DEUXIÈME PARTIE : LE PASSAGE À L'ARMÉE PROFESSIONNELLE

En incluant l'ensemble des crédits du titre III, auxquels seront consacrés chaque année 99 milliards de francs soit 53,51 % de l'enveloppe totale, le projet de loi de programmation souligne le nécessaire cohérence entre dépenses d'équipement et dépenses de fonctionnement. Cette nécessité est renforcée par l'évolution vers un modèle d'armée professionnelle, qui aura des conséquences majeures sur les personnels et sur le fonctionnement courant des armées.

La professionnalisation implique un aménagement substantiel des ressources humaines de la Défense. Cette adaptation est liée notamment à la réforme du service national qui sera progressivement engagée pendant la période 1997-2002, et à la densification du format des armées.

Dans cette perspective, qui constitue une véritable rupture pour l'ensemble des personnels de la Défense, le projet de loi de programmation prévoit des mesures d'accompagnement économiques et sociales, destinées à atténuer tant les conséquences de la professionnalisation que de la restructuration des implantations militaires.

A. L'ADAPTATION DES RESSOURCES HUMAINES DE LA DÉFENSE

Le passage à l'armée professionnelle induira, d'une part, une modification des parts respectives des différentes composantes de nos forces : militaires de carrière ou sous contrat, personnels civils, réservistes et « appelés ». Ce terme est toutefois voué à disparaître dans la perspective de l'instauration d'un service national volontaire, conformément à la formule proposée par le Président de la République le 27 mai dernier, et que le rapport d'information présenté par le Sénat sur L'avenir du service national avait préconisé.

Mis en forme à un moment où l'avenir du service national, incertain, pouvait obéir à deux logiques distinctes -celle de l'obligation et celle du volontariat- le rapport annexé à la loi de programmation se référait aux deux hypothèses envisagées, le terme de « jeunes du service national » ayant été retenu pour ménager les scénarios en concurrence.

C'est néanmoins d'un projet de loi de programmation fondé sur un service national volontaire qu'est saisi le Sénat, du fait de l'amendement déposé par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale pour tirer les conséquences de la proposition du Chef de l'État. Votre rapporteur rappellera toutefois, dans son analyse des effectifs de la Défense, l'incidence qu'aurait pu avoir le maintien de l'obligation de service si cette solution avait été retenue.

D'autre part, le volume de nos forces sera considérablement réduit, puisque les effectifs de la défense diminuent de 24 % entre 1996 et 2002. Cette contraction aurait été de 23 % si l'hypothèse du maintien d'un service obligatoire l'avait emporté. Cette diminution affectera toutefois dans des proportions variables les trois armées et la gendarmerie.

1. Les composantes de l'armée professionnelle

Les parts respectives, au sein de la future armée professionnelle, des différentes catégories de personnels -militaires de carrière et sous contrat, civils, « jeunes du service national » et réservistes- connaîtront une évolution sensible par rapport à la situation actuelle. De manière générale, l'armée professionnelle comptera, comme le montre le tableau suivant, plus de civils et d'engagés et moins de cadres militaires. La part du service national sera substantiellement réduite.

1996

2002

Volontariat

(Obligation)

Effectifs

Part dans le total

Effectifs

Part dans le
total

Officiers

38 456

6,71 %

38 189

(38 324)

8,67 %

(8,58 %)

Sous-officier s

214 828

37,48 %

199 296

(199 130)

45,27 %

(44,59 %)

Total cadres

253 284

44,19%

237 485

(237 454)

53,94 %

(53,18 %)

Militaires du rang engagé s

44 552

7,77 %

92 527

(92 252)

21 %

(20,66 %)

Total de militaires de carrière ou sous contrat

297 836

51,97 %

330 012

(329 706)

74,96 %

(73,84 %)

Civils

73 747

12,86 %

83 023

(77 218)

18,86 %

(17,29 %)

« Jeunes du service national »

201 498

35,16 %

27 171

(39 575)

6,17 %

(8,86 %)

Total

573 081

-

440 206

(446 499)

-

Evolution des différentes composantes de l'armée (trois armées, gendarmerie, services communs), compte non tenu des réserves.

a) Les deux options relatives à l'avenir du service national

En annonçant sa volonté de passer à l'armée professionnelle, le Chef de l'État a, le 22 février dernier, exclu la suppression de toute forme de service, en s'inspirant, par exemple, du modèle britannique. En effet, si la professionnalisation des forces paraît aujourd'hui inéluctable eu égard aux besoins opérationnels actuels, en revanche mettre fin à toute forme de service, militaire ou civil, ne semble pas correspondre aux spécificités de notre société.

(1) Les données du débat

La professionnalisation des armées pose donc le problème de l'avenir du service national et du contenu de la réforme susceptible de donner un souffle nouveau à une institution dont le rapport d'information adopté par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat 2 ( * ) a mis en évidence le caractère désormais dépassé.

Rappelons que le futur service national pourrait s'appuyer sur trois formes (sécurité-défense, solidarité-cohésion sociale, coopération-action humanitaire), le service militaire devenant une modalité résiduelle d'un service à dominante civile.

Les grandes tendances qui se sont dégagées de la réflexion conduite dans tout le pays et au Parlement sur l'avenir du service national ont fait apparaître les différentes options envisageables :

- le nouveau service national aurait pu s'appuyer sur le maintien du principe de conscription obligatoire, qui se serait appliqué soit à un service militaire de courte durée ou à un « service civique » à dominante civile ;

- la formule du volontariat préconisée par le rapport sénatorial précité, et proposée par le Président de la République le 28 mai dernier, implique la suppression de l'obligation légale actuellement prévue par le code du service national, mais pas celle du recensement et du principe de conscription, qui pourraient être maintenues à travers un système inspiré des « trois jours ».

L'amendement introduit par le Gouvernement dans le projet de loi de programmation, et adopté par l'Assemblée nationale, vise à tirer les conséquences des orientations proposées par le Chef de l'Etat à l'issue du débat sur le service national.

(2) Quelle place pour les « jeunes du service national » ?

Le service militaire volontaire occupera une place réduite au sein des composantes de l'armée professionnelle à l'échéance de 2002.

De 201 498 appelés (trois armées et gendarmerie) en 1996, le nombre de « jeunes du service national » sera réduit à 27 171 volontaires en 2002. Dans l'hypothèse de l'obligation, la cible retenue à l'égard du service national était de 39 575 jeunes gens, ces effectifs ayant été définis à coût bernique. De 35,16 % en 1996, la part du service militaire dans les effectifs de la défense devrait donc passer à 6,2 % avec un service volontaire.

Notons que le maintien de l'obligation aurait également conduit à une diminution très substantielle de la part du service militaire dans l'ensemble des effectifs de la défense, puisque les « jeunes du service national » auraient représenté 8,86 % du total.

La différence de quelque 12 404 « jeunes du service national » prévue par le projet de loi de programmation dans sa rédaction initiale (27 171 volontaires et 39 575 jeunes dans le cadre de l'obligation) s'explique :

- non seulement par l'incertitude qui caractérise le nombre de futurs Volontaires éventuels, rendant plus prudente la définition d'objectifs Modérément ambitieux,

- mais aussi par les coûts attendus du volontariat, en raison des incitations qui devront être proposées aux volontaires pour susciter des vocations.

En effet, le coût unitaire d'un volontaire du futur service national Pourrait, selon certaines estimations, s'élever à 70 000 F (à rapprocher des 19 824 F qui constituent le coût annuel, dans le cadre du système actuel, d'un appelé soldat de deuxième classe). Quelle que soit la fiabilité de cette estimation, la rémunération servie aux futurs volontaires devrait être plus élevée. C'est pourquoi un montant de 1 700 F par mois, soit le triple de l'actuel « prêt des appelés » servant sous les drapeaux (550 F) a été évoqué. Dans l'hypothèse du maintien de l'obligation, assurer aux appelés une rémunération attractive n'aurait pas été indispensable. C'est pourquoi, à coût identique, la formule du service obligatoire aurait permis d'incorporer dans les armées et dans la gendarmerie plus de jeunes gens que dans le cas du volontariat.

En dépit d'un coût moyen quelque peu élevé, le coût global du service militaire volontaire est très comparable à celui du service militaire dans le cadre du service civique obligatoire : 2,9 milliards de francs pour le service militaire volontaire et 2,8 milliards pour le service militaire si l'avait emporté le maintien de l'obligation. Notons que ces estimations n'incluent pas le coût de la Direction nationale du service national, et donc ne tiennent pas compte du coût du « rendez-vous citoyen » envisagé par le Sénat et l'Assemblée nationale, et proposé par le Président de la République le 28 mai 1996. Par ailleurs, le coût global du service militaire volontaire pourrait être soumis à des fluctuations liées aux incertitudes sur les effectifs.

Notons, de surcroît, l'incidence du choix retenu en matière de service national sur les effectifs qui caractériseront les différentes composantes de l'armée professionnelle à l'échéance de 2002.

L'armée professionnelle aurait compté, si le principe de l'obligation avait été maintenu, 8 693 personnels de plus que dans le cas du volontariat, soit :

- 135 officiers de plus,

- 166 sous-officiers de moins,

- 925 militaires du rang engagés de plus,

- 4 605 civils de moins,

- 12 404 « jeunes du service national » de plus.

En revanche, le volontariat induit une augmentation du nombre de personnels civils, destinée à compenser la place réduite du service militaire dans la future armée professionnelle. On remarque néanmoins que la différence entre les deux formules à l'égard des effectifs de cadres des trois armées et de la gendarmerie est relativement modeste.

(3) L'incidence du « rendez-vous citoyen » sur la programmation 1997-2002

Tant le Sénat que l'Assemblée nationale ont conclu leurs travaux en exprimant le souci que la professionnalisation ne se traduise pas par la suppression pure et simple du principe de conscription, mais que celle-ci soit maintenue à travers un système de recensement et de sélection inspiré des « trois jours ».

