B. LA FORTE PROGRESSION DES FINANCEMENTS DU SPORT DE HAUT NIVEAU EST LIÉE AUX JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES DE 2024, ET N'A PAS VOCATION À PERDURER

La seconde action du programme 219, « Développement du sport de haut niveau », connaît une importante hausse de ses crédits de paiement, de 15 %, soit 44,9 millions d'euros, pour atteindre 343,6 millions d'euros pour 2024. Cette augmentation se décompose de la manière suivante :

- 18,6 millions d'euros sont prévus pour financer les primes aux médaillés des Jeux olympiques et paralympiques ainsi que les primes d'encadrement. En juillet de cette année, le Conseil olympique et paralympique, réuni par le Président de la République, a décidé la revalorisation des primes olympiques ;

- la subvention globalisée attribuée à l'Agence nationale du sport au titre de la haute performance progresse de 10,7 millions d'euros. Sur cette somme, 6,7 millions d'euros sont consacrés à la haute performance dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques, et 4 millions d'euros portent sur la politique d'insertion par le sport pour les sportifs de haut niveau ;

- 5,3 millions d'euros sont consacrés à des mesure de revalorisation du personnel des Centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) ;

- la subvention versée aux Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et au Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF) est rehaussée de 5,4 millions d'euros pour atteindre 16,4 millions d'euros.

Évolution du financement de l'action 02 « Sport de haut niveau »
entre 2023 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La majeure partie de l'augmentation des crédits de l'action est donc liée aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, et elle n'a pas vocation à perdurer les années suivantes.

C. LA RÉFORME DE LA GOUVERNANCE DU SPORT DOIT ÊTRE POURSUIVIE

1. Le financement de l'Agence nationale du sport ne doit pas être dépendant de la conjoncture

Depuis 2019, le soutien au mouvement sportif s'exerce pour sa majeure partie par l'intermédiaire de l'Agence nationale du sport (ANS). Celle-ci est constituée sous forme de groupement d'intérêt public (GIP) agrégeant l'État, le mouvement sportif, les associations représentant les collectivités territoriales5(*) et les acteurs du monde économique6(*). Ses missions ont été énoncées par la loi du 1er août 20197(*) : elle intervient dans une double perspective de développement de l'accès à la pratique sportive pour tous et de structuration de la haute performance.

En dépit du statut juridique de GIP, la convention constitutive8(*) de l'agence prévoit que seul l'État apportera des contributions financières, sous la forme d'une dotation du programme 219 et de taxes affectées.

C'est à l'agence qu'il revient de soutenir et de suivre les fédérations sportives, avec lesquelles elle doit directement conclure les conventions d'objectifs, ainsi que d'accompagner les collectivités territoriales et leurs groupements, en reprenant les missions exercées précédemment par le Centre national pour le développement du sport (CNDS).

Pour 2024, la subvention versée à l'ANS est en progression de 2,3 %, soit 6,2 millions d'euros, pour atteindre 270,9 millions d'euros9(*). Cette somme concerne essentiellement les mesures prises dans le cadre de la « Grande cause nationale 2024 », centrée sur le sport, qui est une opération de promotion de l'activité physique et sportive par les pouvoirs publics dans le sillage des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

L'Agence nationale du sport bénéficie pour 2024 d'un plafond d'emplois de 71 ETPT. Ce plafond est supérieur d'un emploi par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Cet ETPT a été créé pour accompagner la « grande cause nationale 2024 pour la pratique sportive ».

Le montant des taxes affectées perçues par l'agence est de 166,1 millions d'euros, ce qui porte l'ensemble de ses ressources à 437 millions d'euros. Le montant des taxes affectées est identique à 2023, et est en diminution de 14,4 millions d'euros par rapport à 2022.

