des hypothèses plus raisonnables, qui ne mettent pas en péril nos chances d'atteindre ses objectifs.

b) Dans les projets de lois financiers pour 2024, le Gouvernement ne tient pas ses engagement de la LPFP

Outre que les hypothèses macroéconomiques gouvernementales jettent un doute sur la crédibilité de l'atteinte des objectifs du présent projet de loi, l'analyse de ce que fait effectivement le Gouvernement fragilise fortement les engagements qu'il prétend prendre dans le projet de LPFP.

En effet, le projet de loi de finances pour 2024 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, qui viennent d'être déposés au Parlement, ne respectent pas les engagements présentés par le Gouvernement dans le présent projet de loi de programmation des finances publiques. La dépense publique n'est pas maîtrisée mais augmente encore de 2,2 % en 2024, hors mesures exceptionnelles de soutien. L'emploi de l'État et de ses opérateurs n'est pas stabilisé et augmente de plus de 8 200 équivalents temps plein en 2024, alors même que l'article 10 du présent projet de loi de programmation des finances publiques engage l'État à la stabilité de ses effectifs.

Tant les économies structurelles proposées par le Gouvernement pour 2024 que celles qu'il a su mettre en oeuvre par le passé sont sans commune mesure avec les engagements qu'il prétend prendre dans la loi de programmation des finances publiques. Ainsi, par exemple, le dispositif des revues de dépenses prévu par l'article 167 de la loi de finances pour 20222(*) n'a conduit cette année qu'à un succinct rapport au Parlement sans économie substantielle pour 2024. Or, la nouvelle version de la loi de programmation des finances publiques propose qu'en émergent 12 milliards d'euros d'économies par an en 2025, 2026 et 2027. Cette ambition semble relever du voeu pieux au regard de l'expérience passée.

De manière générale, comme le souligne le Haut conseil des finances publiques (HCFP), la trajectoire gouvernementale repose sur l'hypothèse de dépenses publiques « quasi stables en volume sur la période (+ 0,1 %), ce qui représente une trajectoire bien plus ambitieuse que celle réalisée par le passé »3(*), et d'autant plus hypothétique que le Gouvernement n'a pas fait la preuve par le passé de sa capacité à maîtriser la dépense et ne le fait pas davantage dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2024.

B. UNE MÉTHODE IMPROVISÉE, QUI N'A PAS CHERCHÉ LE COMPROMIS

1. Un calendrier gouvernemental malheureux

La commission relève que neuf mois se sont écoulés depuis l'échec de la CMP le 15 décembre dernier. Force est de constater que le Gouvernement n'a pas tiré profit de cette période pour tenter de trouver un compromis sur ce texte pourtant essentiel aux finances publiques de notre pays.

Pire, nul ne doute que le choix d'examiner ce texte en nouvelle lecture en session extraordinaire à l'Assemblée nationale a été exclusivement motivé par la possibilité qu'il permettait de faire usage de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, ce qui n'a pas manqué d'être le cas. Cette période coïncidait pourtant avec le renouvèlement pour moitié du Sénat et apparaissait de ce fait particulièrement mal choisie si l'objectif était de rapprocher les points de vue des deux assemblées et de parvenir à un texte commun.

2. Des modifications en nouvelle lecture qui paraissent improvisées

S'ajoute à ces difficultés l'impression d'une improvisation gouvernementale dans la rédaction de la version amendée de son texte en nouvelle lecture. Ainsi, par exemple, les articles 12 et 17 du présent projet de loi, qui traitent respectivement des crédits des missions du budget de l'État et des objectifs de dépenses de la sécurité sociale, ont été affublés en nouvelle lecture d'un alinéa supplémentaire qui semble indiquer qu'en plus des montants détaillés dans le corps des articles précités, 6 milliards d'euros d'économies seraient obtenus en 2025, 2026 et 2027 sur chacune des deux catégories d'administrations publiques.

Ces alinéas manquent de clarté. En effet, il est malaisé de comprendre si ces 6 milliards d'euros d'économies interviennent seulement en 2025 puis sont conservés en socle où s'il s'agit de 6 milliards d'euros cumulatifs pour chacune des trois années 2025, 2026 et 2027. Par ailleurs, pourquoi le Gouvernement a-t-il fait le choix d'ajouter ces alinéas plutôt que d'inscrire ses économies dans les trajectoires de dépenses présentées dans les corps des articles qui les précèdent, si ce n'est parce que ces économies n'ont pas été travaillées et sont donc présentées de manière arbitraire, tant dans leur montant que dans leur imputation ?

Enfin, comme le détaillent les commentaires des articles 12 et 17 dans le présent rapport, ces alinéas jettent un doute sur la conformité de ces articles avec les dispositions de la LOLF4(*), qui prévoient précisément que les lois de programmation des finances publiques doivent détailler « l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble de ces régimes et le taux d'évolution de ses sous-objectifs » d'une part et « les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l'État » d'autre part.

II. LA RÉAFFIRMATION DE LA POSITION DU SÉNAT SUR LA NÉCESSITÉ D'UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE SÉRIEUSE ET AMBITIEUSE

A. LA COMMISSION PROPOSE DE REVENIR À LA TRAJECTOIRE ADOPTÉE EN PREMIÈRE LECTURE PAR LE SÉNAT

Le rapporteur, pour réaffirmer avec force et esprit de responsabilité la position adoptée par le Sénat en première lecture, a à nouveau modifié le texte transmis pour redonner ambition et cohérence à la trajectoire budgétaire de notre pays.

Ainsi, comme le détaillent les commentaires des 19 articles restant en discussion dans la suite du présent rapport, le rapporteur propose, tout en conservant les apports utiles de l'Assemblée nationale, de réintroduire les modifications qui avaient été votées par le Sénat en première lecture.

En particulier5(*), les amendements du rapporteur réintroduisent les deux lignes directrices adoptées par le Sénat en première lecture :

- d'une part, l'alignement des contributions de l'État, hors mesures exceptionnelles, et des collectivités territoriales au redressement des finances publiques ;

- d'autre part, un retour du déficit public sous le seuil des 3 % dès 2025 et non en 2027.

B. LE SÉNAT A OBTENU GAIN DE CAUSE SUR LES DISPOSITIFS RELATIFS AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Comme l'avait souligné le rapporteur lors de l'examen du texte en première lecture6(*), les dispositions initiales du projet de loi relatives au contrôle de la trajectoire des finances des collectivités territoriales étaient à la fois illégitimes et superflues.

Ainsi, le Sénat avait en particulier supprimé l'article 23 du présent projet de loi, qui prévoyait un dispositif correctif très comparable à celui des contrats dits « de Cahors », prévus par la précédente loi de programmation des finances publiques, pour les années 2018 à 20227(*). Il avait ainsi suivi l'avis de la commission des finances qui avait démontré la responsabilité des collectivités territoriales et leur rigueur de gestion. En effet, à la fin de 2022, la dette des administrations publiques ne s'élevait qu'à 9,3 points de PIB et ne représentait que 8,7 % de la dette publique totale. En outre, la « règle d'or » applicable aux budgets locaux garantit que cette dette est le reflet d'investissements de long terme et reste soutenable pour les finances des collectivités.

De même, le Sénat avait, à l'article 16 du présent projet de loi, décidé d'exclure de la trajectoire des finances des collectivités territoriales les dépenses engagées par les départements au titre des allocations individuelles de solidarité. Ces dépenses sont en effet des dépenses de guichet contraintes sur lesquelles les départements n'ont pas prise.

Sur ces deux points majeurs, le rapporteur se félicite qu'en nouvelle lecture le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution reprenne les apports du Sénat. Les collectivités territoriales n'ont pas besoin de règles de gestion budgétaires durcies pour faire preuve de sérieux dans leur gestion.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER

ORIENTATIONS PLURIANNUELLES
DES FINANCES PUBLIQUES

ARTICLE 1er

Approbation du rapport

Le présent article prévoit l'approbation du rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), qui présente les hypothèses macroéconomiques et les mesures sous-jacentes à cette programmation.

La commission a adopté cet article sans modification.

En première lecture, l'Assemblée nationale, n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, n'a pas adopté cet article. Le Sénat a en revanche adopté l'article sans modification. Si le scénario macroéconomique envisagé dans le rapport annexé était jugé trop optimiste, la modification l'ensemble des agrégats qu'il comprend n'avait pas été jugée opportune, pour éviter de nuire à la clarté du débat entre le Parlement et le Gouvernement sur l'ajustement de la trajectoire des finances publiques.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté, au stade de la commission, un amendement du Gouvernement visant à mettre le rapport annexé à jour du nouveau scénario macroéconomique et de finances publiques. Cette modification a été retenue par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Malgré l'optimisme encore excessif de cette révision8(*), la commission a maintenu sa position, considérant le rapport annexé comme le point de départ d'une discussion à réengager sur les différents articles du présent projet de loi.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE PREMIER

LE CADRE FINANCIER PLURIANNUEL DE L'ENSEMBLE DES ADMINISTRATIONS

ARTICLE 2

Objectif à moyen terme (OMT) des administrations publiques

Le présent article définit l'objectif à moyen terme (OMT) des administrations publiques, établi à - 0,4 % du PIB potentiel, et précise la trajectoire de solde structurel, lequel atteindrait - 2,7 % du PIB potentiel en 2027 dans la version transmise au Sénat.

Le rapporteur, conformément aux orientations adoptées par le Sénat en première lecture, a jugé nécessaire de la modifier pour accélérer le rythme de résorption du déficit structurel.

La commission a adopté le présent article ainsi modifié.

L'article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prévoit que la situation budgétaire des États parties est en équilibre ou en excédent, l'équilibre se caractérisant par l'atteinte d'un objectif de moyen terme (OMT) de solde structurel supérieur à - 0,5 % du PIB. Cet article prescrit aux États de déterminer un tel OMT et, en cas d'écart, de proposer un calendrier permettant d'assurer une « convergence rapide » vers cet objectif.

Dans la version initiale du présent article, l'OMT proposé était fixé à - 0,4 point de PIB et la trajectoire de solde structurel conforme au tableau ci-dessous, l'ajustement structurel représentant l'effort réalisé par rapport à l'année précédente.

Trajectoire de solde structurel

(en points de produit intérieur brut potentiel)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel

- 4,2

- 4,0

- 3,7

- 3,4

- 3,1

- 2,8

Ajustement structurel

0,9

0,2

0,3

0,3

0,3

0,3

Source : commission des finances, d'après l'article 2 du projet de loi initial

En première lecture, après avoir voté l'article au cours de la discussion du texte, l'Assemblée nationale, ayant rejeté l'ensemble du texte, ne l'a pas adopté.

S'il avait noté que la fixation d'un OMT à - 0,4 % était conforme à nos engagements européens, le Sénat, considérant que les efforts proposés pour y parvenir étaient insuffisants et trop lents, avait modifié cet article en définissant une trajectoire plus ambitieuse, correspondant à celle qu'il avait envisagée pour chaque sous-secteur des administrations publiques (voir sur ce point le commentaire de l'article 3 ci-après). La trajectoire de solde et d'ajustement structurel adoptée par le Sénat était la suivante.

Trajectoire de solde structurel

(en  points de produit intérieur brut potentiel)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel

- 4,2

- 3,6

- 3,6

- 2,5

- 2,2

- 1,7

Ajustement structurel

0,9

0,7

0

1,1

0,4

0,4

Source : commission des finances, d'après l'article 2 du projet de loi tel qu'adopté en première lecture par le Sénat

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté, au stade de la commission, un amendement du Gouvernement visant à réviser la trajectoire de solde structurel. Cette modification a été retenue dans l'élaboration du texte considéré comme adopté en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Si l'OMT reste donc inchangé, la nouvelle trajectoire est beaucoup moins ambitieuse que celle proposée par le Sénat puisque le solde structurel à horizon 2027 serait de 2,7 points de PIB potentiel, contre 1,7 pour le Sénat. Elle est presque identique à celle que le Gouvernement avait déjà proposée dans la version initiale de son texte.

Trajectoire de solde structurel

(en points de produit intérieur brut potentiel)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel

- 4,1

- 3,7

- 3,3

- 2,9

- 2,7

Ajustement structurel

0,1

0,5

0,4

0,3

0,2

Source : commission des finances, d'après l'article 2 du projet de loi considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture

Conformément aux orientations qu'elle a prises en première lecture, la commission propose de réviser cette trajectoire en tenant compte de l'effet sur l'évolution du solde public de la trajectoire d'économies en dépense proposée par le rapporteur à l'article 3 du présent projet de loi. Elle suit en ce sens le même raisonnement que celui appliqué lors du premier examen du texte, l'année dernière.

Ainsi modifiée par l'adoption de l'amendement COM-15, la trajectoire d'évolution du solde structurel serait la suivante.

Trajectoire de solde structurel

(en  points de produit intérieur brut potentiel)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel

- 4,1

- 3,6

- 2,5

- 1,9

- 1,7

Ajustement structurel

0,1

0,5

1,1

0,6

0,3

Source : commission des finances, d'après l'amendement COM-15 proposé à l'article 2 du projet de loi par le rapporteur

Elle permettrait d'atteindre l'OMT prévu au seuil de la décennie 2030.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3

Décomposition de la trajectoire de solde effectif
entre sa composante structurelle, sa composante conjoncturelle
et les mesures ponctuelles et temporaires

Le présent article précise la décomposition de la trajectoire de solde effectif entre ses composantes structurelle et conjoncturelle, de même que la répartition du solde public entre les sous-secteurs des administrations publiques. Celle-ci a été révisée par le Gouvernement en nouvelle lecture, de façon à tenir compte de la révision de son scénario macroéconomique pour les années à venir.

La commission estime que ce scénario est trop optimiste. Au-delà même du réalisme des hypothèses sur lequel il est assis, elle estime que les objectifs de dépense et de solde prévus par cette trajectoire sont trop peu ambitieux, tant au regard de nos engagements européens que de l'impérieuse nécessité de rétablir nos comptes publics. En outre, la trajectoire proposée ne fait aucun cas des propositions du Sénat en première lecture, visant notamment à ce que l'effort en dépense soit équitablement réparti entre l'État et les collectivités, hors charge de la dette et hors dépenses exceptionnelles.

Donnant en quelque sorte quitus au Gouvernement sur son scénario macroéconomique, le rapporteur propose, conformément aux orientations adoptées par le Sénat en première lecture, une trajectoire prévoyant un effort équivalent entre État et collectivités, axé autour d'une évolution moyenne des dépenses « ordinaires » de - 0,5 point en volume par an sur la période 2024-2027.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Le présent article présente, en application des articles 1er A et 1er B de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), l'évolution des dépenses, des recettes et de l'endettement publics des administrations au cours des années 2023 à 2027. Il présente également l'évolution du solde et des dépenses pour chaque catégorie d'administrations publiques.

Au moment de l'examen du projet de loi au Sénat en première lecture, en octobre 2022, la trajectoire d'évolution en volume des dépenses proposée par le Gouvernement correspondait :

- au périmètre de l'ensemble des dépenses publiques : à + 0,1 % par an entre 2023 et 2027 pour l'ensemble des administrations publiques, à - 0,5 % par an entre 2023 et 2027 pour les administrations centrales et à - 0,5 % par an entre 2023 et 2027 pour les administrations locales ;

- au périmètre des dépenses primaires hors mesures de crise : à + 0,7 % par an entre 2023 et 2027 pour l'ensemble des administrations publiques, à + 1,1 % par an entre 2023 et 2027 pour l'ensemble des administrations centrales et à - 0,5 % par an entre 2023 et 2027 pour l'ensemble des administrations locales.

En première lecture, le Sénat avait considéré que, en ne retraitant pas, dans la trajectoire qu'il présentait, le coût des mesures de crises, le Gouvernement mettait en avant un effort « artificiel » de maîtrise des dépenses des administrations centrales. Plus encore, il se constituait une sorte de « matelas de budgétisation » en « crantant » le montant des crédits de crise. Il avait alors constaté que l'effort réel de réduction de la dépense était inégalement réparti entre les collectivités territoriales et l'État.

Le Sénat avait donc adopté une trajectoire alternative d'évolution des dépenses visant à ce que les administrations centrales réalisent un effort de baisse des dépenses équivalent à celui demandé aux administrations locales, soit - 0,5 % par an en moyenne entre 2023 et 2027. Cet effort devait ainsi porter sur le seul périmètre des dépenses ordinaires, c'est-à-dire hors crise (bouclier tarifaire, etc.) et hors charge de la dette. Il impliquait qu'en 2027 les administrations centrales réalisent environ 35 milliards d'euros d'économies supplémentaires par rapport à la trajectoire proposée par le Gouvernement. Il permettait enfin de faire passer le déficit sous le seuil de 3 % du PIB dès 2025, contre 2027 dans le scénario du Gouvernement.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté, au stade de la commission, un amendement du Gouvernement proposant une nouvelle trajectoire d'évolution des dépenses visant notamment à prendre en compte l'évolution des prévisions macroéconomiques entre fin 2022 et septembre 2023, retenue dans le texte considéré comme adopté. Le nouveau tableau présentant l'évolution du solde effectif et de la dépense publique ainsi que leur décomposition entre les différentes administrations, est le suivant.

Décomposition de la trajectoire de solde effectif

(en points de produit intérieur brut sauf mention contraire)

Ensemble des administrations publiques

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

- 4,2

- 4,1

-3,7

-3,3

-2,9

-2,7

Solde conjoncturel (2)

- 0,5

- 0,7

-0,6

-0,4

-0,2

0,0

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel) 

- 0,1

- 0,1

-0,1

-0,1

0,0

0,0

Solde effectif (1+2+3)

- 4,8

- 4,9

- 4,4

- 3,7

- 3,2

- 2,7

Dépense publique

57,7

55,9

55,3

55,0

54,4

53,8

Dépense publique (en Md€)

1523

1575

1622

1668

1705

1744

Évolution de la dépense publique en volume (%)*

- 1,1

- 1,3

0,5

0,8

0,5

0,5

Agrégat des dépenses d'investissement** (en Md€)

-

25

30

34

35

36

Évolution de l'agrégat de dépenses d'investissement en volume (%)

-

-

15

10

1

1

Taux de prélèvements obligatoires (y.c UE nets des crédits d'impôts)

45,4

44,0

44,1

44,4

44,4

44,4

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire

45,6

44,4

44,4

44,4

44,4

44,4

Dette au sens de Maastricht

111,8

109,7

109,7

109,6

109,1

108,1

État et organismes divers d'administration centrale

Solde effectif

- 5,2

- 5,4

- 4,7

- 4,3

- 4,2

- 4,1

Dépense publique (en Md€)

625

631

639

658

678

696

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

- 0,1

- 3,6

- 1,4

1,9

1,5

1,2

Administrations publiques locales

Solde effectif

0,0

- 0,3

- 0,3

- 0,2

0,2

0,4

Dépense publique (en Md€)

295

312

322

329

329

331

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

0,1

1,0

0,9

0,2

- 1,9

- 1,0

Administrations de sécurité sociale

Solde effectif

0,4

0,7

0,6

0,7

0,9

1,0

Dépense publique (en Md€)

704

730

761

779

798

817

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

- 2,4

- 0,5

1,7

0,3

0,7

0,6

* Hors crédit d'impôt, hors transferts, à champ constant.

** Dépenses considérées comme des dépenses d'investissement au sens du dernier alinéa de l'article 1 A et au 2° de l'article 1 E de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Source : commission des finances, d'après l'article 3 du projet de loi considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture

Ces nouvelles projections souffrent toujours d'importantes imperfections.

Tout d'abord, les prévisions macroéconomiques sur lesquelles est assise cette trajectoire paraissent trop optimistes, ce qui est de nature à fragiliser l'atteinte des objectifs de déficit visés dans cet article. Comme M. Pierre Moscovici, président du Haut conseil des finances publiques(HCFP), l'a exprimé lors de son audition devant la commission, « ce qui est envisagé n'est pas inatteignable. Pour autant, la combinaison d'hypothèses favorables est de nature à fragiliser la réalisation des objectifs de finances publiques présentés »9(*). Il est plus probable, au contraire, qu'une ou plusieurs hypothèses prévues par ce scénario ne se réalisent pas, rendant, de ce fait, la trajectoire de dépense envisagée insuffisamment contraignante pour atteindre lesdits objectifs.