Le rapport consacré par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à L'avenir du service national montre que ces « trois jours » rénovés pourraient notamment être l'occasion de présenter à la jeunesse les perspectives offertes par les différentes formes de service volontaires, les carrières de l'armée et de la gendarmerie, ainsi que les possibilités d'accès aux forces de réserve.

Il convient donc de préciser l'incidence budgétaire de ces opérations de sélection, sachant que leur coût sera d'autant plus difficile à faire tenir dans l'enveloppe annuelle de 185 milliards de francs prévus par la loi de programmation que la durée en sera plus importante. Différentes questions peuvent d'ores et déjà être posées :

- quelles seront les parts respectives du ministère de la défense et des autres ministères dans le financement de ces « trois jours », sachant que le coût actuel de la DCSN (soit un milliard de francs) est imputé sur le budget de la Défense, mais que cette solution pourrait éventuellement être remise en cause dans le cadre du futur service national où le service militaire n'occuperait qu'une place marginale ?

- quels effectifs devront être consacrés par les armées à l'accueil et à l'encadrement des jeunes, sachant que 80 % de l'encadrement incomberont au ministère de la Défense et que la part de l'armée de terre devrait être comparable à la proportion de ses cadres au sein de la Défense, soit 28 % en 2002 ?

- quelle sera l'incidence de cette formule en matière d'infrastructures ? Ne permettra-t-elle pas de maintenir en fonctionnement des casernements appelés à disparaître du fait des restructurations ?

b) Une nette augmentation des effectifs de militaires de carrière et sous contrat

Véritable socle de l'armée professionnelle, la catégorie des carrières-contrat verra ses effectifs passer de 297 836 en 1996 à 330 012 en 2002 (329 706 si l'obligation l'avait emporté). Cette augmentation en valeur absolue ira de pair avec un redressement très net de la part des carrières-contrat dans l'ensemble des effectifs de la défense (trois armées, gendarmerie et services communs). Cette catégorie représentera plus de 74 % des effectifs globaux (cette proportion aurait été la même si l'obligation du service national avait été maintenue), alors que les carrières-contrat représentent en 1996 51,97 % des effectifs de la défense.

(1) Officiers et sous-officiers

Les effectifs d'officiers diminueront relativement peu (- 267 postes, -132 dans l'hypothèse de l'obligation), pour passer de 38 456 en 1996 à 38 189 en 2002 (38 324 si le maintien de l'obligation avait été retenu). Cette quasi-stabilité recouvre en fait des évolutions plus contrastées selon les armées, comme votre rapporteur le montrera ci-après. Par ailleurs, la part des officiers dans le total des effectifs de la défense augmentera avec la professionnalisation. De 6,71 % en 1996, la proportion d'officiers sera supérieure à 8,6 % en 2002.

Les effectifs de sous-officiers seront réduits de 7,2 % (- 7,3 % si l'obligation avait été maintenue). L'armée professionnelle comptera en 2002 199 296 sous-officiers. Cet effectif aurait été très proche (199 130) si l'obligation l'avait emporté.

(2) Militaires du rang engagés

Conséquence directe de la professionnalisation, le nombre d'engagés augmentera très sensiblement à mesure que les effectifs d'appelés décroîtront, jusqu'à atteindre 92 527 hommes (92 300 si l'obligation avait été préservée), ce qui représente plus du double des effectifs actuels de militaires du rang (44 552 en 1996).

Cette évolution suppose que les armées recrutent, non pas 12 % de chaque classe d'âge, mais 12 % de ceux qui, dans chaque classe d'âge, sont aptes physiquement et pourraient être considérés, par leur niveau scolaire inférieur au baccalauréat, comme « clientèle potentielle » à ce niveau d'engagement. Cette proportion pourrait être toutefois réduite si la durée d'engagement moyenne était allongée.

Votre rapporteur reviendra ci-après sur les mesures destinées à favoriser des vocations nombreuses d'engagés de qualité.

c) Le renforcement de la part des personnels civils

La réduction de la part du service national se traduira par un renforcement du rôle des civils au sein de la Défense. Les personnels militaires étant affectés prioritairement aux emplois opérationnels, les soutiens et les postes à vocation générale seront confiés aux personnels civils.

Notons toutefois une augmentation différenciée des effectifs civils selon les catégories, le nombre d'ouvriers étant appelé à se contracter du fait des restructurations industrielles en cours, tandis que la professionnalisation induira un appel accru aux cadres de catégorie A et aux fonctionnaires de niveau B.

Enfin, l'augmentation des effectifs des civils est étroitement liée à l'avenir du service national.

Dans la perspective de l'instauration d'un service militaire volontaire, la limitation à 27 171 du nombre de « jeunes du service national » (soit 6,2 % des effectifs de la Défense) aura pour corollaire un nombre relativement important de 83 023 civils (+ 12,57 % par rapport aux effectifs de 1996), ceux-ci représentant 18,86 % des personnels de la Défense.

Si le maintien de l'obligation l'avait emporté, les 39 575 appelés auraient représenté 8,86 % des effectifs de la Défense. La part des civils, au nombre de 77 218, soit une hausse de 4,7 % seulement par rapport à la situation actuelle, aurait été de 17,29 % des personnels de la Défense.

Par ailleurs, la variation des effectifs civils diffère également en fonction des armées et des services. On prévoit en effet :

- une augmentation substantielle des civils affectés à la gendarmerie (+ 79,65 %), à la Marine (+ 78,5 %) et, dans une moindre mesure, à l'Armée de l'air (+ 37,19 %) ;

- une augmentation moins nette des civils affectés à l'Armée de terre (+ 6,4 %) ;

- la stabilité des civils employés dans l'administration centrale, soit 2 517 ;

- la diminution des civils affectés à la Délégation générale pour l'armement (- 10,88 %, soit environ 13 000 personnes en 2002 au lieu de 14 769 en 1996) ;

- la faible diminution des civils (- 2,42 %) employés par les services communs (Service de santé, Service des essences ...) : cette réduction aurait été de - 0,6 % si la formule du maintien de l'obligation avait été retenue.

En revanche, les prévisions relatives aux effectifs civils affectés à l'Armée de terre sont liées à l'avenir du service national (obligation : stabilité, soit 31 946 civils en 1996 comme en 2002, volontariat : + 6,4 %).

Répartition des personnels civils entre les armées,

la gendarmerie et les services communs 1996-2002

1996

2002

Variation 2002-1996

Armée de terre

31 946

34 000

+ 6,4 %

Armée de l'air

4 906

6 731

+ 37,19 %

Marine

6 495

11 594

+ 78,55 %

Gendarmerie

1258

2 260

+ 79,65 %

Services communs

29 142

28 438

- 2,42 %

Total

73 747

83 023

+ 12,57 %

d) L'apport des réservistes

. Corollaire indispensable de l'armée professionnelle, le recours aux forces de réserves est prévu dans le cadre du plan « Réserves 2015 » dont les orientations ont été exposées par le ministre de la Défense le 10 avril 1996. L'objectif est d'associer plus étroitement les réserves aux missions de l'armée d'active, notamment en leur confiant des tâches de substitution sur le territoire national -en complément des forces professionnelles appelées à participer à dés opérations extérieures. La mise en oeuvre du plan « Réserves 2015 » s'appuiera sur un format encore plus concentré par rapport aux objectifs de la précédente loi de programmation.

. La loi de programmation 1995-2000 prévoyait en effet, à l'échéance de l'an 2000, un effectif total de 504 600 réservistes, ainsi réparti entre les différentes affectations :

Réserves. Effectifs par armée ou service à l'échéance de l'an 2000
(loi de programmation 1995-2000)

Armée de terre

195 500

Armée de l'air

40 000

Marine

100 000

Gendarmerie

135 000

Service des essences

5 100

Service de santé

27 000

Délégation générale pour l'armement

2 000

TOTAL

504 600

Sur ces 504 600 réservistes, on relève aujourd'hui :

- 2 100 « spécialistes » qui peuvent être employés par la Défense sans formation complémentaire, car leurs fonctions dans la vie civile sont identiques à celles qui sont susceptibles de leur être confiées dans la réserve (linguistes, médecins ...) ;

- 80 750 réservistes constituent la « réserve sélectionnée » , qui souscrivent un contrat de réserve active et disposent de qualifications militaires ou professionnelles permettant à la Défense de les affecter à des postes de responsabilité ;

- 159 350 réservistes forment la « réserve générale », en instance d'affectation, et destinés à suppléer en cas de besoin les deux catégories ci-dessus ;

- 262 400 réservistes constituent la réserve disponible, prolongement légal du service national. L'article L 67 du Code du service national fixe à cinq ans la durée de service actif et de disponibilité. La réserve disponible est donc composée des appelés du service militaire libérés depuis moins de cinq ans, ce qui signifie qu'un appelé ayant servi sous les drapeaux pendant la durée légale du service militaire (10 mois) fait partie de la disponibilité pendant quatre ans et deux mois à compter de sa libération.

. Le projet de loi de programmation 1997-2002 vise un effectif de réservistes nettement concentré, puisqu'il prévoit un volume de 100 000 réservistes environ, à raison de 50 000 pour la gendarmerie et 50 000 pour les trois armées. Ces 100 000 réservistes, sélectionnés pour leurs compétences et leur disponibilité, formeront la première réserve, destinée à permettre de rassembler des effectifs rapidement opérationnels. Ces nouvelles forces de réserve seront recrutées à partir des anciens militaires professionnels, de volontaires et des « jeunes du service national ».

Le projet de loi de programmation 1997-2002 renvoie en outre à une deuxième réserve, composée de ceux -et de celles- qui, anciens de la première réserve ou ne remplissant pas les conditions de disponibilité et de compétences définies pour y accéder, seront néanmoins soucieux de « contribuer sous des formes nouvelles et adaptées au maintien du lien armées-Nation ».

2. L'évolution du format des forces

La réduction du format des armées et de la gendarmerie recouvre des situations contrastées en fonction des spécificités qui caractériseront la montée en puissance de la professionnalisation de chacune.

