N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 28

SANTÉ

Rapporteur spécial : M. Vincent DELAHAYE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

I. UNE NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE MODIFIÉE PRINCIPALEMENT POUR RECEVOIR DES FONDS EUROPÉENS

Le profil de la mission « Santé » a été profondément modifié en 2023 avec un nouveau programme recevant les fonds européens de relance destinés à l'investissement en santé. En revanche, le programme créé par le Sénat et destiné à financer le développement d'une carte Vitale biométrique n'a pas été reconduit dans la nouvelle nomenclature.

À périmètre courant, les dépenses de la mission s'établissent ainsi à 2 343 millions d'euros (- 30,3 %), dont 1 436,4 millions d'euros (+ 0,2 %) à périmètre constant.

Évolution des crédits de la mission « Santé »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UN SOUTIEN EUROPÉEN DE 6 MILLIARDS D'EUROS EN SIX ANS POUR L'INVESTISSEMENT EN SANTÉ

L'investissement en santé, doté de 6 milliards d'euros, représente une part importante des 40 milliards d'euros attribués à la France au titre de la Facilité pour la relance et la résilience. Ces fonds à destination de la sécurité sociale transitent par le nouveau programme 379 rattaché à la mission « Santé », doté de 906,9 millions d'euros pour 2024.

Les crédits dirigés vers l'assurance maladie sont destinés à des projets d'investissement des établissements de santé et médico-sociaux et à l'amélioration des outils numériques en santé. Les versements européens s'échelonneront jusqu'en 2026.

Ce programme spécifique améliore la traçabilité du suivi des fonds européens. Servant de simple canal de transmission à l'assurance maladie, il ne redonne toutefois aucune substance particulière à la mission en termes de mise en oeuvre d'une politique publique.

B. LA DISPARITION DU PROGRAMME PORTANT LA « CARTE VITALE BIOMÉTRIQUE » NE DOIT PAS OCCULTER LA NÉCESSAIRE LUTTE CONTRE LA FRAUDE

Au cours du débat sur la première loi de finances rectificative pour 2022, un programme 378 « Carte Vitale biométrique », doté de 20 millions d'euros, a été créé à l'initiative du Sénat. En définitive, ni la loi de finances pour 2023 ni le projet de loi de finances pour 2024 ne comportent le programme 378.

Depuis, un rapport des inspections générales des finances et des affaires sociales a recommandé de ne pas développer la Carte Vitale biométrique, jugée trop onéreuse et difficile à mettre en oeuvre. Pour autant, il apparaît nécessaire de poursuivre les efforts de lutte contre la fraude, le cas échéant en soutenant des alternatives.

II. DES ACTIONS DE SANTÉ PUBLIQUE À L'IMPACT TOUJOURS AUSSI LIMITÉ

A. UNE PROBABLE EXTINCTION DU FONDS DE CONCOURS PROVENANT DE SANTÉ PUBLIQUE FRANCE

À partir de mars 2020, l'État a « rapatrié » sur le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » des crédits provenant de Santé publique France, dont le financement intégral par l'assurance maladie venait d'être décidé par la loi de financement de la sécurité sociale.

Un abondement de 41,2 millions d'euros au titre du fonds de concours de Santé publique France est attendu en 2023. Entendue par le rapporteur spécial, la direction générale de la santé a confirmé que seuls des restes à payer subsisteraient en 2024, aucun versement du fonds de concours n'étant prévu pour cette année.

La mise en extinction de ce fonds, recommandée par la Cour des comptes, semble donc en voie d'être accomplie.

B. LE PROGRAMME 204 FINANCE DES ACTIONS HÉTÉROGÈNES, AVEC UN IMPACT LIMITÉ SUR LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE

La mission ne cofinance plus que deux opérateurs, l'Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation et de l'environnement (ANSES) et l'Institut national du cancer (INCa), seul opérateur qui lui est rattaché pour sa gestion financière. La subvention de l'INCa diminue de 6 millions d'euros en 2024.

La subvention attribuée à l'Agence de santé des îles Wallis-et-Futuna (49,6 millions d'euros) est en légère hausse par rapport à 2023, afin de financer des revalorisations salariales à la suite d'un mouvement social.

Les crédits que l'État verse à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) au titre de l'indemnisation des victimes de la Dépakine baissent de 11 millions d'euros, pour s'ajuster aux prévisions de consommation. Ce dispositif d'indemnisation est marqué par un recours très inférieur aux prévisions de la part des victimes.

Comme les années précédentes, le programme 204 finance aussi un grand nombre d'actions extrêmement dispersées, pour des montants généralement faibles. Elles paraissent loin de disposer d'une « masse critique » suffisante pour prétendre produire un réel impact sur la réalisation des objectifs de santé publique poursuivis.

III. DES CRÉDITS POUR L'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT EN HAUSSE DE 5,4 % AU REGARD DE L'EXÉCUTION ATTENDUE POUR 2023 : UNE CHARGE BUDGÉTAIRE EN AUGMENTATION CONTINUE ET NON MAÎTRISÉE

A. UNE POURSUITE DE L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DE L'AME ET DES DÉPENSES DE PRISE EN CHARGE

L'aide médicale d'État, pour sa part, semble connaître une stagnation ses crédits (- 0,33 %) entre 2023 et 2024, passant de 1 212,3 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2023 à 1 208,3 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024.

Une telle stabilité est cependant illusoire : elle résulte d'une budgétisation trop importante en loi de finances initiale pour 2023, qui avait conduit cette année-là à une augmentation très importante de l'AME, de 1 014 millions d'euros à 1,212 millions d'euros.

Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 prévoit en effet d'annuler 65,8 millions d'euros sur le programme 183, portant les crédits ouverts pour 2023 à « seulement » 1 146 millions d'euros. Dans cette perspective, les crédits demandés pour 2024 sont en hausse de 5,4 % par rapport à l'exécution attendue en 2023.

Évolution du nombre moyen de bénéficiaires
et des dépenses d'AME de droit commun

(en millions d'euros et en nombre de bénéficiaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2023, l'augmentation du nombre moyen de bénéficiaires sur l'année se poursuivait au même rythme qu'en 2022 (+ 5,2 % en 2022, + 5,6 % au premier trimestre 2023). De même, après une faible augmentation entre 2021 et 2022 (+ 2 %) et une année de forte hausse en 2023 (+ 13 %), la progression des dépenses d'AME retrouverait en 2024 son rythme tendanciel d'avant crise, à 5,4 %.

B. UN IMPACT TRÈS LIMITÉ DES MESURES DE RÉGULATION ADOPTÉES EN 2020

Plusieurs mesures sont entrées en vigueur à partir du 1er janvier 2020 afin de mieux prévenir les risques de fraudes et de détournements abusifs du dispositif de l'AME.

Depuis le 1er janvier 2020, une condition de durée minimale de séjour irrégulier de trois mois est nécessaire pour obtenir le bénéfice de l'AME, afin d'éviter un accès immédiat au dispositif dès l'expiration d'un visa touristique. De même, une obligation de dépôt physique de la première demande d'AME a été instituée à compter du 1er janvier 2020.

Par ailleurs, les caisses primaires d'assurance maladie vérifient désormais que les demandeurs ne disposaient pas d'un visa en cours de validité, situation devant les exclure du bénéfice de l'AME. Enfin, depuis le 1er janvier 2021, le bénéfice de certaines prestations programmées et non urgentes est subordonné à un délai d'ancienneté de neuf mois de bénéfice de l'AME.

L'effet de ces différentes mesures apparaît toutefois limité. En effet, le projet annuel de performances indique que « le montant des crédits ouverts pour l'AME de droit commun intègre 20 millions d'euros de moindres dépenses en 2024 au titre des diverses mesures mises en place depuis 2020 », à comparer avec le montant total de l'AME, de 1 208 milliards d'euros.

C. PAR LE BIAIS DU PROJET DE LOI « IMMIGRATION ET INTÉGRATION », L'AME POURRAIT ÊTRE RAPPROCHÉE DES AIDES EXISTANT AILLEURS EN EUROPE

Par l'éventail des soins couverts, l'AME constitue ainsi, par rapport aux dispositions appliquées dans les principaux pays voisins, une exception difficile à justifier. Pour ces raisons, la commission des lois du Sénat a adopté, à l'occasion de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, un amendement1(*) de notre collègue Françoise Dumont portant réforme de l'AME en une aide médicale d'urgence (AMU), comparable aux autres dispositif existant en Europe.

Ce dispositif, inscrit à l'article 1er du texte de la commission, s'inspire d'amendements plusieurs fois adoptés par le Sénat, et dont la commission des finances a souvent été à l'origine. Il comporte en outre le rétablissement d'un « droit d'entrée » afin de bénéficier de l'AME, qui avait été adopté dans la loi de finances initiale pour 2011 et abrogé en 2012.

Il est proposé d'en tirer les conséquences budgétaires lors de l'examen de la mission « Santé », par un amendement de crédits tendant à réduire de 410 millions d'euros les crédits du programme 183 « Protection maladie ».

Réunie le mardi 7 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par un amendement de crédits minorant les crédits de l'AME de 410 millions d'euros ainsi que par un amendement de crédits allouant 5 millions d'euros à un nouveau programme destiné à la sécurisation de la carte vitale.