Ainsi, au seul titre de l'année 2024, le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1,4 %, ce qui paraît particulièrement optimiste puisque, dans le même temps, la Banque de France envisage 0,9 % et le Consensus Forecasts 0,8 %. Comme le souligne le HCFP dans son avis10(*), la prévision de croissance pour 2024 est « élevée, notamment parce qu'elle suppose que le durcissement des conditions de crédit a déjà produit l'essentiel de ses effets et que l'ensemble des composantes de la demande tirera la croissance en 2024 ». Cela n'a en effet rien d'évident, alors même que la nouvelle hausse de 25 points de base des taux directeurs, décidée par la Banque centrale européenne le 14 septembre dernier, devrait peser tant sur l'investissement des entreprises que sur celui des ménages. Les prévisions de croissance pour 2025 à 2027 sont également optimistes en ce qu'elles reposent sur des hypothèses favorables : investissement élevé des entreprises, contribution positive du commerce extérieur, retour du taux d'épargne à son niveau d'avant crise et conséquemment, dynamisme de la consommation des ménages. Pour l'année 2025, le Gouvernement prévoit une croissance de 1,7 %, contre 1,3 % selon la Banque de France.

La prudence conduirait donc plutôt à supposer qu'une croissance plus faible et donc un niveau de recettes moins élevé. Les salaires, les revenus et la consommation augmentant moins, les recettes des impôts assis sur ces éléments seraient nécessairement moins dynamiques11(*). Un scénario plus réaliste requerrait ainsi des mesures d'économies plus substantielles que celles prévues pour atteindre les cibles de déficit envisagées.

Ensuite, au-delà même de la faible crédibilité du scénario macroéconomique qui vient fragiliser le lien entre objectifs de dépenses et de déficit, ces derniers paraissent encore en-deçà de ce qui est nécessaire pour rétablir nos comptes publics.

Les objectifs de déficit sont certes très légèrement plus ambitieux que ceux envisagés l'an dernier : alors que pour les années 2024 à 2027, le texte initial prévoyait une réduction du déficit public de 4,5 à 2,9 % du PIB, celui-ci passerait désormais de 4,4 à 2,7 % du PIB.

Pour autant, le seuil des 3 % prévu par nos engagements européens ne serait atteint qu'en 2027, comme dans la version initiale du texte, alors que le Sénat avait jugé nécessaire d'aller plus vite en arrêtant cette date à 2025. Cette nécessité se confirme à l'heure où la Commission européenne pourrait envisager d'ouvrir, pour 2024, une procédure de déficit excessif contre la France12(*). En effet, alors que le Conseil de l'Union européenne a recommandé à la France13(*) de « mener une politique budgétaire prudente, notamment en plafonnant à un maximum de 2,3 % l'augmentation nominale des dépenses primaires nettes financées au niveau national en 2024 », ce qui permettrait d'atteindre la cible demandée d'amélioration annuelle de solde budgétaire structurel d'au moins 0,7 % du PIB pour 2024, la réduction envisagée pour l'an prochain serait limitée à 0,4 %. Le Sénat avait, au contraire, prévu une réduction de 0,7 point du déficit structurel entre 2022 et 2023, une stabilisation en 2024, suivie d'une réduction significative de 1,1 point entre 2024, qui aurait permis d'atteindre un déficit structurel de 1,7 % potentiel en 2027. Si la décision d'engager une telle procédure contre la France reste entre les mains de la Commission, il est permis de penser que l'adoption de la trajectoire proposée l'an dernier par le Sénat aurait permis d'attendre celle-ci avec plus de sérénité.

Par ailleurs, le tableau désormais prévu au présent article, à la différence de la rédaction retenue par le Sénat, ne mentionne aucune indication sur la dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures de crise, et son évolution. Le Gouvernement dispose pourtant de ces éléments, qui auraient donc pu aisément figurer dans le tableau. Mauvaise volonté de sa part ou certitude d'adopter la présente loi grâce à la procédure prévue par l'article 49 alinéa 3 de la Constitution combinée au « dernier mot » de l'Assemblée nationale, l'attitude du Gouvernement paraît ici refléter un certain manque de considération à l'égard de la chambre haute.

Au total, la trajectoire présentée ne permet pas d'apprécier la part de l'effort de réduction des dépenses due aux économies structurelles réalisées par les différents niveaux d'administration, et non au retrait des mesures de crise. Il est dès lors beaucoup plus difficile de pouvoir bien apprécier et comparer l'effort consenti par l'Etat et celui des collectivités, ce qui est regrettable.

Enfin, on peut constater que l'effort demandé aux administrations centrales reste largement moindre que celui requis des collectivités.

En effet, l'évolution de la dépense publique en volume, si elle indique une évolution plus favorable en début d'exercice pour les collectivités que pour les administrations centrales, aboutit à une évolution comparable pour les deux niveaux en 2027 par rapport à 2021. L'essentiel de la baisse entre 2022 et 2024 pour l'État reste due au retrait des mesures de crise. Par la suite, aucun effort n'est plus observé. L'équivalence apparente entre les deux évolutions n'est donc pas due à des efforts d'économie structurelle équivalents. On peut en conclure que le Gouvernement n'a pas donné suite à la demande du Sénat d'un effort équivalent, hors mesures de crise, pour les APUC et les APUL.

Évolution de la dépense publique en volume
selon les catégories d'administration

(Base 100 = 2021)

Source : article 3 du projet de loi considéré comme adopté par l'Assemblée nationale

Plus problématique, l'évolution de la trajectoire depuis septembre 2022 n'indique aucune recherche d'économie du côté de l'État, en dépit des revues de dépenses maintes fois mises en avant par le Gouvernement comme une méthode efficace pour identifier des pistes en ce sens. Ainsi, entre la version initiale et celle issue de la nouvelle lecture du texte, la cible de dépenses des administrations centrales pour 2027 est passée de 675 milliards d'euros à 696 milliards d'euros, soit une augmentation de 21 milliards d'euros (+3,1 %). En revanche, la cible de dépense des collectivités est passée de 326 milliards d'euros à 331 milliards d'euros, soit une augmentation 5 milliards d'euros (+ 1,5 %). Ni la révision de la trajectoire macroéconomique ni l'augmentation prévisionnelle de la charge de la dette14(*) ne sauraient expliquer à elles seules cette évolution. Par ailleurs, il faut noter que, alors que le Sénat avait proposé une hausse des dépenses de l'État de 9 milliards d'euros entre 2022 et 2027, celle-ci atteint désormais 71 milliards d'euros. L'évolution pour les collectivités est bien plus modérée : elle passe de + 33 milliards à + 36 milliards d'euros.

Assise sur un scénario macroéconomique trop optimiste pour des objectifs de déficit trop peu ambitieux, cette nouvelle version de la trajectoire de finances publiques, qui fait peu de cas des apports du Sénat et semble exclure tout partage réel de l'effort entre l'État et les collectivités, ne saurait être adoptée.

En conséquence, le rapporteur a proposé à la commission, par un amendement COM-16, d'adopter une trajectoire révisée et fondée sur les mêmes principes qu'en première lecture, c'est-à-dire une diminution annuelle des dépenses hors charge de la dette et hors dépenses exceptionnelles de 0,5 points en moyenne en volume sur la période, tant pour les administrations centrales que pour les collectivités. N'ayant plus de marge d'action pour l'année 2023, la moyenne est donc faite sur la période 2024-2027. La trajectoire prévue pour les administrations de sécurité sociale n'est quant à elle pas modifiée par rapport au texte transmis par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

La trajectoire ainsi révisée prend la forme du tableau suivant.

Décomposition de la trajectoire de solde effectif

(en points de produit intérieur brut sauf mention contraire)

Ensemble des administrations publiques

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

- 4,2

- 4,1

- 3,6

- 2,5

- 1,9

- 1,7

Solde conjoncturel (2)

- 0,5

- 0,7

- 0,6

- 0,4

- 0,2

0

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel

- 0,1

- 0,1

- 0,1

- 0,1

0

0

Solde effectif (1+2+3)

- 4,8

- 4,9

- 4,3

- 3,0

- 2,1

- 1,7

Dépense publique

57,7

55,9

55,3

54,2

53,4

52,8

Dépense publique (en Md€)

1523

1575

1620

1643

1675

1711

Évolution de la dépense publique en volume (%)*

- 1,1

- 1,4

0,3

- 0,5

0,2

0,4

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

1401

1480

1543

1576

1602

1630

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

- 0,8

0,8

1,8

0,1

- 0,1

0,0

Agrégat des dépenses d'investissement** (en Md€)

-

25

30

33

34

35

Évolution de l'agrégat de dépenses d'investissement en volume (%)

-

-

15

10

1

1

Taux de prélèvements obligatoires (y.c UE nets des crédits d'impôts)

45,4

44

44,1

44,4

44,4

44,4

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire

45,6

44,4

44,4

44,4

44,4

44,4

Dette au sens de Maastricht

111,8

109,7

109,6

109,0

107,5

105,7

État et organismes divers d'administration centrale

Solde effectif

- 5,2

- 5,4

- 4,6

- 3,5

- 3,2

- 3,1

Dépense publique (en Md€)

625

631

637

634

648

663

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

- 0,1

- 3,6

- 1,8

- 2,0

0,7

0,8

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

522

544

567

573

582

588

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

- 3,4

- 0,1

- 0,3

- 0,6

- 0,5

- 0,6

Administrations publiques locales

Solde effectif

0,0

- 0,3

- 0,3

- 0,2

0,2

0,4

Dépense publique (en Md€)

295

312

322

329

329

331

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

0,1

1,0

0,8

0,1

- 1,9

- 0,9

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

294

310

320

326

326

328

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

- 2,2

0,7

0,8

- 0,2

- 1,9

- 0,9

Administrations de sécurité sociale

Solde effectif

0,4

0,7

0,6

0,7

0,9

1

Dépense publique (en Md€)

704

730

761

779

798

817

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

- 2,4

- 0,5

1,7

0,3

0,7

0,6

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

687

723

757

775

795

814

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

- 0,1

1,2

2,0

0,3

0,9

0,6

* Hors crédit d'impôt, hors transferts, à champ constant

** Dépenses considérées comme des dépenses d'investissement au sens du dernier alinéa de l'article 1 A et au 2° de l'article 1 E de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

Source : commission des finances, d'après l'amendement COM-16 proposé par le rapporteur à l'article 3 du projet de loi

Cette nouvelle trajectoire impliquerait, à horizon 2027, de réaliser 33 milliards d'euros d'économies supplémentaires par rapport à la trajectoire proposée par le Gouvernement.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4

Trajectoire d'effort structurel

Le présent article fixe l'objectif d'effort structurel sous-jacent à la variation du solde structurel et sa décomposition. Celui-ci se déduit des hypothèses macroéconomiques et d'évolution des finances publiques retenues par le Gouvernement dans son texte et de la trajectoire définie à l'article 3.

La commission ayant révisé la trajectoire de dépenses des administrations publiques à l'article 3, elle a adopté un amendement tendant à en tirer les conséquences sur la trajectoire d'effort structurel.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Cet article présente la trajectoire d'effort structurel, c'est-à-dire la part de la variation du solde structurel imputable à des mesures discrétionnaires en dépenses ou en recettes.

Non adopté en première lecture à l'Assemblée nationale en raison du rejet de l'ensemble du texte, il a été amendé par le Sénat pour tenir compte de la modification de la trajectoire de finances publiques votée à l'article 3. En effet, la trajectoire d'effort structurel se déduit comptablement de la trajectoire de dépenses, de celle des mesures nouvelles en prélèvement obligatoires (article 6 du présent projet de loi) et du scénario macroéconomique.

En nouvelle lecture, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à modifier la trajectoire d'effort structurel pour tenir compte de la révision de la trajectoire prévue à l'article 3. Cet amendement propose une trajectoire proche de celle proposée initialement par le Gouvernement et figure dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

L'objectif d'effort structurel des administrations publiques s'établirait ainsi comme suit :

Objectif d'effort structurel des administrations publiques

(en points de PIB potentiel)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Effort structurel

1,7

0,5

0,4

0,4

0,3

Dont contribution des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

- 0,3

0,0

0,2

0,1

0,0

Dont effort en dépense (y compris crédits d'impôts)

2,1

0,5

0,2

0,3

0,3

Source : commission des finances, d'après l'article 4 du projet de loi considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture

Le rapporteur proposant une nouvelle trajectoire de dépenses à l'article 3, il propose en parallèle à la commission d'adopter un amendement COM-17 qui en tire les conséquences.

Objectif d'effort structurel des administrations publiques

(en points de PIB potentiel)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Effort structurel

1,7

0,5

1,3

0,5

0,4

Dont contribution des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires (inchangée)

- 0,3

0,0

0,2

0,1

0,0

Dont effort en dépense (y compris crédits d'impôt)

2,1

0,5

1,1

0,4

0,4

Source : commission des finances, d'après l'amendement COM-17 proposé par le rapporteur à l'article 4 du projet de loi

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 6

Plancher annuel des mesures nouvelles afférentes
aux prélèvements obligatoires

Le présent article définit le plancher des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires année par année au cours de la période 2023-2027. La version issue de l'Assemblée nationale prévoit que l'incidence budgétaire maximale autorisée des mesures nouvelles en prélèvements autorisés serait fixée à 15 milliards d'euros sur la période.

La commission a adopté cet article sans modification.

Cet article, qui définit le plancher des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires au cours de la période 2023-2027 - c'est-à-dire de combien « au maximum » les impôts pourront baisser - a été adopté sans modification par le Sénat en première lecture.

En nouvelle lecture, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement, retenu dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, tendant à réduire l'incidence budgétaire maximale autorisée des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires. Celle-ci passerait ainsi de 16,5 milliards d'euros à 15 milliards d'euros sur l'ensemble de la période. Comme l'indique le tableau suivant, les baisses d'impôt autorisées sont toutefois plus élevées en fin de période qu'initialement.

Plafond annuel de l'incidence budgétaire des mesures nouvelles
en prélèvements obligatoires (écart avec le texte initial)

(en milliards d'euros courants)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Incidence de l'ensemble des mesures

- 5,0 (+ 2)

- 2,0 (+ 3)

- 3,0 (- 1,5)

- 2,0 (- 0,5)

- 3,0 (- 1,5)

Dont incidence relative aux dépenses fiscales

- 0,5 (+ 0,5)

- 0,5 (- 0,5)

- 0,5 (- 0,5)

- 0,5 (- 0,5)

- 1,0 (- 1,0)

Dont incidence relative aux exonérations, abattements d'assiette et réductions de taux applicable aux cotisations sociales

- 1,0 (=)

0,0 (=)

0,0 (=)

0,0 (=)

0,0 (=)

Source : commission des finances, d'après les versions initiale et considérée comme adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture du projet de loi

Bien que conçue pour donner l'impression d'un frein plus important à la baisse d'impôts, la modification apportée en nouvelle lecture, intervenant bien opportunément un an après la première lecture et juste avant la discussion du projet de loi de finances pour 2024, permet de diminuer davantage les impôts entre 2025 et 2027 que prévu initialement, ce qui n'est pas de nature à consolider nos finances publiques.

Il aurait pourtant pu être envisagé de « capitaliser » sur des baisses d'impôts moins importantes que prévu en 2023 et 2024, maintenir les plafonds initialement prévus pour les années 2025 à 2027. Cela aurait été davantage compatibles avec ce que la situation des finances publiques permet, mais probablement incompatible avec le nouveau calendrier de diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 7

Bornage des dépenses fiscales nouvellement créées
et de leurs prorogations

Le présent article, dans le texte transmis au Sénat en nouvelle lecture, borne à trois ans la durée de l'ensemble des dépenses fiscales et prévoit leur évaluation lors de toute prorogation.

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article, dans son texte initial, limitait à quatre années, avec une seule prorogation éventuelle, la durée des dépenses fiscales à caractère incitatif ou constituant une aide sectorielle, instituées à compter du 1er janvier 2023.

Lors de l'examen en première lecture, le Sénat a limité à trois années la durée des dépenses fiscales, sur la proposition de M. Rémi Féraud et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Il a également prévu, sur la proposition du Gouvernement, la présentation d'une évaluation lors de toute prorogation d'une dépense fiscale.

En nouvelle lecture, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Philippe Brun et des membres du groupe Socialistes et apparentés, prévoyant que la limitation à trois ans s'appliquerait à l'ensemble des dépenses fiscales, et pas uniquement à celles qui ont un caractère incitatif ou constituent une aide sectorielle. Cette modification suit une recommandation faite par la Cour des comptes, qui considérait dans une note thématique parue en juillet dernier15(*) que cette mention manquait de précision.

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution retient un amendement du rapporteur général décalant au 1er janvier 2024 la date de mise en oeuvre de cette disposition, en cohérence avec le décalage du calendrier d'adoption du présent projet de loi de programmation.

Les modifications apportées en nouvelle lecture préservent l'apport du Sénat et contribuent à clarifier et faciliter la mise en oeuvre du présent article.

Décision de la commission : la commission a adopté l'article sans modification.

ARTICLE 8

Plafonnement des taxes affectées

Le présent article reprend un dispositif déjà inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 202216(*). D'une part, les impositions affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale doivent faire l'objet d'un plafonnement. D'autre part, le niveau du plafond ne peut excéder de plus de 5 % le rendement prévu de l'imposition. Enfin, il prévoit la remise annuelle de la liste des impositions affectées non plafonnées.

La commission a adopté cet article en précisant que ce rapport annuel devrait être remis au plus tard le 1er avril.

Le principe d'universalité budgétaire prévoit que l'ensemble des recettes doivent être décrites dans le budget, sans qu'une recette soit liée spécifiquement à une dépense. Il connaît une limitation importante dans la procédure d'affectation de tout ou partie du produit de certaines taxes à des organismes autres que l'État.

Le volume de la fiscalité affectée est estimé à 360,7 milliards d'euros en 2024, dont la majeure partie concerne le secteur social (231,5 milliards d'euros17(*)) et le secteur local (56,7 milliards d'euros).

S'agissant des organismes autres que les collectivités territoriales et leurs établissements et les organismes de sécurité sociale, un encadrement des affectations de taxe a été progressivement mis en place avec le plafonnement du produit affecté à ces organismes, qui a pour but d'éviter l'attribution à ces organismes de recettes non nécessaires à leur activité. Le surplus éventuel de recettes fiscales par rapport au plafond d'affectation est reversé au budget général de l'État.

Dans sa version initiale, le présent article reprend ce principe de plafonnement, déjà inscrit dans la précédente loi de programmation des finances publiques. Il précise que le niveau du plafond ne peut excéder de plus de 5 % le rendement prévu de l'imposition. Cette dernière disposition, qui résulte à l'origine d'une initiative de la commission des finances du Sénat18(*), a pour objet de rendre plus sincère l'inscription du plafond en loi de finances et d'éviter qu'un éventuel accroissement inattendu du produit de la recette ne bénéficie à un organisme dont les besoins n'ont pas nécessairement augmenté en proportion.

Lors de l'examen du texte en première lecture, le Sénat n'a apporté qu'une modification rédactionnelle au présent article.

En nouvelle lecture, la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur la proposition de M. Mathieu Lefèvre et de plusieurs de ses collègues, a complété l'article en prévoyant la remise annuelle, par le Gouvernement et en vue d'éclairer la préparation du projet de loi de finances, de la liste des impositions de toutes natures non plafonnées affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale, ainsi que les motivations ayant présidé à leur absence de plafonnement.

Le texte considéré comme adopté en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a repris sans modification le texte ainsi modifié par la commission.

Le rapport prévu permettrait d'améliorer l'information du Parlement sur les motivations de l'absence de plafonnement de certaines taxes et donc de réexaminer la nécessité ou non d'appliquer de manière plus complète ce principe.

La commission a adopté deux amendements du rapporteur : un amendement COM-18 de coordination juridique et un amendement COM-19 qui précise que le rapport annuel prévu par l'article devrait être remis au plus tard le 1er avril, date déjà retenue à l'article 21 de la présente loi pour la transmission au Parlement des évaluations de la qualité de l'action publique, afin qu'il puisse réellement éclairer la préparation du projet de loi de finances.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 8 bis (nouveau)

Précision des moyens financiers dans la loi déterminant les objectifs
et fixant les priorités d'action de la politique énergétique nationale

Le présent article ajoute aux lois de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) une dimension financière destinée à préciser les moyens nécessaires à l'atteinte des objectifs de la politique énergétique nationale définis dans le code de l'énergie.

Il a été complété en nouvelle lecture à l'Assemblée Nationale par un amendement voté en commission des finances qui propose que, chaque année, le Gouvernement remette au Parlement une stratégie pluriannuelle qui doit définir les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale.

La commission des finances a adopté cet article sans modification.