Evolution des effectifs par armée ou service et par catégorie entre 1996 et 2002

1996

2002

Terre

Officiers

17461

16 080

Sous-officiers

56 644

50 365

MDR engagés

30 202

66 681

Appelés et volontaires

132 319

5 500

Civils

31 946

34 000

Total

268 572

172 626

Marine

Officiers

4 844

4 961

Sous-officiers

32 530

30 136

MDR engagés

8 103

7 998_

Appelés et volontaires

17 906

1 775

Civils

6 495

11 594

Total

69 878

56 464

Air

Officiers

7 277

6 974

Sous-officiers

42 813

38 392

MDR engagés

5 882

16 758

Appelés et volontaires

32 674

2 225

Civils

4 906

6 731

Total

93 552

71 080

Gendarmerie

Officiers

2 666

4 055

Sous-officiers

77 728

75 337

dont : sous-officicrs gendarmerie

77 079

71 302

autres sous-officiers

649

4 035

Appelés et volontaires

12 017

16 232

Civils

1 258

2 260

Total

93 669

97 884

Services communs

Officiers

6 208

6 119

Sous-officiers

5 113

5 066

MDR engagés

365

1 090

Appelés et volontaires

6 582

1 439

Civils

29 142

28 438

Total

47 410

42 152

Totaux

Officiers

38 456

38 189

Sous-officiers

214 828

199 296

MDR engagés

44 552

92 527

Appelés et volontaires

201 498

27 171

Civils

73 747

83 023

Total

573 081

440 206

a) Une Armée de terre au format réduit

D'un total de 268 572 hommes en 1996 (personnels civils compris), L'Armée de terre devra atteindre en 2002 un effectif de 172 626 hommes, soit une contraction de 36 % répartie sur six années. Notons que la cible envisagée pour 2015 sera atteinte par l'Armée de terre dès la fin de la période de la programmation. Si le maintien de l'obligation du service national l'avait emporté, la cible aurait été de 174 872 hommes, soit une diminution de format de 34,89 %. Outre cette contraction d'effectifs, liée à la professionnalisation, la mise en oeuvre du projet de loi de programmation se traduira, pour l'Armée de terre, par une modification profonde de son dispositif et de ses structures.

(1) Les effectifs de l'Armée de terre professionnelle

L'évolution de l'Armée de terre pendant la période 1997-2002 est étroitement liée à la disparition du service national dans ses formes actuelles.

. Les effectifs de militaires d'active augmenteront de 27,6 %. Cette hausse recouvre une diminution des effectifs d'officiers (réduits d'environ 200 par an jusqu'à une contraction de 7,9 %), de sous-officiers (- 11,09 % entre 1996 et 2002), alors que les effectifs de militaires du rang engagés seront plus que doublés : 30 202 en 1996, 66 681 en 2002.

. Les incertitudes sur l'avenir du service national ont induit certaines nuances à l'égard des personnels civils. Si leur effectif aurait été stable dans l'hypothèse du maintien de l'obligation (31 946 postes civils de 1996 à 2002), on note, dans le cadre du volontariat, une hausse annuelle régulière de 340 postes environ entre 1996 et 2002, soit une augmentation de 6,4 % concernant cette catégorie pendant la période, leur part dans l'ensemble des effectifs passant de 11,89 % en 1996 à 19,7 %.

. La contraction du format de l'Armée de terre (- 95 946 hommes dans le contexte issu du choix d'un service volontaire, - 93 700 si le maintien de l'obligation avait été retenu) est donc liée à la disparition de la formule actuelle du service national. La part du service national dans l'ensemble des effectifs de l'Armée de terre passera de 132 319 appelés en 1996, soit 49 % des effectifs, à 5 500 volontaires qui ne représenteront plus que 3,2 % de l'ensemble des forces terrestres. Dans l'hypothèse du maintien de l'obligation, les 11 000 « jeunes du service national » auraient représenté 6,29 % des effectifs.

. L'évolution du format et la professionnalisation de l'Armée de terre se traduisent par un fort accroissement du taux d'encadrement, qui devrait s'élever à terme à 49 % au lieu de 31 % actuellement.

(2) Des restructurations accélérées

L'armée de terre ralliera au plus vite son format futur en procédant à la quasi-totalité des dissolutions de régiments pendant les trois premières années d'application de la loi de programmation. L'adaptation des fonctions de soutien, de formation et de commandement interviendra à partir de 1999, le maintien de ces fonctions étant indispensable à la conduite de restructurations. Rappelons que l'armée de terre procède à de nombreuses restructurations depuis 1993, qui ont conduit à la dissolution de 19 états-majors, de 54 régiments et de 86 organismes de soutien. Après la pause intervenue en 1995, les restructurations prévues pour 1996 ont concerné la dissolution de six centres mobilisateurs, de quatre commissariats, du centre d'entraînement commando de Pont Saint-Vincent, du centre de traitement de l'information de Lyon et de deux régiments : le 72e Régiment de génie de Mourmelon et le 20e Régiment d'artillerie de Poitiers. Cette dernière mesure est compensée par le transfert, de Vannes à Poitiers, du Régiment d'infanterie et chars de marine (RICM), entièrement professionnalisé.

A l'échéance de 2002, l'armée de terre devrait donc perdre une quarantaine de régiments et dissoudre plusieurs dizaines de formations.

Ces restructurations devraient être annoncées par tranches biannuelles, de manière à permettre aux intéressés (personnels concernés et leurs familles, collectivités locales) de prendre leurs dispositions. La première tranche, qui couvrira au minimum la période 1997-1998, sera connue dès juillet 1996.

La réorganisation du commandement et du soutien, qui débutera en 1999, pourrait se fonder sur cinq circonscriptions ou régions au lieu de neuf actuellement, représentées par un commandement organique. Le commandement opérationnel comprendra un état-major des forces terrestres projetables ainsi que quatre états-majors polyvalents.

b) L'Armée de l'air à l'échéance de 2002

La professionnalisation n'est pas censée remettre en cause en profondeur l'organisation générale et les structures de l'armée de l'air, dont les unités projetables sont déjà très largement professionnalisées. La professionnalisation affectera, en revanche, très sensiblement le fonctionnement des bases aériennes et la répartition des fonctions entre militaires et civils.

(1) Un format réduit

. Pendant la période 1997-2005, l'Armée de l'air verra ses effectifs décroître de 24 % . Cette diminution aurait été de 22,35 % si l'obligation du service national l'avait emporté : de 93 555 en 1996, les personnels de l'Armée de l'air (militaires et civils) devront passer à 71 080 en 2002. L'objectif aurait été de 72 652 dans le contexte issu d'un service national obligatoire. Contrairement à l'armée de terre, qui ralliera dès 2002 la cible prévue pour 2015, l'armée de l'air devra, après la période de programmation, resserrer ses effectifs pour parvenir aux 70 683 hommes qui constitueront son format en 2015 (71 578 avaient été prévus dans l'hypothèse du maintien de l'obligation).

. Comme dans le cas de l'armée de terre, cette contraction d'effectifs se traduira par une augmentation du nombre de personnels d'active et de civils.

- Les effectifs civils, de 4 906 en 1996 soit 5,24 % de l'ensemble, passeront à 6 731 en 2002 avec un service volontaire. Ils représenteront alors 9,46 % du total. Leur nombre augmentera donc de 37,19 %, entre 1996 et 2002. Après la période de transition, leur effectif est appelé à une légère réduction (6 576 en 2015), sans que cette évolution affecte la part des civils dans l'ensemble des effectifs de l'armée de l'air, qui s'établira alors à 9,3 %.

Dans l'hypothèse du maintien d'une forme de service obligatoire, le nombre de civils aurait été de 5 848 en 2002, soit une hausse de 18,64 % par rapport à l'effectif de 1996. A l'échéance de 2015, les 6 436 civils auraient toutefois représenté 8,99 % du total des personnels de l'armée de l'air.

- Le nombre de militaires d'active, de 42 813 en 1996, passera à 62 124 en 2002, soit une hausse de 45,1 % qui aurait été de 45,64 % si l'obligation du service national l'avait emporté. Les évolutions retenues à l'égard des officiers et des sous-officiers n'ont pas été affectées par les scénarios en concurrence à l'égard du service national. De 7 277 en 1996, le nombre d'officiers serait passé, dans l'une et l'autre hypothèses, à 6 974 en 2002 (puis à 6 814 en 2015), et les effectifs de sous-officiers, de 42 813 en 1996 à 38 392 en 2002, soit une baisse de 4,17 % pour les officiers et de 10,3 % pour les sous-officiers.

Le nombre de militaires du rang engagés est appelé à une hausse sensible. Cette évolution n'aurait pas été affectée par les incertitudes relatives au service national. De 5 882 en 1996, ces effectifs passeront à 16 758 en 2002, soit un quasi-triplement à l'échéance de 2015 (17 746 militaires du rang engagés ou « militaires techniciens de l'air » en 2015). Si une forme d'obligation du service national avait été maintenue, les effectifs des militaires du rang engagés seraient passés à 16 988 en 2002 (16 556 en 2015).

La catégorie des militaires du rang engagés représentera donc, en 2002, 23,57 % des effectifs de l'armée de l'air (25,1 % en 2015), au lieu de 6,63 % en 1996.

- La réduction de la part du service national dans les effectifs de l'armée de l'air sera progressive, et passera de 34,92 % de l'ensemble en 1996 (avec 32 674 appelés) à 3,13 % en 2002 avec 2 225 volontaires (même cible pour 2015).

Le maintien de l'obligation du service national se serait traduit par un effectif de 4 450 "jeunes du service national", qui auraient représenté 6,12 % du total des personnels de l'armée de l'air.

. Les restructurations mises en oeuvre par l'armée de l'air depuis 1993 ont eu pour objectif un resserrement de son dispositif pour obtenir une meilleure adéquation entre les lieux de stationnement de ses avions de combat, de transport et d'avions-école, et la contraction du dispositif de soutien des matériels.