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Santé » tels que modifiés par ses amendements.

Au 10 octobre 2023, date limite fixée par la LOLF, 45,9 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues au rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION « SANTÉ »

La mission « Santé » du budget général participe à la mise en oeuvre de la politique globale de santé. Celle-ci est axée autour de trois objectifs : la prévention, la sécurité sanitaire et l'organisation d'une offre de soins de qualité.

La mission est historiquement composée de deux programmes, un troisième s'y étant ajouté en 2022 :

le programme 204, relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins, qui a pour vocation le financement des plans et de programmes de santé pilotés au niveau national par la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Il vise ainsi à garantir la protection de la population face à des évènements sanitaires importants tout en prévenant le développement de pathologies graves ;

le programme 183, dédié à la protection maladie, qui finance principalement l'aide médicale d'État (AME), destinée aux personnes étrangères très défavorisées et en situation irrégulière en France depuis plus de trois mois l'absence de titre de séjour empêchant leur prise en charge au titre de la couverture maladie universelle. De manière plus marginale, le programme 183 contribue depuis 2015 au financement du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) ;

le programme 379 est un programme temporaire qui permet d'une part la compensation à la Sécurité sociale des dons de vaccins à des pays tiers et d'autre part le reversement des recettes de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l'Union européenne dédiées au volet « investissement » du Ségur de la santé.

En outre, un programme 378 avait été créé à l'initiative du Sénat par la première loi de finances rectificative pour 20222(*) afin de financer le développement d'une carte Vitale biométrique en complément des crédits d'assurance maladie dédiés à ce projet. Ce programme n'a cependant pas été reconduit dans la nomenclature de la mission, ni en loi de finances pour 2023, ni en projet de loi de finances pour 2024.

Le périmètre de la mission a été substantiellement réduit depuis 2014. En effet, le financement de la majorité des agences sanitaires qu'elle comprenait, et notamment de Santé Publique France, a été transféré à la sécurité sociale. La mission « Santé » semble donc condamnée à n'être qu'un simple vecteur budgétaire de l'Aide médicale d'État, qui représente 84,12 % de ses crédits hors programme 379.

Évolution des crédits de la mission « Santé »

(en millions d'euros)

Crédits consommés (exécution), crédits ouverts (LFI 2023), crédits demandés (PLF 2024) et prévisions pluriannuelles (pour 2025 et 2026).

Note : Le programme 378, créé à l'initiative du Sénat en loi de finances rectificative pour 2022, n'a pas été reconduit lors de l'examen de la loi de finances pour 2023.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

I. UNE MISSION AU PÉRIMÈTRE RÉDUIT MAIS AUX CRÉDITS FORTEMENT MAJORÉS PAR UN FONDS DE CONCOURS

La mission « Santé » ne comporte pratiquement aucune dépense de personnel (hormis des frais de jury), les personnels concourant à la mise en oeuvre des actions de la mission relevant pour l'essentiel de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Elle finance quasi-exclusivement des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'intervention, l'aide médicale d'État représentant à elle seule 84,12 % des dotations prévues en 2024, hors le nouveau programme 379 qui se borne à faire transiter des fonds européens et à les reverser à l'Assurance maladie.

A. DE NOMBREUX TRANSFERTS DE DÉPENSES VERS LA SÉCURITÉ SOCIALE DEPUIS 2014

De 2014 à 2020, le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » a cessé de contribuer au financement de plusieurs organismes ou agences exerçant des missions relatives à la santé.

Ont ainsi été successivement transférés à l'assurance maladie les concours que l'État apportait au financement de la Haute Autorité de santé (HAS), du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG), de l'Agence technique de l'information hospitalière (Atih), du Fonds d'intervention régional (FIR), de l'École des hautes études en santé publique (EHESP), de l'Agence de la biomédecine, de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de Santé publique France.

Ainsi, les crédits de ce programme, qui s'élevaient à 690 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2014, ne sont plus que de 220 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024 (- 69 % en dix ans).

À l'inverse, sur la même période, le programme 183 « Protection maladie » quasi-exclusivement destiné à la prise en charge de l'aide médicale d'État, a vu ses crédits très fortement augmenter, passant de 605 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2014 à 1 216 millions d'euros dans la loi de finances pour 2024 (+ 78 %).

B. L'INCA EST LE SEUL OPÉRATEUR RATTACHÉ À LA MISSION POUR SA GESTION FINANCIÈRE

La mission « Santé » ne finance plus que deux opérateurs :

- l'Institut national du cancer (INCa) ;

- et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSèS).

Toutefois, l'ANSèS est placée sous la tutelle conjointe de cinq ministères (ceux en charge de l'agriculture, de l'environnement, de la santé, du travail, de la consommation et des finances). Sa subvention pour charges de service public, qui s'élève pour 2023 à 121,3 millions d'euros, n'est financée qu'à hauteur de 25 millions d'euros par la mission « Santé ». La part principale provient du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Agriculture » (77,1 millions d'euros en AE) et la gestion financière de l'agence relève du ministère en charge de l'agriculture.

Seul l'INCa demeure donc pleinement rattaché à la mission « Santé » qui finance sa subvention pour charges de service public (34,5 millions d'euros pour 2024).

C. DEPUIS LA CRISE SANITAIRE, DE FORTES MAJORATIONS DES CRÉDITS AU MOYEN DE FONDS DE CONCOURS

Alors que la mission « Santé » ne finançait plus que des actions résiduelles en matière de politique de santé publique, hors AME, la crise sanitaire a conduit à lui réaffecter en cours d'exercice un important volume de crédits, par voie de fonds de concours.

Un fonds de concours3(*) rattaché au programme 204 et alimenté par Santé publique France a en effet été créé en mars 2020, pour répondre aux besoins liés à la lutte contre la pandémie (achats de matériels, de masques, de vaccins, dépenses de transport...). Les crédits de ce fonds de concours provenaient de Santé publique France et étaient attribués à la mission « Santé ». On assistait donc à un financement par l'Assurance maladie d'actions relevant du budget de l'État.

En raison de la mise en place de ce fonds de concours, l'exécution budgétaire du programme 204 a très largement dépassé les crédits inscrits en loi de finances initiale : les crédits du programme 204 ont ainsi été majorés, via ce fonds de concours, de 622 millions d'euros en 2020, de 284,4 millions d'euros en 2021 et de 159,4 millions d'euros en 2022.

Répartition des crédits supplémentaires ouverts pour lutter
contre la crise sanitaire au sein du Fonds de concours dédié

(en millions d'euros et en pourcentage)

Nature des dépenses

CP consommés en 2020

CP consommées en 2021

CP consommées en 2022

Évolution 2021/2022

Systèmes d'information

16,6

101,8

100,5

- 1,3 %

TousAntiCovid : 22,7

TousAntiCovid : 22,4

SIDEP : 30,9

SIDEP : 47,0

Plateformes de prise de RDV : 38,8

Plateformes de prise de RDV : 19,4

Communication

2,8

73,2

31,2

- 57,4 %

Distribution de masques aux personnes en situation de précarité

23,5

31,1

10,1

- 67,5 %

Transports

123,4

20,7

2,0

- 90,6 %

Prestations de conseil

2,9

18,7

0,9

- 95,5 %

Matériel médical (masques, tests, respirateurs etc.)

312,2

17

3,6

- 79,1 %

Infrastructure logistique

0,0

15

0,0

- 100,0 %

Agences de santé (dont Wallis-et-Futuna)

1,6

4,5

6,4

+ 42,7 %

Recherche

6,5

1,9

2,4

+ 23,7 %

Divers

0,0

0,5

0,4

- 20,0 %

Vaccins

132,4

0,0

0,0

0,0

Total

622,0

284,4

159,4

- 43,9 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si la consommation de crédits au titre de ce fonds de concours a diminué depuis 2020, les documents budgétaires indiquent que 160 millions d'euros ont été rattachés au programme 204 en 2023, dont 41,3 millions d'euros au titre du fonds financé par Santé publique France et 118,9 millions d'euros au titre de fonds européens.

La mise à disposition de la direction générale de la santé d'un volume de crédits aussi important a largement échappé à l'appréciation du Parlement puisqu'elle n'était prévue ni par les projets de lois de finances initiales, ni par les projets de loi de finances rectificatives.

En outre, comme l'a souligné la Cour des comptes4(*), l'utilisation de la procédure du fonds de concours pour faire financer par Santé publique France et donc par l'assurance maladie, des dépenses du ministère chargé de la santé a favorisé « une confusion des rôles entre SPF et le ministère de la santé ». La Cour a en conséquence recommandé l'extinction du fonds. Aucune recette n'étant prévue au titre du fonds de concours financé par Santé publique France en 2024, il est permis d'espérer que l'extinction a eu lieu.

II. UNE NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE MODIFIÉE POUR RECEVOIR DES FONDS EUROPÉENS

Dans le cadre de la Facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne, la France doit recevoir un montant global de 6 milliards d'euros destinés à soutenir l'investissement dans le secteur hospitalier.

Un premier versement européen de 778 millions d'euros est intervenu en 2021. Il a été transféré à l'Assurance maladie sous la forme de l'affectation d'une fraction de TVA en application de l'article 1er de la seconde loi de finances rectificative pour 20215(*).

