SECONDE PARTIE
ANALYSE DES PROGRAMMES

I. LA DYNAMIQUE DES CRÉDITS DU PROGRAMME « SPORT » EST NOTAMMENT LIÉE À L'ARRIVÉE DES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES

Le programme 219 « Sport » enregistre une augmentation de 8,5 % en crédits de paiement entre 2023 et 2024. Cette progression est surtout portée par l'action 02, « Développement du sport de haut niveau », qui gagne 44,9 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Cette augmentation s'explique pour une partie importante par le contexte des Jeux olympiques et paralympiques2(*). Il faut toutefois relever que les 15 millions d'euros retranchés du Pass'sport ont été entièrement redéployés sur le programme. Les crédits du programme connaissent donc une vraie dynamique.

En parallèle, les autorisations d'engagement connaissent une progression importante, de 26,6 %, portée par l'action 01 « Promotion du sport pour le plus grand nombre ». L'action voit en effet ses AE progresser de 48,7 %, ce qui correspond à 109,6 millions d'euros.

Évolution des crédits du programme 219 « Sport »

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

2023-2024

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 « Promotion du sport pour le plus grand nombre »

224,9

324,9

334,5

334,5

+ 48,7 %

+ 2,9 %

Action 02 « Développement du sport de haut niveau »

299,1

298,7

343,7

343,6

+ 14,9 %

+ 15,0 %

Action 03 « Prévention par le sport et protection des sportifs »

28,3

28,3

33,8

33,9

+ 19,4 %

+ 19,6 %

Action 04 « Promotion des métiers du sport »

48,3

48,3

48,1

48,2

- 0,3 %

- 0,1 %

Total

600,6

700,3

760,1

760,1

+ 26,6 %

+ 8,5 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

La forte augmentation des autorisations d'engagement provient du plan « 5 000 terrains de sport - Génération 2024 », annoncé par le Président de la République le 5 septembre 2023. Il est doté de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement, et il est destiné à la construction et à la rénovation de terrains de sport liés à un établissement scolaire jusqu'en 2026.

A. AVEC LA FIN DES MESURES PRISES POUR LUTTER CONTRE LA CRISE, LES DISPOSITIFS D'AIDES AU MONDE SPORTIF SONT RECENTRÉS SUR LE PASS'SPORT

La rentrée 2023 reste marquée par une inflation importante, notamment des prix de l'électricité. Même si la situation est moins critique qu'en 2022- et au premier semestre 2023, le risque pour le monde sportif ne doit pas être négligé : les ménages les plus exposés à l'inflation tendent à limiter les dépenses liées au sport, comme l'achat d'une licence sportive ou d'équipements, qui ne sont pas considérées comme prioritaires. D'après un sondage réalisé par Odoxa et publié le 4 septembre 2022, 24 % des Français auraient renoncé à pratiquer un sport à cause de l'inflation.

Par ailleurs, les conséquences de la crise sanitaire continuent de peser sur le monde sportif. D'après les informations transmises par la direction des sports : à la mi-avril 2020, la perte de valeur pour l'ensemble de la filière est estimée à 19,4 milliards d'euros, ce qui représente 25 % du chiffre d'affaires annuel du secteur. Les associations sportives ont quant à elles connu des pertes estimées à 30 % de leur budget.

1. Les dispositifs d'aide au monde sportif pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire sont encore en cours d'évaluation

Le sport professionnel a pu bénéficier de plusieurs mesures de soutien pendant et à la suite de la crise sanitaire, dont le plus important est le mécanisme de compensation partielle des pertes de billetterie.

Les aides au monde sportif pendant et à la suite de la crise sanitaire

Les entreprises et associations du secteur sportif ont pu premièrement recourir aux différents outils de soutien mis en place par l'État (prêts garantis par l'État, fonds de solidarité, prise en charge de l'activité partielle, etc.), dont le coût total est estimé à 7,1 milliards d'euros.

Un dispositif spécifique pour le monde sportif de compensations partielles de perte d'exploitation (billetterie et restauration) a été mis en place. 107 millions d'euros de crédits ont été ouverts par le décret n° 2020-1472 du 27 novembre 2020, mais le dispositif n'a été mis en oeuvre qu'en 2021. Le dispositif de compensation des pertes de billetterie a par la suite fait l'objet de 100 millions d'euros de crédits supplémentaires, pour un total de 207 millions d'euros.