C'est ainsi qu'en 1994 ont été fermées la base aérienne de Strasbourg-Entzheim, ainsi que, dans le domaine des soutiens, la base de Toulon-Balma, celle de Limoges ayant fait l'objet d'une restructuration. En 1997, les restructurations concerneront le regroupement des organismes implantés à Bordeaux sur le site de Mérignac, la création d'un pôle "Infrastructure et génie de l'air" sur la base de Toul-Rosières, à partir de transferts de services de Chartres, de Compiègne et de Toul-Thouvenot, et, enfin, la dissolution de la base aérienne de Limoges ainsi que la fermeture de l'entrepôt, dont les missions seront transférées à Romorantin, Ambérieu et Cinq-Mars-la Pile, près de Tours.

De 44 bases en 1993, le format de l'armée de l'air passera à 39 en 1997, et à 32 en 2002. Les mesures de restructuration qui seront décidées dans le cadre de la programmation 1997-2002 constituent donc la poursuite d'un processus déjà bien entamé, destiné à rationaliser les implantations tout en limitant les dépenses en infrastructures, dont les coûts, très élevés, ne sont rentables qu'à l'échéance de 15 à 20 ans.

(2) Une nouvelle organisation fondée sur une nouvelle répartition des fonctions entre militaires et civils

Pendant la période de transition, l'armée de l'air devra adapter l'organisation de ses unités à la décroissance progressive des effectifs appelés. Rappelons que l'armée de l'air compte peu d'unités à prédominance d'appelés, sauf dans les domaines de la protection et de l'infrastructure.

- Les 2 225 volontaires du service militaire dans l'Armée de l'air en 2002 occuperont, comme dans le système actuel, des postes de support général ou technique. Le concept d'emploi aurait été le même si l'obligation du service national avait été maintenue. Dès 1997, les bases de Cognac,

Ambérieu et Colmar expérimenteront les formules envisagées pour procéder au remplacement des appelés par un nombre réduit d'engagés.

- Les civils occuperont les postes dont les caractéristiques ne justifient pas qu'ils soient confiés à des militaires. En règle générale, les postes de soutien n'impliquant pas une grande mobilité seront transférés à des personnels civils.

- Les militaires du rang engagés (« militaires techniciens de l'air » ou MTA) occuperont les emplois de support opérationnel, technique ou général, dont les caractéristiques (disponibilité, horaires, opérations extérieures ...) requièrent du personnel militaire. Les activités du personnel militaire devront, de manière générale, être recentrées sur les fonctions opérationnelles.

c) La réorganisation de la Marine

La professionnalisation affectera directement l'organisation générale de la Marine, mais n'induira pas de restructurations majeures. En effet, le plan Optimar 95 a déjà permis de procéder à l'essentiel des mesures nécessaires en vue de la réorganisation des structures de la Marine.

(1) Principes guidant la professionnalisation de la Marine

. De manière générale, les appelés embarqués seront remplacés, nombre pour nombre, par des militaires d'active, le recours à des personnels civils étant exclu à bord des bâtiments, où chaque homme est considéré comme un combattant, quelles que soient sa spécialité ou ses fonctions. Les appelés en poste à terre seront remplacés par des professionnels, militaires ou civils, à proportion de 0,8 professionnel pour un appelé. Ce ratio tient compte de la productivité supérieure des professionnels.

Dans les cas où des postes de militaires professionnels se substitueront à des postes d'appelés, le recours à des engagés de longue durée (contrat de huit ans) sera privilégié. Les emplois de faible qualification devraient toutefois être confiés à des engagés pour un contrat court (deux ans éventuellement renouvelables une fois).

. L'emploi de personnels civils est privilégié essentiellement pour des raisons budgétaires. En effet, le coût relatif des personnels militaires est plus élevé que celui des personnels civils. Cette situation tient aux spécificités de rémunération liées aux contraintes du statut militaire, et aux incitations matérielles proposées dans le cadre de la professionnalisation pour recruter des militaires de qualité.

C'est pourquoi seront de préférence confiés à des civils les postes n'ayant pas de lien direct avec le service des armes, ne comportant pas d'exigences particulières de disponibilité ou de mobilité, et ne relevant pas d'une spécialité dans laquelle il est impossible de dissocier emplois à terre et emplois embarqués.

(2) La disparition des appelés compensée par une augmentation de personnels civils

. Les effectifs de la Marine passeront de 69 878 en 1996 à 56 464 en 2002, soit une contraction de 19,2 % (cette baisse aurait été de - 17,36 % dans le cas du maintien de l'obligation, les effectifs globaux de la Marine s'élevant, dans cette hypothèse, à 57 753 hommes).

. A la différence de l'armée de l'air et des forces terrestres, la Marine ne compensera pas la suppression des postes d'appelés par une augmentation des effectifs de militaires d'active, mais par une augmentation des effectifs civils.

- La réduction des effectifs de militaires d'active sera de - 5,24 % (43 095 hommes en 2002 au lieu de 45 477 en 1996), et portera, pour l'essentiel, sur la catégorie des sous-officiers (- 7,36 %), la baisse des effectifs de militaires du rang engagés se limitant à - 1,3 %. En revanche, les effectifs d'officiers augmenteront de 2,41 %, passant de 4 844 en 1996 à 4 961 en 2002. En dépit de cette baisse globale des effectifs de militaires d'active, la part de ceux-ci dans le total des personnels de la Marine augmentera très sensiblement, et passera de 65 % en 1996 à 76,32 % en 2002.

Le maintien de l'obligation du service national aurait été sans conséquences sur les officiers et sous-officiers, mais les effectifs de militaires du rang engagés auraient augmenté de 7,28 % dans cette hypothèse, ce qui aurait limité la diminution du nombre de militaires d'active à - 3,71 %.

- Les personnels civils de la Marine augmenteront de 78,5 % (11 594 en 2002 au lieu de 6 495 en 1996). Leur part dans l'ensemble des personnels de la Marine sera, en 2002, de 20,53 % (9,29 % en 1996). Cette hausse aurait été de 60,32 % dans le cas de maintien de l'obligation. La proportion de civils dans le total des effectifs de la Marine se serait limitée à 18 % dans cette hypothèse.

. La part du service national diminuera très sensiblement à l'échéance 2002 : alors que les appelés représentent en 1996 25,63 % des effectifs de la Marine, les 1 775 volontaires que comptera celle-ci en 2002 ne représenteront que 3,14 % de l'ensemble. Si le maintien de l'obligation du service national l'avait emporté, les 3 550 "jeunes du service national" auraient, en 2002, été l'équivalent de 6,14 % des personnels.

Pendant la période de transition, les besoins en appelés diminueront de manière linéaire sur cinq années. La professionnalisation des unités à terre sera menée parallèlement à celle des unités navigantes. Des appelés volontaires pour de telles affectations pourront, pendant cette période, être affectés à des unités navigantes qui ne sont pas destinées à être déployées en opérations extérieurs. D'autres pourront recevoir des affectations à terre en environnement opérationnel.

(3) Peu de restructurations à venir dans la Marine

Du fait de la mise en oeuvre du plan Optimar 95, la marine a déjà procédé à l'adaptation de ses structures territoriales.

Le plan Optimar 95 prévoit, en effet, le regroupement des principales unités et les soutiens associés dans les deux ports de Brest et de Toulon, ainsi que la fermeture de la base aéronavale de Fréjus et de la base de Keroman. En 1996, les restructurations ont concerné le transfert de l'École d'initiation au pilotage de Rochefort à Lanveoc-Poulmic en 1997, dans le cadre d'un regroupement des organismes de formation.

L'anticipation qu'a constituée la mise en oeuvre du plan Optimar 95 limite les incidences de la professionnalisation sur les restructurations dans la Marine. Celles-ci pourraient se borner à la dissolution éventuelle du centre de formation maritime d'Hourtin, dont le maintien ne serait pas nécessaire avec l'incorporation de 1 775 volontaires seulement.

d) L'importance croissante de la gendarmerie

La gendarmerie est la seule force dont le format soit appelé à augmenter pendant la période de programmation. Cette spécificité est liée à un besoin croissant de sécurité, susceptible d'affecter directement l'ampleur des missions confiées à la gendarmerie.

(1) Un besoin croissant de sécurité

. La mission traditionnelle de sécurité intérieure passe par l'accomplissement des responsabilités de la gendarmerie en matière de police administrative et judiciaire. Ces responsabilités sont aujourd'hui renforcées par l'extension du réseau autoroutier et des voies rapides, et par l'augmentation prévisible de la population placée sous la surveillance de la gendarmerie (zones périurbaines et en développement résidentiel), à hauteur de 6 millions d'habitants à l'échéance de 2015. Enfin, la création de centres de rétention judiciaire et administrative entraînera l'emploi d'unités de gendarmerie mobile en nombre plus important.

Par ailleurs, la gendarmerie participera de manière croissante, à travers sa mission de sécurité intérieure, à des tâches relevant de la protection du territoire : lutte contre les trafics internationaux, notamment de stupéfiants, contre le terrorisme, les violences urbaines ... Rappelons que la mise en oeuvre du plan Vigipirate a mobilisé dans sa période renforcée jusqu'à 15 000 gendarmes chaque jour.

. L'autre champ d'action de la gendarmerie tient à la participation de celle-ci à des actions de coopération policière transfrontalière dans le cadre européen et, plus particulièrement, dans le cadre de la convention d'application des accords de Schengen et du titre VI du Traité de l'Union européenne.

(2) L'adaptation des ressources humaines de la gendarmerie

Pour faire face à l'accroissement de ses misions, la gendarmerie connaîtra, entre 1996 et 2002, une augmentation de ses effectifs de 4,5 % qui tient, pour l'essentiel, à la hausse des personnels civils et, surtout, à celle de la part du service national. Il s'agit donc d'une évolution originale par rapport à celle des trois armées, et qui tient à un taux déjà très élevé de professionnalisation.

. L'augmentation des effectifs civils, qui passeront de 1 258 en 1996 à 2 260 en 2002, soit une hausse de 79,65 %, est liée à la nécessité de limiter le nombre de gendarmes chargés des postes de soutien non opérationnel. Les personnels civils ne représenteront pourtant en 2002, malgré cette hausse, que 2,3 % du total (1,34 % en 1996).