Depuis la loi de finances rectificative du 1er décembre 20227(*), ces versements transitent, avant d'être reversés à l'assurance maladie sous forme de crédits budgétaires, par un nouveau programme 379 de la mission « Santé ». Le présent projet de loi de finances reconduit ce programme 379, qui sera doté de 906,9 millions d'euros pour 2024.

Ce programme a également vocation à assurer la compensation à la sécurité sociale des éventuels dons de vaccins effectués à des pays tiers. En 2021, cette compensation avait également été effectuée par affectation d'une fraction de TVA, à hauteur de 600 millions d'euros, dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative.

III. LA STABILITÉ DES CRÉDITS DE L'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT, QUI FAIT SUITE À UNE HAUSSE INÉDITE ENTRE 2022 ET 2023, N'EST QU'APPARENTE

Les crédits du programme 183 « Protection maladie » seront globalement stables, connaissant même une légère diminution (- 0,33 %) entre 2023 et 2024. Comme les années précédentes, la dynamique de ce programme reflète celle des crédits destinés à l'aide médicale d'État (AME), qui représentent plus de 99 % des crédits du programme.

Cette diminution n'est toutefois qu'apparente : en effet, elle fait suite à une hausse importante des crédits de l'AME en loi de finances initiale pour 2023. Par rapport à l'exécution prévue dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 31 octobre 2023 et en cours de discussion, les dépenses d'AME augmenteraient donc de 5,4 % en 2024 ; elles auraient ainsi augmenté de 11,98 % entre 2022 et 2024.

D'ailleurs, la programmation pluriannuelle indique que les crédits du programme 183 augmenteraient de 1,95 % en 2025, puis de 2,79 % en 2026, signe que la dynamique de l'AME a vocation à se maintenir.

Évolution des crédits de la mission « Santé »
à périmètre constant et à périmètre courant

(en millions d'euros)

N° et intitulé du programme

LFI 2023

PLF 2024

Évolution
PLF 2024 /
LFI 2023

204 - Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

212,79

220,08

+ 3,43 %

11 - Pilotage de la politique de santé publique

66,48

69,49

+ 4,53 %

12 - Santé des populations

1,23

1,01

- 17,89 %

14 - Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

52,07

46,99

- 9,76 %

15 - Prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation

29,87

30,45

+ 1,94 %

16 - Veille et sécurité sanitaire

3,61

10,81

+ 199,45 %

17 - Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins

4,38

4,38

-

18 - Modernisation de l'offre de soins

55,15

56,95

+ 3,26 %

183 - Protection maladie

1 220,30

1 216,30

- 0,33 %

02 - Aide médicale d'État

1 212,30

1 208,30

- 0,33 %

03 - Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

8,00

8,00

-

379 - Compensation à la sécurité sociale des dons de vaccins et "Ségur investissement"

1 930,40

906,90

- 53,02 %

TOTAL (hors P379)

1 433,09

1 436,38

+ 0,23 %

TOTAL (périmètre courant)

3 363,49

2 343,28

- 30,33 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS
DE LA MISSION « SANTÉ »

I. DES ÉVOLUTIONS MARGINALES SUR LE PROGRAMME « PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS »

Les dotations inscrites en loi de finances initiale n'ont donné qu'une vision très partielle des actions financées par le programme 204 au cours de ces trois dernières années, puisque celui-ci a bénéficié en cours d'exercice de crédits de fonds de concours très importants pour la gestion de la crise sanitaire. Cette caractéristique devrait toutefois s'atténuer en 2024.

Ce programme est doté de 220 millions d'euros en AE (+ 3,43 %) et de 223,3 millions d'euros en CP (+ 3,37 %) pour 2024. Plus de la moitié des crédits se concentrent sur quatre actions :

- la subvention à l'Agence de santé des îles Wallis-et-Futuna (49,6 millions d'euros) ;

- les actions juridiques contentieuses (41,6 millions d'euros), incluant la subvention de l'État à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des infections iatrogènes (Oniam) ;

- une subvention à l'Institut national du cancer (34,5 millions d'euros) ;

- une subvention à l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés) (25 millions d'euros).

Selon les prévisions pluriannuelles, le programme 204 connaîtrait une légère progression de ses crédits en 2025 (+ 1,23 % en AE), mais devrait subir une baisse de ses dotations en 2026 (- 3,14 % en AE).

A. LES ACTIONS DE SANTÉ PUBLIQUE ET DE SÉCURITÉ SANITAIRE

Beaucoup d'actions financées par ce programme sont extrêmement dispersées, pour des montants généralement faibles, si bien qu'elles paraissent loin de disposer d'une « masse critique » suffisante pour prétendre produire un réel impact sur la réalisation des objectifs de santé publique poursuivis. Le projet annuel de performances énumère à ce titre de nombreuses contributions budgétaires à des plans nationaux ou feuilles de route8(*) dans des domaines qui ont été très largement délégués à des opérateurs aujourd'hui surtout financés par l'assurance maladie.

1. Les subventions aux opérateurs diminuent, du fait d'une baisse de la dotation à l'Institut national du Cancer

Les subventions aux opérateurs représentent à elles seules un peu plus du quart (27 %) des crédits du programme 204. Cette part est en baisse par rapport à 2023 (38 %).

Le projet de loi de finances prévoit en particulier une diminution de 6 millions d'euros (- 14,8 %) de la subvention destinée à l'Institut national du cancer (INCa) dont le plafond d'emplois (131 ETPT) reste stable. Cette subvention est principalement destinée à financer le fonctionnement de l'opérateur - ses dépenses d'intervention étant financées par une autre dotation provenant de la mission « Recherche » pour un montant de 76,4 millions d'euros.

Selon la direction générale de la santé, la diminution de la subvention à l'INCa budgétée sur la mission « Santé » tient à la situation financière très favorable de cet opérateur, qui aurait accumulé 56 millions d'euros en fonds de roulement fin 2022, pour seulement 38 millions de dépenses de fonctionnement.

La lecture du « jaune » budgétaire relatif aux opérateurs de l'État9(*) laisse cependant voir que l'INCa a enregistré un résultat net négatif en 2023, et en déficit de 25,1 millions d'euros, qui conduit à une diminution de 20,3 millions d'euros de son fonds de roulement. De plus, les charges de personnel et de fonctionnement de l'opérateur s'élèvent à 40,2 millions d'euros, un niveau supérieur à sa subvention du programme 204. Enfin, l'INCa a engagé d'importantes dépenses d'intervention en 2023 (158,3 millions d'euros), qui seront décaissées lors d'exercices ultérieurs.

La situation financière de l'INCa constitue donc un point de vigilance pour le rapporteur spécial : s'il est normal et même souhaitable de ne pas subventionner excessivement un opérateur qui bénéficie d'un fonds de roulement confortable, il convient également de lui permettre de mener à bien ses missions. Si à l'avenir un niveau d'excédents trop important était constaté, le rapporteur soutiendrait une diminution de sa subvention ; dans l'hypothèse inverse, il recommanderait a minima de la maintenir à un niveau inchangé.

La subvention à l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSéS) imputée sur la mission « Santé » est augmentée de 2 millions d'euros et atteindra 25 millions d'euros en 2024. Cette hausse a notamment vocation à tenir compte des nouvelles missions qui lui ont été confiées en matière de qualité de l'air et de cosmétique.

2. L'extinction probable du fonds de concours « Santé publique France »

Le fonds de concours « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offre de soins », créé en mars 2020, rattaché au programme 204 et alimenté par Santé publique France, a financé des actions pour des montants dépassant très largement les crédits budgétaires initiaux du programme 204. En crédits de paiement, 622 millions d'euros ont été consommés au titre du fonds de concours en 2020 puis 284,4 millions d'euros en 2021 et 159,4 millions d'euros en 2022, soit un total de 1 065,8 millions d'euros sur trois ans.

Durant ces trois années, le fonds de concours a principalement financé l'achat de matériel médical (masques, tests, respirateurs...), mais aussi des dépenses de transport (transport de matériels et évacuations sanitaires), des commandes de vaccins, des systèmes d'information (Sidep, « TousAntiCovid », plates-formes de rendez-vous vaccinaux), ou la mise en place de numéros verts dédiés.

Comme indiqué précédemment, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 202210(*), la Cour des comptes a recommandé la mise en extinction du fonds de concours. L'évolution intervenue depuis 2020 dans l'usage du fonds de concours a montré que certaines actions relevaient davantage de l'État que d'un opérateur financé par l'assurance maladie. Au vu de cette expérience et alors que les impératifs d'urgence ne peuvent plus être évoqués, une clarification et une stabilisation de la répartition des missions entre l'État et Santé publique France méritent désormais d'être opérées.

Selon le « jaune » budgétaire relatif aux fonds de concours11(*), l'exercice 2023 connaîtrait un abondement de 41,2 millions d'euros au titre du fonds de concours de Santé publique France. Entendue par le rapporteur spécial, la direction générale de la santé a confirmé que seuls des restes à payer subsisteraient en 2024, aucun versement du fonds de concours n'étant prévu pour cette année. Le rapporteur spécial se félicite de cette clarification, attendue par le Sénat et la Cour des comptes depuis plusieurs années.