De plus, les crédits de la mission « Plan de relance », qui ont représenté 122 millions d'euros pour le sport en 2021 et en 2022, avaient en partie vocation à répondre aux difficultés économiques du monde sportif liées à la crise sanitaire. Ces aides ont principalement abondé le budget de l'agence nationale du sport.

Une évaluation qualitative du mécanisme de compensation des pertes d'exploitation n'est pas encore disponible.

En revanche, l'administration a identifié que des sommes ont été indûment versées dans le cadre de ce dispositif. Dans ses réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, la direction des sports indique que le montant pouvant donner lieu à une demande de remboursement est estimé à 17,84 millions d'euros, découpé de cette manière :

- 3,23 millions d'euros au titre de l'absence de transmission de documents certifiés par un commissaire aux comptes attestant une dégradation de l'excédent brut d'exploitation ;

- 1,07 millions d'euros au titre de l'envoi partiel ou hors délai des documents précités ;

- 2,92 millions d'euros au titre de l'absence totale de dégradation de l'excédent brut d'exploitation ;

- 10,62 millions d'euros au titre de l'absence partielle de dégradation de l'excédent brut d'exploitation.

Des demandes de remboursement ont été émises, et elles font l'objet d'une demande de rétablissement des crédits auprès des services du recouvrement des directions régionales des finances publiques.

D'une manière générale, les aides qui ont été mises en place durant la crise sanitaire ont montré leur efficacité. La crise sanitaire avait en effet augmenté le nombre de fédérations en situation financière fragile et dégradée en 2021. Or, ce nombre a diminué en 2022 pour revenir au niveau observé en 2020.

Il faut toutefois rester vigilant pour 2023 et 2024, où les effets de la crise énergétique pourraient se faire sentir. Le rapporteur spécial estime que la cible retenue pour 2023, c'est-à-dire cinq fédérations en situation financière fragile, et quatre en situation financière dégradée, est plausible.

Situation financière des fédérations sportives

 

2020 Réalisation

2021 Réalisation

2022 Réalisation

2023 Prévisions

2024 Prévisions

2025
Prévisions

Nombre de fédérations sportives en situation financière fragile

6

7

6

5

3

3

Nombre de fédérations sportives en situation financière dégradée

2

6

2

4

3

3

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

2. Le Pass'sport est un dispositif intéressant pour aider à la pratique du sport chez les ménages modestes, mais il souffre d'un non-recours significatif

Le Pass'sport a été reconduit pour 2024, et il est doté d'un budget de 85 millions d'euros, en diminution de 15 millions d'euros par rapport à 2022 et 2023.

Le Pass'sport a été mis en place par le décret n° 2021-1171 du 10 septembre 2021, et la loi de finances pour 2022 l'a inscrit dans le programme 219. Le dispositif était ouvert jusqu'au 31 novembre 2021 à l'origine, mais il a fait l'objet de plusieurs prolongations depuis.

Pour l'année universitaire 2023/2024, les catégories de bénéficiaires n'ont pas été élargies, mais en revanche, la liste des structures d'accueil éligibles au dispositif a été étendue à l'ensemble des associations bénéficiant de l'agrément Jeunesse et éducation populaire ou Sport (et non plus seulement en quartier prioritaire de la politique de la ville), et aux structures du loisir sportif marchand, signataires d'une charte d'engagements.

Le Pass'sport

Le Pass'sport est une allocation de 50 euros par personne, versée à la rentrée scolaire, qui doit permettre de financer une inscription dans une association sportive de son choix. Son budget est de 85 millions d'euros en 2024.

Le dispositif s'adresse :

- aux enfants nées entre le 16 septembre 2005 et le 31 décembre 2017 qui bénéficient qui bénéficient de l'allocation de rentrée scolaire ;

- aux personnes nées entre le 1er juin 2003 et le 31 décembre 2017 qui bénéficient de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ;

- aux personnes nées entre le 16 septembre 1992 et le 31 décembre 2007 qui bénéficient de l'allocation aux adultes handicapés ;

- aux étudiants âgés au plus de 28 ans révolus, et qui bénéficient au plus tard le 15 octobre 2023 d'une bourse de l'État, d'une bourse annuelle du CROUS ou d'une bourse régionale pour les formations sanitaires et sociales pour l'année 2023-2024.

Cette aide est cumulable avec les dispositifs similaires mis en place par les collectivités territoriales et les aides de la Caisse Nationale d'Allocations Familiales.