. La diminution du nombre de militaires d'active (officiers et sous-officiers) portera, entre 1996 et 2002, sur 1 002 postes, soit une réduction légère de - 1,25 % (79 392 officiers et sous-officiers en 2002 au lieu de 80 394 en 1996). Notons que la cible retenue à l'égard de cet ensemble aurait été la même dans l'hypothèse du maintien de l'obligation. Les militaires d'active représenteront en 2002 81,1 % de l'ensemble des effectifs de la gendarmerie (85,82 % en 1996).

Cette baisse recouvre toutefois des évolutions contrastées :

- le nombre d'officiers augmentera de 52 %, passant de 2 666 à 4 055,

- les effectifs de sous-officiers seront réduits de 3 % (75 337 en 2002 au lieu de 77 728 en 1996), mais le nombre de sous-officiers de gendarmerie diminuera de 7,5 %, passant de 77 079 en 1996 à 71 302 en 2002, tandis que le nombre de sous-officiers régis par des statuts différents augmentera substantiellement, de 649 en 1996 à 4 035 en 2002.

Ces 4 169 officiers et sous-officiers d'emploi technique et administratif représenteront, en 2002, 5,25 % des personnels militaires d'active.

La création de nombreux emplois militaires à caractère administratif et technique, dont le statut est à l'étude, permettra de maintenir les effectifs des unités opérationnelles. Dans cette perspective, la gendarmerie pourra intégrer des personnels par voie de changement d'armée, ce qui lui permettra de disposer de cadres qualifiés et expérimentés dans les emplois techniques, et d'affecter prioritairement les gendarmes aux postes opérationnels.

. Notons que l'ensemble formé par les effectifs professionnels (civils, officiers, sous-officiers) restera stable entre 1996 et 2002, avec 81 652 personnels en tout, soit 83,41 % des effectifs retenus pour 2002 (87,17 % des effectifs de 1996).

. L'augmentation de la composante « service national » est importante (+ 35 % entre 1996 et 2002). Avec 16 232 postes en 2002, les volontaires du service national représenteront 16,58 % des effectifs. Leur part sera donc accrue par rapport aux 12 017 gendarmes-auxiliaires servant en 1996 (soit 12,82 % du total).

Il est probable que les hypothèses d'emploi des futurs volontaires du service national différeraient par rapport à celles des gendarmes auxiliaires actuels (dont 72 % sont affectés en unités opérationnelles). Recrutés pour deux ans au plus, les volontaires recevraient une formation leur permettant éventuellement de recevoir une capacité juridique équivalant à celle d'agent de police judiciaire adjoint selon l'article 21 du code de procédure pénale. Cette formation plus longue serait mieux rentabilisée par une présence prolongée « sous les drapeaux ». Dans cette hypothèse, les futurs volontaires du service national pourraient donc être étroitement associés aux missions de protection des personnes et des biens. Les effectifs supplémentaires de volontaires seraient prioritairement affectés au renforcement des brigades territoriales les plus chargées, notamment en zone périurbaine, et des pelotons de surveillance et d'intervention les plus sollicités.

(3) L'incidence mineure de la programmation sur les restructurations de la gendarmerie

Le plan de restructuration de la gendarmerie mis en oeuvre en 1995 est, pour l'essentiel, destiné à tirer les conséquences de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 relative à la sécurité. La nouvelle législation a, en effet, nécessité un réaménagement du dispositif de la gendarmerie en zone de police d'État, qui a conduit à des transferts d'effectifs vers des zones de compétences exclusives de la gendarmerie. Ces redéploiements ont, en 1995, concerné trente-deux unités (un centre d'instruction et trente et une brigades). Par ailleurs, la rationalisation du maillage territorial de la gendarmerie préservera l'implantation de celle-ci en milieu rural.

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B. LES MESURES D'ACCOMPAGNEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

La réussite de la professionnalisation et de la réorganisation de nos forces exige qu'une attention particulière soit portée aux conséquences économiques et sociales de ces évolutions. Des moyens spécifiques sont donc consacrés par le projet de loi de programmation à la prise en compte des restructurations militaires et de l'incidence, pour les personnels, de l'adaptation des ressources humaines des armées.

1. L'accompagnement de la professionnalisation

La loi de programmation prévoit de consacrer 9,1 milliards de francs à la professionnalisation et à la réorganisation des forces. Ce « fonds d'accompagnement de la professionnalisation » regroupera des crédits répartis sur différentes lignes budgétaires du titre III. Ces crédits financeront des mesures destinées aux personnels civils et militaires, afin de compenser le surcoût de mobilité dû aux restructurations, de favoriser le départ des cadres, de revaloriser la condition militaire, de financer certaines adaptations liées à la professionnalisation et, notamment, le développement du recours à la sous-traitance, et de conserver des moyens croissants aux forces de réserves.

La répartition annuelle de ce fonds est la suivante :

MF 95

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total

716

1 256

1 487

1 729

1 921

2 042

9 150


• 5,3 milliards de francs seront destinés à compenser le surcroît de mobilité imposé par les restructurations et à favoriser le départ des cadres militaires.


• 1,6 milliard de francs seront affectés à la revalorisation de la condition militaire et au recrutement des engagés (augmentation de la rémunération initiale, actions de formation et de reconversion).


• 1,3 milliard de francs serviront à financer les adaptations liées à la professionnalisation. Ces crédits permettront de mieux prendre en compte l'accroissement de la technicité nécessaire à une armée professionnelle dont le taux d'encadrement va être accru : ils seront également destinés à développer le recours à la sous-traitance, afin que les militaires puissent pleinement se consacrer aux missions qui leur sont spécifiques et être déchargés d'une partie des tâches non opérationnelles qu'ils effectuent aujourd'hui.


• 850 millions de francs seront destinés aux réserves : ces crédits viendront s'ajouter aux moyens qui leur sont actuellement consacrés, compte tenu de leurs nouvelles conditions d'emploi

a) Mesures destinées à compenser la mobilité des personnels

La fréquence des dissolutions et de regroupements d'unités et d'organismes de la Défense, conjuguée aux restructurations des implantations militaires et aux réductions d'effectifs, entraînera une sur mobilité importante, tant des militaires que des personnels civils.

. Les mesures destinées aux militaires concernent, d'une part, la revalorisation des frais de changement de résidence pour les catégories les moins bien indemnisées (militaires du rang et sous-officiers subalternes). D'autre part, les conditions de reconnaissance de la nouvelle garnison d'affectation en cas de mutation seront améliorées. L'autorisation d'absence en régime de mission consentie aux militaires chargés de famille passera, en effet, de trois à six jours en vue de l'accomplissement des formalités nécessaires. Enfin, il est prévu d'autoriser le cumul des compléments et suppléments d'indemnité pour charges militaires (ICM) en cas de suppression ou de délocalisation de l'unité d'affectation.

. Les mesures destinées aux civils prévoient l'harmonisation des règles d'indemnisation applicables aux fonctionnaires et aux ouvriers (les seuils de versement diffèrent actuellement en fonction de la catégorie). Les régimes indemnitaires (indemnité de conversion et complément pour les ouvriers, indemnité exceptionnelle de mutation et complément pour les non-ouvriers) seront améliorés pour que soient appliquées des dispositions similaires aux mesures en vigueur dans les autres ministères civils. Un effort spécifique devrait, par ailleurs, être consenti à l'égard des conjoints.

b) Mesures d'incitation au départ


• En ce qui concerne les militaires, l'adaptation du format des forces passe non seulement par une réduction globale des effectifs de cadres, en dépit des spécificités précédemment relevées par votre rapporteur selon les armées, mais aussi par un rajeunissement des personnels, motivé par les missions imparties aux forces professionnelles, et qui s'accommodent mal d'une ancienneté trop importante dans le service des armes.

Pendant la période 1997-2002, le nombre de départs à la retraite anticipée devra s'élever, pour l'ensemble des officiers et des sous-officiers, à 17 418 (soit une moyenne annuelle de 2 903), conformément au tableau ci-après :

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total général

Officiers

238

298

305

291

330

321

1 783

Sous-officiers

2 386

2 587

2 523

2 783

2 683

2 673

15 635

Total

2 624

2 885

2 828

3 074

3 013

2 994

17 418

Entre 1991 et 1994, le nombre total des départs a la retraite des officiers et sous-officiers s'était élevé à 34 340, avec des variations sensibles entre les années, que rappelle le tableau ci-joint.

1991

1992

1993

1994

Total général

Officiers

1 940

2 011

1 751

1 643

7 345

Sous-officiers

8 885

6 906

5 875

5 329

26 995

Total

10 825

8 917

7 626

6 972

34 340

Les objectifs retenus pour la loi de programmation en matière de départs anticipés ne semblent donc pas impossibles à atteindre, compte tenu des mesures d'incitation prévues. Au total, entre 1997 et 2002, le nombre total de départs (départs naturels et départs résultant des mesures d'incitation) devrait concerner :

- 13 000 officiers

- 52 000 sous-officiers,

soit un total de 65 000 cadres qui ne représente pas même le double de ce que l'on avait constaté, sur quatre années seulement (de 1991 à 1994), sans les mesures d'incitation prévues par le projet de loi de programmation.


Le statut actuel des militaires prévoit d'ores et déjà des mesures d'incitation au départ.

Il s'agit du pécule (articles 71 et 71.1 de la loi n° 72.662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires) : l'officier ayant entre 15 et 18 ans de services effectifs, mis à la retraite avec le bénéfice d'une pension différée, qu'il percevra à 50 ans, et appartenant aux armes et corps combattants des armées, peut recevoir un pécule équivalent à 42 mois de la solde budgétaire (à laquelle s'ajoute l'indemnité de résidence). Ce pécule doit être compris dans les limites d'un contingent annuel. Le montant moyen des pécules susceptible d'être versés au titre de l'exercice dernier s'élève à 662 270 F (662 550 F pour un commandant) ;

- La disponibilité (art. 62 et 62-1 du statut général des fonctionnaires) permet à l'officier de carrière, jusqu'au grade de colonel inclus, sous certaines conditions d'ancienneté, de percevoir une solde réduite des 2/3 pendant cinq ans au maximum (renouvelable une fois), tout en conservant ses droits à pension de retraite ;

- La pension de retraite à jouissance différée (art. 69-c du statut général des militaires) est accessible à partir de 15 ans d'ancienneté (jusqu'à 25 ans de services effectifs) et permet à l' officier qui bénéficie de cette position de percevoir sa retraite à partir de l'âge de 50 ans.