La nouveauté de l'exercice 2023 consiste en l'attribution de 118,9 millions d'euros au titre du nouveau fonds de concours « Participation de l'Union européenne à la constitution d'un stock de produits médicaux et non médicaux en cas d'événement nucléaire, radiologique, biologique ou chimique ». Aucun versement n'est prévu en 2024.

B. UNE STAGNATION DES DOTATIONS POUR L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA DÉPAKINE

La dotation pour actions juridiques et contentieuses constitue une part importante des crédits du programme 204. Elle est constituée :

- d'une provision destinée aux frais de justice de la direction générale de la santé et de la direction générale de l'offre de soins, fixée à 9,2 millions d'euros pour 2024, soit son niveau de 2023 ;

- d'une dotation versée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) qui reste également stable à 32,38 millions d'euros en 2024, un niveau très proche de 2023.

S'agissant des frais de justice, il faut rappeler qu'une ouverture de crédits de paiement de 33,7 millions d'euros était intervenue lors de la seconde loi de finances rectificative pour 2021 en prévision d'un éventuel aboutissement de la requête du laboratoire Servier visant à obtenir le remboursement par l'État de 30 % des sommes versées dans le cadre de l'indemnisation des victimes du Médiator. Ces crédits ont été reportés sur 2022, mais à la suite de la décision favorable au laboratoire Servier rendue par le tribunal administratif de Paris le 25 mars 2022, le montant du remboursement incombant à l'État a finalement été fixé à 56,7 millions d'euros. La direction générale de la santé a indiqué au rapporteur que de nouveaux contentieux étaient susceptibles de donner lieu à la mobilisation de la provision des frais de justice : la poursuite du contentieux avec Servier dans le cas où de nouvelles victimes demandaient réparation, ainsi qu'un potentiel contentieux avec le groupe Pierre Fabre, dont le jugement est attendu en 2024, pour un montant estimé à environ 7 millions d'euros.

En ce qui concerne la dotation versée à l'ONIAM, elle comporte pour 2023 :

- un montant de 8 millions d'euros correspondant à l'indemnisation des accidents vaccinaux liés aux vaccinations obligatoires survenus depuis le 1er janvier 2006 ainsi que l'indemnisation des victimes des mesures sanitaires d'urgence, y compris l'indemnisation des éventuelles conséquences dommageables de la vaccination contre le Sars-Cov-2 ;

- un montant de 24,4 millions d'euros, identique au montant budgété en 2023, pour l'indemnisation des victimes de la Dépakine (valproate de sodium).

Comme l'a souligné le contrôle présenté par le précédent rapporteur spécial le 28 septembre 2022 devant la commission des finances12(*), le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine se caractérise par une sous-exécution des crédits qui témoigne d'un non recours significatif.

Ainsi, depuis sa création jusqu'au 30 juin 2022, 46,6 millions d'euros ont été engagés et 38 millions d'euros de crédits de paiement ont été consommés, dont 16,8 millions d'euros sur l'année 2021.

En conséquence, la dotation figurant à cet effet sur le programme 204, fixée à plus de 70 millions d'euros jusqu'en 2019, a constamment été abaissée depuis, jusqu'à 24,4 millions d'euros en 2023. Le Gouvernement propose le maintien du même niveau de budgétisation pour 2024, ce qui paraît cohérent avec les dernières prévisions de consommation.

Il demeure difficile d'établir des prévisions de dépenses résultant de ce dispositif d'indemnisation. Les indemnités varient fortement selon les types de préjudices subis. La réforme du processus d'évaluation des dossiers intervenue en 2020, notamment la mise en place d'un collège unique d'experts, constitue une avancée positive, mais sans qu'il soit nécessaire d'entreprendre une nouvelle réforme, des améliorations doivent être apportées pour accélérer le traitement des dossiers et accroître le recours au dispositif. Le rapport précité a émis plusieurs recommandations en ce sens, notamment pour renforcer le collège d'experts et les capacités d'analyse juridique des dossiers et mieux accompagner les familles.

C. UNE LÉGÈRE AUGMENTATION DE LA SUBVENTION À L'AGENCE DE SANTÉ DE WALLIS-ET-FUTUNA

Collectivité d'outre-mer de 11 500 habitants, les îles Wallis-et-Futuna présentent la particularité de ne pas disposer de système de sécurité sociale. Les soins y sont directement pris en charge par l'État, en application d'un principe posé par l'article 68 de la loi de finances pour 1972, et gratuitement délivrés dans les établissements hospitaliers et dispensaires qu'il administre et finance.

Ces fonctions relèvent depuis 200013(*) d'une agence de santé, établissement public national à caractère administratif. L'agence de santé dispose d'un centre hospitalier et de trois dispensaires à Wallis, ainsi que d'un établissement hospitalier, incluant un dispensaire, à Futuna. L'agence assure les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des patients, leur délivre les médicaments et dispositifs médicaux et procède si nécessaire à leur transfert dans un établissement hors du territoire. Elle est également chargée d'élaborer un programme de santé publique.

La situation financière de l'agence est difficile : comme l'a régulièrement souligné la Cour des comptes, l'agence de santé a longtemps connu une situation de sous-budgétisation chronique. Elle avait notamment contracté vis-à-vis du centre hospitalier de Nouméa et de la caisse de sécurité sociale pour la Nouvelle-Calédonie une dette liée aux évacuations sanitaires qui atteignait plus de 20 millions d'euros fin 2014. Celle-ci a pu être remboursée grâce à un prêt de l'Agence française de développement de 26,6 millions d'euros. La dotation intègre chaque année un montant de 1,3 million d'euros correspondant à l'annuité du remboursement de ce prêt qui s'étale sur 20 ans.

Faisant suite à un rapport de l'inspection générale des affaires sociales et du contrôle général économique et financier remis en avril 2019, le Gouvernement a souhaité rehausser sur trois ans la dotation de fonctionnement de l'agence. Celle-ci est ainsi passée de 36,8 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2020 à 49,4 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2022.

Par ailleurs, les besoins de l'agence ont été régulièrement couverts par des redéploiements internes au programme 204 en exécution budgétaire, pour des montants compris entre 6 et 7 millions d'euros supplémentaires par an entre 2017 et 2019. De même, les dépenses supplémentaires liées à la gestion de l'épidémie de Covid-19 ont été couvertes par le fonds de concours alimenté par Santé publique France : ce sont ainsi 6,4 millions d'euros qui ont été mobilisés par ce biais pour soutenir l'Agence durant l'exercice 2022, soit une augmentation de 43 % par rapport à l'exercice 2021.

Ces ressources doivent en particulier permettre à l'Agence de faire face aux nombreux surcoûts auxquels elle est confrontée, notamment les évacuations sanitaires, et les actions de prévention et de santé publique à destination d'une population dont l'état de santé est préoccupant.

Les évacuations sanitaires représentent une part très importante des dépenses de l'agence (près de 35 %). Elles interviennent de Futuna vers Wallis, distantes de 200 kilomètres. Elles s'effectuent également vers la Nouvelle-Calédonie, et plus exceptionnellement vers la métropole, pour les soins relevant de spécialités médicales qui ne sont pas assurées sur l'archipel.

Des efforts ont été entrepris ces dernières années pour améliorer l'offre de soins sur le territoire : acquisition de nouveaux équipements, création de trois postes de médecins, développement de missions de médecins spécialistes pour assurer le suivi des patients sur le territoire, développement de la télémédecine en partenariat avec le CHU de Rennes. La réalisation d'une unité d'hémodialyse sur Futuna, plusieurs fois reportée en raison de marchés déclarés infructueux, est engagée. Ces mesures sont de nature à améliorer les réponses aux besoins de santé des populations du territoire, mais n'atténueront que modestement le recours aux évacuations sanitaires, qui demeureront nécessaires et vouées à représenter un des postes de dépenses principaux de l'agence de santé.

L'augmentation de la dotation de fonctionnement de l'agence réalisée ces dernières années doit également lui permettre de mettre en oeuvre une véritable politique de prévention et de santé publique. En effet, les données relatives à l'état sanitaire de la population sont préoccupantes. La prévalence de l'obésité est particulièrement forte (70 % de la population adulte, 30 % des adolescents), ainsi que celle des pathologies associées (diabète, hypertension, insuffisance rénale).

Pour 2024 le projet de loi de finances prévoit une hausse de 1,5 milliard d'euros de la dotation de fonctionnement, qui s'établirait à 49,6 millions d'euros. Cette augmentation de la dotation doit permettre de couvrir les dépenses nouvelles liées à la révision de la convention collective du personnel mise en oeuvre à compter de 2023, à la suite de mouvements sociaux.

II. UNE STABILITÉ EN TROMPE-L'oeIL DE L'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT

Le programme 183 « Protection maladie » est quasi-exclusivement constitué des crédits destinés à l'aide médicale d'État (AME).