Taxes affectées à l'Agence nationale du sport

(en millions d'euros)

 

Plafond 2022

Plafond 2023

Plafond 2024

Taxe buffet

74,1

59,7

59,7

Prélèvement sur les jeux exploités par la FDJ hors paris sportifs

71,8

71,8

71,8

Prélèvement sur les paris sportifs en ligne de la FDJ et des nouveaux opérateurs agréés

34,6

34,6

34,6

Total

180,5

166,1

166,1

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Cette diminution est due à la baisse de rendement de la « taxe Buffet », suite à l'affaire Médiapro. Cette somme est compensée par une augmentation de crédits équivalents pour l'ANS. 2024 est la deuxième année où une telle compensation est mise en place.

Cette baisse du plafond de taxe affectée n'est pas qu'un simple événement conjoncturel, mais elle montre de manière plus profonde les faiblesses du financement de l'ANS.

La taxe Buffet

La « contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives », plus communément appelée taxe Buffet, est une taxe introduite en 2000, qui a vocation à financer le sport amateur grâce au sport professionnel, dans une logique de solidarité. La contribution est assise sur les sommes hors taxe sur la valeur ajoutée perçues au titre de la cession des droits de diffusion.

La taxe est inscrite à l'article 302 bis ZE du code général des impôts. L'article dispose que le « taux de la contribution est fixé à 5 % du montant des encaissements » et que la « contribution est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée ».

Depuis 2019, le produit de la taxe est affecté intégralement à l'Agence nationale du sport.

En 2021, pour renforcer les moyens de l'Agence, le Gouvernement a préféré le relèvement du plafond de fiscalité affectée à une majoration de sa dotation budgétaire. Contestable au regard de l'orthodoxie budgétaire et des pouvoirs de contrôle du Parlement, cette orientation prenait acte de la forte progression du rendement de la taxe Buffet entre 2019 et 2020 (+ 37 %) et d'une forte demande du mouvement sportif pour que « le sport finance le sport ».

La défaillance de Médiapro a toutefois eu pour conséquence une diminution des droits de la ligue 1 de football estimée à 575 millions d'euros. L'écart entre le rendement initialement prévu de la taxe Buffet et son rendement efficacité a ainsi été évalué à 14,4 millions d'euros par an.

Le rapporteur spécial souligne une nouvelle fois le risque d'une systématisation de la compensation de la taxe Buffet en cas de recettes inférieures aux prévisions. La mise en place d'une compensation systématique reviendrait à transférer des risques financiers au budget de l'État. Or, les finances publiques n'ont pas vocation à supporter les aléas de la négociation des droits audiovisuels des retransmissions sportives.

En effet, d'autres facteurs de risque, comme la réduction du nombre de diffuseurs susceptibles de proposer une offre ou le dynamisme des championnats concurrents, sont extérieurs à la crise, et relèvent du fonctionnement « normal » du marché.

En sens inverse, durant les années qui ont précédé la crise, la forte appréciation des droits de la ligue 1 a été en partie le résultat d'une « bulle de marché ». La progression du produit de la taxe Buffet provenait quasi exclusivement de l'appréciation des droits télévisés de la Ligue 1 au titre du contrat de diffusion, passés de 726 millions d'euros par saison pour la période 2016-2020 à 1,153 milliard d'euros pour la période 2020-2024. Le relèvement du plafond de la taxe en 2021 était donc précipité.

Il conviendra ainsi d'être particulièrement attentif aux effets sur la taxe Buffet des prochaines attributions des droits de transmission de la ligue 1, sur la période 2024-2029, d'autant que la durée des droits a été prolongée de 4 à 5 ans. Canal+ a par ailleurs annoncé le 25 septembre 2023 renoncer à obtenir les droits de la Ligue 1, ce conduit à réduire la concurrence sur les offres.

La question des droits télévisés illustre la complexité du financement de l'Agence nationale du sport. Dans son rapport de juillet 2022, « L'Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport », la Cour des comptes qualifiait le financement de l'Agence d' « inutilement complexe », et préconisait de financer l'opérateur intégralement sur le montant de la dotation budgétaire issue du programme 219.

Le rapporteur spécial ne plaide pas pour la suppression de l'affectation des taxes à l'Agence nationale du sport, celles-ci étant un symbole fort de la solidarité entre le sport professionnel et amateur, mais il soutient leur limitation, afin d'éviter que le financement du sport soit dépendant de la conjoncture du marché des droits télévisés.