- D'autres dispositions sont communes aux officiers et sous-officiers :

. Le congé sans solde pour convenance personnelle (art. 61 du statut général des militaires), renouvelable une fois, est compris entre six mois et cinq ans. Il n'ouvre de droits ni en matière d'avancement, ni en matière de droits à pension de retraite. Cette position permet aux intéressés de tenter une reconversion dans le secteur public ou privé, avec possibilité de réintégration dans l'armée en cas d'échec.

. Le congé du personnel navigant (art. 63 et 64 du statut général des militaires) est accordé au titre de services aériens exceptionnels ou d'une invalidité d'au moins 40 % résultant de services aériens commandés. L'intéressé est mis à la retraite à l'expiration de ce congé. Celui-ci ne compte ni pour l'avancement, ni pour les droits à pension de retraite.

. Le recul de la limite d'âge pour les concours de recrutement dans la fonction publique (art. 1 de la loi 70-L du 2 janvier 1970, art. 96 du statut général des militaires), d'un temps égal à celui passé sous les drapeaux (dans une limite toutefois de 10 ans), est assorti de la prise en compte des diplômes et qualifications militaires qui se substituent aux titres et diplômes exigés par les statuts des corps d'accueil.

. La bonification d'ancienneté dans la fonction publique (art. 47-1 et 97 du statut général des militaires) consiste en la prise en compte du temps passé sous les drapeaux pour le calcul de l'ancienneté dans un emploi public, jusqu'à 10 ans pour les emplois de catégorie C et jusqu'à 5 ans pour les emplois de catégorie B. Par ailleurs, l'article 1er et l'article 2 de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 permettent la prise en compte, dans certaines limites, des services militaires pour le calcul de l'ancienneté dans certains emplois de l'État, des collectivités locales, des établissements publics ou des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut réglementaire.

. Les emplois réservés (art. 47-1 et 95 du statut général des militaires et art. 397 du Code des pensions) ouvrent aux sous-officiers l'accès aux corps de la fonction publique et parapublique par la voie de concours ou d'examens spécifiques avec un certain nombre de places réservées.


Le statut actuel des militaires prévoit aussi des mesures temporaires, en vigueur jusqu'à la fin de l'année 1998, et dont la professionnalisation justifie la prorogation jusqu'en 2002.

Cette reconduction interviendra à travers un dispositif législatif spécifique, qui devrait être proposé à l'automne au Parlement simultanément aux projets de loi relatifs, d'une part, à la réforme du code du service national et, d'autre part, au statut des réservistes :

- La retraite au grade supérieur (art. 5 et 6 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975) s'adresse aux officiers jusqu'au grade de colonel, qui ont acquis des droits à pension de retraite (25 ans de service) et qui se trouvent à plus de quatre ans de la limite d'âge de leur grade. Cette mesure est acquise de plein droit pour les officiers dont le niveau d'ancienneté dans leur grade ne permet plus la promotion au grade supérieur. Depuis 1992, les droits ouverts pour l'ensemble des armées sont de 700 postes (600 officiers environ demandent à bénéficier de ces mesures).

- Le congé spécial (art. 7 du statut général des militaires), d'une durée maximum de cinq ans, concerne une cinquantaine de postes chaque année. Il est ouvert aux officiers généraux d'une ancienneté en tant que général de division de deux ans, et aux colonels ayant une ancienneté de grade de quatre ans, et se trouvant à plus de deux ans de la limite d'âge de leur grade. La rémunération servie pendant le congé spécial est réduite d'un tiers, si l'intéressé exerce une activité privée lucrative lui procurant un revenu supérieur de moitié à sa rémunération. La réduction est de 50 %, si ce revenu est supérieur de deux tiers à sa rémunération. En 1995, 130 officiers se trouvaient en congé spécial en même temps (200 en 1994).

- L'intégration directe dans un corps de fonctionnaire (art. 3 de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970) vise le recrutement de militaires dans des emplois civils de l'État. Cette faculté concerne les officiers de carrière, des grades de capitaine à colonel, et les sous-officiers de carrière, des grades de major, d'adjudant chef ou assimilés, sous réserve de certaines conditions d'ancienneté. Après un stage probatoire de deux mois, les intéressés peuvent être placés en position de service détaché pour occuper un emploi vacant dans les administrations de l'État ou des collectivités locales, ou dans des établissements publics à caractère administratif. Après une année dans leur nouvel emploi, ces militaires peuvent être intégrés dans le corps d'accueil, où ils sont reclassés à un indice égal ou immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient dans les armées. Une centaine de sous-officiers sont, chaque année, concernés par cette disposition du statut militaire, qui s'applique également à soixante officiers par an. La variété des postes proposés sera accrue dans les années à venir.


• Enfin, d'autres dispositions destinées à encourager les départs de militaires sont prévues par le projet de loi de programmation. Il s'agit notamment du congé de reconversion et de l'attribution d'un pécule plus incitatif que celui que prévoit le régime actuel :

- Le congé de reconversion devrait rendre l'engagement dans les armées plus attractif. D'une durée comprise entre six et douze mois, ce congé ouvrira droit à la perception de la solde indiciaire nette, de la prime de qualification, de l'indemnité de résidence et des suppléments pour charges de famille. Le temps passé en congé comptera pour l'avancement et pour les droits à pension de retraite. Les bénéficiaires seront mis d'office en position de retraite à l'expiration de ce congé.

En 1995, plus de 2 300 militaires ont bénéficié de stages de reconversion, d'une durée moyenne de six mois. Ce nouveau congé de conversion pourrait concerner environ 8 800 militaires par an. La rémunération des bénéficiaires sera imputée sur les crédits des personnels d'active.

- Le pécule est destiné à inciter les militaires les plus anciens à quitter le service. Contrairement au pécule prévu, dans le système actuel, par la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972, le nouveau pécule s'adressera non plus seulement aux officiers, mais aussi aux sous-officiers. Sur la durée de la loi de programmation, cette mesure concernera 1 100 officiers et 10 500 officiers, qui accepteront de quitter le service actif au moins trois ans avant la limite d'âge de leur grade. Pour le cadre qui quittera les armées à plus de dix ans de sa limite d'âge, le pécule s'élèvera à 45 mois de solde (calculés en référence à la solde de base), et sera ensuite dégressif en fonction de la durée des services à accomplir avant la limite d'âge. Ce dispositif, auquel 4,8 milliards de francs seront consacrés entre 1997 et 2002, est donc destiné à favoriser le rajeunissement des personnels militaires.

- La revalorisation de l'indemnité de départ des sous-officiers subalternes et des caporaux-chefs devrait encourager les carrières courtes pour les militaires qui servent dans des fonctions opérationnelles contraignantes ne pouvant être exercées que pendant une période relativement brève. Les bénéficiaires devront accepter de quitter le service entre 8 et 11 ans d'ancienneté, sans droit à pension.


• Quant aux mesures d'incitation au départ des civils, elles concerneront :

- la revalorisation de l'indemnité de départ volontaire des ouvriers,

- et l'adaptation du dispositif actuel de dégagement des cadres concernant les ouvriers, qui sera étendu à tous les établissements du ministère de la Défense. Cette mesure permettra le départ à la retraite, dès 55 ans, des ouvriers d'État en poste au sein de la délégation générale pour l'armement ou dans les armées.

Ces aménagements peuvent paraître quelque peu paradoxaux, eu égard à l'augmentation des effectifs civils prévue par la loi de programmation (+ 9 276 postes entre 1996 et 2002). Néanmoins les fermetures de sites qu'impliqueront les restructurations militaires entraîneront des déplacements de personnels qu'il convient d'anticiper. Des mesures alternatives à la mobilité devront, en effet, être proposées à ceux qui préféreraient quitter le service.

c) Mesures destinées à revaloriser la condition militaire et à favoriser le recrutement des engagés

. Une armée professionnelle se doit de proposer des conditions de rémunération attractives aux engagés militaires du rang, dont les effectifs devront augmenter très substantiellement parallèlement à la disparition progressive de la ressource appelée. Rappelons que les trois armées devront, pendant la période 1997-2002, attirer 47 975 engagés supplémentaires, le nombre total d'engagés militaires du rang devant s'élever, en 2002, à quelque 92 527 (66 681 dans l'Armée de terre, 7 998 dans la Marine, 16 758 dans l'Armée de l'air et 1 090 dans les services communs). C'est pourquoi la solde des engagés, sur la base de l'indice majoré 226, s'élèvera approximativement au niveau du Smic, cette rémunération étant appelée à progresser avec le niveau de qualification et l'ancienneté de service. D'autre part, les militaires relevant du régime de la solde spéciale progressive verront leur rémunération mensualisée.

. Dans le même temps, le statut des engagés devra prévoir des garanties en matière de reconversion dans le civil, afin de favoriser une « seconde carrière » de militaires dont la mission au sein des armées exige un temps de service relativement bref.

Rappelons, à cet égard, que les engagés n'ont pas vocation à faire carrière, mais que les meilleurs militaires du rang peuvent être nommés sous-officiers, servant sous contrat, puis demander leur admission au statut de sous-officiers de carrière.

La durée de service des engagés est comprise entre trois et dix années. Ceux qui possèdent la qualification exigée pour être promus au grade de caporal peuvent souscrire un contrat long leur permettant de servir pendant quinze ans, voire, en fonction de leur notation et des besoins exprimés dans leur spécialité, de prolonger leur position d'activité par contrats successifs jusqu'à vingt-deux ans de service.

. La nécessité de prévoir des mesures d'accompagnement du retour à la vie civile pour ces personnels au temps de service réduit est prise en compte par la loi de programmation.