Les différents dispositifs d'aide médicale d'État

L'aide médicale d'État (AME) recouvre plusieurs dispositifs :

1. L'AME de droit commun est consacrée à la protection de la santé des personnes étrangères vivant en France depuis au moins trois mois consécutifs en situation irrégulière et, de ce fait, non éligibles à la protection universelle maladie (PUMa). Ces personnes ne doivent pas disposer de ressources dépassant un certain plafond annuel (9 571 euros pour une personne seule en métropole en 2022). Elle permet un accès de ce public à des soins préventifs et curatifs et doit permettre de juguler le risque d'extension d'affections contagieuses non soignées au sein de la population. Gérée par l'assurance maladie, elle représente 1 137 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances, soit 94,1 % des crédits de l'action n° 2 ;

2. L'AME pour soins urgents concerne les étrangers en situation irrégulière, sans condition de résidence, dès lors que leur pronostic vital est engagé ou qu'ils sont victimes d'une altération grave et durable de leur état de santé. Les soins sont réglés par l'assurance maladie, qui bénéficie d'une subvention forfaitaire versée par l'État. Cette dotation a été portée à 70 millions d'euros en 2022, pour s'ajuster aux dépenses effectivement constatées, et son montant est inchangé pour 2024 ;

3. Enfin, de manière beaucoup plus limitée et pour un montant évalué à 1 million d'euros pour 2023, identique à celui de 2023, sont financées par l'AME :

- L'AME humanitaire, qui vise les prises en charge ponctuelles de soins hospitaliers de personnes françaises ou étrangères ne résidant pas sur le territoire. Cette couverture est accordée au cas par cas par le ministère chargé de l'action sociale et doit permettre, chaque année, à une centaine de personnes disposant de faibles revenus de régler une dette hospitalière ;

L'aide médicale accordée aux personnes gardées à vue qui se limite à la prise en charge des médicaments - si l'intéressé ne dispose pas des moyens nécessaires à leur acquisition - et aux actes infirmiers prescrits, ainsi que l'aide médicale fournie aux personnes placées en rétention administrative pour les soins prodigués à l'extérieur des lieux de rétention.

Ces deux dispositifs donnent lieu à des délégations de crédits aux directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités.

Source : commission des finances du Sénat

Il comporte également une dotation de 8 millions d'euros destinée au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) dont le montant, inchangé depuis 2017, ne représente qu'un très faible part des ressources du fonds (458,5 millions d'euros prévus en 2024), celles-ci étant majoritairement constituées d'une dotation de la branche « accidents du travail - maladies professionnelles » de la sécurité sociale. Cette dotation est versée au titre de la prise en charge, par la solidarité nationale, de l'indemnisation des victimes non professionnelles de l'amiante.

L'aide médicale d'État, pour sa part, semble connaître une stagnation de ses crédits (- 0,33 %) entre 2023 et 2024, passant de 1 212,3 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2023 à 1 208,3 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024.

Une telle stabilité est cependant illusoire : comme indiqué précédemment, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 prévoit en effet d'annuler 65,8 millions d'euros sur le programme 183, portant les crédits ouverts pour 2023 à « seulement » 1 146 millions d'euros. Les crédits demandés pour 2024 sont en hausse de 5,4 % par rapport à l'exécution attendue en 2023.

Évolution des dépenses de l'aide médicale d'État

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

A. L'AME CONNAÎTRAIT UNE HAUSSE DE SES DÉPENSES ET DU NOMBRE DE SES BÉNÉFICIAIRES

En dépit d'une progression soutenue du nombre moyen de bénéficiaires sur l'année (+ 11,6 %), les dépenses d'AME de droit commun ont reculé en 2020 (- 5,5 %). Inversement, on constate en 2021 une moindre progression du nombre moyen de bénéficiaires (+ 3,3 %) et une nette augmentation des dépenses (+ 9,8 %).

En 2023, l'augmentation du nombre moyen de bénéficiaires sur l'année se poursuivait au même rythme qu'en 2022 (+ 5,2 % en 2022, + 5,6 % au premier trimestre 2023).

De même, après une faible augmentation entre 2021 et 2022 (+ 2 %) et une forte hausse en 2023 (+ 13 %), la progression des dépenses d'AME retrouverait en 2024 son rythme tendanciel d'avant crise, à 5,4 %.

Évolution du nombre moyen de bénéficiaires
et des dépenses d'AME de droit commun

(en millions d'euros et en nombre de bénéficiaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

On comptait, fin 2022, 411 364 bénéficiaires de l'AME de droit commun, soit environ 31 000 de plus qu'un an auparavant (380 762). Le nombre de bénéficiaires était en hausse au 1er trimestre 2023 (422 686), soit une hausse de 2,75 % en trois mois.

Le dispositif est significativement concentré sur l'Île-de-France, qui totalise plus de la moitié des bénéficiaires, et la Guyane, qui en représente plus de 10 % ; il n'est pas applicable à Mayotte. Dans ce département, une participation forfaitaire est demandée aux patients en situation irrégulière, dont le nombre est difficile à évaluer14(*). L'essentiel des frais de santé correspondants est financé par l'assurance maladie, sur les crédits du Fonds d'intervention régional15(*) (FIR).

Nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun en fin d'année

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023 (2)

Métropole

286 669

285 365

296 271

339 745

340 282

365 171

376 973

dont Île-de-France

165 612

163 202

168 768

194 183

190 159

201 819

206 115

Outre-mer (1)

29 166

32 741

38 275

43 154

40 480

46 193

45 713

dont Guyane

25 178

29 533

34 510

39 145

36 566

40 870

39 966

Total

315 835

318 106

334 546

382 899

380 762

411 364

422 686

(1) Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion. L'AME ne s'applique pas à Mayotte.

(2) Les données après le premier trimestre 2023 ne sont pas disponibles à ce jour.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

B. L'EFFET DES MESURES PRISES DEPUIS 2020 EST LIMITÉ

Plusieurs autres mesures sont entrées en vigueur à partir du 1er janvier 2020 afin de mieux prévenir les risques de fraudes et de détournements abusifs du dispositif de l'AME.

Depuis le 1er janvier 2020, une condition de durée minimale de séjour irrégulier de trois mois est nécessaire pour obtenir le bénéfice de l'AME16(*), afin d'éviter un accès immédiat au dispositif dès l'expiration d'un visa touristique ; de même, une obligation de dépôt physique de la première demande d'AME17(*) a été instituée à compter du 1er janvier 2020.

À compter du second semestre, les caisses primaires d'assurance maladie ont commencé, par l'interrogation de la base Visabio, à pouvoir vérifier que les demandeurs ne disposaient pas d'un visa en cours de validité, situation devant les exclure du bénéfice de l'AME. Une proportion de 6 % de détenteurs de visas a été identifiée parmi les demandeurs, mais un sondage mené au printemps sur un échantillon de dossiers a montré que 90 % des cas détectés correspondaient à des visas échus depuis plus de trois mois, seul un dixième des cas s'étant donc traduit par un rejet de la demande.

Depuis le 1er janvier 2021, le bénéfice de certaines prestations programmées et non urgentes est subordonné à un délai d'ancienneté de neuf mois de bénéfice de l'AME18(*). Pour les cas les plus urgents ne pouvant attendre le délai d'ancienneté, la prise en charge par l'AME est également possible après accord préalable du service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie. Selon les informations communiquées au rapporteur par le Gouvernement, 8 demandes d'accord préalable seulement avaient été dénombrées par l'assurance maladie au premier semestre 2021 et 2 avaient fait l'objet d'un refus de prise en charge.

L'effet de ces différentes mesures apparaît toutefois limité. En effet, le projet annuel de performances indique que « le montant des crédits ouverts pour l'AME de droit commun intègre 20 millions d'euros de moindres dépenses en 2024 au titre des diverses mesures mises en place depuis 2020 », à comparer avec le montant total de l'AME, de 1 208 milliards d'euros.

C. UNE RÉFORME STRUCTURELLE DE L'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT DEMEURE NÉCESSAIRE

L'absence d'articulation entre politique de l'immigration et prise en charge des soins délivrés aux étrangers en situation irrégulière met une nouvelle fois en cause la pertinence de l'inclusion de l'AME à la mission « Santé ».

Le rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances d'octobre 201919(*) avait relevé, dans la dépense de soins des bénéficiaires de l'AME et son évolution, des atypies qui « renforcent de façon convaincante l'hypothèse d'une migration pour soins » et considéré « comme une priorité la lutte contre la fraude et les abus, qui fragilisent l'acceptabilité politique du dispositif ».

Certaines actions ont été engagées depuis juin 2019 dans le cadre d'un programme national de contrôle, mais les fraudes détectées représentaient des montants assez modestes (0,5 million d'euros en 2020, 0,9 million d'euros en 2021). Les modifications intervenues en 2020 dans le régime de l'AME ont pour partie été en ce sens, mais d'autres recommandations n'ont semble-t-il été que peu prises en compte.

Les inspections recommandaient notamment, dans une optique de lutte contre la fraude, de sécuriser dès l'instruction des demandes l'usage des attestations d'hébergement comme preuve de résidence et de renforcer la vérification de la condition de ressources, notamment auprès des consulats lorsque le demandeur a été détenteur d'un visa. Or la pièce d'identité de l'hébergeur n'est pas exigée pour les demandes d'AME, ni d'ailleurs pour les autres prestations, et la sollicitation des consulats ne paraît pas avoir été suivie d'effet.

