B. LA PERTINENCE DE LA CRÉATION D'UN OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale prévoit la création d'une délégation parlementaire commune aux deux Assemblées, composée à parité de députés et de sénateurs, et « chargée de rassembler des informations et de réaliser ou de faire réaliser des études tendant, dans un domaine déterminé, à évaluer l'adéquation de la législation aux situations qu'elle régit » .

Organisme d'études, cette délégation est en outre explicitement incitée à travailler à la simplification de la législation. Enfin, elle est chargée, « en liaison avec les commissions permanentes » , de suivre l'application des lois.

Assistée d'un comité juridique, la délégation est saisie par le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ou de celle de soixante députés ou de quarante sénateurs, par une commission spéciale ou permanente, ou de sa propre initiative. Elle peut également décider des évaluations qu'elle conduit.

Les travaux de la délégation sont communiqués à l'auteur de la saisine puis publiés sauf décision contraire de la délégation.

Ce schéma appelle plusieurs observations.

1. La création d'un office doit répondre à une réelle nécessité

Toute structure nouvelle génère nécessairement des coûts (bureaux, fonctionnaires, frais divers), c'est pourquoi sa création doit être particulièrement justifiée dans un contexte de rigueur budgétaire.

Or, certaines des missions dont serait chargée cette délégation sont d'ores et déjà assurées par les commissions permanentes, qu'il s'agisse du suivi de l'application des lois ou de l'évaluation législative.

Toutefois, le recours à un organisme extérieur aux commissions permanentes pourrait être justifié s'il constituait un apport qualitatif important dans les domaines de compétence qu'il est envisagé de lui attribuer.

L'Assemblée nationale en a été convaincue, le rapport présenté par sa commission des Lois estimant en effet que la création de l'office « mettant fin aux initiatives ponctuelles et partielles, elle donnera à l'évaluation parlementaire une solennité et une pérennité qui lui font jusqu'à présent défaut  », et permettrait l'indispensable séparation «  entre les évaluateurs, travaillant à l'aide de méthodes scientifiques, et les politiques qui restent libres d'utiliser l'évaluation comme bon leur semble ».

2. L'organe d'évaluation doit s'intégrer dans les structures existantes

L'organisme qu'il est envisagé de créer doit trouver sa place dans l'architecture institutionnelle existante.

Or, en l'espèce, les commissions permanentes ont pour vocation naturelle de procéder à des évaluations législatives, celles-ci étant intimement liées, tant en amont qu'en aval, à l'élaboration de la loi et au contrôle de son application. Il est en effet cohérent que les commissions auxquelles est confié l'examen d'un projet de loi se préoccupent du suivi de la loi votée, tant dans son application que pour ce qui est de la modifier.

De même, les groupes politiques qui créent en leur sein des instances de réflexion sur telle ou telle législation ont-ils une vocation naturelle à procéder à des évaluations législatives dont les résultats guideront ultérieurement leurs propositions.

3. La création concomitante d'un Office d'évaluation des politiques publiques.

L'Assemblée nationale a également retenu le principe de la création d'un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques dont une partie des missions recouvrirait sans conteste l'évaluation de la loi dès lors que celle-ci constitue l'un des éléments d'une politique publique.

Dès lors, la création d'un second office est-elle justifiée ? Ne pourrait-on pas soutenir que l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques serait susceptible, le cas échéant, de voir sa mission étendue à l'évaluation législative même lorsque la loi considérée n'est pas stricto sensu un élément d'une politique publique (ainsi le droit civil ou le droit des sociétés) ?

Votre rapporteur ne le pense pas. Il lui semble en effet que l'évaluation législative comporte une spécificité justifiant, le cas échéant, la création d'une structure évaluative distincte. En effet, l'évaluation d'une politique publique apprécie par principe l'efficacité des interventions publiques et des dépenses publiques qui les supportent. L'évaluation législative, au contraire, s'attache à mesurer, sans doute plus qualitativement que quantitativement, si les situations auxquelles s'applique la législation étudiée sont correctement régies par celle-ci, si, par exemple, le droit des sociétés est suffisamment souple pour fournir à l'économie des structures juridiques performantes qui respectent, dans le même temps, les droits légitimes des actionnaires, des épargnants et des créanciers.

Les deux approches ne sauraient donc être confondues même s'il est vrai que l'appareil normatif qui accompagne les politiques publiques fait partie de celles-ci.

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