En première lecture, avant qu'elle ne rejette le texte, l'Assemblée Nationale avait adopté un amendement déposé par le député Pierre Cazeneuve visant à créer une nouvelle loi de programmation quinquennale des financements de la transition écologique.

Le Gouvernement a ensuite déposé le même amendement en première lecture au Sénat avant de le retirer au profit d'un amendement identique déposé par M. Daniel Breuiller. Cet amendement, après un avis favorable du Gouvernement et défavorable de la commission des finances, a été rejeté par le Sénat.

Le présent article se trouve être issu d'un autre amendement déposé par M. Daniel Breuiller, adopté au Sénat en première lecture après un avis favorable du Gouvernement et un avis de sagesse de la commission des finances.

Les dispositions prévues par cet amendement ne visaient non pas à créer une nouvelle loi de programmation mais à ajouter une dimension financière aux lois de programmation sur l'énergie et le climat (dites « LPEC »), créées par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et dont le contenu, décliné en grands objectifs de la politique énergétique nationale, est précisé au I de l'article L. 100-1 A du code de l'énergie.

Les lois quinquennales de programmation sur l'énergie et le climat

Les lois quinquennales de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) sont prévues par une disposition de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie qui figure au I de l'article L. 100-1 A du code de l'énergie.

Ce I dispose ainsi qu'avant le 1er juillet 2023, puis ensuite tous les cinq ans « une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d'action de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique ».

Ce même I décline ensuite le contenu qui doit être celui de ces LPEC. Ce contenu se décline en six objectifs :

- réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

- réduction de la consommation énergétique finale et notamment de la consommation énergétique primaire fossile ;

- développement et stockage des énergies renouvelables pour l'électricité, la chaleur, le carburant, le gaz ainsi que l'hydrogène renouvelable et bas-carbone ;

- diversification du mix de production d'électricité ;

- rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment ;

- autonomie énergétique dans les départements d'outre-mer.

Source : commission des finances du Sénat

Issu de l'amendement adopté au Sénat, le 1° de l'article 8 bis complète ainsi le I de l'article L. 100-1 A du même code en y ajoutant un 7° qui dispose que les LPEC doivent également comprendre une « programmation des moyens financiers nécessaires à l'atteinte des objectifs » qu'elle doit par ailleurs décliner19(*).

En nouvelle lecture, la commission des finances de l'Assemblée Nationale a adopté un amendement présenté par son rapporteur général. L'article 8 bis issu du texte considéré comme adopté en nouvelle par l'Assemblée Nationale dans le cadre de la procédure de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution est identique au texte de la commission.

L'amendement adopté en commission ajoute un I bis à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, qui dispose que le Gouvernement doit transmettre chaque année au Parlement, avant le début de la session ordinaire, une « stratégie pluriannuelle qui définit les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale ». Cette stratégie pluriannuelle doit être compatible avec les objectifs mentionnés au 1° à 6° de l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, ainsi qu'avec la programmation de leurs moyens financiers, définie au 7° du même article.

L'objet du I bis est plus large que celui de la loi de programmation sur l'énergie et le climat, dans la mesure où la stratégie pluriannuelle inclut l'ensemble des financements de la transition écologique.

La stratégie pluriannuelle n'est pas présentée comme une annexe au projet de loi de finances mais la date de transmission de la stratégie, tous les ans avant le début de la session ordinaire, indique qu'elle a vocation à alimenter les discussions budgétaires.

Plusieurs travaux récents ont cherché à fournir un chiffrage des financements nécessaires à la transition énergétique et écologique. Le rapport dit « Pisany-Ferry Mahfouz »20(*) évalue ainsi à 66 milliards d'euros par an (soit 2,3 points de PIB) le volume des investissements requis pour la transition écologique. Pour les seules finances publiques, le montant des dépenses supplémentaires est estimé entre 25 et 34 milliards d'euros par an.

En ce qui concerne plus spécifiquement la question climatique, l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) estime, dans l'édition 2022 de son « Panorama des financements climat », que le respect des objectifs climatiques que s'est fixé la France suppose des investissements supplémentaires (publics et privés) d'un montant situé entre 14 et 30 milliards d'euros. En parallèle, le Secrétariat général à la planification écologique a réalisé des chiffrages par secteurs des réductions d'émission de carbone nécessaires pour atteindre ces objectifs.

Toutes ces données sont indispensables pour avoir une vue d'ensemble des enjeux financiers liés aux transitions écologique et énergétique. Toutefois, les études précitées ne peuvent pas se substituer à une stratégie de financement de la transition écologique définie par l'État. En effet, s'il existe plusieurs estimations du volume global de dépense publique requis pour mener la transition écologique, il reste encore à décliner ces financements par secteur, et à prévoir l'évolution de ces dépenses sur les années à venir.

En outre, les investissements en faveur de la transition écologique n'ont pas une rentabilité immédiate dans un nombre important de cas, comme par exemple pour la rénovation énergétique des bâtiments21(*) ou le développement de technologies de rupture. Il est donc indispensable que l'ensemble des acteurs puisse avoir une vision claire de la trajectoire du soutien public à la transition écologique.

En conséquence, la présentation avant chaque projet de loi de finances d'une stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique est une initiative qui mérite d'être soutenue.

Au-delà de l'intérêt des mesures prévues par le présent article, le rapporteur rappelle au Gouvernement une règle de bonne conduite élémentaire auprès des concitoyens et des parlementaires : respecter et appliquer la loi. En effet, au regard de l'expérience malheureuse de la LPEC, qui se fait toujours attendre et dont les perspectives sont noyées au milieu d'un épais brouillard alors même que la loi dispose que la première devait être déposée avant le 1er juillet 2023, il craint fort que ces nouvelles dispositions, soutenues à bon compte par le Gouvernement, ne soient qu'un nouvel effet d'annonce sans lendemain.

À l'heure où des discours climato-sceptiques ressurgissent, l'exigence de crédibilité de la parole politique sur l'enjeu de la transition écologique n'en est que plus cruciale. Sur ce sujet comme sur d'autres, les citoyens ainsi que leurs représentants attendent que le Gouvernement tienne ses engagements et agisse.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE II

LE CADRE FINANCIER PLURIANNUEL
DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CENTRALES

ARTICLE 9

Définition et montant du « périmètre des dépenses de l'État »

Le présent article substitue aux deux normes de dépenses de l'État prévues par la précédente loi de programmation une nouvelle norme de dépense intitulée « périmètre des dépenses de l'État », qui inclut l'ensemble des dépenses de l'État, hors remboursements et dégrèvements et dépenses liées à la charge ou au remboursement de la dette, ainsi que le produit des taxes affectées faisant l'objet d'un plafonnement.

La commission a adopté cet article sans modification.

Une norme de dépenses est une prévision d'évolution des dépenses au respect de laquelle le Gouvernement s'astreint.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 202222(*) a défini deux normes de dépenses :

- la norme de dépenses pilotables correspond aux dépenses sur lesquelles l'État a en principe le plus de contrôle chaque année. Elle inclut les dépenses budgétaires, hors dépenses consacrées aux pensions, et le montant total du plafonnement des taxes affectées23(*), en excluant les remboursements et dégrèvements, les dépenses liées aux pensions, à la charge de la dette, au désendettement ou destinées à l'Union européenne ou au financement des collectivités territoriales. Elle exclut les dépenses qualifiées d' « exceptionnelles » ;

- l'objectif de dépenses totales de l'État (ODETE) comprend l'ensemble des dépenses couvertes par la norme de dépenses pilotables, ainsi que celles liées aux pensions, à la charge de la dette ou destinées à l'Union européenne ou au financement des collectivités territoriales, ainsi que les dépenses jugées exceptionnelles.

Dans le texte initial de la loi de programmation des finances publiques, ces deux normes de dépenses sont remplacées par un agrégat unique dénommé « périmètre des dépenses de l'État », qui comprend de manière générale les dépenses inscrites au budget général, des budgets annexes et des comptes d'affectation spéciale de l'État, dont sont déduits les montants consacrés à la charge ou au remboursement de la dette ainsi que ceux consacrés aux remboursements et dégrèvements ; sont en outre inclus les dépenses du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », le produit des taxes faisant l'objet d'un plafonnement et le montant des prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne et des collectivités territoriales.

Sur ce périmètre, les dépenses de l'État passeraient de 480 milliards d'euros en 2023 à 509 milliards d'euros en 2027 selon le texte examiné en première lecture, ce qui correspond à une quasi-stabilité en volume.

L'évolution du périmètre des dépenses de l'État

(en milliards d'euros)

Année

2023

2024

2025

2026

2027

Périmètre des dépenses de l'État

480

485

496

501

509

Source : article 9 du projet de loi

Lors de l'examen en première lecture, le Sénat a adopté le texte de la commission des finances, qui a précisé notamment que les montants ainsi indiqués devaient constituer des plafonds et non, comme indiqué dans le texte initial, des cibles. Il a également prévu la présentation par le Gouvernement d'une décomposition détaillée des catégories de dépenses constituant le périmètre des dépenses de l'État.

En nouvelle lecture, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté trois amendements présentés par le Gouvernement.

Le premier apporte une précision rédactionnelle.

Le deuxième rajoute le programme « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État » du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » parmi les programmes ne faisant pas partie du périmètre des dépenses de l'État. Si ce programme n'a pas reçu de crédits depuis 2017, il n'a pas été supprimé de la maquette budgétaire et pourrait être mobilisé de nouveau.

Surtout, le troisième amendement met à jour le montant prévisionnel du périmètre des dépenses de l'État sur la période de programmation.

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a repris le texte de la commission sans modification.

Il conserve donc les améliorations apportées en première lecture au Sénat. Toutefois il acte une augmentation très importante des dépenses sur l'ensemble de la période de programmation, par rapport aux montants prévus en première lecture.

Modifications apportées en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale
au montant du périmètre des dépenses de l'État

(en milliards d'euros)

Source : textes successifs du projet de loi de programmation des finances publiques

La diminution des dépenses en 2024 par rapport à 2023, de l'ordre de 5 milliards d'euros, doit s'apprécier par rapport au niveau exceptionnel atteint en 2023 avec la mise en oeuvre en fin d'année, donc postérieurement au dépôt du projet de loi de programmation des finances publiques, d'un ensemble de mesures de soutien aux ménages et aux entreprises face à la hausse des prix de l'énergie.

Or, par sa définition même, cet agrégat regroupe les dépenses sur lesquelles l'État a en principe le plus de contrôle. L'augmentation des dépenses sur ce périmètre par rapport à la première lecture constitue donc un signal négatif sur la volonté de celui-ci de contribuer réellement à la réduction des dépenses publiques.

En volume, les dépenses diminueraient certes par rapport au niveau exceptionnel de 2023, mais augmenteraient à nouveau dès 2025, avec une légère diminution en 2026 et 2027. Force est donc de constater que les véritables économies sont repoussées en fin de quinquennat, où elles ne font l'objet d'aucune documentation. Comme on le verra lors de l'examen de l'article 12, la définition de ces économies est renvoyée aux revues de dépenses instaurées par la loi de finances pour 2023 et l'article 21 du présent projet de loi de programmation des finances publiques.

Constatant que l'examen en nouvelle lecture a préservé les apports du Sénat en première lecture, la commission a adopté l'article sans modification.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 10

Objectif d'exécution des schémas d'emploi 2023-2027

Le présent article tel que transmis par l'Assemblée nationale fixe un objectif de stabilité à l'exécution des schémas d'emplois de 2023 à 2027 pour l'État et ses opérateurs.

La commission a repris le texte adopté par le Sénat en première lecture en prévoyant une diminution de 5 % de ces schémas d'emploi sur la même période.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Le présent article prévoyait, dans son texte initial, que l'objectif d'exécution des schémas d'emploi24(*) de 2023 à 2027 pour l'État et ses opérateurs serait la stabilité globale des emplois exprimés en équivalents temps plein.

Cet objectif prend pour base l'emploi en 2023, ce qui signifie que, sur la durée du quinquennat, l'emploi serait en hausse de 10 764 ETP, ce qui correspond au schéma d'emploi prévu en 2023 par la loi de finances initiale.

Lors de l'examen en première lecture, la commission des finances du Sénat a précisé que la stabilité de l'emploi n'était pas un objectif mais un plafond. Lors de l'examen en séance publique, le Sénat a prévu, sur la proposition de Mme Paoli-Gagin, que l'État et ses opérateurs viseraient non pas la stabilité du schéma d'emploi, mais sa diminution de 5 % au moins.

Lors de l'examen du texte en nouvelle lecture, la commission des finances de l'Assemblée nationale, par un amendement présenté par le rapporteur général est revenue à la mention initiale de la stabilité de l'emploi. Elle a conservé la précision selon laquelle il s'agit d'un plafond et non d'une cible. Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a repris cet article dans la rédaction adoptée par la commission.

Cet objectif de stabilité de l'emploi public n'est guère satisfaisant, ni cohérent avec l'objectif affiché de réduction de la dépense publique, car les dépenses de personnel sont l'un des principaux leviers d'action pour la maîtrise des finances publiques : le montant des dépenses de personnel du budget général, y compris les dépenses de pensions, est de 153,5 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024, soit 34,5 % des dépenses du budget général. En outre les décisions en la matière ont une portée très longue dans le temps, puisqu'elles portent des conséquences financières pour l'État sur toute la durée de la carrière et de la retraite des personnels concernés.

Par ailleurs, l'objectif de stabilité de l'emploi sur la période 2023-2027, peu ambitieux en lui-même, paraît difficilement compatible avec le projet de loi de finances pour 2024 présenté au même moment par le Gouvernement. Le nombre des emplois augmente en effet de 6 695 équivalents temps plein (ETP) pour l'État et de 1 578 ETP pour les opérateurs25(*). Le montant des dépenses de personnel, affecté par cette hausse mais aussi par les mesures générales et catégorielles relatives au personnel existant, s'accroît de 5,1 %, soit deux fois plus que l'inflation, la hausse étant de 6,0 % pour les seules rémunérations d'activité26(*).

La commission des finances note certes que le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale conserve son apport de première lecture, à savoir que cet objectif constitue un plafond et non, comme c'était le cas dans le texte initial du Gouvernement, une cible.

Elle a toutefois décidé de réaffirmer la position prise par le Sénat en première lecture et a donc rétabli, par deux amendements identiques COM-20 du rapporteur général et COM-10 rect. bis de Mme Paoli-Gagin, l'objectif d'une diminution de 5 % au moins de l'emploi de l'État et de ses opérateurs.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 12

Plafonds pluriannuels des crédits des missions

Le présent article définit les plafonds de crédits pour les missions du budget général en 2024, 2025 et 2026, à périmètre courant, hors charges de la dette, hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions » et hors remboursements et dégrèvements. Il prévoit également que des économies à hauteur de 6 milliards d'euros par an seront imputées pour partie sur ces plafonds au cours des années 2025 à 2027.

La commission a adopté cet article sans modification.

Dans le texte initial, le présent article définissait les plafonds de crédits pour les missions du budget général en 2023, 2024 et 2025, à périmètre courant, hors charges de la dette, hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions » et hors remboursements et dégrèvements.

Le Sénat n'a pas modifié cet article, tout en notant qu'une trajectoire plus rigoureuse et ambitieuse, dans la ligne d'un redressement des comptes publics, nécessiterait que les évolutions de certaines missions soient révisées.

Lors de l'examen du texte en nouvelle lecture, la commission des finances de l'Assemblée nationale a, sur la proposition du Gouvernement :

- fait porter le plafonnement des crédits sur les années 2024 à 2026, décalant d'une année la portée du plafonnement des crédits des missions en cohérence avec le décalage du calendrier d'adoption du présent projet de loi ;

- mis à jour les montants de ces plafonds sur cette période, en indiquant pour mémoire les montants en loi de finances pour 2023 ;

complété l'article par un alinéa prévoyant que, pour les années 2025 à 2027, des économies à hauteur de 6 milliards d'euros seraient imputées pour partie sur les plafonds de crédits définis par le présent article. Ces économies seraient issues du processus de revues de dépenses mentionné à l'article 21 du présent projet de loi et déjà mis en oeuvre en application de la loi de finances pour 2023. Elles seront réalisées sur le périmètre des dépenses de l'État défini à l'article 9 (voir supra).

Le texte considéré comme adopté en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a repris sans modification le texte de la commission.

La nouvelle trajectoire d'évolution des plafonds de crédit est significativement différente de celle présentée lors de l'examen première lecture27(*), non seulement parce que les montants ont été révisés mais surtout aussi parce que la période est différente, puisqu'elle porte sur les années 2023 à 2026 et non sur les années 2022 à 2025.

Sur la période 2023-2026, les deux principales augmentations en valeur concernent les missions « Défense », en application de la loi de programmation militaire28(*), et « Engagements financiers de l'État », c'est-à-dire principalement la charge de la dette.

S'agissant de cette dernière, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit ainsi que les crédits du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » passeraient de 50,8 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2023 à 60,3 milliards d'euros en 2026. Ces crédits sont toutefois de nature évaluative : ainsi le montant réel de la charge de la dette en 2023 est-il désormais estimé non à 50,8 milliards d'euros, mais 54,7 milliards d'euros29(*).

Évolution des dépenses des missions entre 2023 et 2026 en valeur

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Si l'on compare la trajectoire prévue en nouvelle lecture à celle présentée en première lecture, les évolutions sont particulièrement significatives.

Le montant total des dépenses sur le périmètre du présent article, qui inclut les missions du budget général hors contributions aux pensions, hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements, serait en 2025 de 410 milliards d'euros, contre 390 milliards d'euros en première lecture, soit une augmentation de 20 milliards d'euros.

Cette évolution résulte d'abord d'une estimation plus élevée, en 2025, des engagements financiers de l'État (66 milliards d'euros en nouvelle lecture contre 58,8 milliards d'euros en première lecture), mais aussi de la mission « Travail et emploi » (22,4 milliards d'euros, contre 16,2 milliards d'euros). Selon les éléments apportés par le Gouvernement au rapporteur, l'augmentation des crédits de cette dernière mission portent notamment sur le lancement de France Travail, le financement des contrats d'apprentissage ou encore des financements destinés à France Compétences.

Principales évolutions sur les plafonds de crédits des missions en 2025
entre le texte examiné en première lecture et le texte transmis en nouvelle lecture

(en milliards d'euros)

Lecture : le plafond de crédits en 2025 de la mission « Engagements financiers de l'État » est fixé à 66,0 milliards d'euros en nouvelle lecture, contre 58,8 milliards d'euros en première lecture, soit une augmentation de 7,2 milliards d'euros.

Source : commission des finances, à partir des textes de première et nouvelle lectures

L'augmentation concerne également les crédits des missions « Enseignement scolaire » (notamment en raison des mesures salariales annoncées en juin 2023), « Cohésion des territoires » (financement des efforts de rénovation des bâtiments privés), « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (soutien du renouvellement forestier, fonds de souveraineté alimentaire) et « Écologie, développement et mobilité durables » (prolongation du « fonds vert », développement des nouvelles mobilités et des énergies renouvelables).

La seule diminution supérieure à 1 milliard d'euros par rapport à l'examen en première lecture apparaît largement artificielle : elle concerne en effet la mission « Crédits non répartis », pour laquelle le texte examiné en première lecture prévoyait un montant de crédits anormalement élevé en 2025 et dépourvu de justifications, à hauteur de 1,4 milliard d'euros. Or, cette mission ne comptait, jusqu'en 2020, qu'un montant de crédits de paiement inférieur à 200 millions d'euros en loi de finances initiale30(*), ce qui est souhaitable car ces crédits constituent une forte dérogation au principe de spécialité budgétaire et la plupart des dépenses imprévues ont vocation à être assurées au moyen de la réserve qui est constituée en début d'année au sein de chaque programme budgétaire.

Certes, l'augmentation notable des crédits entre les textes transmis en première et en nouvelle lectures devrait, en principe, être partiellement compensée par la clause rajoutée à l'initiative du Gouvernement, aux termes de laquelle ces plafonds de crédits devraient être abaissés à partir de 2025.

Cette clause, qui figure au II (nouveau) du texte transmis au Sénat, mentionne en effet des économies de 6 milliards d'euros par an sur les dépenses imputées sur le périmètre des dépenses de l'État prévu à l'article 9, dont une partie seulement porterait sur les plafonds de crédits inscrits au présent article.

Si la recherche d'économies ne peut être qu'approuvée, il est regrettable que cette clause soit si imprécise, puisqu'elle n'indique pas sur quelles politiques publiques ces économies porteront, ni même si elles correspondront à des réductions brutes de dépenses budgétaires ou à des restrictions sur d'autres composantes du périmètre des dépenses de l'État, telles que les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales ou les taxes affectées à des opérateurs.