Les inspections préconisaient également, afin de détecter les suspicions de migration pour soins, de permettre aux consulats et à la police aux frontières de connaître les bénéficiaires de l'AME et les redevables d'une créance hospitalière, grâce à la constitution d'un fichier centralisé des impayés hospitaliers. Un projet de décret a récemment été établi sur le premier point et fait l'objet d'une saisine de la Cnil. Quant au signalement des impayés hospitaliers, il suppose que les établissements de santé concernés renseignent la nationalité des patients, ce qui n'est le plus souvent pas le cas.

Face au rythme soutenu d'augmentation des dépenses et à l'effet limité des contrôles et vérifications, qu'il faut bien entendu renforcer, il est légitime de s'interroger sur l'étendue des soins pris en charge, qui est notablement plus large que celle assurée dans les autres pays européens pour les étrangers en situation irrégulière.

Dans la plupart d'entre eux, seuls les soins urgents, les soins liés à la maternité, les soins aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans des programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement :

- au Danemark, en Espagne et en Italie, l'assistance sanitaire pour les étrangers en situation irrégulière est limitée aux cas d'urgence, de maternité ou de soins aux mineurs. Les personnes concernées peuvent également bénéficier, en Espagne et en Italie, des programmes de santé publique, notamment en matière de vaccination ou de prévention des maladies infectieuses ;

- en Allemagne, seul l'accès gratuit aux soins urgents est garanti : traitement de maladies graves et de douleurs aigües, grossesses, vaccinations réglementaires et examens préventifs ;

- en Belgique, les soins dits « de confort », tels que déterminés dans la nomenclature locale ne sont pas remboursés aux centres publics d'action sociale qui les dispensent aux personnes en situation irrégulière dépourvues de ressources ;

- au Royaume-Uni, pour les prises en charge hospitalière, les étrangers qui ne disposent pas du statut de résident doivent s'acquitter d'avance du coût des soins, avant que l'acte ne soit réalisé, selon un tarif supérieur de 50 % à celui du NHS ; l'avance des frais n'est pas requise lorsque le praticien atteste d'une urgence médicale.

Par l'éventail des soins couverts, l'AME constitue ainsi, par rapport aux dispositions appliquées dans les principaux pays voisins, une exception difficile à justifier. Pour ces raisons, la commission des lois du Sénat a adopté, à l'occasion de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, un amendement20(*) de notre collègue Françoise Dumont portant réforme de l'AME en une aide médicale d'urgence (AMU), comparable aux autres dispositif existant en Europe.

Ce dispositif s'inspire de plusieurs amendements adoptés par le Sénat, souvent à l'initiative de sa commission des finances. Il comporte en outre une disposition prévoyant le rétablissement d'un « droit d'entrée » afin de bénéficier de l'AME, qui avait été adopté dans la loi de finances pour 2011 et abrogé en 2012. Ce dispositif, qui pourrait engendrer jusqu'à 410 millions d'euros d'économies, paraît satisfaisant. Il convient d'en tirer les conséquences budgétaires lors de l'examen de la mission « Santé ». Tel est l'objet de l'amendement de crédits que le rapporteur spécial propose.

III. DES PROGRAMMES ÉPHÉMÈRES QUI INTERROGENT QUANT AUX INTENTIONS DU GOUVERNEMENT ET AUX AMBITIONS DÉVOLUES À LA MISSION « SANTÉ »

A. LUTTE CONTRE LA FRAUDE SOCIALE : QUEL RESPECT DES DÉCISIONS DU PARLEMENT ?

Créé à l'occasion de la loi du 16 août 2022 de finances rectificatives pour 202221(*) aux fins de lutter contre la fraude aux prestations sociale par le développement d'une solution d'identification des assurés sociaux par la biométrie, le programme 378 « Carte Vitale biométrique » n'a été que faiblement exécuté avant sa disparition, le Gouvernement n'ayant pas daigné faire prospérer le dispositif.

Initialement doté de 20 millions d'euros en AE et en CP, le programme 378 a fait l'objet d'une exécution que le rapporteur spécial d'alors avait qualifié de « peu soucieuse des prérogatives parlementaires22(*). » En effet, les crédits ouverts au titre de ce nouveau programme n'ont été exécutés qu'à hauteur de 4,3 millions d'euros.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le texte initial ne comprenait plus le programme 378. Réintroduit par le Sénat contre l'avis du Gouvernement, qui s'y était opposé en indiquant qu'une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) était en cours, il n'a pas été retenu lors de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement en lecture définitive.

Faisant suite à ces débats, un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a été demandé par le Gouvernement. Remis en avril 2023, ce rapport a considéré que la mise en oeuvre d'une solution biométrique intégrée à la carte Vitale serait onéreuse (925 millions d'euros) et difficile à mettre en oeuvre. Pour les inspections, il existe des solutions alternatives à la biométrie afin d'atteindre les objectifs fixés :

- l'Application carte Vitale (ApCV), en cours de développement, offre la possibilité de disposer d'une version dématérialisée de la carte Vitale sur un smartphone. Elle permettrait aux usagers de suivre leurs dépenses ; quant aux professionnels de santé et à l'assurance maladie, elle leur permet de facturer plus facilement. L'assurance maladie prévoit à terme un large déploiement de ce dispositif. Dans ce cadre, un enrôlement biométrique, par reconnaissance faciale, est prévu pour activer l'application et garantir la cohérence entre l'identité de l'assuré et l'utilisateur du smartphone.

- l'inscription du numéro de sécurité sociale sur la carte d'identité électronique (CNIe), qui est également à l'étude, y compris dans le « plan fraude » du ministre des Comptes publics. Cette option présente plusieurs avantages, bien que la direction de la sécurité sociale ait informé le rapporteur des potentielles difficultés pratiques que soulèverait sa mise en oeuvre.

Désireux de réaffirmer la volonté du Sénat que soient utilisés les crédits ouverts en 2022 tout en prévoyant une solution qui puisse être utile à l'administration dans le développement d'une réponse commune contre les fraudes, le rapporteur a souhaité proposer une nouvelle fois la création d'un programme dédié.

Ne reste plus, pour le Gouvernement qu'à s'emparer de cette opportunité de faire progresser l'effort de lutte contre les fraudes.

B. LE PROGRAMME 379 : LA MISSION « SANTÉ » EST-ELLE DEVENUE L'OMBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ?

Dans le cadre de la Facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne, la France doit recevoir un montant global de 6 milliards d'euros destinés à soutenir l'investissement dans le secteur hospitalier.

Ces versements transitent, avant d'être reversés à l'assurance maladie sous forme de crédits budgétaires, par un nouveau programme 379 de la mission « Santé »23(*). Cette enveloppe financée par l'État se décompose comme suit :

2,5 milliards d'euros pour le soutien aux projets d'investissements courants et d'investissements structurants dans les établissements de santé ;

1,5 milliard d'euros pour le soutien aux projets d'investissement dans les établissements médico-sociaux, en particulier les EHPAD, comportant également des aides aux « investissements du quotidien » et des investissements immobiliers ;

2 milliards d'euros pour les projets d'amélioration des outils numériques en santé. Quatre domaines sont identifiés : les infrastructures numériques de l'État (dossier médical partagé, espace numérique de santé...), l'interopérabilité et la sécurité des logiciels du parc installé, l'accompagnement de la transformation et l'incitation à l'usage par les professionnels et le rattrapage numérique du secteur médico-social.

Les fonds européens doivent être versés à la France de manière échelonnée entre 2021 et 2026.

Comme précédemment indiqué, l'État a déjà versé à la sécurité sociale en 2021 un montant de 778 millions d'euros, sous forme d'affectation d'une fraction de TVA. En 2022, le reversement des fonds européens par crédits budgétaires a été réalisé via un versement de 1 125 millions d'euros sur le programme 379. En 2023, le projet de loi de finances de fin de gestion propose l'ouverture de 190 millions d'euros sur le programme 379, en sus des 1 930,4 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale, soit un montant ouvert en fin d'année de 2 020,4 millions d'euros. Ce sont ainsi 3 923,4 millions d'euros qui ont été versés à la France dans ce cadre entre 2021 et 2023.

En 2024, le programme doit recevoir les crédits européens à hauteur de 906,9 millions d'euros.

Dans sa note d'analyse budgétaire sur l'exercice 202224(*), la Cour des comptes a souligné « la nature technique et le caractère peu cohérent de l'ensemble formé par les deux actions composant le programme 379 ». Ainsi, ce programme « apparait moins comme portant une politique publique en tant que telle que comme un simple outil de compensation financière entre l'État et la Sécurité sociale ». Plus globalement, le rapporteur spécial s'interroge sur la raison d'être de la mission « Santé », et regrette qu'elle soit réduite à perdurer dans l'ombre de la sécurité sociale.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Dans le texte considéré comme adopté en première lecture par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, les crédits de la mission « Santé » ont été modifiés par un amendement n° II-4591 de Mme Véronique Louwagie, du groupe Les Républicains, et plusieurs de ses collègues, majorant les crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de 1 million d'euros en AE et en CP afin de relancer la campagne de communication en faveur de l'indemnisation des victimes de la Dépakine.