Le dispositif existant s'appuie sur :

- une intégration privilégiée dans les emplois publics (emplois réservés, conditions particulières d'accès),

- une indemnité de départ (décret du 27 juin 1991) équivalant à 14 mois de solde brute,

- des aides à la reconversion (stages de formation professionnelle, période d'essai en entreprise sous statut militaire, aide à la création d'entreprise, homologation des qualifications acquises sous les drapeaux).

Le projet de loi de programmation prévoit :

- la revalorisation de l'indemnité de départ (qui passera de 14 à 24 mois de solde brute),

- la création d'un congé de formation de six mois en position d'activité, renouvelable jusqu'à douze mois en position de non-activité.

Notons, qu'en 1994, 50 % des militaires du rang engagés ayant le droit de bénéficier des aides à la reconversion proposées par les armées, soit 1 388 hommes, ont profité de ce dispositif destiné à faciliter le retour à la vie civile de cette catégorie. Il est probable que, dans la perspective d'une augmentation des flux d'engagements et de départs de militaires du rang, cette proportion soit appelée à augmenter. Dans la future armée professionnelle, les engagés devront être informés suffisamment à l'avance par leurs cadres (comme ils le sont d'ailleurs actuellement) des opportunités qui leur seront offertes par l'institution militaire en matière de reconversion.

d) L'augmentation des moyens consacrés aux réserves

Des moyens accrus seront consacrés dans les prochaines années à la constitution de forces de réserve adaptées à la professionnalisation.

Crédits programmés pour assurer le passage au nouveau régime

(1997-2002)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

240

270

309

368

466

584

(en millions de francs 1993)

Ces crédits, dont le total s'élèvera à 2,23 milliards de francs 1995, seront en nette progression par rapport aux dotations des réserves entre 1994 et 1996.

1994 : 232 MF

1995: 265 MF

1996 : 234 MF

En 2002, les crédits consacrés aux forces de réserves représenteront plus du double de la dotation de 1996.

Après 2002 et à l'échéance de 2015, 870 millions de francs, soit 9,56 % du fonds d'accompagnement de la professionnalisation, permettront de poursuivre l'effort financier requis par l'adaptation des forces de réserve à leurs nouvelles missions et au statut social des réservistes qui sera prochainement défini.

2. L'accompagnement des restructurations militaires

Votre rapporteur a évoqué ci-dessus, à l'occasion de la réduction de format des armées, l'ampleur des restructurations militaires auxquelles il faudra procéder pendant la période de programmation. Ces restructurations toucheront essentiellement l'Armée de terre et, dans une moindre mesure, l'Armée de l'air. Elles induiront, pour les personnels concernés, une sur mobilité dont les effets ont été pris en compte dans le cadre de l'enveloppe de 9,1 milliards qui sera consacrée à l'accompagnement de la professionnalisation.

Les conséquences des restructurations militaires dépassent toutefois très largement le cas des personnels soumis à une mobilité accrue. De nombreuses collectivités locales souffriront de la réorganisation et des dissolutions d'unités militaires.

Afin d'atténuer les effets économiques et sociaux de la réorganisation territoriale des armées en permettant aux collectivités concernées de s'y préparer, il est prévu d'accroître le délai entre l'annonce des mesures de restructuration et leur mise en application, par rapport aux délais pratiqués entre 1991 et 1994.

Notons qu'aucune procédure ni aucun guichet spécifiques ne seront mis en place à l'égard des restructurations militaires par rapport aux restructurations industrielles. Toutefois, les premières ne donneront lieu, de manière logique, qu'à des mesures d'accompagnement économique, destinées à limiter les déséquilibres économiques sur les bassins d'emplois concernés, alors que des mesures d'accompagnement tant économique que social viseront à atténuer les effets des restructurations industrielles.

a) L'incidence économique des restructurations militaires

Les conséquences des réorganisations ou dissolutions d'unités militaires sur l'environnement économique local sont considérables.

Ainsi l'étude d'impact du projet de loi de programmation 1977-2002 élaborée par le ministère de la Défense mentionne-t-elle que la dissolution d'un régiment représente le départ de quelque 2 000 personnes, familles comprises.

On mesure les effets directs d'une telle évolution pour tous ceux -commerçants, artisans et entrepreneurs- qui effectuaient des travaux au profit de l'unité dissoute ou transférée, ou qui comptaient ses membres parmi leur clientèle.

Les effets indirects sont liés notamment à la baisse des impôts locaux perçus par les collectivités locales concernées par les restructurations militaires, et à la diminution de la fréquentation des infrastructures locales (transports, établissements scolaires ...). Enfin, la surabondance de logements rapidement libérés peut avoir des conséquences négatives sur le marché immobilier local.

Il importe donc de mettre en place des mesures d'accompagnement pour favoriser, dans les bassins d'emplois concernés, la reconversion des sites désaffectés en conséquence du départ des unités militaires, afin de renforcer l'activité des petites et moyennes entreprises pour lesquelles les restructurations militaires équivalent à des pertes de commandes.

b) L'intensification des instruments existants

. Les mesures d'accompagnement qui viseront à atténuer les effets économiques des restructurations militaires impliqueront la coordination des acteurs locaux dans chaque région concernée, à partir de conventions passées entre l'État et les conseils régionaux qui le souhaiteront. Les restructurations militaires feront, par ailleurs, appel aux interventions de l'État, des collectivités locales et de l'Union européenne.

. De manière générale, la plupart des intervenants et des moyens rassemblés en vue de l'accompagnement économique des restructurations militaires sont déjà en place, et ont même participé à la prise en charge des restructurations mises en oeuvre depuis 1993. Votre rapporteur se félicite de cette décision d'utiliser les structures existantes par rapport à la formule consistant à créer de nouvelles modalités d'intervention, solution qui aurait pris plus de temps et qui aurait probablement induit un coût plus important.

- La Délégation aux restructurations, placée auprès du secrétaire général pour l'administration du ministère de la Défense, agit en étroite collaboration avec la DATAR (Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale) ainsi qu'avec la Délégation à l'emploi. La Délégation aux restructurations a donc pour mission l'application des diverses mesures d'accompagnement économique, suivies par le comité interministériel pour les restructurations de défense qui, quant à lui, est de création récente (décret n° 96-261 du 28 mars 1996).

- Le Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) est un fonds budgétaire spécialisé, géré par la Délégation aux restructurations et délégué aux préfets des départements où se trouvent les localités concernées. Le FRED permet d'attribuer des aides à l'investissement de PME-PMI destinées à faciliter la création, l'installation ou le développement de ce type d'entreprise dans les bassins d'emploi touchés par les restructurations. Le Fonds pour les restructurations de la Défense favorise également les actions collectives (zones d'entreprises, etc..) menées par des opérateurs locaux concourant au renforcement des PME-PMI dans le bassin d'emploi.

La commission des Communautés européennes a donné son accord à la création du FRED, à condition que les subventions aux investissements des PME-PMI soient limitées à 200 000 Ecus. L'utilisation du FRED n'exclut pas le recours à d'autres aides, dans la mesure où la réglementation européenne sur le cumul des aides est respectée.

Le FRED permet donc de contribuer à la revitalisation des bassins d'emploi où l'activité économique est centrée autour de la présence de garnisons, et où il faut procéder à une diversification des activités, voire à la création d'activités industrielles jusqu'alors souvent inexistantes.

- Le système des sociétés de conversion a été mis en place par les grands groupes industriels (Usinor-Sacilor, Charbonnages de France) afin d'encourager la création d'activités économiques dans les sites dont ils se désengagent, et pour que leur départ ne se solde pas par un "désert économique". Les sociétés de conversion aident à la création d'emplois dans les PME-PMI locales qui souhaitent se développer, en expertisant leurs projets et en leur apportant un financement complémentaire sous forme de prises de participation, de prêts à taux réduit ou de subventions. La Défense a déjà eu recours à des sociétés de conversion dans les bassins d'Angoulême, Bergerac, Bourges, Cherbourg, Tarbes et Valence.

- Enfin, la cession des emprises foncières résultant des restructurations militaires peut constituer un élément du développement économique des collectivités locales concernées. Celles-ci peuvent bénéficier d'une certaine priorité, dans le cadre d'aliénations de gré à gré de préférence à la procédure d'adjudication publique. Le ministère de la Défense contribue financièrement à des études de réaménagement du site (mission pour la réalisation des actifs immobiliers - MRAI).

. Dans le cadre de la programmation 1997-2002, les divers instruments destinés à limiter les effets économiques des restructurations militaires verront leurs moyens substantiellement accrus.

- La loi de finances initiale pour 1996 affectait 130 millions de francs aux mesures d'accompagnement économique des restructurations militaires. Le rapport annexé au projet de loi de programmation prévoit de porter ces crédits très prochainement, par redéploiement interne au sein du budget de la Défense, à 295 millions de francs.

- Pendant la période de programmation, les moyens affectés par le FRED à la seule reconversion des emprises militaires s'élèveront à 942 millions de francs 1995, en fonction de la répartition annuelle suivante :

Crédits affectés au FRED (MF 1995)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total

132

162

162

162

162

162

942

Notons que 160 millions de francs avaient été consacrés par le FRED à l'accompagnement économique des restructurations de la Défense (emprises militaires et industries de Défense) en 1994. Les 942 millions de francs prévus par le projet de loi de programmation, soit 162 millions de francs par an à partir de 1998, qui ne s'adressent qu'aux restructurations militaires , attestent donc un effort particulier par rapport aux moyens consacrés par le passé à l'accompagnement économique de ces restructurations.

- Il sera, d'autre part, procédé à la recapitalisation des sociétés de conversion chargées de créer des activités de substitution dans les bassins d'emploi touchés par les restructurations. Au total, 1 285 millions de francs 1995 leur seront consacrés entre 1997 et 2002, soit 214 millions de francs 1995 en moyenne annuelle.