Par ailleurs, l'ajout de cette clause fait peser un doute sur la sincérité des plafonds de crédits inscrits dans le tableau qui la précède et, à ce titre, ne semble pas conforme à l'esprit de l'article 1 B de la loi organique relative aux lois de finances31(*) dont le 5° précise que les lois de programmation des finances publiques doivent faire figurer « les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l'État ».

Au total, et comme lors de l'examen du texte en première lecture, le rapporteur prend acte de l'évolution des crédits des missions prévue par cet article, tout en soulignant qu'une trajectoire plus rigoureuse et ambitieuse, dans la ligne d'un redressement des comptes publics, nécessiterait que les évolutions de certaines missions soient révisées.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 13

Plafonds évaluatifs des concours de l'État aux collectivités territoriales

Le présent article définit, pour la période 2023-2027, le montant maximal de l'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales et fixe le périmètre des concours « plafonnés ».

Aussi, la commission a adopté cet article sans modification.

Dans le texte initial déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, contrairement à la précédente loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour la période 2018-202232(*), seul le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) n'était pas strictement plafonné. À l'inverse, la TVA affectée aux régions, au même titre que les autres concours financiers et les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », était intégrée dans l'enveloppe normée.

Cette inclusion de la TVA des régions dans les concours plafonnés générait un risque de minoration des autres concours financiers en cas de dynamisme de cette ressource supérieur aux prévisions disponibles. En effet, le dynamisme spécifique de la TVA affectée aux régions, comme celui du FCTVA, qui peut être supérieur aux prévisions, risquait de réduire les montants disponibles pour le reste des concours au sein de l'enveloppe des concours financiers.

Dans ce contexte, le Sénat avait adopté un amendement visant à préciser que le FCTVA et la TVA affectée aux régions sont exclus de l'enveloppe normée et en ajoutant une ligne distincte dans le tableau, mentionnant spécifiquement l'évolution prévisionnelle de la TVA affectée aux régions.

Pour mémoire, le Gouvernement, contre cette modification du texte apportée au stade de la commission, avait déposé, en séance, un amendement visant à revenir à la rédaction initiale de l'article 13. Le gouvernement avait néanmoins précisé que la TVA affectée aux régions n'était pas prise en compte dans l'enveloppe normée et qu'il n'y aurait donc aucun impact sur les concours financiers des autres collectivités locales. Cet amendement a été rejeté par le Sénat.

À l'issu de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le présent article, tel que retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, a été modifié par un amendement de notre collègue député Jean-René Cazeneuve et par un amendement du Gouvernement.

Le premier amendement procède à un ajustement rédactionnel.

Le second actualise la trajectoire des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales pour les années 2023 à 2027 en tirant les conséquences, d'une part, de l'adoption de la loi n°2022-1769 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 et, d'autre part, des dispositions inscrites dans le projet de loi de finances pour 2024.

La nouvelle trajectoire s'établit ainsi :

Évolution des concours financiers inscrits en LPFP 2023-2027 - première
et nouvelle lecture

(en milliards d'euros courants)

Source : commission des finances du Sénat à partir de la LPFP 2023-2027

De surcroit, l'article, dans sa nouvelle rédaction, détaille le tableau de la trajectoire des concours financiers de l'État, aux collectivités en distinguant, en sus de la ligne « TVA affectée aux régions » ajoutée par le Sénat en première lecture, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Ainsi, cet amendement conserve sur la modification apportée par le Sénat en première lecture et visant à exclure la TVA affectée aux régions de l'enveloppe normée en indiquant spécifiquement que « pour la période de programmation, l'ensemble des concours financiers autres que le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et que le produit de l'affectation de la taxe sur la valeur ajoutée aux régions est plafonné ».

Le rapporteur salue cette position qui permettra de garantir que le plafond des concours financiers ne sera pas affecté par le dynamisme de la TVA affectée aux régions, potentiellement plus important que les prévisions actuelles.

Le rapporteur note également qu'après actualisation de cette trajectoire la hausse des concours financiers entre 2022 et 2027 est supérieure dans le texte de nouvelle lecture à ce qu'elle était dans le texte initial. En effet, les concours financiers, qui augmentaient de 2,37 milliards d'euros entre 2022 et 2027 dans la version initiale de la LPFP, augmenteraient, après actualisation, de 3,84 milliards d'euros.

Pour autant, il souligne qu'en raison de l'inflation, cette hausse en euros courants correspond toujours, en euros constants, à une contraction des concours financiers alloués aux collectivités territoriales, même si cette contraction est moins importante que dans le texte initial.

Aux termes du texte initial, les concours aux collectivités passaient de 52,2 milliards d'euros en 2022 à 48,1 milliards d'euros en 2027 soit une perte de 4,1 milliards d'euros en euros constants.

Dans le texte de nouvelle lecture, et après actualisation de la trajectoire et des prévisions d'inflation, cette baisse serait de 2,55 milliards d'euros, les concours financiers passant de 52,2 milliards d'euros à 49,65 milliards d'euros en euros constants.

Évolution des concours financiers inscrits en LFPF 2023-2027 retraités
de l'inflation - texte initial

(en CP, en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir de la LPFP 2023-2027

Évolution des concours financiers inscrits en LFPF 2023-2027 retraités
de l'inflation - nouvelle lecture

(en CP, en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir de la LPFP 2023-2027

Cependant, entre 2023 et 2027, l'écart entre la trajectoire de première lecture et celle de nouvelle lecture est moindre puisque, retraitement fait de l'inflation, la contraction serait désormais de 2,79 milliards d'euros contre 2,91 milliards d'euros initialement.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 14

Objectif de diminution de l'impact environnemental du budget de l'État

Le présent article, dans le texte transmis en nouvelle lecture, prévoit que le ratio entre les dépenses de l'État considérées comme défavorables à l'environnement et les dépenses considérées comme favorables et mixtes, hors dépenses liées aux mesures de relance, diminue au moins de 30 % entre la loi de finances pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2027.

La commission a adopté cet article sans modification.

Dans le texte initial, le présent article prévoyait que le rapport entre les dépenses considérées comme défavorables à l'environnement et celles considérées comme favorables ou mixtes diminuerait de 10 % entre la loi de finances pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2027. Les dépenses favorables, mixtes ou défavorables à l'environnement sont ainsi qualifiées et chiffrées dans le rapport annuel sur l'impact environnemental du budget (« budget vert ») prévu par le 6° du I de l'article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

Le Sénat, lors de l'examen en commission en première lecture, a modifié la définition de ce ratio en le faisant porter sur, d'une part au numérateur, les dépenses défavorables ou mixtes et, d'autre part au dénominateur, les dépenses favorables à l'environnement. Il a aussi également renforcé l'objectif en prévoyant une diminution de 20 % sur la période 2022-2027.

Lors de l'examen du texte en nouvelle lecture, la commission des finances de l'Assemblée nationale a procédé à trois séries de modifications.

En premier lieu, elle a adopté un amendement de M. Alexandre Holroyd et plusieurs de ses collègues qui revient sur les modifications faites par le Sénat en associant les dépenses mixtes aux dépenses favorables à l'environnement (dénominateur du ratio) et non aux dépenses défavorables (numérateur) afin, selon l'exposé des motifs, de suivre la méthodologie du secrétariat à la planification écologique. Par ailleurs, il accroît l'objectif de réduction du ratio ainsi défini à un niveau fixé à 30 %, sur la proposition du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale dans un sous-amendement. Enfi, il exclut les dépenses de relance du calcul du ratio. Selon l'exposé des motifs du sous-amendement du rapporteur général, un ratio de 30 % qui exclut les dépenses liées aux mesures de relance a le même effet qu'un ratio de 20 % qui inclut ces mêmes dépenses.

En deuxième lieu, sur la proposition de Mme Lisa Belluco et plusieurs de ses collègues, la commission a prévu que la diminution du ratio constituait un minimum et non une cible.

En troisième lieu, sur la proposition de M. Mathieu Lefèvre et plusieurs de ses collègues, la commission a prévu que le Gouvernement procède, d'ici à 2027, à une évaluation des dépenses budgétaires et fiscales aujourd'hui neutres ou non cotées.

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a repris le texte adopté par la commission en procédant seulement à une modification rédactionnelle proposée par le rapporteur général.

S'agissant de la définition du ratio, l'assimilation des dépenses mixtes à des dépenses défavorables au numérateur (texte transmis en nouvelle lecture) ou aux dépenses favorables au dénominateur (texte adopté par le Sénat en première lecture) a un impact difficile à déterminer a priori sur la facilité ou non à atteindre l'objectif de réduction du ratio.

En effet, le budget peut être « verdi » soit en augmentant les dépenses favorables à l'environnement, soit en réduisant les dépenses défavorables. Dans le premier cas, l'augmentation des dépenses favorables a un impact plus grand sur la réduction du ratio lorsque ces dépenses ne sont pas associées aux dépenses mixtes au dénominateur (texte adopté par le Sénat en première lecture). Dans le second cas, la diminution des dépenses défavorables réduit le ratio plus rapidement lorsqu'elles ne sont pas associées aux dépenses mixtes au numérateur (texte transmis par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture). La définition du ratio peut donc avoir une conséquence sur la manière d'orienter les dépenses, mais ne rend pas nécessairement l'objectif plus rigoureux.

En tout état de cause, comme l'avait fait observer le rapporteur en première lecture, l'impact du présent article est fortement limité par le caractère très lacunaire du « budget vert » : les neuf dixièmes des dépenses, dans le budget initial 2023, n'étaient pas concernées par cette cotation.

Enfin, la commission constate que le renforcement de l'objectif de réduction du ratio introduit par le Sénat a été conservé par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 15

Durée maximale pour les nouveaux dispositifs d'aide
de l'État aux entreprises

Le présent article, dans le texte transmis en nouvelle lecture, prévoit que les créations, extensions et prolongations de dispositifs d'aides aux entreprises instaurées à partir de 2024 ne seront applicables que pour une durée maximale de trois années et que leur extension ou leur prolongation devrait être précédée d'une évaluation présentée au Parlement. La liste de ces dispositifs doit être publiée chaque année par le ministre chargé du budget.

La commission, reprenant des dispositions votées par le Sénat en première lecture, a porté le délai maximal des dispositifs d'aide aux entreprises à cinq années et a précisé que l'article ne s'appliquait qu'aux dispositifs instaurés par l'État.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Dans le texte initial du projet de loi, le présent article prévoyait que les créations, extensions ou prolongations de dispositifs d'aides aux entreprises instaurées à compter du 1er janvier 2023 ne seraient applicables que pour une durée maximale de cinq années et que leur extension ou leur prolongation devrait être précédée d'une évaluation présentée au Parlement.

Lors de l'examen en première lecture, la commission des finances du Sénat, constatant que le périmètre de l'article était insuffisamment précis, a précisé qu'il ne s'appliquait qu'à des dispositifs instaurés par l'État. Elle a également prévu la définition, par un arrêté du ministre chargé du budget mis à jour chaque année, de la liste des dispositifs d'aide aux entreprises soumis au présent article.

Lors de l'examen en nouvelle lecture, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements.

Sur la proposition du rapporteur général, qui souhaitait que les aides publiques accordées aux entreprises par les collectivités territoriales fassent elles aussi l'objet du suivi prévu par le présent article, elle a supprimé la restriction de sa portée aux seuls dispositifs instaurés par l'État.

Sur la proposition conjointe de M. Philippe Brun et des membres du groupe Socialiste et apparentés, d'une part, et de MM. Mathieu Lefèvre et Daniel Labaronne, d'autre part, la commission a réduit à trois ans la durée des créations ou modifications de dispositifs d'aides aux entreprises, contre cinq ans dans le texte initial.

Enfin, sur la proposition de M. Mathieu Lefèvre et de plusieurs de ses collègues, la commission a supprimé la mention d'un arrêté tout en maintenant la publication par le ministre du budget, par tout moyen à sa disposition, de la liste des dispositifs d'aide aux entreprises.

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a repris le texte de la commission tout en décalant au 1er janvier 2024 la date de début de sa mise en oeuvre, tirant les conséquences du calendrier prévisionnel d'adoption de la loi de programmation.

L'une des dispositions introduites par le Sénat, à savoir la publication annuelle de la liste de ces dispositifs, a été conservée : cette publication est essentielle aussi bien pour assurer la sécurité juridique du présent article que pour informer la représentation annuelle et les citoyens.

Toutefois, le texte revient sur deux éléments auxquels le Sénat avait montré son attachement.

En premier lieu, le texte transmis, comme le texte initial, ne précise pas les autorités ou organismes à l'origine des dispositifs visés par le présent article. Or, il existe un très grand nombre de dispositifs d'aide aux entreprises instaurés par l'État, mais aussi par les collectivités territoriales ou par des organismes publics comme la Banque publique d'investissement (BPI). La volonté affirmée par la commission des finances de l'Assemblée nationale d'assurer également un suivi des dispositifs accordés par les collectivités territoriales peut s'entendre, mais le texte de l'article reste trop imprécis, d'autant qu'il risque d'être difficile de dresser une liste exhaustive des dispositifs instaurés par les collectivités territoriales. En outre, le Gouvernement avait présenté le même amendement lors de l'examen du texte au Sénat mais avait indiqué, au contraire, qu'il s'agissait de viser les dispositifs instaurés par les opérateurs de l'État et non ceux des collectivités territoriales33(*), ce qui confirme la nécessité de mieux expliciter le périmètre du présent article.

En conséquence, la commission a adopté un amendement COM-21 du rapporteur général qui, comme en première lecture, limite le périmètre de l'article aux dispositifs instaurés par l'État.

En second lieu, le Sénat s'était montré attaché à la fixation du délai à cinq ans en repoussant des amendements qui tendaient à le réduire. Si les dispositifs d'aide doivent être calibrés dans leur durée en fonction des besoins de l'économie, certains ne peuvent être appréhendés immédiatement par les entreprises qui doivent les intégrer dans leur stratégie. Il est donc nécessaire de prévoir une certaine durée pour les nouveaux dispositifs, notamment les dispositifs fiscaux, et la durée de cinq ans paraît constituer un équilibre satisfaisant. Il s'agit bien entendu d'une durée maximale et tout dispositif particulier peut être instauré ou prolongé pour une durée plus réduite.

La commission a donc adopté deux amendements identiques COM-22 du rapporteur et COM-11 rect. bis de Mme Vanina Paoli-Gagin, qui rétablissent le délai initial de cinq ans.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

CHAPITRE III

LE CADRE FINANCIER PLURIANNUEL
DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

ARTICLE 16

Objectif d'évolution de la dépense locale

Le présent article fixe un objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) pour les années 2023 à 2027. Compte-tenu des prévisions d'inflation sur la période, le respect de cet Odedel implique une diminution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales de 0,5 % par an en volume.

Le dispositif proposé est substantiellement le même que celui adopté par le Sénat en première lecture.

La commission des finances a adopté cet article sans modification.

Le présent article vise à fixer un nouvel objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) pour la période 2023-2027. Comme sous la précédente programmation, celui-ci ne porte que sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre. Il prévoit un taux d'évolution de ces dépenses pour chaque année de la programmation en pourcentage, en valeur et à périmètre constant. Compte tenu des prévisions d'inflation du Gouvernement, ce taux correspond à une diminution de ces dépenses de 0,5 % par an en volume. Comme les précédents Odedel, le dispositif serait dépourvu de portée contraignante. Pour garantir son respect, l'article 23 du projet de loi, dans sa version initiale, prévoyait néanmoins l'instauration d'un mécanisme de surveillance et de sanction très proche des anciens contrats de Cahors.

Il convient de noter que, comme l'avait déjà mis en évidence le rapporteur34(*), l'effort en dépenses escompté, exprimé en volume, est bien supérieur à celui prévu par les précédentes programmations (voir graphique ci-dessous) et surtout, nettement inférieur à celui qui est proposé par l'État à l'article 3 du projet de loi.

Comparaison entre les Odedel depuis 2014

(base 100)

Note : N : première année de programmation. Les trajectoires des Odedel sont exprimées en volume à partir des hypothèses d'inflation disponibles au moment où ils ont été fixés pour refléter la volonté du législateur (respectivement : RESF annexés au PLF 2015 ; au PLF 2018 et au PLF 2023) et non de l'inflation constatée. Le tendanciel d'évolution de la dépense publique locale sur la période 2009-2014 est exprimé en volume sur la base d'un taux de croissance annuel moyen en valeur constaté de 2,5 % et d'un taux annuel moyen d'inflation constaté de 1,2 %.

Source : commission des finances du Sénat

Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, l'Assemblée nationale n'avait pas adopté le présent article, pas plus que l'article 23, avant de rejeter le texte dans son ensemble.

La position de la commission des finances, suivie par le Sénat, se voulait plus équilibrée.

Face à l'urgence du rétablissement de nos finances publiques, le Sénat a pris acte des importants efforts demandés aux collectivités territoriales en acceptant l'Odedel proposé par le Gouvernement. Le Sénat a également adopté, avec un avis de sagesse de la commission des finances et un avis défavorable du Gouvernement, trois amendements identiques déposés respectivement par M. Bazin et plusieurs de ses collègues, M. Féraud et plusieurs de ses collègues ainsi que Mme Carrère et plusieurs de ces collègues. Ces amendements tendaient à exclure, dans la prise en compte de l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement des départements, leurs dépenses, par essence non pilotables, liées au service des allocations individuelles de solidarité (AIS) que sont le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). Les modalités de retraitement de ces dépenses seraient prévues par décret.

En parallèle, le Sénat avait modifié l'article 3, de façon à ce que l'effort qui soit imposé à l'État soit équivalent à celui attendu des collectivités territoriales.

Enfin, le Sénat avait supprimé l'article 23, considérant que le mécanisme de contrôle et de sanctions qu'il prévoyait était perçu comme contraire au principe de libre administration et à la relation de confiance qu'attendent les collectivités territoriales, qui ont démontré par le passé leur capacité à maîtriser leurs finances.

En nouvelle lecture, le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale intègre plusieurs modifications au présent article.

En premier lieu, la trajectoire d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement exprimée en valeur est modifiée, par un amendement du gouvernement, de façon à préserver, compte tenu de l'actualisation des prévisions d'inflation, un effort en volume de 0,5 % par an, à compter de 2024.

Par ailleurs, l'apport du Sénat relatif à l'exclusion des dépenses sociales des départements est conservé et même complété, avec la prise en compte des dépenses exposées au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Cette modification résulte de l'adoption en commission de quatre amendements identiques, déposés par Mme Véronique Louwagie et plusieurs de ses collègues, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Philippe Brun et plusieurs de ses collègues et M. Michel Castellani, sous-amendés par le rapporteur général.

Comparaison entre les trajectoires d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales prévues à l'article 16 dans sa version adoptée par le Sénat en première lecture et dans sa version considérée comme adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture

(en pourcentage)

   

2023

2024

2025

2026

2027

Première lecture

Taux d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement en valeur (article 16 LPFP 2023-2027)

3,8

2,5

1,6

1,3

1,3

Hypothèses d'évolution de l'indice des prix à la consommation (hors tabac)

4,3

3,0

2,1

1,8

1,8

Taux d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement en volume

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

Nouvelle lecture

Taux d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement en valeur (article 16 LPFP 2023-2027)

4,8

2,0

1,5

1,3

1,3

Hypothèses actualisées d'évolution de l'indice des prix à la consommation (hors tabac)

4,8

2,5

2,0

1,8

1,8

Taux d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement en volume

0,0

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets de LPFP 2023-2027 adopté par le Sénat en première lecture et considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture

Le présent article est donc substantiellement le même que celui adopté par le Sénat en première lecture.

Par ailleurs, le rapporteur ne peut que se féliciter du fait que le Sénat ait été entendu s'agissant de l'article 23, dont le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale a confirmé la suppression.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE IV

LE CADRE FINANCIER PLURIANNUEL
DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

ARTICLE 17

Objectif de dépenses de régimes obligatoires de base de sécurité sociale, objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM)
et taux d'évolution de ses sous-objectifs

Le présent article encadre l'évolution des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, de l'ONDAM et de ses sous-objectifs au cours de la période 2023-2027.

La commission des finances a adopté cet article sans modification.