2. La réforme de la gouvernance du sport se poursuit

L'actualité a été marquée par les difficultés rencontrées dans la gouvernance de plusieurs instances du sport français, et notamment la Fédération française de football (FFF) et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Ces problématiques ne sont pas directement liées à la mission Sport, jeunesse et vie associative, mais elles ont mis en avant la nécessité d'avoir une gouvernance du sport solide à l'échelle nationale.

La Cour des comptes a consacré un rapport à ce sujet, qui a été publié en juillet 2022. La Cour fait le constat d'une réorganisation « inachevée » de la direction des sports, et d'une articulation insuffisante entre l'action de la direction et celle de l'ANS. Elle recommande donc de clarifier les missions respectives la direction des sports et de l'ANS, et de réaffirmer la tutelle stratégique de la direction sur l'agence.

Le rapporteur spécial partage cette conclusion. La « nouvelle gouvernance du sport » doit bien entendu laisser une place importante aux acteurs du sport, mais elle ne doit pas se traduire par un désengagement de l'État.

L'année dernière, la direction des sports a signalé au rapporteur spécial qu'une conférence avait été organisée par la ministre le 18 juillet 2022 au sujet de la gouvernance du sport, et que le rôle de la direction a été réaffirmé sur trois points : le pilotage des politiques publiques, les sujets régaliens et l'évaluation des politiques publiques. Durant l'automne 2022, un protocole organisant les modalités de travail entre la Direction des sports et l'agence a été formalisé, et le protocole a été signé entre les parties le 4 janvier 2023.

La collaboration entre l'ANS et l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) devait également être renforcée. Le 17 avril 2023 a été ainsi signée une convention de collaboration entre la direction des sports, l'ANS et l'INSEP, dont l'objectif est de clarifier le périmètre respectif de l'ANS et de l'INSEP dans le champ de la performance.

Au niveau territorial les préfets de région ont mis en place en collaboration avec l'ANS des « conférences régionales du sport » dont le secrétariat est assuré par les Délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (DRAJES).

Si l'ensemble de ces initiatives sont un pas dans la bonne direction, il conviendra d'examiner si elles apportent un véritable changement dans la gouvernance du sport.

Dans ce contexte, le rapporteur spécial réitère son approbation de l'abandon du projet de transfert des conseillers techniques et sportifs (CTS) aux fédérations, acté par le ministère des sports en septembre 2020. Depuis plusieurs années, ce projet suscitait l'inquiétude de nombreuses fédérations de taille modeste, dont les ressources propres ne permettent pas de préserver ces compétences en leur sein.

Cette décision laisse toutefois ouverte la question de la modernisation des conditions de la gestion de ces fonctionnaires d'État mis à disposition des fédérations sportives.

Une mesure catégorielle, d'un montant de 228 000 euros, a été inscrite dans la loi de finances pour 2022 pour revaloriser les fonctions de directeur technique national adjoint, mais celle-ci ne concernait que 80 postes parmi l'ensemble des conseillers techniques et sportifs.

D'après la direction des sports, un premier chantier vise à refondre leur lettre de mission, pour que la direction puisse être capable de donner précisément le nombre de CTS travaillant dans chaque domaine d'intervention. Les CTS ont en effet vocation à exercer leur mission dans quatre domaines : la stratégie sportive, le développement des pratiques, la haute performance et le contrôle de la réglementation de l'enseignement du sport.

La refonte de la lettre de mission des CTS doit être l'occasion de donner plus de visibilité à leur action, et de les mobiliser davantage dans la conduite des politiques publiques du sport ou des projets de développement interfédéraux.

3. La fin du déménagement du laboratoire de l'Agence française de lutte contre le dopage doit favoriser la montée en charge du programme de contrôle et d'analyse

Le programme 219 « Sport » retrace également les dotations versées aux principaux établissements du sport, comme le détaille le tableau ci-après.