Cette majoration est gagée à due concurrence sur les crédits de l'action n° 02 « Aide médicale d'État » du programme 183 « Protection maladie », relative à l'aide médicale d'État. Le Gouvernement n'a pas levé le gage dans le texte considéré comme adopté en vertu de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Ainsi, le montant total des crédits de la mission n'évolue pas entre le dépôt à l'Assemblée nationale et la transmission au Sénat du projet de loi de finances pour 2024.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 7 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, sur la mission « Santé ».

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - La mission « Santé » s'amenuise d'année en année. Chaque année, mon prédécesseur, Christian Klinger, émettait des doutes sur la pertinence de cette mission, et il est vrai qu'il y a des raisons de s'interroger.

De nombreuses actions financées par le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » ont été transférées à l'assurance maladie au fil des années. Les dépenses restantes se concentrent sur quatre postes principaux : dépenses de contentieux, prise en charge du système de santé à Wallis-et-Futuna, subventions pour l'Institut national du cancer (INCa) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), lesquels reçoivent aussi des crédits d'autres missions.

La dotation de l'Institut national du cancer connaîtrait une diminution de 6 millions d'euros en 2024. L'Institut aurait en effet accumulé des excédents ces dernières années, et s'est constitué un fonds de roulement important qui justifie une baisse de sa dotation de fonctionnement. Toutefois, ses comptes semblent en déficit ; la situation financière de l'INCa constitue donc un point de vigilance et pourra faire l'objet, pour les années à venir, de mesures d'économies ou d'abondements, selon l'évolution de son solde.

Néanmoins, au cours des trois dernières années, l'État a rapatrié sur ce programme, pour les besoins de la gestion de la crise sanitaire, des crédits provenant de l'assurance maladie, en créant un fonds de concours alimenté par Santé publique France. Ce sont au total un peu plus de 1 milliard d'euros qui ont été consommés à ce titre entre 2020 et 2022. En 2023, il est prévu un abondement plus modeste de 41,2 millions d'euros au titre du fonds de concours, aucun versement n'étant prévu en 2024. Nous avions émis le souhait, et la Cour des comptes en avait fait de même, de voir cette façon de faire se tarir. Seuls des restes à payer subsistent en 2024, je suis satisfait que l'extinction de ce fonds semble en voie d'être atteinte.

Comme les années précédentes, le programme 204 finance également un grand nombre d'actions extrêmement dispersées, pour des montants généralement faibles. Ces dernières paraissent loin de disposer d'une masse critique suffisante pour produire un réel impact sur les objectifs de santé publique.

Le nouveau programme 379, créé à la fin de l'année 2022, recueille les crédits européens de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) européenne destinés à la France, qui soutiennent le volet investissement du Ségur de la santé. Ce volet représente un montant total de 19 milliards d'euros, dont 6 milliards d'euros proviennent de cette facilité de relance européenne. Entre 2021 et 2023, un peu plus de 2 milliards d'euros ont été versés à la mission « Santé » par ce biais.

Si ce programme améliore la traçabilité des fonds européens, il ne constitue toutefois qu'un simple canal de transmission à l'assurance maladie et ne redonne aucune substance particulière à la mission « Santé » en termes de politique publique.

Par ailleurs, je rappelle que, sur l'initiative du Sénat, un programme relatif à la carte Vitale biométrique a été créé dans le cadre de la mission « Santé » pour améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude. Toutefois, ce programme n'a pas été reconduit par le Gouvernement.

Depuis, l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale des affaires sociales (Igas) ont rendu un rapport qui met en avant le coût important et les difficultés de mise en oeuvre d'une carte Vitale biométrique. Il semble judicieux d'en prendre acte, tout en réaffirmant la volonté du Sénat de soutenir l'émergence de solutions contre la fraude aux prestations sociales. Ainsi, je vous proposerai de financer, à hauteur de 5 millions d'euros, deux développements d'ores et déjà envisagés et qu'il convient d'accélérer pour un déploiement rapide, à savoir la dématérialisation de la carte Vitale par le biais d'une application ainsi que la fusion entre la carte Vitale et la carte nationale d'identité électronique.

J'en viens enfin à l'aide médicale d'État (AME) qui constitue l'élément principal de la mission « Santé ». Les dépenses d'AME représenteraient environ 1,2 milliard d'euros en 2024, un montant qui semble en légère diminution, de 0,33 %, par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023.

Il s'agit toutefois d'une diminution en trompe-l'oeil, faciale, le montant consacré à l'AME ayant été largement surestimé dans la loi de finances initiale pour 2023. Les dernières prévisions d'exécution indiquent des dépenses d'AME moindres que prévu, et le projet de loi de finances de fin de gestion demande l'annulation de 65,8 millions d'euros de crédits liés à l'AME.

En 2024, les dépenses d'AME progresseraient donc de 5,4 % par rapport à l'exécution attendue pour 2023. Cette évolution résulte notamment de la hausse du nombre de bénéficiaires de l'AME : alors qu'ils étaient plus de 380 000 à la fin de 2021, ce nombre est passé à plus de 411 000 à la fin de 2022 et à plus de 422 000 à la fin du premier trimestre 2023.

Pour endiguer cette augmentation continue, des mesures de régulation ont été mises en place depuis 2020 : pour prendre quelques exemples, depuis le 1er janvier 2020, une condition de durée minimale de séjour irrégulier de trois mois est nécessaire pour obtenir le bénéfice de l'AME, afin d'éviter un accès immédiat au dispositif dès l'expiration d'un visa touristique ; de même, une obligation de dépôt physique de la première demande d'AME a été instituée à compter du 1er janvier 2020.

L'impact de ces mesures de régulation apparaît toutefois très limité, puisqu'il est estimé à seulement 20 millions d'euros en 2024, alors que les dépenses d'AME s'élèvent à plus de 1,2 milliard d'euros.

Ces éléments conduisent à reposer la question, plusieurs fois abordée dans notre assemblée, de l'étendue des soins pris en charge par l'AME. À ce titre, je rappelle que, dans la plupart des pays européens, seuls les soins urgents, les soins liés à la maternité, les soins aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans le cadre de programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement pour les étrangers en situation irrégulière. Par l'éventail des soins couverts, l'AME constitue une exception par rapport aux pays voisins. Celle-ci semble difficile à justifier dans un contexte d'augmentation continue et non maîtrisée de la charge budgétaire qu'elle constitue.

À la faveur de l'examen, actuellement en cours devant le Sénat, du projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, et dans la continuité de dispositions adoptées par notre assemblée à plusieurs reprises à l'initiative de la commission des finances, la commission des lois a adopté un article 1er . Cet article tend à transformer l'aide médicale d'État en une aide médicale d'urgence (AMU), couvrant le traitement des maladies graves et les soins urgents, les soins liés à la grossesse et ses suites, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.

Une telle AMU rapprocherait le dispositif de prise en charge des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière de ceux qui sont en vigueur dans les principaux pays voisins, l'AME constituant en Europe une exception difficile à justifier dans un contexte d'augmentation continue des dépenses et de non-maîtrise de la charge budgétaire correspondante.

Le texte adopté procède également au rétablissement d'un « droit d'entrée » pour bénéficier de l'AME, visant à responsabiliser ses bénéficiaires et à assurer partiellement son financement. Un tel droit d'entrée avait déjà été introduit par la loi de finances initiale pour 2011, avant d'être abrogé l'année suivante.

C'est pourquoi je vous propose d'adopter un amendement tirant les conséquences des dispositions adoptées dans le cadre de l'examen du projet de loi « Immigration ». En additionnant les gains attendus de la restriction du panier de soins, soit 350 millions d'euros comme les années précédentes, et du rétablissement du droit d'entrée abrogé en 2012 - environ 60 millions d'euros -, cet amendement permettrait de réaliser une économie estimée à 410 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Je propose donc l'adoption des crédits de la mission, assortis de ces modifications.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Certes, l'ampleur de la mission « Santé » se réduit, mais pas sur deux points sur lesquels je souhaite revenir.

D'abord, la lutte contre la fraude. Si les inspections missionnées estiment que la mise en place d'une carte Vitale biométrique est une solution onéreuse et inadaptée, quelles solutions proposez-vous ? Le précédent ministre des comptes publics, M. Gabriel Attal, avait évoqué sa volonté de lutter contre les fraudes sociales. Sans outil de mesure, cela reste du bavardage... Avez-vous obtenu des éléments de réponse sur ce point lors de vos auditions ?

Ensuite, l'évolution de l'AME vers une AMU permet d'apporter des solutions conformes aux besoins tout en étant empreintes d'humanité, et de faire preuve d'une relative maîtrise de la dépense. Nous ne parvenons pas à maîtriser l'augmentation des dépenses : c'est la raison pour laquelle les éléments proposés, y compris la réduction de l'enveloppe de crédits, recueillent mon soutien.

M. Grégory Blanc. - Sait-on ce que représenterait, en termes de diminution du volume de l'AME, une régularisation plus large et un accès plus rapide au travail des personnes en situation irrégulière ?

Par ailleurs, quelles préconisations formulez-vous pour renforcer le recours à l'AME dans le cadre d'une prise en charge en ville ? En effet, cela permettrait de diminuer les coûts car on constate un surrecours aux soins hospitaliers.