Après le rejet du présent projet de loi par l'Assemblée nationale en première lecture, la commission des finances du Sénat a adopté, à l'initiative de son rapporteur et de la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, deux amendements identiques étendant la période couverte par le tableau des objectifs de dépense des régime obligatoires de base de la sécurité sociale à 2026 (dernier exercice pour lequel le montant prévisionnel des dépenses était disponible) et souhaité que le Gouvernement le complète pour 2027. Cet amendement répondait à une nouvelle exigence organique : l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale dispose en effet que les lois de financement de la sécurité sociale incluent, pour chacun des exercices de la période de programmation couverte par la loi de programmation des finances publiques en vigueur, un compteur des écarts entre les dépenses prévues par la LPFP en vigueur et le PLFSS déposé. En outre, à l'initiative de la rapporteure pour avis, la commission a également complété, par cohérence, la période couverte par le tableau d'évolution des dépenses de l'ONDAM jusqu'en 2027.

Le Sénat a rejeté, en séance publique, les amendements du Gouvernement qui revenaient sur les modifications adoptées en commission.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté, au stade de la commission, un amendement du Gouvernement actualisant l'article 17 au regard de l'ensemble des informations nouvelles et des dernières données de la programmation pluriannuelle et, suivant le souhait de votre commission, élargissant la programmation de l'ensemble des tableaux aux années 2026 et 2027. En conséquence, les tableaux figurants à l'article 17 ont été transmis au Sénat dans la rédaction suivante :

Montant maximal de l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse

 

2023

2024

2025

2026

2027

En % du PIB

21,7

21,9

21,9

21,9

21,8

En milliards d'euros courants

610,9

641,8

665,2

685,8

705,4

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Montant maximal de l'ONDAM de l'ensemble des
régimes obligatoires de base de sécurité sociale

 

2023

2024

2025

2026

2027

En milliards d'euros courants

247,6

254,0

262,5

270,1

278,0

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Taux annuel maximal d'évolution des sous-objectifs de l'ONDAM

 

2023

2024

2025

2026

2027

Soins de ville

3,7

3,5

3,0

2,7

2,7

Établissements de santé

5,2

3,2

2,6

2,7

2,8

Établissements et services pour personnes âgées

6,7

4,6

4,8

4,5

4,2

Établissements et services pour personnes handicapées

6,5

3,4

3,1

3,1

3,1

Fonds d'intervention régional et soutien national à l'investissement

6,5

-4,7

3,4

3,4

3,4

Autres prises en charge

10,2

4,6

4,9

4,9

4,9

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

La commission des finances de l'Assemblée nationale a également adopté un amendement du Gouvernement ajoutant un IV à l'article 17, disposant que des économies supplémentaires représentant 6 milliards d'euros par an entre 2025 et 2027, issues du dispositif de revue des dépenses instauré par la loi de finances pour 2023 et l'article 21 du présent projet de loi, seront réparties entre les administrations de sécurité sociale. L'article 17 tel qu'adopté par la commission à l'Assemblée nationale n'a pas été modifié lors de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le présent projet de loi.

Si votre rapporteur se félicite que le Gouvernement ait suivi le vote du Sénat et complété sa programmation financière, il s'interroge en revanche sur la méthode du Gouvernement, qui consiste à annoncer 12 milliards d'euros d'économies, répartis arbitrairement à égalité entre l'État35(*) et la sécurité sociale, à raison de 6 milliards d'euros chacun, et renvoyant pour leur concrétisation à un exercice de revue des dépenses qui, à ce jour, n'a pas fait ses preuves.

L'ajout de cet alinéa au dispositif initial de l'article 17, sans aucune justification ni documentation précise, apparaît à votre rapporteur peu conforme au cadre organique même de la loi de programmation. En effet, le 3° de l'article 1 B de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances impose au législateur que les lois de programmation des finances publiques comprennent notamment « pour chacun des exercices auxquels elles se rapportent [...] l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble de ces régimes et le taux d'évolution de ses sous-objectifs ».

Or, dans la rédaction issue du texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, votre rapporteur doute que ces objectifs puissent être considérés comme énoncés clairement. Ils sont en effet contredits par l'ajout d'un paragraphe qui les remet en cause et qui laisse planer le doute sur les objectifs de dépense qui feront l'objet d'économies supplémentaires - par ailleurs non chiffrées à ce stade.

Dans ces conditions, votre commission ne s'estime pas suffisamment éclairée sur la trajectoire et le texte soumis à son vote. Néanmoins, elle partage l'objectif d'accroître le montant des économies sur la durée de la trajectoire budgétaire et de redresser nos finances publiques.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 19

Mise en réserve d'une fraction de l'ONDAM au début de chaque exercice

Le présent article prévoit de reconduire la mise en réserve, au début de chaque exercice, d'une fraction représentant 0,3 % du montant de l'ONDAM.

La commission des finances a modifié cet article afin de rétablir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

Après le rejet du présent projet de loi par l'Assemblée nationale en première lecture, la commission des finances du Sénat a adopté, à l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, un amendement précisant que la mise en réserve, fixée à 0,3 % du montant de l'ONDAM, s'applique de manière uniforme à chacun de ses sous-objectifs.

Le Sénat a rejeté, en séance publique, les amendements du Gouvernement qui revenaient sur les modifications adoptées en commission.

En nouvelle lecture, le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale après recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution par le Gouvernement comporte deux modifications par rapport au texte transmis par le Sénat :

- un amendement du député Mathieu Lefèvre supprimant l'exigence d'une application uniforme de la mise en réserve à chacun des sous-objectifs de l'ONDAM, qui avait été adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale ;

- un amendement du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, précisant que le dispositif de mise en réserve s'applique au 1er janvier 2024 et non rétroactivement au 1er janvier 2023, ce qui paraît cohérent avec le décalage d'un an du calendrier d'adoption de la présente LPFP.

Votre commission demeure attachée à ne pas faire à nouveau reposer excessivement les efforts de maîtrise de la dépense sur des établissements de santé déjà durement sollicités avant, pendant et depuis la crise sanitaire. Actuellement, l'hôpital continue de porter l'essentiel des mises en réserve (68 %), sous la forme d'un « coefficient prudentiel » qui minore les tarifs hospitaliers, ou d'un gel d'une partie des dotations hospitalières.

Parallèlement, le sous-objectif « soins de ville » n'est pas soumis à une mise en réserve, alors qu'il est le principal facteur de dépassement de l'ONDAM, comme le montre son exécution en 202336(*).

Pour ces raisons, la commission a adopté un amendement COM-23 présenté par le rapporteur visant à rétablir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, qui prévoit, afin d'équilibrer les efforts de maîtrise des dépenses au sein de l'ONDAM, que la mise en réserve s'applique uniformément à chacun de ses sous-objectifs.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 20

Encadrement des « niches sociales »

Le présent article reconduit le principe de limitation à trois ans des créations de « niches sociales » et l'étend aux dispositions de prorogation. Il reconduit également le plafonnement du montant total de ces « niches sociales » à 14 % des recettes des régimes de sécurité sociale majorées du montant des exonérations non compensées.

La commission des finances a adopté cet article sans modification.

Après le rejet du présent projet de loi par l'Assemblée nationale en première lecture, le Sénat a adopté le présent article sans modification.

Deux amendements ont été retenus dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale :

- un amendement du rapporteur général précisant que le dispositif d'encadrement des niches sociales prévu au présent article s'applique à compter du 1er janvier 2024 et non rétroactivement au 1er janvier 2023 ;

- un amendement des membres du groupe Socialistes et apparentés prévoyant que les prorogations de niches sociales au-delà d'une période maximale de trois ans ne peuvent intervenir qu'à la condition d'avoir fait l'objet d'une évaluation des caractéristiques des bénéficiaires de ces mesures et précisant leur efficacité et leur coût.

Il serait en effet quelque peu baroque de prévoir une application rétroactive au 1er janvier 2023 du présent article. Votre commission souscrit également à l'objectif que ne soient prorogées que des niches sociales qui auront été dûment évaluées.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET À L'INFORMATION
ET AU CONTRÔLE DU PARLEMENT

CHAPITRE PREMIER

ENSEMBLE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

ARTICLE 21

Dispositif pérenne d'évaluation de la qualité de l'action publique

Le présent article prévoit que le Gouvernement remette une série d'évaluation portant sur la qualité de la dépense publique au Parlement au plus tard le 1er avril de chaque année. La liste des évaluations doit être indiquée au Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances précédent, conformément à la version issue du Sénat.

Alors que le Sénat avait, en première lecture, prévu que les évaluations mentionnent la liste des personnes entendues et associées à leur réalisation et que les données utilisées soient publiées dans un format exploitable, ces dispositions ont été supprimées à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Dans un souci de transparence et de meilleure information du Parlement, le rapporteur a déposé un amendement tendant à les rétablir.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Cet article prévoit que le Gouvernement remette une série d'évaluations portant sur la qualité de la dépense publique au Parlement, au plus tard le 1er avril de chaque année.

En première lecture, le Sénat a précisé que la liste des évaluations devraient être indiquée au Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances précédent, que les évaluations devraient comporter la liste des personnes entendues ou associées à leur réalisation ainsi que les éventuelles réponses des organismes concernés et, enfin, que les données utilisées devraient être publiée en open data, sauf à ce que leur confidentialité soit légalement protégée.

L'article 163 de la loi de finances pour 2023

L'introduction d'un dispositif national récurrent d'évaluation de la qualité de l'action publique constituait un engagement de la France auprès de la Commission européenne dans le cadre du Plan national de relance et de résilience (PNRR), et l'anticipation d'un risque de non-adoption du projet de LPFP pour la période 2023-2027 avait conduit le Gouvernement à introduire un dispositif comparable au présent article 21 dans le projet de loi de finances pour 2023 (sans inclure les améliorations du Sénat).

Devenu l'article 167 dans la loi de finances pour 202337(*), il prévoyait la remise d'un bilan des évaluations au 1er juin, ces évaluations visant à émettre des propositions de réformes et d'économies et les dépenses fiscales inefficaces et redondante faisant l'objet d'un relevé spécifique.

Sur le fondement de ces dispositions, mais avec un peu de retard, le Gouvernement a remis au Parlement un rapport de 25 pages en juillet 2023, essentiellement consacré à une présentation du mécanisme des revues de dépenses et identifiant quelques mesures d'économie, sans détail et sans chiffrage (adaptation de la fiscalité écologique, prélèvement sur la trésorerie des opérateurs, réduction du coût des arrêts de travail, suppression du dispositif Pinel et recentrage du prêt à taux zéro, etc.). L'article 167 de la loi de finances pour 2023 limitant la revue de dépenses à un « bilan des évaluations », ce document ne comportait pas les différentes évaluations sous-jacentes.

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution conserve l'une des dispositions introduites par le Sénat, selon laquelle la liste des évaluations devrait être indiquée au Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances précédent. En revanche, après adoption en commission d'un amendement de M. Mathieu Lefèvre et plusieurs de ses collègues, il ne retient pas les dispositions prévoyant que soit mentionnée la liste des personnes ayant participé à l'évaluation, et tendant à autoriser la mise à disposition du public des données dans un format exploitable.

La commission des finances de l'Assemblée nationale a par ailleurs adopté plusieurs amendements tendant à préciser que les évaluations annuelles dressent la liste des doublons de compétences et de missions entre administrations publiques38(*) et à demander au Gouvernement de remettre chaque année, d'une part, la liste des trente dépenses fiscales les plus coûteuses respectivement parmi celles qui arrivent à échéance dans l'année, celles qui ne sont pas bornées dans le temps et celles dont les bénéficiaires sont limités39(*), et, d'autre part, la liste des dépenses fiscales arrivant à échéance dans l'année40(*).

Ces modifications ont été retenues dans le texte considéré comme adoptée par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, l'article ayant par ailleurs fait l'objet d'un amendement rédactionnel.

Les dispositions relatives aux dépenses fiscales ainsi que la liste des doublons de compétence, ajouts de l'Assemblée nationale, pourraient opportunément améliorer l'information du Parlement. En revanche, la suppression des dispositions introduites par le Sénat et visant à renforcer la transparence sur les évaluations de l'action publique est dommageable.

En conséquence, le rapporteur a déposé un amendement COM-24 visant à rétablir ces dispositions introduites en première lecture par le Sénat et supprimées en nouvelle lecture par la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES (27 SEPTEMBRE 2023)

M. Claude Raynal, président. - Nous recevons M. Pierre Moscovici en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes. En application des dispositions de l'article 61 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le Haut Conseil rend un avis sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l'année, et sur la cohérence de l'article liminaire au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques. Il se prononce également sur le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses du projet de loi de finances de l'année.

Lorsque le Gouvernement révise les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposait initialement son projet, le Haut Conseil rend également un avis sur ces prévisions et sur l'estimation de PIB potentiel sur lesquelles repose cette programmation. C'est ce qu'il a fait à l'occasion de la révision du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour la période 2023-2027 proposée par le Gouvernement en vue de la nouvelle lecture, après l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) de décembre dernier.

Alors que la croissance devrait être très modérée en 2024, dans le contexte d'un nouveau durcissement de la politique monétaire et d'une stagnation de la croissance mondiale, votre éclairage sur la sincérité et la crédibilité de la trajectoire budgétaire, présentée à la fois, pour l'année qui vient, mais également pour la période quinquennale à venir, sera précieux. Je note en particulier le fait que le scénario macroéconomique sur lequel repose la programmation pluriannuelle, et dans certaines hypothèses le PLF pour 2024, vous paraît optimiste. Dès lors, il est permis de penser que la trajectoire pourrait être difficile à respecter...

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. - Le Haut Conseil, qui avait rendu un avis sur la programmation des finances publiques l'année dernière, a de nouveau été saisi, conformément à la Lolf, par le Gouvernement, celui-ci-ayant modifié ses hypothèses macroéconomiques et mis à jour la trajectoire de finances publiques associée.

Dans un premier temps, je présenterai l'avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2024.

Le Haut Conseil des finances publiques a examiné les prévisions économiques ainsi que le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses. Il a bénéficié de la part de l'administration fiscale d'informations enrichies sur les finances publiques, et ce dans des délais normaux. Je me félicite de cet échange de bonne qualité car le Haut Conseil peut ainsi mieux remplir son mandat, conformément à la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

Le scénario macroéconomique du Gouvernement pour 2024 repose sur une prévision de croissance de +1,4 %, que le Haut Conseil juge élevée. La prévision d'un solde public de -4,4 points de PIB paraît, de ce fait, optimiste. En effet, la croissance mondiale a faibli en 2023 et devrait rester globalement inchangée en 2024, pénalisée par une inflation certes en baisse, mais toujours assez élevée, et par des politiques monétaires durablement restrictives au sein des pays développés. L'environnement économique mondial est donc peu porteur pour la croissance française et nos finances publiques. Le rebond de la croissance chinoise, résultant de la fin de la politique zéro covid, a été de courte durée. Parallèlement, les pays de la zone euro traversent une phase de ralentissement. La croissance allemande, dont le retour est prévu pour 2024, devrait demeurer modeste, entre 1 % et 1,3 %, sur une base dégradée. Au niveau mondial, l'incertitude règne concernant l'inflation et l'impact du durcissement des politiques monétaires opéré par les banques centrales.

Selon le Gouvernement, la croissance du PIB de la France s'établirait à +1 % en 2023 et à +1,4 % en 2024. La prévision pour 2023, jugée un peu élevée par le HCFP l'année dernière, est désormais plausible. C'est l'occasion pour moi de rappeler que la qualité d'une prévision économique doit être jugée par rapport au moment où elle est faite et aux informations disponibles. Il peut arriver qu'une prévision soit dépassée ; pour autant, elle doit être « centrale ».

Le HCFP considère que la prévision de croissance gouvernementale pour 2024 est élevée. Elle est ainsi supérieure à celle résultant du consensus des économistes, qui s'établit à +0,8 %, ainsi qu'aux prévisions des institutions consultées par le Haut Conseil, qui prévoient une croissance située entre +0,4% et - pour la Banque de France - +0,9 %. Certaines hypothèses du Gouvernement sont fragiles. Ce dernier suppose ainsi que le durcissement des conditions de crédit aura un impact limité sur l'investissement des entreprises et entraînera un faible recul de l'investissement des ménages. Même si cette prévision n'est pas inatteignable, elle ne constitue pas pour autant une bonne base en vue de l'élaboration de la loi de finances.

La prévision de solde public de -4,4 points de PIB, sans être là encore inatteignable, paraît optimiste. Du côté des recettes, la prévision de prélèvements obligatoires pour 2024 est élevée, tirée par des hypothèses favorables sur le rendement de certains impôts : croissance de la TVA supérieure à celle de la base taxable ; arrêt prévu de la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Quant aux dépenses, elles augmenteraient en 2024 de 3 % en valeur et de 0,5 % en volume. La progression serait nettement plus sensible, une fois neutralisées les mesures exceptionnelles de soutien face à la hausse des prix, soit 4,8 % en valeur et 2,2 % en volume. L'essentiel des économies présentées, c'est-à-dire quelque 16 milliards d'euros, provient du retrait de ces dispositifs, les économies structurelles étant nettement plus faibles.

En 2024, le niveau des dépenses publiques comparé au PIB sera supérieur de 1,5 point à ce qu'il était avant la crise du covid. Sur le nouveau champ dit du périmètre des dépenses de l'État, la très forte réduction du coût des mesures de soutien face à la montée des prix de l'énergie serait presque compensée par la hausse résultant des priorités gouvernementales - 7 milliards d'euros dédiés à la transition écologique ; 3 milliards d'euros pour l'éducation nationale ; des crédits supplémentaires pour les politiques sectorielles de la défense, de la justice, de la recherche et de l'intérieur. Enfin, la charge d'intérêts augmenterait en 2024 de 10 milliards d'euros par rapport à 2023.

La prévision de hausse des dépenses publiques est susceptible d'être dépassée du fait de facteurs tels que le bouclier tarifaire sur le prix de l'électricité et les dépenses de santé de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).

Le HCFP considère donc que la prévision de déficit public en 2024 est optimiste. Ce déficit demeurera sensiblement supérieur à la limite de 3 points de PIB prévue par le pacte de stabilité et de croissance (PSC). En outre, alors que le Conseil de l'Union européenne demandait à la France de plafonner à 2,3 % l'augmentation nominale des dépenses primaires nettes financées au niveau national en 2024, le Gouvernement prévoit sur ce même périmètre une augmentation de 2,6 %.

Le projet de loi de finances contient peu de mesures d'économies structurelles. Enfin, le ratio de dette publique par rapport au PIB ne baisserait plus en 2024, après une diminution de 2 points en 2023. La croissance en valeur du PIB, moins forte en 2024 qu'en 2023 du fait du repli de l'inflation, devient moins favorable.

C'est pourquoi le Haut Conseil continue à appeler à la plus grande vigilance quant à la soutenabilité à moyen terme des finances publiques.

Dans un second temps, je présenterai l'avis du Haut Conseil relatif à la révision du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Il est indispensable que la France se dote d'une loi de programmation des finances publiques pour les raisons suivantes : elle fait partie intégrante de notre ordre public financier ; c'est une nécessité politique et de bonne gestion ; c'est un engagement pris par la France au niveau communautaire, ainsi que dans le cadre du plan national de relance et de résilience (PNRR). Je souhaite donc ardemment qu'une LPFP soit votée.

Le HCFP a examiné l'estimation par le Gouvernement de la position de l'économie française au sein du cycle économique. Les deux hypothèses retenues dans le projet de LPFP sont optimistes. Le Gouvernement a légèrement révisé à la baisse son estimation du PIB potentiel, mais son évaluation de l'écart de production traduit toujours une appréciation favorable de la capacité de rebond de l'économie française, laquelle se situerait dans un creux conjoncturel. Or nous constatons tous des tensions persistantes au niveau des recrutements, qui demeurent à un niveau historiquement élevé même si leur nombre a un peu diminué.

Le Gouvernement a conservé sa prévision, optimiste, de croissance potentielle à +1,35 % sur la période 2023-2027. Il est vrai que la prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) pour le début de la période, ou celle du Fonds monétaire international (FMI) pour la fin de celle-ci, s'en rapprochent. Mais elle est supérieure à celle de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de la Banque de France ou de la Commission européenne. Elle suppose que le progrès technique et l'efficacité des facteurs de production se remettent à croître conformément aux tendances antérieures à la crise sanitaire, et qu'existe un dynamisme important de l'investissement des entreprises malgré le durcissement des conditions de crédit.

Enfin, cette prévision repose sur une évaluation des effets indéniables des réformes du marché du travail, que le HCFP estime toutefois trop importants et trop rapides.