Le rapporteur spécial est favorable à ce dispositif qui peut contribuer à amener à la pratique sportive des personnes qui en sont éloignées. Le caractère ciblé du dispositif permet de limiter les effets d'aubaine, et son caractère individualisé par enfant (plutôt que par famille) a le mérite d'encourager l'accès au sport des filles. Un dispositif ciblé sur les ménages modestes est par ailleurs particulièrement utile dans un contexte de forte inflation.

Le dispositif a toutefois connu des difficultés au cours des deux premières années de sa mise en oeuvre.

En 2021, le Pass'sport avait fait l'objet d'une forte sous-exécution : 45,8 millions d'euros en crédits de paiement ont été consommés sur 100 millions d'euros prévus. Cette année, 1,1 million de jeunes ont bénéficié du dispositif, alors que l'objectif était qu'il touche 2 millions de jeunes.

En 2022, une somme identique, 100 millions d'euros, a été inscrite en loi de finances initiale, à laquelle s'est ajouté un report de 33,4 millions d'euros en crédits de paiement. La cible de jeunes a également été maintenue à 2 millions. L'ouverture de ces crédits, malgré la forte sous-exécution constatée en 2021, était justifiée par l'élargissement des bénéficiaires du Pass'sport. Toutefois, ses effets se sont, une nouvelle fois, révélés limités.

En effet, 60,4 millions d'euros en crédits de paiement ont été consommés sur un total de 133,4 millions d'euros. 1,2 million de jeunes ont bénéficié du Pass'sport en 2022, ce qui est certes meilleur qu'en 2021, mais reste nettement inférieur à l'objectif de 2 millions.

Les raisons de cette « sous-exécution chronique » font l'objet d'investigations. En 2021, le dispositif souffrait d'une communication insuffisante, et il n'était pas toujours bien articulé avec les aides similaires proposées par les collectivités territoriales. Toutefois, des progrès ont été accomplis en 2022 : le premier contact avec les bénéficiaires se fait désormais par mail, et non plus par courrier, un portail usager a été mis en place, et l'articulation avec les aides des collectivités territoriales est meilleure.

Pour élucider les causes du non-recours, la direction des sports a commandé l'année dernière une évaluation du dispositif associant la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS).

Il ressort de cette évaluation3(*) que le taux de recours moyen au Pass'sport est de 18,3 %. Les enfants âgés entre 6 et 14 ans sont majoritaires (85,5 %), et les filles représentent 38,7 % des bénéficiaires. Le taux de recours est plus faible dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (12,8 %) que la moyenne nationale.

Les motifs de non-recours suivants ont été identifiés : 3 enfants sur 10 ne souhaitait pas faire du sport, 2 sur 10 n'apprécient pas les activités proposées, 3 sur 10 rencontrent des difficultés financières, et 2 sur 10 n'ont pas pu en bénéficier en raison de contraintes de temps. Il est également précisé que les étudiants boursiers ont peu bénéficié du dispositif en raison de l'envoi tardif de leur code, ce qui est fort regrettable.

Le reste à charge des familles est encore relativement élevé. Pour les trois quart des familles, il est supérieur à 50 euros par an. L'INJEP propose ainsi de recentrer encore davantage le financement sur les familles les plus modestes, afin de diminuer leur reste à charge.

Toujours est-il que, tant que les causes du non-recours n'étaient pas résolues, le rapporteur spécial était favorable à une budgétisation moins ambitieuse du dispositif. La Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2022, parle même d'une « surbudgétisation injustifiée pour le Pass'sport »4(*).

Le Gouvernement semble avoir pris acte de la sous-exécution du dispositif, et le Pass'sport voit ainsi ses crédits diminuer de 15 millions d'euros pour 2024. Cette nouvelle budgétisation ne rend pas moins nécessaire de poursuivre l'évaluation du dispositif afin de lutter contre le non-recours.


* 2 Cette progression des crédits liée aux Jeux olympiques et paralympiques est liée à des mesures comme l'augmentation des primes aux médaillés, et n'est pas contradictoire avec la diminution des crédits sur le programme 350, qui concerne spécifiquement les constructions olympiques.

* 3 Dans ses réponses au questionnaire budgétaire, la direction des sports précise que les résultats : « sont à prendre avec les précautions nécessaires, compte tenu des taux de réponse faibles, qui peuvent nuire à la représentativité de l'échantillon des répondants. »

* 4 Note d'exécution budgétaire 2022 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », Cour des comptes, avril 2023, page 43.

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