M. Christian Bilhac. - Je suis d'accord pour retirer 410 millions d'euros à l'AME mais, par prudence, il faudrait les verser à l'AMU. Car je crains que, par un jeu de chaises musicales, les personnes écartées de l'AME se réfugient dans l'AMU, et qu'au final il ne s'agisse que d'effets d'annonce - et pas d'efforts de gestion. L'AMU risque de coûter plus cher.

M. Victorin Lurel. - Si nous approuvons l'appréciation du rapporteur sur l'attrition des moyens octroyés à cette mission, nous ne partageons pas du tout sa conclusion. In cauda venenum ! En l'occurrence, le venin, c'est le programme 183 et l'amendement de réduction de 410 millions d'euros qui est proposé, sur un constat que nous ne partageons pas, à savoir une dynamique tendancielle des dépenses de l'AME de plus de 5 %.

Alors que nous ne comprenions déjà pas la baisse proposée par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances (PLF), vous allez plus loin, en disant que c'était facial, nominal, qu'il faut tenir compte d'un sous-dimensionnement en loi de finances initiale et réduire les dépenses octroyées à l'AME.

C'est la dignité de la France et une certaine conception de l'homme qui sont en cause ! L'AME ne représente que 0,49 % des dépenses de santé, et à peu près 51 % seulement des personnes qui y sont éligibles en bénéficient. Ces données ne sont pas qu'allégations. D'après les conclusions provisoires du rapport commandé par la Première ministre à MM. Evin et Stefanini, l'AME n'est pas un facteur d'attractivité pour les étrangers et il n'y a aucun abus de droit. Pardonnez-moi, mais le nouvel article que la majorité sénatoriale souhaite introduire dans le projet de loi « Immigration et intégration » ne fait pas honneur à la République française !

Il faudrait suivre d'autres pays européens, qui auraient régulé autrement leur aide médicale d'État... Je déplore la contamination par une certaine idée de l'homme inspirée d'une droite très extrême qui est en train de se faire jour ici - au-delà du sénateur, c'est l'homme qui parle.

Notre groupe s'opposera à l'adoption de ces amendements et aux crédits de cette mission.

M. Christian Klinger. - J'ai une question concernant l'indemnisation des victimes de la dépakine et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam). On sait que l'étude des dossiers est longue et fastidieuse. L'Oniam s'était engagé à réduire les délais d'instruction et d'indemnisation des victimes. Peut-on le constater ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, il ne faut effectivement pas lâcher l'affaire en matière de lutte contre la fraude, même si l'Igas, dans un rapport dont nous prenons acte, affirme que la carte Vitale biométrique, que nous promouvions, n'est pas la bonne solution.

Deux autres pistes peuvent être explorées. La première est l'Application carte Vitale : elle permettrait de lutter contre la fraude, de faciliter les démarches et de moderniser notre système de soins, avec un accès sur smartphone par reconnaissance faciale, donc via la biométrie. Les travaux d'expérimentation ont été menés. La Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) anticipe, à terme, une large diffusion du dispositif, qui serait développé progressivement.

La seconde est la fusion de la carte Vitale avec la carte nationale d'identité (CNI). Cette piste figurait dans le plan de lutte contre la fraude du ministre des comptes publics Gabriel Attal. Une mission de l'Igas est en cours pour étudier les modalités de réalisation de ce chantier. Le dernier rapport que l'inspection a remis sur le sujet, en avril 2023, jugeait la piste plutôt prometteuse.

L'an dernier, nous avons voté un amendement de 20 millions d'euros, sur lesquels 4,3 millions d'euros ont été dépensés. Cette année, nous proposons 5 millions d'euros, pour montrer que nous n'abandonnons pas ces pistes et que nous souhaiterions que le Gouvernement fasse de même. Ce montant assez raisonnable devrait tout de même permettre d'avancer sur les deux pistes que j'ai évoquées, si possible rapidement.

Pour ce qui concerne l'AME, notre collègue Grégory Blanc déclare que les régularisations pourraient avoir un impact. Il est évident que, s'il y a moins de travailleurs irréguliers, et même si 50 % seulement font appel à l'AME, le nombre de prestataires sera réduit !

Nous ne proposons pas de supprimer l'AME, monsieur Bilhac : nous proposons de la transformer en aide médicale d'urgence. Supprimer 410 millions d'euros, c'est simplement s'aligner sur la moyenne européenne. La France a, une nouvelle fois, été très généreuse. Au reste, les propositions qui ont été adoptées au Sénat sont en phase avec ce qui se fait dans les autres pays européens, comme l'Allemagne, le Royaume-Uni ou le Danemark, lesquels ne sont pas des pays inhumains qui repoussent les immigrés !

Cette évolution est raisonnable si l'on veut retrouver la maîtrise de nos finances publiques. C'est dans ce sens qu'il faut aller.

S'agissant de la dynamique des dépenses, cher Victorin Lurel, ce sont les sommes inscrites au début de l'année dernière qui connaissent une baisse de 0,33 %, mais les réalisations de 2023 devraient être inférieures à ce qui avait été inscrit. Ce sont 65,8 millions d'euros qui vont être annulés.

J'ai comparé le budget inscrit pour 2024 avec ce que l'on envisage de réaliser pour 2023 : c'est ainsi que l'on trouve 5,4 % d'augmentation. Ce n'est tout de même pas négligeable ! Et que l'on se mette en accord avec ce que l'on a voté sur le projet de loi « Immigration » en cours de discussion me paraît aussi assez logique.

Je vous rappelle enfin qu'un rapport de l'Igas de 2019 constatait l'existence d'une immigration pour soins. On ne saurait donc nier celle-ci, même si elle ne concerne pas la totalité des 411 000 personnes qui profitent des prestations de l'AME.

Mon cher collègue Christian Klinger, malheureusement, rien n'a changé concernant la dépakine et l'Oniam, ni le temps d'étude des dossiers ni la dotation budgétée sur la mission « Santé ». Je suis désolé de ne pouvoir vous rassurer sur ce sujet.

Article 35

M. Claude Raynal, président. - L'amendement II-7 (FINC.1) a pour objet de diminuer de 410 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action « Aide médicale de l'État » du programme 183.

L'amendement II-7 (FINC.1) est adopté.

M. Claude Raynal, président. - L'amendement II-8 (FINC.2) vise à prévoir 5 millions d'euros dans le cadre d'un nouveau programme « Sécurisation de la carte Vitale ».

L'amendement II-8 (FINC.2) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Santé », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Santé » tels que modifiés par ses amendements.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la santé

- Mme Danielle METZEN-IVARS, cheffe du service des politiques d'appui au pilotage et de soutien et secrétaire générale ;

- Mme Athina ALÉONARD, cheffe du bureau budgétaire.

Direction de la sécurité sociale

- M. Morgan DELAYE, chef de service, adjoint au directeur de la sécurité sociale ;

- M. Thomas RAMILIJAONA, adjoint au sous-directeur du financement de la sécurité sociale ;

- Mme Marion MUSCAT, adjointe à la sous-directrice de l'accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 Amendement COM-3.

* 2 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 3 FDC 1-2-00640 « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offres de soins ».

* 4 Cour des comptes, mission « Santé », Note d'exécution budgétaire sur l'exercice 2022.

* 56 Loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificatives pour 2022.

* 7 Programme 379, « Compensation à la Sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) ».

* 8 Nutrition et santé, santé environnement, santé mentale et psychiatrie, maladie d'Alzheimer...

* 9 Annexe au projet de loi de finances pour 2024, « Opérateurs de l'État ».

* 10 Cour des comptes, mission « Santé », Note d'exécution budgétaire sur l'exercice 2022.

* 11 Annexe au projet de loi de finances pour 2024, « État récapitulatif des crédits des fonds de concours et attributions de produits ».

* 12 Le dispositif d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine : mieux anticiper pour mieux indemniser - Rapport d'information n° 904 (2021-2022) de M. Christian Klinger.

* 13 Ordonnance n° 2000-29 du 13 janvier 2000 portant création d'une agence de santé et extension ou adaptation de certaines dispositions du code de santé publique aux îles Wallis-et-Futuna.

* 14 Selon l'Insee, en 2015, la moitié des étrangers non natifs de Mayotte se trouvait en situation administrative irrégulière (Insee analyses La Réunion Mayotte, n° 12, mars 2017), soit sans doute plus de 40 000 personnes compte tenu du nombre d'étrangers nés à l'étranger, évalué à près de 82 000 en 2017 (Insee, « À Mayotte, près d'un habitant sur deux est de nationalité étrangère », Insee Première, n° 1737, février 2019).

* 15 Voir à ce sujet le rapport d'information n° 833 (2021-2022) de la commission des affaires sociales : Mayotte : un système de soins en hypertension - juillet 2022.

* 16 Article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 17 Article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 18 Articles L. 251-1 et R. 251-4 du code de l'action sociale et des familles.

* 19 L'aide médicale d'État : diagnostic et propositions.

* 20 Amendement COM-3.

* 21 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 22 M. Christian Klinger, Rapport n° 771 (2022-2023), Annexe n° 28, 28 juin 2023.

* 23 Programme 379, « Compensation à la Sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet `Ségur investissement' du plan national de relance et de résilience (PNRR) ».

* 24 Cour des comptes, mission « Santé », Note d'exécution budgétaire sur l'exercice 2022.

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