Si la croissance prévue par le Gouvernement pour 2024 a été jugée élevée, il en va de même de celle prévue pour les années suivantes. L'hypothèse de +1,7 % en 2025 et 2026, et celle de +1,8 % en 2027 sont optimistes : elles s'appuient sur une prévision de recul important du taux d'épargne des ménages, un niveau élevé d'investissement des entreprises et une contribution positive du commerce extérieur, qui apparaît favorable au vu des tendances passées.

L'hypothèse macroéconomique du Gouvernement ne repose pas sur une prévision totalement irréaliste. Je n'utiliserai pas le terme d'insincérité, qui suppose une intention de tromper ; tel n'est pas le cas ici. Nous ne sommes pas non plus dans l'irréalisme car ce qui est envisagé n'est pas inatteignable. Pour autant, la combinaison d'hypothèses favorables est de nature à fragiliser la réalisation des objectifs de finances publiques présentés.

L'objectif de moyen terme (OMT) de la France est d'atteindre un déficit structurel maximal de 0,4 point de PIB, bien loin des 2,7 points attendus en fin de programmation. Je reconnais qu'atteindre cet OMT aussi rapidement est assez dur et, même, n'est pas souhaitable. J'observe cependant que la réduction du déficit paraît bien lente ! Si la cible s'améliore, comparée aux 2,9 points envisagés dans la version initiale, le Gouvernement ne prévoit pas de retour sous le niveau des 3 points de PIB avant 2027. Si l'on observe les programmes de stabilité de nos principaux partenaires - certes déposés il y a cinq mois - aucun ne prévoit une échéance aussi tardive. L'Irlande, la Grèce, l'Allemagne, le Portugal et les Pays-Bas avaient déjà un déficit inférieur à 3 points de PIB en 2022 ; pour l'Espagne ce sera en 2024, pour l'Italie en 2025, et pour la Belgique en 2026. Nous sommes les derniers avec la Slovaquie.

Dans ce projet de loi de programmation révisé, le Gouvernement vise une baisse un peu plus forte du ratio de dette publique que dans le texte initial. Je m'en félicite, mais la réduction serait modeste : 108 points de PIB en 2027, soit près de 4 points en cinq ans. Ce rythme ne nous permettra pas d'atteindre les 60 % dans un horizon raisonnable pour chacun d'entre nous. Cette trajectoire est donc peu ambitieuse au regard des engagements européens. C'est d'autant plus regrettable que la crédibilité de la trajectoire peut être discutée, puisqu'elle suppose des dépenses hors charges d'intérêt quasi stables sur la période 2024-2027, avec une croissance moyenne annuelle de 0,1 point en volume, ce qui est bien plus ambitieux que ce qui a été réalisé par le passé. En comparaison, la période pendant laquelle la croissance de la dépense a été la plus contenue au cours des vingt dernières années est la période 2010-2014, c'est-à-dire pendant la crise des dettes souveraines en zone euro. Les dépenses hors charges d'intérêts augmentaient alors en volume de 0,9 point en moyenne par an. Le Gouvernement envisage donc de faire beaucoup plus que le plus ambitieux de ce qui a été fait au cours des vingt dernières années !

Cette progression très limitée des dépenses reposerait notamment sur une réduction marquée des dépenses de l'État à moyen terme, qui baisseraient, en moyenne, de 0,9 point en volume.

Il faut noter que les dépenses relevant des lois de programmation sectorielle, par exemple celles relatives à la défense, seront plus dynamiques. Les autres dépenses de l'État devront, dès lors, baisser très fortement. La maîtrise de la dépense reposerait également sur la baisse des dépenses de fonctionnement des collectivités locales, qui s'établirait à 0,5 point en moyenne sur la période 2024-2027 - et ce, sans mécanisme contraignant pour y parvenir -, ainsi que sur une baisse de leurs investissements. Je vous laisse apprécier la crédibilité de ce scénario au regard du cycle électoral. Ces prévisions pourraient être contrariées par les investissements liés à la transition écologique, dont on demande pourtant qu'ils s'appuient beaucoup sur les collectivités locales.

Les dépenses des organismes de sécurité sociale augmenteraient en volume de 0,8 point sur la période 2024-2027, à un rythme inférieur à celui du PIB. Cette prévision repose sur la montée en charge progressive de la réforme des retraites et sur une évolution des dépenses de l'Ondam limitée à +2,9 % en fin de période, ce qui suppose un effort considérable.

Le respect de la trajectoire implique la réalisation d'économies très importantes à hauteur, selon le Gouvernement, de 12 milliards d'euros pérennes en 2025, réparties entre l'État et la sphère sociale, issues de la revue de dépenses - qui reste à renforcer. Ce montant est très peu documenté à ce stade. Les seules données dont nous disposons concernent les retraites et l'assurance-chômage. En conséquence, la baisse attendue du ratio de dette publique est fragile puisqu'elle s'appuie sur une prévision de croissance optimiste et sur une cible exigeante de dépense dont le respect n'est pas garanti par une documentation concrète.

Le point le plus saillant est l'augmentation spectaculaire de la charge de la dette dès 2024 et sur toute la période de programmation. Elle était de 35 milliards d'euros en 2021 ; elle sera de 57 milliards d'euros en 2024 - supérieure au budget de la défense -, et de 84 milliards en 2027 - supérieure au budget de l'enseignement scolaire. Il ne s'agit plus là de risques mais de réalités !

Je ne prône pas l'austérité, mais je crois à la volonté politique. Le volant d'économies à réaliser n'est pas hors de notre portée, mais il faut pour cela change nos comportements et nos méthodes. Il faut passer à des revues de dépense qui soulèvent vraiment le capot des politiques publiques et font le tri entre ce qui marche et ce qui ne marche pas. Je ne crois ni au rabot ni à une pensée magique faisant tout reposer sur la croissance. Il faut une action déterminée et collective, en évitant l'austérité. Personne ne souhaite que la France se trouve dans une situation où des tensions sur la dette conduiraient à des coupes brutales dans la dépense ou à de fortes augmentations d'impôts, avec dans les deux cas des conséquences très dommageables pour les ménages et les entreprises. La France n'est pas en faillite et sa dette est soutenable, mais la sagesse veut que nous n'attendions pas l'apparition du risque pour agir, car il serait alors trop tard.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Votre constat, exigeant et prudent, nous alerte collectivement. En disant qu'il fallait soulever le capot pour régler le moteur, vous avez utilisé une image que je garderai et je me ferai fort de demander au chef du garage qu'est le ministre de l'économie et des finances de procéder désormais aux réglages indispensables. Voilà deux ans, nous l'avions alerté sur le risque d'avoir à faire face à un mur de dettes ; il nous avait reproché notre pessimisme. Nous avions également prévenu que les taux d'intérêt risquaient de remonter. Je ne pensais pas que cela se ferait aussi vite...

Pour ce qui concerne les prévisions de croissance, vos paroles sont marquées du sceau du doute. La stratégie budgétaire et fiscale du Gouvernement repose intégralement sur une forte baisse de dépenses non documenté. Elle est donc lacunaire et les élus locaux sont préoccupés par sa soutenabilité. Si ce n'est pas de l'insincérité, ni de l'irréalisme, ni atteignable, de quoi s'agit-il ? Que faudrait-il de plus pour dire que le scénario macroéconomique et de finances publiques proposé par le Gouvernement est insincère ?

Par ailleurs, depuis 2008 et la création des LPFP, la situation des finances publiques ne s'est aucunement améliorée. Elle s'est même dégradée. Que préconisez-vous pour corriger cette fâcheuse tendance qui frappe la France plus que les autres pays ? Vous avez proposé de changer nos comportements collectifs : cela peut être douloureux, mais nous y adhérons tous.

Les règles européennes actuelles ne sont pas pleinement satisfaisantes. Que pensez-vous des propositions de la Commission à cet égard ? D'ailleurs, la LPFP ne deviendrait-elle pas caduque à partir du moment où les règles budgétaires seraient modifiées ?

Enfin, vous avez noté qu'il est difficile de concilier la bonne gestion budgétaire avec les nombreuses lois de programmation sectorielle qui ont été votées et proposent souvent des envolées de budgets. Comment éviter ces incohérences ?

Je m'interroge enfin sur la diminution de la part de la tarification à l'activité (T2A) dans le financement des établissements de santé. Comment réguler efficacement les dépenses des hôpitaux ? Faut-il en passer par une régulation des dotations ? Et quels mécanismes mettre en place pour réguler les soins de ville ?

M. Pierre Moscovici. - Vos questions s'adressent davantage au Premier président de la Cour des comptes...

Il ne revient pas au Haut Conseil d'apprécier l'insincérité budgétaire, mais au Conseil constitutionnel, qui en a donné une définition : elle se caractérise par l'intention de tromper. Mon prédécesseur, Didier Migaud, avait jugé en 2017 que la loi de finances était insincère ; nous étions en désaccord sur ce point, car il n'y avait pas, selon moi, une telle intention. Le mot « insincère » est explosif... Je le répète, les prévisions de croissance sont élevées, mais pas inatteignables. Sous un certain nombre de conditions très favorables qui se trouveraient réunies par un concours de circonstances, ce scénario est envisageable. D'ailleurs, le Gouvernement vous objectera que l'an dernier, tout le monde s'est trompé en critiquant ses prévisions. Je serais toutefois prudent à cet égard car le premier trimestre a été conforme aux prévisions, le troisième trimestre a repris une pente assez neutre, et le deuxième trimestre a été très bon pour des raisons en partie inexpliquées et qui ne forme pas une tendance. Pour 2024, il y a un écart de 0,5 point entre les prévisions du Gouvernement et de la Banque de France : c'est beaucoup.

Vous demandez où faire des économies. Il faut, selon moi, procéder à des revues de dépenses beaucoup plus approfondies. Celles qui ont été faites n'ont pas été publiées et sont restées à l'intérieur de l'administration... Le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques paru en juin dernier consacre un chapitre aux préconisations : il faut que les revues de dépenses concernent l'investissement et le fonctionnement, qu'elles touchent les dépenses de toutes les administrations, qu'elles soient faites avec les acteurs, et dans la durée.

Les règles européennes seront logiquement rétablies le 1er janvier 2024. La question est de savoir lesquelles. S'agit-il des règles actuelles, procycliques, illisibles et très contraignantes ? Il y aurait alors une vague de procédures pour déficit excessif dont la France serait une cible privilégiée. Nous avons tous intérêt à ce que ce soient des règles européennes réformées qui entrent en vigueur, car il serait plus intelligent de privilégier l'incitation à la sanction, et de prendre en compte des profils de dette nationaux, ainsi que le quantum des réformes que les pays sont capables d'assumer. La proposition de la Commission serait exigeante pour les pays les plus endettés, mais plus intelligente. L'Allemagne a durci sa position. Je souhaite qu'un compromis soit trouvé dans les mois qui viennent, peut-être avec l'Espagne et les Pays-Bas.

Sur les dépenses sociales, les chiffres prévus dans l'Ondam supposent à la fois des conditions favorables et des économies très importantes, ce qui n'est pas simple. Les remèdes devront être vigoureux.

M. Vincent Delahaye. - Votre exposé confirme ce que nous pensons ici : en matière de gestion des finances publiques, l'optimisme règne ! Or la rigueur et la prudence devraient prévaloir. Vos avis sont-ils de nature à modifier les hypothèses du Gouvernement ? La fin des dépenses exceptionnelles aurait-elle dû entraîner une baisse de la dépense publique ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Quel sera l'impact de la « non-suppression » de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ? Et quel sera celui de la réforme des retraites sur l'activité économique ?

Mme Christine Lavarde. - Le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale semble partager votre vision puisqu'il évoque une nouvelle révision du budget en 2024... Il serait utile de disposer d'un contrefactuel qui prendrait en compte les hypothèses du consensus des économistes.

Pour ce qui concerne le taux de prélèvements obligatoires, 89 niches fiscales vont arriver à échéance. Avez-vous évalué l'imposition supplémentaire qui résulterait de leur suppression ?

À la fin de juillet 2023, le déficit de la France a atteint 169 milliards d'euros, soit 30 milliards d'euros de plus qu'en 2022. À cet égard, l'hypothèse pour 2023 est-elle plausible ?

M. Bernard Delcros- Comment concevez-vous l'action déterminée et collective que vous avez évoquée ?

M. Rémi Féraud. - Nous sommes tous conscients que l'augmentation de la charge de la dette change la donne. Quelle contribution l'échelon local devra-t-il fournir pour résoudre les problèmes d'endettement et de déficit public dans les années qui viennent ?

M. Claude Raynal, président. - Puisque nous avons le même âge, nous avons tous deux étudié l'ouvrage de Raymond Barre, qui était l'une des bibles en matière d'économie. On pouvait y lire que l'augmentation de la charge d'intérêts de la dette était pour partie compensée par l'augmentation des recettes de l'État, tant que les taux d'intérêt étaient inférieurs à l'inflation. Est-ce toujours vrai ? Comment peut-on l'interpréter avec ces chiffres d'augmentation de la charge d'intérêts ? Entre 2023 et 2024, vous évoquez une augmentation de la charge d'intérêts : sera-t-elle compensée par une augmentation des recettes de l'État entraînée par l'inflation ?

M. Pierre Moscovici. - J'étais plus à gauche que vous à l'époque, monsieur le président, et je n'allais pas aux cours du professeur Barre...

La prévision d'inflation est plausible, avec de légers risques de dépassement. Quant aux recettes de l'État, elles expliquent les relatives bonnes performances budgétaires de ces dernières années. Dans la zone euro et en France, la dynamique de la recette devrait être beaucoup moins bonne dans les années à venir. Autrement dit, la formidable surprise d'une augmentation des prélèvements obligatoires malgré des baisses d'impôts importantes pourrait ne pas être définitive. Rétrospectivement, on pourrait donc penser que le professeur Barre avait raison...

Non, monsieur Delahaye, le Gouvernement ne va pas du tout modifier ses hypothèses. Chacun est dans son rôle : on nous demande notre avis, nous le donnons. Il s'agit certainement d'une boussole utile, à la fois pour le Parlement, mais aussi pour le Conseil constitutionnel et pour les institutions européennes. Vous avez soulevé la question des dépenses exceptionnelles. La hausse de la dépense publique est estimée en 2024 par le Gouvernement à 3 % en valeur et à 0,5 % en volume. Hors l'impact de l'extinction des dépenses exceptionnelles liées aux différentes crises sanitaire et énergétique, cette hausse serait en volume de 2,5 % et la relative stabilité des dépenses publiques en 2024 est surtout permise par l'extinction en cours des différentes mesures d'urgence et non pas par des économies structurelles. Le Haut Conseil des finances publiques remarque, par ailleurs, que la baisse des mesures de soutien face à l'inflation énergétique entraîne le remplacement des dépenses exceptionnelles par des dépenses pérennes. En outre, il note des incertitudes entourant la réalisation de ces prévisions de dépenses, j'ai notamment cité l'Ondam. Sur les 16 milliards d'euros d'économies qui vous seront présentées cette année, 12 milliards d'euros ne sont pas des économies structurelles. Pour les années suivantes, la marche sera donc plus compliquée, car le « quoi qu'il en coûte » n'existera plus.

Mme Vermeillet m'a interrogé sur la CVAE. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises, nous n'avons pas les moyens d'envisager des baisses d'impôts « sèches » au vu de notre situation de déficit. Certes, nous ne devons pas nous priver de tout usage de la fiscalité, car elle joue un rôle d'allocation et de redistribution. Mais nous devons faire preuve de stabilité en termes de prélèvements. Le Gouvernement peut envisager des baisses de CVAE : c'est une décision politique. Mais selon le HCFP et la Cour des comptes, il faudrait alors compenser cette baisse, soit par des prélèvements de nature différente, soit par des économies supplémentaires. C'est sans doute ce qui explique le choix de ralentir la baisse de la TVA ? Pour financer la baisse de la CVAE, on peut choisir de moins baisser la TVA. C'est une hypothèse, et une question que vous pourriez poser au ministre...

Comme à son habitude, Mme Lavarde a posé des questions extrêmement judicieuses, en particulier sur le contrefactuel. Le HCFP n'a pas pour mission de faire des scénarios, mais je peux tout de même vous donner un ordre de grandeur. Les modèles montrent qu'une baisse de 0,5 % de croissance entraîne une hausse de 0,2 point de déficit. Dans le cas où la croissance s'établirait donc bien à 0,9 % et non à 1,4 %, le déficit serait de 0,2 point de plus. Pour parvenir à un déficit de 4,4 % du PIB, il faudrait donc prévoir des prélèvements supplémentaires ou réaliser davantage d'économies. À en croire l'interview du rapporteur général de l'Assemblée nationale publiée dans L'Opinion, notre avis a été pris très au sérieux, y compris par l'ensemble des députés. En effet, monsieur Féraud, que l'on soit de droite ou de gauche, il faut baser son raisonnement sur cette donnée assez réaliste. Dans ce sens-là, le Haut Conseil des finances publiques joue un rôle très utile.

Le déficit pour 2023 est-il crédible ? Selon nos prévisions, le déficit annoncé à 4,9 % du PIB serait plausible, mais le ministre devrait pouvoir vous détailler ce point davantage que moi.

En ce qui concerne le respect de la trajectoire pluriannuelle présentée par le Gouvernement, elle suppose d'importantes économies de nature à infléchir la progression spontanée de la dépense publique. Le HCFP n'a pas pour mission de donner des conseils ou de faire des recommandations. Toutefois, un changement de méthode me paraît essentiel. Le rôle du Parlement est tout à fait central ; nous restons à votre disposition, ainsi que la Cour des comptes. Je rappelle que cette dernière a produit neuf notes thématiques. On parle souvent de l'éducation et de l'hôpital, mais le logement est également un enjeu capital. C'est une politique publique très coûteuse dont l'efficacité mérite d'être questionnée, aussi bien en termes de constructions que de parc social. Je ne dis pas qu'il faut la réduire, mais je dis qu'il faut qu'elle produise des résultats.

Idem pour ce qui concerne les dépenses fiscales. Leur nombre est considérable, leur durée est indéfinie, leur contrôle est quasi nul. La Cour des comptes propose un certain nombre de règles de bon sens, comme le fait de les plafonner dans la durée, de les évaluer et donc de les remettre en question. Il s'agit tout de même d'un montant de 90 milliards d'euros. Certes, il n'y a pas 90 milliards d'euros à gagner, mais nous pourrions sûrement faire des économies. Se pose également la question du verdissement des dépenses, des aides aux entreprises, etc. Bref, la revue des dépenses a son utilité sur la totalité du périmètre de la dépense publique.

Oui, je le redis, sans avoir recours à l'austérité, il est possible d'atteindre le quantum d'économies demandé de 12 milliards d'euros de manière intelligente, sans employer le rabot, avec plus de performances. C'est un changement culturel que nous devons engager. À défaut, la France sera tout de même contrainte d'économiser ces 12 milliards, mais dans des conditions douloureuses.

En ce qui concerne l'impact de la réforme des retraites sur la croissance potentielle, le Gouvernement intègre dans les prévisions macro-économiques une progression du PIB de 0,7 point à l'horizon de 2027 à la suite de la réforme des retraites. Le HCFP juge que ces prévisions sont surestimées. Selon les projections de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et de l'Insee, le maintien en activité des seniors se traduira par une hausse du taux d'activité de 0,4 et de 1 point de pourcentage à l'horizon de 2027. La prévision du taux d'activité du Gouvernement, qui se situe entre celle de la Cnav et de l'Insee, semble raisonnable. Pour autant, cela ne signifie pas que le taux d'emploi augmentera autant que le prévoit le Gouvernement, car cela signifierait que les entreprises adaptent leur comportement pour offrir un emploi à ces actifs supplémentaires et que la demande qui leur est adressé augmente en même temps. Nous l'avons constaté lors de toutes nos auditions : les hypothèses d'emplois sont plus optimistes du côté du Gouvernement, ce qui a un lien direct avec ce que je viens de dire sur les retraites.

Enfin, monsieur Féraud, la semaine dernière s'est réuni un Haut Conseil des finances publiques locales, composé des présidents des trois principales associations d'élus, des représentants des régions, des départements et des communes, du ministre de l'économie, du Premier président de la Cour des comptes, des présidents- et rapporteurs généraux des commissions des finances du Parlement, etc. Disons que l'objectif de 0,5 % est ambitieux, qu'il n'existe pas de mesures contraignantes et que ce Haut Conseil des finances publiques locales, dont le rôle est surtout consultatif, a avant tout pour mission de chercher un consensus. Ce n'est d'ailleurs pas tout à fait un Haut Conseil, à la différence du HCFP qui est prévu par la loi organique et qui comprend des personnalités indépendantes. Ce n'est pas simple. Vous pourriez poser cette question au ministre. Cette trajectoire d'effort est un élément de l'équilibrage tel qu'il est présenté dans le projet de loi de programmation des finances publiques, mais il s'agit, là encore, d'une hypothèse favorable en l'absence d'un consensus ou de mesures contraignantes, et compte tenu de certains besoins en investissement et du cycle électoral. Comment atteindre l'objectif ? Ce n'est pas impossible, mais cela nécessitera de gros efforts.