Tableau récapitulatif de l'évolution des dotations
aux principaux établissements du sport

(en millions d'euros)

Opérateur ou Agence

Subvention 2019

Subvention 2020

Subvention 2021

Subvention 2022

Subvention 2023

Subvention prévue en 2024

Évolution 2023-2024

ANS

-

137,6

135,2

245,2

264,7

270,9

+ 2,3 %

INSEP

23,4

22,9

23,7

24,8

28,1

26,5

- 5,7 %

Écoles nationales des sports (1)

12,5

12,4

12,5

13,1

13,6

16,5

+ 21,3 %

Musée national du sport

2,9

3,0

3,0

3,1

3,2

3,2

0 %

AFLD(2)

9,6

9,6

10,7

9,410(*)

10,9

11,4

+ 4,5 %

(1) École nationale de la voile et des sports nautiques ; École nationale des sports de montagne 

(2) Agence française de lutte contre le dopage

Source : commission des finances du Sénat

Hors ANS, les deux augmentations les plus notables sont celles de la subvention aux Écoles nationales des sports, et celle de la subvention à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). L'INSEP connaît quant à elle une diminution de 5,7 % de ses crédits.

Les Écoles nationales des sports bénéficient d'une augmentation significative, de 21,3 %, des crédits qui leurs sont attribués. Toutefois, ils sont destinés à financer des projets d'investissement pour faire face au vieillissement du bâti, et ils n'ont donc pas vocation à être pérennisés dans la durée.

Concernant l'INSEP, la diminution des crédits s'explique par la baisse des dotations en fonds propres, qui passe de 4,2 millions d'euros en 2023 à 0,5 millions d'euros en 2024. Il s'agissait de crédits destinés à la maintenance évolutive des infrastructures sportives dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, et leur diminution était attendue. La subvention pour charge de service public de l'INSEP est quant à elle en légère augmentation, passant de 24 millions d'euros à 24,8 millions d'euros.

L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) connaît une croissance significative de ses crédits entre 2023 et 2024, passant de 10,9 millions à 11,4 millions d'euros, soit une hausse de 4,5 %. Cette montée en puissance est justifiée par la nécessité d'atteindre le niveau des contrôles réalisés pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

L'objectif est que le laboratoire puisse être en capacité de traiter 7 000 à 8 000 échantillons supplémentaires sur une période courte de deux semaines, pour un rendu de résultats sous 24 heures. L'Agence mondiale antidopage exige en outre que 7 % du budget d'un laboratoire accrédité soit consacré à la recherche.

La progression des crédits de l'AFLD s'intègre dans une subvention globale de 12,55 millions d'euros prévue en 2024 pour lutter contre le dopage, qui regroupe également la contribution annuelle de la France au fonctionnement de l'Agence mondiale antidopage (AMA, 1,25 million d'euros).

Le déménagement du laboratoire d'analyses médicales, qui a été sources de nombreuses difficultés, a finalement été achevé en mai 2023. La livraison du bâtiment était initialement prévue pour novembre 2022, mais il a été repoussé à 2023 en raison de retards dans la construction. En 2024, il est prévu que le déploiement du nouveau bâtiment d'Orsay se poursuive.

Il conviendra de rester vigilant sur la capacité de l'AFLD à poursuivre la montée en charge de son programme de contrôle et d'analyses pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.


* 5 À savoir l'Association des régions de France, l'Assemblée des départements de France, France urbaine et l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité.

* 6 Les droits de vote sont répartis à 30 % chacun pour l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif, et à 10 % pour le monde économique.

* 7 Loi n° 2019-812 du 1er août 2019 relative à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

* 8 Arrêté du 20 avril 2019 portant approbation de la convention constitutive du groupement d'intérêt public dénommé « Agence nationale du sport ».

* 9 4 millions d'euros concernant la politique d'insertion par le sport » ont fait l'objet d'un redéploiement de l'action 01 « Sport pour le plus grand nombre » à l'action 02 du programme 219.

* 10 3,14 millions d'euros ont été transférés en 2022 au programme 150 « Enseignement supérieur et vie étudiante » dans le cadre du déménagement du Laboratoire d'analyse à Paris-Saclay.

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