M. Claude Raynal, président. - J'ai l'impression que la question de Rémi Féraud lui est renvoyée...

M. Pierre Moscovici. - Cela fait surtout partie des questions qu'il faudra poser au Gouvernement. La question du modus operandi n'est pas notre travail. Nous constatons simplement qu'il s'agit d'une hypothèse favorable, mais qu'elle pèse sur l'équilibre des finances publiques.

M. Claude Raynal, président. - Merci, monsieur le président, de nous avoir présenté ces deux documents importants. Nous aurons évidemment plaisir à vous retrouver à l'occasion de prochains travaux sur lesquels nous sommes toujours très attentifs pour alimenter nos propres réflexions.

II. EXAMEN EN COMMISSION (11 OCTOBRE 2023)

Réunie le mercredi 11 octobre 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport en nouvelle lecture de M. Jean-François Husson sur la proposition de loi n° 2 (2023-2024) de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

M. Claude Raynal, président. - Je vous prie d'excuser le changement d'horaire de cette réunion. En effet, nous avons considéré, compte tenu de l'actualité, qu'il était de notre devoir d'assister à l'entretien de l'ambassadeur d'Israël avec le groupe d'amitié France-Israël.

Nous examinons, ce matin, en nouvelle lecture, le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027. Quasiment un an s'est écoulé depuis l'examen du texte en première lecture. Nous examinons donc de nouveau le texte à la suite de l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) en décembre 2022 et de son examen en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, qui a conduit le Gouvernement au recours à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le texte que nous examinons a eu un parcours peu commun : l'Assemblée nationale l'a rejeté en première lecture il y a un an, puis le Sénat l'a adopté en novembre dernier, en prévoyant une trajectoire de rétablissement des finances publiques plus ambitieuse que celle qui était proposée par le Gouvernement. La commission mixte paritaire a échoué à parvenir à un accord le 15 décembre dernier.

Le texte est ensuite entré dans une sorte de sommeil : le Gouvernement, qui expliquait pourtant qu'il était essentiel et urgent, n'a fait aucune proposition pour tenter de trouver un compromis.

C'est seulement à la fin du mois de septembre dernier, soit neuf mois plus tard, que le Gouvernement a demandé à l'Assemblée nationale de se prononcer en nouvelle lecture. Or elle n'a pas véritablement eu le temps de le faire, puisque le Gouvernement a rapidement mis un terme aux débats en engageant sa responsabilité pour faire adopter le texte sans vote, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il est vrai que le mois de septembre correspondait à une période de session extraordinaire, propice à l'emploi de cette procédure.

Le Gouvernement, court-circuitant ainsi les débats devant l'Assemblée nationale, a imposé un texte qui ne me paraît pas plus satisfaisant qu'en première lecture. Je commencerai par ce qui est le fondement même d'une loi de programmation des finances publiques, à savoir les hypothèses macroéconomiques et la trajectoire affichée de finances publiques.

Les prévisions macroéconomiques sur lesquelles est assise la trajectoire du Gouvernement paraissent toujours trop optimistes. Pour la seule année 2024, je rappelle que la prévision de croissance du Gouvernement est de 1,4 %, contre 0,9 % du côté de la Banque de France et 0,8 % pour le consensus des économistes. Le Gouvernement suppose ainsi que le durcissement de la politique monétaire a produit l'essentiel de ses effets, ce qui n'a rien d'évident au regard de la récente hausse des taux. Pour la période 2025 à 2027, les prévisions reposent sur une combinaison d'hypothèses toutes favorables : investissement élevé des entreprises, contribution positive du commerce extérieur, retour du taux d'épargne à son niveau d'avant-crise et, en conséquence, dynamisme de la consommation des ménages. Si une seule de ces hypothèses ne se matérialisait pas, ce qui est fort probable, la croissance prévue serait moins forte et le déficit plus élevé.

L'actualité internationale récente, notamment au Proche-Orient, et la hausse du prix du baril qui en découle nous indiquent pourtant encore une fois à quel point, en matière de prévisions économiques, la prudence est bonne conseillère. À l'inverse, un optimisme excessif est de nature à fragiliser la trajectoire de finances publiques proposée. Tout laisse à penser que la croissance pourrait être plus faible et le niveau de recettes par conséquent moins élevé. Un scénario plus réaliste requerrait ainsi des mesures d'économies plus substantielles pour atteindre les cibles de déficit envisagées.

Au-delà même du manque de crédibilité du scénario gouvernemental, les objectifs de dépenses, de déficit et d'efforts prévus aux articles 2 à 4 paraissent encore en-deçà de ce qui serait nécessaire pour rétablir nos comptes. Certes, la cible est légèrement plus ambitieuse que l'an dernier, avec un déficit de 2,7 points du PIB prévu pour 2027, contre 2,9 dans le texte initial, mais le seuil des 3 % ne serait pas atteint avant 2027. Nous serions ainsi le plus mauvais élève de l'Europe et nous risquerions une procédure de déficit excessif.

Le Gouvernement, dans son texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, n'a tenu aucun compte du vote du Sénat en première lecture qui proposait de ramener le déficit à 3 % du PIB dès 2025. Il n'a pas non plus souhaité, comme nous l'avions voté, aligner l'effort de redressement de l'État sur celui des collectivités territoriales, hors mesures exceptionnelles. Il est en substance revenu à son texte initial, ce que je déplore.

Par ailleurs, le texte qui nous est transmis en nouvelle lecture porte la marque d'une certaine improvisation. Les articles 12 et 17, qui fixent des plafonds de dépenses pour les missions du budget de l'État et pour les administrations de sécurité sociale, ont été affublés d'un alinéa supplémentaire, qui remet en cause, en réalité, les montants indiqués dans les alinéas qui précèdent. En effet, quelque 6 milliards d'euros d'économies seraient obtenus en 2025, 2026 et 2027 sur chacune des deux catégories d'administrations publiques ; or rien n'est dit sur l'origine de ces économies, ni sur leur caractère cumulatif. Le Gouvernement inscrit ces économies théoriques en loi de programmation tout en déposant des textes financiers pour 2024 qui voient la dépense publique progresser encore de 2,2 % hors mesures de crise : il ne tient pas les engagements qu'il se propose lui-même de prendre. Il est en particulier douteux que tant d'économies puissent découler des « revues de dépense », qui n'ont été que peu productives cette année, malgré l'importante communication faite par le Gouvernement à leur sujet.

J'en viens plus précisément au texte qui nous est soumis et aux amendements que je vous présenterai.

27 articles restaient en discussion à l'issue de la première lecture. Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, 7 articles n'ont pas été modifiés et ne sont donc plus en discussion. L'article 23, supprimé par le Sénat - je rappelle qu'il prévoyait l'instauration d'un mécanisme de contrôle et de sanction des collectivités territoriales - n'a pas été réintroduit, ce dont je me félicite. Il nous reste à discuter 19 articles.

Comme en première lecture et afin de me montrer le plus constructif possible, je ne proposerai pas le rejet du texte. Au contraire, je souhaite rappeler que le Sénat prend ses responsabilités et toute sa part dans la construction d'une trajectoire solide de nos finances publiques. Les amendements que je vous propose définissent ce que je crois être la bonne trajectoire, réaliste et ambitieuse, de nos finances publiques pour les années à venir, la même que celle que le Sénat a adoptée sur ce texte l'année dernière.

Ainsi, les amendements aux articles 2, 3 et 4 prévoient une diminution moyenne annuelle en volume de 0,5 % des dépenses des administrations centrales, hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour faire face aux crises sanitaire, économique et énergétique. Ainsi, l'effort de redressement pour l'État serait réel plutôt qu'essentiellement porté par la disparition progressive des mesures de crise. En outre, cet effort serait équivalent à celui que le texte qui nous est soumis prévoit pour les administrations locales, favorisant ainsi un parallélisme des objectifs. Il permettrait enfin de franchir le seuil d'un déficit inférieur à 3 % du PIB dès 2025.

Outre cette trajectoire, je vous proposerai, tout en conservant, quand il y en a, des ajouts utiles de l'Assemblée, de revenir à des dispositions votées par le Sénat en première lecture et qui ont été supprimées du texte qui nous est transmis en nouvelle lecture.

Ainsi, à l'article 10, le Sénat avait prévu une diminution de 5 % du taux d'emploi de l'État et de ses opérateurs : je vous proposerai, dans la lignée de la disposition élaborée par Mme Paoli-Gagin, de réintroduire cet objectif, car il n'y aura pas de rétablissement des finances publiques sans une meilleure maîtrise des dépenses de personnel, qui représentent un tiers des dépenses du budget général. Je constate d'ailleurs que, tout en prévoyant une stabilité des effectifs dans la LPFP, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024 la création de 8 200 emplois publics supplémentaires !

Je vous proposerai également de revenir au texte du Sénat sur l'encadrement des dispositifs d'aide aux entreprises à l'article 15, car le texte de l'Assemblée nationale, comme celui qui nous avait été soumis en première lecture, est ambigu et difficilement applicable en l'état.

De même à l'article 19, le Sénat avait prévu que la mise en réserve de 0,3 % du montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) s'appliquerait uniformément à chacun de ses sous-objectifs, afin que l'hôpital cesse de subir les conséquences des dépassements de l'Ondam de ville. Je vous proposerai de rétablir cette mesure.

Il convient enfin de mieux préciser, à l'article 21 - comme le Sénat l'avait fait en première lecture -, les documents et données produits lors des évaluations de l'efficacité de l'action publique et des dépenses publiques. Il est sur ce point regrettable que le premier rapport remis par le Gouvernement, en juillet dernier, soit si sommaire et se contente de quelques propositions très générales et non chiffrées.

Compte tenu de ces amendements et sous réserve de ceux que la commission pourrait être amenée à adopter, je vous proposerai d'adopter le texte ainsi modifié afin de faire porter une nouvelle fois la voix de la commission des finances - et plus largement du Sénat - sur un texte qui mérite d'être discuté et amélioré pour lui-même. En effet, le Gouvernement insiste sur la nécessité d'adopter cette loi de programmation pour bénéficier des versements de la Commission européenne pour le plan de relance, comme si le contenu du texte n'avait guère d'importance, mais que seule comptait son adoption formelle : face à cette invitation qui ressemble à une injonction, je crois, pour ma part, que, à la veille de la cinquantième année consécutive de déficit budgétaire pour l'État français, il faut surtout adopter un texte qui trace une véritable perspective pour le rétablissement des finances publiques et qui préserve les marges de manoeuvre dont nous aurons besoin pour financer la transition écologique, les mutations économiques, la préservation de notre modèle social et pour faire face à toutes les crises que notre pays ne manquera pas de rencontrer à l'avenir.

M. Marc Laménie. - L'article 3 présente des tableaux très techniques qui portent sur l'ensemble des administrations publiques, qu'elles soient centrales, locales ou qu'elles concernent la sécurité sociale. Quelles sont les perspectives d'évolution, dans la période allant de 2023 à 2027, pour ce qui est de la répartition entre les trois catégories d'administrations publiques ?

Parmi les recettes de l'État, il y a d'abord la TVA, puis l'impôt sur le revenu. Comment peut-on envisager l'évolution de ces recettes ?

M. Thomas Dossus. - Pour reprendre l'analyse que nous en faisions déjà en première lecture, ce texte permet de regarder l'avenir avec des lunettes comptables, qui donnent à voir une réalité alternative ignorant le mur d'investissement qui se dresse devant nous et le besoin de recettes supplémentaires pour y faire face.

La météo nous rappelle que la trajectoire à suivre en matière de transition écologique se caractérise par son urgence. Or, les capacités d'investissement n'y sont pas, alors même que l'on a planifié les foyers d'investissement possibles pour mettre en place des mesures d'adaptation au changement climatique. On se heurte ainsi à une contradiction entre le comptable et le réel. Nos amendements viseront à coordonner ces deux visions. En effet, plus on attend pour investir dans la transition écologique, plus cela coûtera cher, de sorte que la dette climatique pèsera de plus en plus lourd.

De plus, nous ne participerons pas au désarmement fiscal des collectivités, qui se poursuit avec la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Nous ne partageons pas l'analyse du rapporteur général sur la nécessité de diminuer le nombre d'emplois des opérateurs de l'État. En effet, il faudra un certain nombre d'agents pour aider les collectivités à investir dans la transition écologique.

Enfin l'étude sur les fractures françaises, publiée hier, montre une France crispée sur son avenir. Je considère que ce texte ne contribue en rien à améliorer la situation, dès lors qu'il ne porte aucun espoir en matière de financement de la transition écologique.

Mme Sylvie Vermeillet. - J'approuve la trajectoire vertueuse présentée par le rapporteur général en matière de dépenses et je souscris à la proposition de ma collègue Vanina Paoli-Gagin concernant la réduction du personnel.

Il est toujours difficile de réduire le nombre de postes au sein des ministères, car on a besoin de toujours plus d'effectifs, que ce soit dans l'éducation nationale, la police, la gendarmerie ou la santé. En revanche, quelque 1 300 agences gèrent des services de l'État, grâce à des effectifs que l'on maîtrise très mal. Peut-être faudrait-il se concentrer sur ces agences ?

M. Didier Rambaud. - Je prends acte de la volonté du rapporteur général de voter ce projet de loi de programmation des finances publiques. Il s'agit là d'un instrument financier faisant office de thermomètre. Créé lors de la réforme constitutionnelle de 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il a été utilisé en 2012 sous la présidence de François Hollande. S'il peut y avoir des divergences sur la manière de faire baisser la température, la nécessité de ce thermomètre fait consensus.

Le vote de ce texte met en jeu notre crédibilité à l'échelle européenne. En effet, si nous ne le votions pas, nous serions le seul pays européen à faire ce choix. En outre, nous serions capables de voter des lois de programmation sur des sujets régaliens comme la défense ou la justice, voire la recherche, mais pas sur les finances publiques...

Les versements européens représentent 18 milliards d'euros. J'invite ceux qui ne souhaitent pas voter cette loi à nous présenter les économies qu'ils feront à due concurrence.

M. Stéphane Sautarel. - Pour reprendre la métaphore de mon collègue, la graduation du thermomètre pose problème. Les hypothèses semblent souvent très optimistes, ce qui laisse à penser que l'on a surtout voulu rendre une copie plutôt que de travailler sur son contenu.

Il me semble tout à fait souhaitable d'aboutir à un texte équilibré, qui reprenne les analyses que nous avions faites l'an dernier.

Dans la trajectoire proposée, les ambitions de réduction de la dette publique semblent limitées, puisque la réduction ne serait que de 3,7 points sur la période. L'objectif est également décalé par rapport à ceux de nos voisins européens. Pourrait-on améliorer ces points ?

M. Christian Bilhac. - Après cinquante ans de déficit budgétaire, nous commençons à avoir de l'expérience. Toutefois, une année supplémentaire de déficit creusera d'autant plus la dette, de sorte que celle-ci risque de devenir le premier poste de dépense de l'État.

Vous suggérez de réduire la masse salariale, qui constitue en effet un gros poste de dépense. Toutefois, comment faire, alors que l'on constate un manque d'effectifs pour assurer les missions régaliennes de l'État ? Comment nier qu'il faudrait davantage de personnel pour éviter que la justice ne dysfonctionne ? Comment nier qu'il faudrait davantage d'enseignants quand on voit le déclin de la France en matière d'éducation ? Il en est de même en matière de santé.

Plutôt que de réduire, il s'agit de rationaliser. Ainsi, à l'hôpital de Montpellier, il y aura bientôt davantage de monde dans les bâtiments administratifs que dans les blocs opératoires ou dans les chambres pour soigner les patients. Je le dis tout net, il faut tailler dans tous ces organismes inutiles qui ne servent qu'à produire du papier !

Les Français ont besoin de fonctionnaires et demandent davantage de services publics. Toutefois, la création des agences régionales de santé (ARS) a-t-elle amélioré l'état de la santé en France ou la situation dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ? Pourquoi ne pas les supprimer, puisqu'elles ne servent à rien ? Il en est de même pour les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) : demandez aux maires à quoi elles servent ! À rien, vous répondront-ils. Qu'on les supprime donc ! Il faut avoir le courage de couper tous ces organismes, qui plombent le budget de l'État.

Mme Christine Lavarde. - Merci au rapporteur général de nous proposer une copie un peu plus ambitieuse que le texte du Gouvernement pour l'avenir de notre pays.

L'article 16 encadre les dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Le dispositif de sanction prévu dans la première version du projet de loi a heureusement été supprimé, mais l'article prévoit néanmoins que les collectivités devront indiquer comment elles tiendront leur objectif de dépense. Dans l'exposé des motifs de l'amendement du groupe Renaissance, qui a abouti à la réécriture de l'article 16, il est mentionné qu'ont été retirées de l'enveloppe les dépenses non pilotables des départements, mais pas celles des autres strates de collectivités.

Or, dans les communes, les frais financiers, qui sont des dépenses obligatoires, augmentent de manière exponentielle. Les dépenses de personnel augmentent aussi, notamment à cause de la revalorisation du point d'indice, décidée par l'État. Enfin, en Île-de-France, il existe un certain nombre de taxes que la commune reçoit et redistribue : en contrepartie de l'augmentation des dépenses, il faudra une augmentation des recettes à l'euro près pour des montants qui peuvent être importants. Je présenterai un amendement qui vise à corriger cet effet, notamment en ce qui concerne la taxe de séjour ou le fonds de compensation des charges transférées (FCCT), dans le périmètre de la métropole du Grand-Paris.

Plus largement, je m'interroge sur l'aspect opérationnel de cet article dès lors que des dépenses lourdes et dynamiques s'imposent aux communes.

M. Michel Canévet. - Je nourris comme mes collègues quelques inquiétudes quant à l'évolution de nos finances publiques, d'autant que les taux en pourcentage du PIB que privilégie le texte ne reflètent pas toujours l'inquiétante valse des milliards d'euros.

Ainsi, dès 2025, le premier poste de dépense de l'État concernera ses engagements financiers, qui vont croître de manière importante. Comment maîtriser l'évolution de ce poste pour éviter qu'il ne désagrège encore davantage nos finances publiques ?

Dans les collectivités locales, on nourrit une certaine insatisfaction quant au fonctionnement du fonds de compensation de la TVA. Certaines d'entre elles peuvent en bénéficier l'année même de l'investissement, mais un grand nombre d'entre elles doivent attendre une année, voire deux, pour l'obtenir, ce qui est incompréhensible à l'heure de la numérisation.

Il serait donc logique de présenter un amendement visant à rétablir un régime de TVA identique pour toutes les collectivités, qui soit au plus proche de la réalité. Il trouverait parfaitement sa place dans le cadre de cette loi de programmation des finances publiques, dans la mesure où l'effort consacré l'année où l'on anticipe le versement de la TVA pourra être compensé par des versements moindres les années suivantes.

M. Pascal Savoldelli. - Le ministre Bruno Le Maire a mentionné un décaissement des aides européennes, en deux versements de 10,3 milliards d'euros et 7,5 milliards d'euros, que nous devrions recevoir à la fin de 2023 et à la fin de 2024. A-t-on des informations fiables sur ces versements ?

En outre, la perception des versements européens est-elle réellement conditionnée à l'adoption de la loi de programmation, comme le dit le Gouvernement ?

M. Éric Bocquet. - Le rapporteur général évoque une réduction de 5 % du taux de l'emploi de l'État : dans quels secteurs interviendra-t-elle ? Quel montant d'économies cela représenterait-il sur les cinq années de la loi de programmation des finances publiques ? S'agit-il de mettre l'État « au pain sec », pour reprendre la formule employée par Bruno Retailleau, il y a quelque temps ?

Le rapporteur général a rappelé qu'il s'agissait du quarante-neuvième budget en déficit de l'histoire de ce pays. La dette continuera donc d'augmenter et le Gouvernement prévoit d'emprunter l'an prochain 285 milliards d'euros, montant inédit jusqu'alors. Comment expliquer cette situation paradoxale ?

M. Rémi Féraud. - Je constate que le Gouvernement fait des efforts pour satisfaire la majorité sénatoriale sans en être récompensé.

Nous sommes tous inquiets face à la situation des finances publiques, mais mieux vaudrait éviter les faux semblants et les facilités. L'État ne peut pas faire peser tous les efforts, en matière de réduction des dépenses, sur les collectivités locales, sans tenir compte des dépenses obligatoires qu'elles engagent elles-mêmes. On peut afficher un taux de réduction des dépenses de 0,5 %, mais il n'engage que ceux qui y croient.

En outre, vous prévoyez une réduction de 5 % du taux d'emploi de l'État, mais il faudrait expliciter davantage - c'est sans doute ce que vous répondra le Gouvernement, à raison.

On ne peut pas se contenter d'aborder cette loi de programmation en ne considérant que les dépenses de l'État et pas les recettes.

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Je salue la volonté du rapporteur général d'adopter une démarche constructive pour faire adopter ce projet de loi, en faisant valoir les propositions sénatoriales.

L'adoption de ce texte est un engagement européen qui conditionne la partie du plan de relance consacrée aux aides. Nous sommes impécunieux et nous tendons la sébile sur les marchés financiers. Cela sera pris en compte par nos prêteurs.

Quant à la réduction de 5 % du taux d'emploi de l'État, je considère qu'il est possible de diminuer les effectifs sans que ce soit dans les secteurs en souffrance : nous sommes moins bien notés que nos voisins dans les classements en matière d'éducation, et pourtant nous avons le taux record de dépense dans ce secteur au sein de l'Union européenne : où est l'erreur ? Il faudrait faire une revue précise des organismes où l'on peut se passer de fonctionnaires et se fixer un cadre pour la maîtrise des finances publiques. Il est important que les collectivités gardent leur libre administration.

M. Arnaud Bazin. - Il me semblait avoir compris qu'il y avait en effet une conditionnalité de l'octroi des aides au vote de ce texte. Toutefois, son rejet pourrait être une bonne affaire pour notre pays. On annonce, en effet, un montant d'aides au plan de relance qui s'élèverait à 18 milliards d'euros, mais l'Union européenne n'ayant pas progressé d'un iota sur la définition des ressources propres qui permettraient de rembourser ses emprunts, elle risque de se retourner vers les États pour le faire. La France devrait alors rembourser 40 milliards d'euros pour en avoir reçu 18 milliards.

M. Jean-François Rapin. - L'Union européenne n'a en effet pas progressé sur les ressources propres et n'est pas en voie de la faire.

En outre, au-delà du plan de relance, premier engagement de l'Union européenne, se pose la question de la maîtrise des dépenses standardisées, en lien direct avec l'actualité. Or, nous n'avons que très peu de visibilité sur la révision du cadre financier pluriannuel.

La recette est incertaine et la dépense reste non contrôlée par rapport à l'actualité.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le sujet de la révision du cadre financier pluriannuel fait partie des questions que je poserai en séance ce soir à la secrétaire d'État chargée de l'Europe. Sur les ressources propres, rien n'est garanti.

Par ailleurs, le sujet de la conditionnalité des aides reste flou car les diverses déclarations à ce sujet ne sont pas cohérentes entre elles.

En tout état de cause, si l'on ne s'accorde pas sur l'idée de la nécessité du rétablissement de l'équilibre de nos finances publiques, nous avons du souci à nous faire... Les chiffres font de notre pays le cancre de l'Europe ; dans ces conditions, il sera difficile d'obtenir quelque soutien que ce soit. J'ajoute que, en tant que membre fondateur, la France a une responsabilité particulière. Nous nous sommes rendu compte, lors de notre séjour en Allemagne, à quel point le couple franco-allemand n'était plus aussi soudé que jadis ; c'est préoccupant.

Monsieur Laménie, selon les derniers chiffres dont nous disposons, le texte du Gouvernement prévoit, en moyenne annuelle et en volume sur la période 2024-2027, hors charge de la dette et hors dépenses exceptionnelles, que les dépenses des administrations centrales augmenteraient de 1,9 %, celles des collectivités territoriales diminueraient de 0,6 %, et celles des administrations de sécurité sociale augmenteraient de 0,9 %. Il s'agit donc de serrer la vis aux collectivités, qui sont pourtant les administrations publiques qui contribuent le moins au déficit public et qui continuent d'assurer la cohésion nationale. À cet égard, le Gouvernement doit changer de méthode et de discours. On a senti partout une crispation à ce sujet lors de la campagne sénatoriale et le Congrès des maires sera sans doute l'occasion de faire entendre cette voix.

Monsieur Dossus, la force de nos travaux réside dans le fait d'inscrire nos propositions de recettes et de dépenses dans un cadre comptable et budgétaire, mais également financier ; le principe de réalité s'impose à nous ! La France est dans le déni à cet égard, nous souffrons d'une addiction à la dépense publique et nous demandons toujours à l'État ou à d'autres de faire les efforts que nous ne voulons pas faire nous-mêmes. Le Sénat a toujours été constant sur la question des dépenses en faveur de l'environnement. Le modèle économique mondial évolue ; il faut faire preuve de volonté, voire d'audace, mais il faut aussi tenir compte de la réalité et de l'acceptation sociale des mesures envisagées. Inutile de vous rappeler à quoi a conduit la volonté du Gouvernement d'augmenter la taxe carbone : nous avons perdu sur toute la ligne, puisque cela n'a jamais été mis en oeuvre... Ainsi, à être trop brutal, on perd deux fois. Donc, faisons preuve de réalisme.

Quant à la baisse de 5 % des effectifs de l'État, il s'agit, je le répète, d'un objectif. Par ailleurs, monsieur Féraud, si le Gouvernement nous reproche de ne pas préciser quelles sont les administrations visées par cette mesure, on pourra lui rétorquer que sa diminution de 6 milliards d'euros n'est pas plus claire ; le flou à cet égard est non pas artistique, mais coupable. Je n'accepterai donc pas de leçon de réalisme en la matière. En revanche, nous indiquons bien que cela concerne tant les administrations d'État que les opérateurs. Il y a des besoins, certes, mais certaines diminutions d'effectifs dans les administrations furent liées à des transferts au sein de tel ou tel opérateur, sur lequel on n'a pas la main, s'agissant d'autorités administratives indépendantes. Il faut donc mettre fin à cette tendance et même supprimer certaines agences, afin de réduire les effectifs et de retrouver un lien entre la décision politique et sa traduction à l'échelon opérationnel.

Je prends acte des observations de M. Rambaud.

Monsieur Sautarel, vous posez la question de la réduction de la dette publique. Le Gouvernement propose un niveau d'endettement de 108 milliards d'euros en fin de période ; nous proposons 105,7 milliards. Le fait d'ouvrir en grand le robinet de la dépense publique, à cause du « quoi qu'il en coûte », coûte cher et pendant longtemps. Donc, pour en revenir, il faut du temps. Certains d'entre nous reprocheront de plaider pour une forme de rigueur, mais, si on ne le fait pas, la réalité nous imposera des efforts encore plus importants.

Madame Lavarde, votre remarque rejoint les travaux de l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'amendement déposé par Arnaud Bazin. Je vous propose que l'on y retravaille afin d'affiner le dispositif envisagé. La revalorisation du point d'indice s'impose à tout le monde et nous ne demandons pas de retraitement spécifique, mais il est vrai que cela a un impact important pour les collectivités. Il faut donc distinguer entre ce que les collectivités peuvent assumer et ce qui doit être pris en compte par un éventuel dispositif de compensation.

Monsieur Canévet, la meilleure manière de réduire le risque que les taux font peser sur le remboursement de la dette, c'est de maîtriser mieux notre déficit. C'est aussi pour cela qu'il faut être responsable, car une dette financière et une dette climatique, cela fait beaucoup... Sans doute, on ne pourra pas tout faire d'un coup, mais il faut s'y atteler.

Par ailleurs, je comprends votre remarque sur le FCTVA, mais le fait de devoir assumer un double paiement peut poser un problème budgétaire pour l'Etat.

Monsieur Savoldelli, les versements européens représentent bien 18 milliards d'euros.

Monsieur Bocquet, j'ai répondu sur les effectifs, cela concerne bien la fonction publique et les opérateurs.

Vous nous alertez par ailleurs sur le montant important de dette et sur l'emprunt nécessaire pour y faire face. Je vous rappelle que nous étions dans une configuration analogue en 2021 et que le ministre de l'économie et des finances m'avait alors expliqué qu'il était risible de parler de mur de la dette et qu'il était au contraire intelligent d'emprunter à des taux négatifs. Aujourd'hui, la situation a changé : les montants sont plus élevés et les conditions de financement se sont grandement détériorées.

Monsieur Féraud, nous ne donnons pas dans les faux-semblants. Simplement, nous pouvons avoir des désaccords sur la manière de faire ; pour notre part, nous pensons qu'il faut d'abord réduire certaines dépenses, ce qui paraît frappé au coin du bon sens. Vouloir diminuer les effectifs de 5 % me paraît moins contraire à l'intérêt général, car la cible est large, que de proposer, comme l'avait fait un gouvernement que vous souteniez, un rabot général sans distinction.

Monsieur Bocquet, la réduction des effectifs de 5 % d'ici à 2027 représenterait environ 100 000 équivalents temps plein (ETP) et une économie à terme de 3 milliards d'euros par an.

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, je vais vous envoyer prochainement ce dont nous disposons sur les liens entre l'adoption du projet de loi et le plan de relance et de résilience. Je vous transmettrai un courrier adressé par le ministre au rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale. Je retiens notamment de cette missive un paragraphe - j'insiste sur le choix des modes et des temps retenus : « Ainsi, la non-adoption du projet de loi de programmation des finances publiques non seulement pourrait bloquer les versements de l'Union européenne attendus, mais risquerait également de bloquer la suite de l'exécution du plan français et les versements associés. ».

Nous lui avons donc demandé de lever les doutes et d'être plus affirmatif. Nous attendons sa réponse. Nous avons également les éléments de la Commission européenne et les « jalons » prévus pour le versement des aides.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'émets un avis défavorable sur l'amendement COM-1, qui prévoit un engagement de l'État à hauteur de 14 milliards d'euros en faveur de la rénovation énergétique d'ici à 2030. L'amendement, qui dans son application concrète serait coûteux, manque de précision et n'est pas assez contraignant pour le Gouvernement.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mes amendements COM-15, COM-16 et COM-17 tirent les conséquences de la trajectoire que nous proposons d'adopter et qui diffère de celle qui a été définie par l'Assemblée nationale.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'amendement COM-16 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

L'amendement COM-17 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

Article 8

L'amendement de coordination COM-18 est adopté.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mon amendement COM-19 fixe au 1er avril la date de la transmission du rapport annuel sur les taxes affectées non plafonnées, afin qu'il puisse servir aux commissions concernées.

L'amendement COM-19 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8 bis

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Monsieur Dossus, je vous propose de retirer votre amendement COM-2 pour le redéposer en séance publique. Cet amendement s'inscrit dans le droit fil d'un amendement de notre ancien collègue Daniel Breuiller, que le Sénat avait adopté, mais, entre-temps, l'Assemblée nationale a modifié le texte et nous ne savons pas quelle est la position du Gouvernement à ce sujet. Si vous le redéposez en séance, nous pourrons interroger le ministre sur ses objectifs et la chronologie qu'il envisage. A priori cela permettrait de soutenir l'amendement.

L'amendement COM-2 est retiré.

L'article 8 bis est adopté sans modification.

Article 9

L'article 9 est adopté sans modification.

Article 10

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

Les amendements identiques COM-10 rectifié et COM-20 sont adoptés.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis défavorable à l'amendement COM-4. Le financement de la transition écologique ne doit pas porter sur la seule mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté sans modification.

Article 13

L'amendement COM-9 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté sans modification.

Article 14

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis défavorable aux amendements COM-6, COM-5 et COM-7. Il s'agit du dispositif visant à réduire l'impact environnemental du budget de l'État. Si nous remettons tout en cause, nous ferons plus de dégâts que de progrès...

L'amendement COM-6 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-5 et COM-7.

L'article 14 est adopté sans modification.

Article 15

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mon amendement COM-21 vise à clarifier la portée de l'article 15, en le limitant aux dispositifs d'aide aux entreprises instaurés par l'État. Il s'agit de faire respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales.

L'amendement COM-21 est adopté.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les amendements identiques COM-11 rectifié bis et COM-22 tendent à revenir au point d'équilibre adopté en première lecture au Sénat concernant en particulier la durée des aides aux entreprises. Certains plaidaient pour une durée de huit ans et nous nous étions prononcés pour cinq ans. Il s'agit donc de rétablir cette durée.

Les amendements identiques COM-11 rectifié bis et COM-22 sont adoptés.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Madame Paoli-Gagin, je vous propose de retirer l'amendement COM-12 rectifié bis et de le redéposer afin d'en débattre en séance et d'entendre le ministre sur ce point. Sur le fond, j'émettrais plutôt un avis favorable.

L'amendement COM-12 rectifié bis est retiré.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 16

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis défavorable à l'amendement COM-8, contraire à la position de la commission des finances et du Sénat en première lecture, qui prenait acte de l'objectif d'évolution des dépenses locales sous réserve d'un effort similaire de la part de l'État.

L'amendement COM-8 n'est pas adopté.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'ai évoqué précédemment les amendements COM-13 rectifié COM-14 rectifié. Leurs auteurs portent, par ce biais, la voix de l'ADF. Je leur propose néanmoins un retrait afin de débattre de cette question en séance, avec le ministre. En effet, il conviendrait d'apporter des précisions sur les dépenses considérées, entre ce qui doit relever d'un accord avec l'État et ce qui doit être protégé. Par ailleurs, les départements ne sont pas les seules collectivités concernées.

Les amendements COM-13 rectifié et COM-14 rectifié sont retirés.

L'article 16 est adopté sans modification.

Article 17

L'article 17 est adopté sans modification.

Article 19

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je propose, au travers de mon amendement COM-23, de revenir à la rédaction initiale du texte, que nous avions du reste élaborée avec la commission des affaires sociales.

L'amendement COM-23 est adopté.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 20

L'article 20 est adopté sans modification.

Article 21

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mon amendement COM-24 vise notamment à rendre le rapport annuel sur l'efficacité de l'action publique et des dépenses publiques accessible au grand public dans un format exploitable en open data.

L'amendement COM-24 est adopté.

L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Claude Raynal, président. - Nous en avons terminé avec l'examen de ce texte. Les autres articles ont été adoptés conformes, je le rappelle.

Le projet de loi a été adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

TITRE Ier : ORIENTATIONS PLURIANNUELLES DES FINANCES PUBLIQUES

Article 1er

Auteur

Sort de l'amendement

M. DOSSUS

1

Rejeté

Chapitre Ier : Le cadre financier pluriannuel de l'ensemble des administrations publiques

Article 2

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

15

Adopté

Article 3

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

16

Adopté

Article 4

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

17

Adopté

Article 8

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

18

Adopté

M. HUSSON, rapporteur

19

Adopté

Article 8 bis

Auteur

Sort de l'amendement

M. DOSSUS

2

Retiré

Chapitre II : Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques centrales

Article 10

Auteur

Sort de l'amendement

M. DOSSUS

3

Rejeté

Mme PAOLI-GAGIN

10 rect. bis

Adopté

M. HUSSON, rapporteur

20

Adopté

Article 12

Auteur

Sort de l'amendement

M. DOSSUS

4

Rejeté

Article 13

Auteur

Sort de l'amendement

M. DOSSUS

9

Rejeté

Article 14

Auteur

Sort de l'amendement

M. DOSSUS

6

Rejeté

M. DOSSUS

5

Rejeté

M. DOSSUS

7

Rejeté

Article 15

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

21

Adopté

Mme PAOLI-GAGIN

11 rect. bis

Adopté

M. HUSSON, rapporteur

22

Adopté

Mme PAOLI-GAGIN

12 rect. bis

Retiré

Chapitre III : Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques locales

Article 16

Auteur

Sort de l'amendement

M. DOSSUS

8

Rejeté

M. CAPUS

13 rect.

Retiré

M. BAZIN

14 rect.

Retiré

Chapitre IV : Le cadre financier pluriannuel des administrations de sécurité sociale

Article 19

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

23

Adopté

Article 20

TITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET À L'INFORMATION ET AU CONTRÔLE DU PARLEMENT

Chapitre IER : Ensemble des administrations publiques

Article 21

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

24

Adopté

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-071.html


* 1 Il s'agit des articles 5, 11, 18, 22, 24, 25 et 26.

* 2 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 3 Avis n° HCFP-2023-7 relatif à la révision du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, 22 septembre 2023.

* 4 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 5 Voir sur ce point le commentaire de l'article 3 du présent projet de loi.

* 6 Voir sur ce point le commentaire de l'article 23 du présent projet de loi dans le rapport de première lecture sur le présent projet de loi n° 86 (2022-2023).

* 7 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 8 Voir sur ce point le commentaire de l'article 3 du présent projet de loi dans le présent rapport.

* 9 Audition de M. Pierre MOSCOVICI, président du Haut Conseil des finances publiques sur l'avis du Haut Conseil relatif au projet de loi de finances pour 2024, au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, mercredi 27 septembre 2023.

* 10 Avis n° HCFP-2023-7 relatif à la révision du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, 22 septembre 2023.

* 11 Pour mémoire, l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB est de 1 en moyenne, mais elle a été de 1,6 en 2022.

* 12 Voir par exemple Budget 2024 : la France sous la menace d'une procédure pour déficit excessif à Bruxelles, Les Échos, 27 septembre 2023.

* 13 Recommandation du Conseil du 14 juillet 2023 concernant le programme national de réforme de la France pour 2023 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2023 (2023/C 312/10).

* 14 Entre la version initiale et la nouvelle lecture du texte, les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », qui comprend le programme 117 relatif à la charge de la dette, sont passés à horizon 2025 de 58,8 milliards d'euros à 66 milliards d'euros.

* 15 Cour des comptes, Piloter et évaluer les dépenses fiscales, note thématique, juillet 2023.

* 16 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 17 Il s'agit en particulier des affectations de parts du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de la contribution sociale généralisée (CSG) et des contributions pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) aux différents organismes de sécurité sociale.

* 18 Par exemple, le plafond de la taxe pour frais de contrôle sur les activités de transport public routier, affectée à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), était fixé à 1,1 million d'euros en 2017, alors même que le produit attendu s'élevait à 100 000 euros.

* 19 Et qui figurent aux 1° à 6° du même I.

* 20 Les incidences économiques de l'action pour le climat, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, mai 2023.

* 21 France Stratégie estime ainsi qu'entre 40 % et 77 %, selon les paramètres retenus, des logements du parc privé peuvent voir leur rénovation énergétique rentabilisée à un horizon de trente ans. Voir l'étude de France Stratégie, « Quelle rentabilité économique pour les rénovations énergétiques des logements ? », octobre 2020.

* 22 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 23 Pour la définition de ces plafonnements, voir supra, commentaire de l'article 8.

* 24 Le schéma d'emplois correspond au solde des créations et des suppressions d'emplois sur une année civile.

* 25 Projet de loi de finances pour 2024, dossier de presse (budget général et budgets annexes).

* 26 Projet de loi de finances pour 2024, tableau annexé « Tableau de comparaison, par titre et catégorie, des crédits proposés pour 2024 à ceux votés pour 2023 (budget général, hors fonds de concours) ».

* 27 Voir la présentation de l'article 12 dans le rapport n° 86 (2022-2023) de Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de programmation des finances publiques, déposé le 27 octobre 2022.

* 28 Voir l' article 4 de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 29 Projet annuel de performances du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État », annexé au projet de loi de finances pour 2024.

* 30 Le niveau de crédits de cette mission a été plus élevé dans les lois de finances initiales pour 2021, 2022 et 2023, soit qu'une importante provision relative aux rémunérations publiques ait été mise en place, soit que la dotation pour dépense accidentelles et imprévues ait, comme en loi de finances initiale pour 2023, été fixée à un niveau anormalement élevé, que le Sénat avait d'ailleurs tenté de réduire.

* 31 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 32 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 33 Intervention de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, le 2 novembre 2022.

* 34 Rapport n° 86 (2022-2023) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 octobre 2022.

* 35 Voir sur ce point le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi.

* 36 Avis du Comité d'alerte n° 2023-2 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, 7 juin 2023.

* 37  Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 38 Amendement présenté par MM. Charles Sitzenstuhl et Mathieu Lefèvre.

* 39 Amendement présenté par M. Daniel Labaronne et plusieurs de ses collègues, sous-amendé par le rapporteur général du budget.

* 40 Amendement présenté par M. Michel Lauzzana et plusieurs de ses collègues, sous-amendé par le rapporteur général du budget.