Crédits alloués aux sociétés de conversion

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total

186

195

226

226

226

226

1 285

- Le cumul des moyens transitant par le FRED et par les sociétés de conversion s'élèvera, pendant la période de programmation, à 370 millions de francs 1995 par an, et au total à 2 227 millions de francs 1995, soit un triplement des moyens financiers mis en place par l'État. Le calendrier d'engagement de ces crédits pourrait être le suivant :

MF 1995

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total

FRED

132

162

162

162

162

162

942

Sociétés de conversion

186

195

226

226

226

226

1 285

Total

318

357

388

388

388

388

2 227

Notons que, si les crédits alloués par le FRED seront imputés sur le budget du ministère de la Défense, les crédits apportés aux sociétés de conversion relèveront du ministère de l'Économie, des Finances et du Budget.

- Rappelons qu'aux moyens transitant par le Fonds pour les restructurations de la Défense et par les sociétés de conversion s'ajouteront des aides du Fonds national pour l'emploi (FNE) et de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR). Outre les crédits consacrés par l'État à l'accompagnement économique des restructurations militaires, l'intervention des fonds européens doit être prise en compte (et, plus spécifiquement, des crédits KONVER), bien que ces moyens soient, à ce jour, très difficiles à prévoir.

c) L'indispensable programmation des restructurations

Les restructurations militaires induiront un surcoût non négligeable en matière de rémunérations puisque, sur les 9,1 milliards de francs qu'il est prévu d'affecter aux mesures d'accompagnement de la professionnalisation, 500 millions de francs viseront à compenser les contraintes résultant, pour les personnels, de la sur mobilité inévitable pendant la période de transition. Pour la seule Armée de terre, qui sera la plus touchée par les restructurations militaires, la dépense supplémentaire s'élèvera à 115 millions de francs en 1997, et diminuera progressivement jusqu'à un montant de 25 millions de francs en 2002.

Rappelons que les dépenses liées à la sur mobilité des personnels concernent notamment l'amélioration des règles de calcul de l'indemnité pour charges militaires dans un sens plus favorable, et l'augmentation du nombre de jours (de trois à six) pendant lesquels le militaire est considéré en « mission » pour reconnaître sa nouvelle affectation et effectuer les démarches nécessaires à son installation. La dépense militaire est évaluée à 30 000 F par mutation.

Ces mesures sont, certes, indispensables pour les personnels, et plus particulièrement pour ceux de l'Armée de terre, qui ont déjà, ces dernières années, supporté les conséquences d'un rythme de mutations accéléré par les restructurations conduites dans les forces terrestres depuis le début des années 1990.

Il convient néanmoins, par une planification rationnelle des restructurations, d'éviter tout dérapage des dépenses liées aux compensations pour les personnels. Notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se souvient, en effet, des modalités du rapatriement des Forces françaises en Allemagne, certains personnels étant mutés dans des unités dissoutes au bout d'un an. Eu égard au coût des mesures indemnitaires -par ailleurs parfaitement justifiées- prévues par le projet de loi de programmation, toute défaillance dans la prévision comparable à ce qui s'est produit dans les FFA entre 1990 et 1992 serait particulièrement regrettable.

C'est pourquoi votre rapporteur suggère que les restructurations militaires fassent l'objet d'une programmation de plus long terme que ce qui est prévu par la projet de loi de programmation, et que les transferts ou dissolutions d'unités soient annoncés trois ans à l'avance au lieu de deux. Ainsi en juillet 1996 devraient être annoncées les restructurations militaires des années 1997-1998 et 1999.

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C. LA COHÉRENCE DU TITRE III EN QUESTION

L'intégration de la totalité des moyens de fonctionnement dans la programmation, nécessaire pour organiser la professionnalisation, constitue cependant un pari. On peut, en effet, se demander si les 99 milliards de francs 1995 attribués annuellement au titre III du ministère de la Défense permettront de financer les dépenses supplémentaires qui incomberont à celui-ci entre 1997 et 2002, sachant que la professionnalisation pèsera inéluctablement sur le poste rémunérations et charges sociales, et que la réussite des réformes à venir est de ce fait subordonnée à une réduction drastique des crédits de fonctionnement courant.

1. L'inéluctable augmentation des rémunérations et charges sociales

. La professionnalisation se traduira par une augmentation des rémunérations et charges sociales, qui passeront de 73,39 à 76,91 milliards de francs, soit une hausse de 5 %.

Cette augmentation est liée à une modification substantielle des effectifs des armées, de la gendarmerie et des services communs. Le tableau ci-joint rappelle que les personnels de la Défense prévus pour 2002 compteront, certes, moins de cadres d'active (237 485 au lieu de 259 380) et de « jeunes du service national » (27 171 volontaires au lieu de 201 498 appelés), mais plus de civils et de militaires du rang engagés.

Evolution des effectifs de la Défense par catégorie

1996

2002

2002-1996

Officiers

38 456

38 189

- 267

Sous-officiers

214 828

199 296

- 15 532

MDR engagés

44 552

92 527

+ 47 975

Appelés et volontaires

201 498

27 171

- 174 327

Civils

73 747

83 023

+ 9 276

Total

573 081

440 206

- 132 875

La diminution de quelque 24 % des effectifs de la Défense ne peut susciter d'économies sur les rémunérations, car elle porte essentiellement sur les appelés dont le coût n'est pas le plus important en rémunérations (ainsi le « prêt des appelés » est-il limité à 550 F par mois), et s'accompagne d'une nouvelle répartition entre les catégories au profit des engagés et des personnels civils, dont les rémunérations sont plus élevées. Les économies dégagées sur les rémunérations et charges sociales par la diminution progressive du nombre d'appelés et par la baisse des effectifs de cadres d'active ne compenseront donc pas le coût résultant de l'augmentation, d'une part, du nombre d'engagés (+ 47 975 entre 1996 et 2002) et, d'autre part, du nombre de civils (+ 9 276 entre 1996 et 2002).

. Cette hausse de 5 % recouvre des situations différentes selon les armées :

- + 8 % dans l'Armée de terre,

- + 7 % dans la Gendarmerie,

- + 5 % dans l'Armée de l'air,

- stabilité au niveau actuel dans la Marine.

L'augmentation relativement plus importante des rémunérations et charges sociales dans la dotation de l'Armée de terre s'explique par le fait que c'est dans les forces terrestres que devront être recrutés le plus de militaires du rang engagés. En effet, cette catégorie augmentera de 36 479 postes dans l'Armée de terre, et de 10 876 postes dans l'Armée de l'air, tandis que les effectifs de la Marine perdront 105 postes d'engagés militaires du rang entre 1996 et 2002.

. On remarque donc, ainsi que le confirme le tableau ci-après, la part croissante des rémunérations et charges sociales au sein du titre III : 74 % en 1996, 77,68% en 2002.

LFI 1996

Budget prévu pour
2002

Evolution 2002/1996

Rémunérations et charges sociales (en milliards de francs 1995)

73,39

76,91

+ 5%

Part dans le titre III

74 %

77,68 %

-

Total titre III (en milliards de francs 1995)

98,77

99

+ 0,22 %

Le poste rémunérations et charges sociales constituera donc un élément de rigidité dans les dépenses de fonctionnement, réduisant d'autant toute marge de manoeuvre sur le titre III au moment où celui-ci devra faire face à des charges supplémentaires, alors même que son montant ne sera que maintenu, en francs constants, au niveau de 1996.

2. Les dépenses supplémentaires à imputer sur le titre III

Sur l'enveloppe de 99 milliards de francs prévue sur le titre III par le projet de loi de programmation, le ministère de la défense devra financer certains surcoûts imputables non seulement à certaines opérations extérieures, mais aussi à la professionnalisation et aux restructurations militaires.

a) Les surcoûts imputables aux opérations extérieures

. Les orientations suivantes ont été -rappelons-le- arrêtées par le Président de la République à l'égard du financement des opérations extérieures. Celles-ci seront classées en deux catégories, qui relèvent de modalités de financement différentes.

- Les opérations extérieures dites courantes , qui revêtent un caractère permanent (présence de compagnies tournantes au Tchad et en Centrafrique), seront financées, sous enveloppe, par le ministère de la Défense.

- En vue du financement des opérations extérieures dites exceptionnelles (telles que la participation de la France aux opérations conduites en Yougoslavie), le budget de la Défense sera abondé par des crédits supplémentaires.

Le partage entre les deux catégories sera décidé, au cas par cas, par le gouvernement avec l'accord du Chef de l'État.

. En 1993, les dépenses supplémentaires imputables sur le titre III et liées aux opérations extérieures se sont élevées à 4,4 milliards de francs (3 milliards de francs en 1995). Les compensations budgétaires, intervenues en cours d'année ont représenté 3,9 milliards de francs en 1993, et 2,9 milliards de francs en 1995.

En 1995, les dépenses supplémentaires en crédits de fonctionnement liées à la présence française au Tchad et en Centrafrique, qui pourraient entrer dans la nouvelle catégorie des opérations extérieures « courantes », se sont élevées à 728 millions de francs.

. Or les dépenses supplémentaires liées aux opérations extérieures sont, pour l'essentiel, liées aux rémunérations. Celles-ci ont représenté, en 1993, 57,7 % du surcoût en crédits de fonctionnement lié aux opérations extérieures, soit 2 556 millions de francs sur un total de 4 427. La proportion était, en 1994, de 53,38 % (2 166 millions de francs sur 4 057) et, en 1995, de 69,7 % environ (2 163 millions de francs sur 3 099).

Il est donc envisagé, pour limiter la charge budgétaire qui résultera de l'imputation des dépenses supplémentaires dues aux opérations extérieures courantes sur un titre III limité à 99 milliards de francs, de réaménager le régime de la solde à l'étranger servie aux militaires en opérations.

b) Les surcoûts liés à la professionnalisation et aux restructurations

Votre rapporteur a évoqué plus haut la création, dans le cadre du projet de loi de programmation, d'un fonds d'accompagnement de la professionnalisation, doté de 9,1 milliards de francs entre 1997 et 2002. Ce « fonds » regroupera les crédits répartis sur plusieurs lignes budgétaires du titre III, et qui seront destinés à financer les mesures transitoires en faveur des personnels civils et militaires pour réussir la professionnalisation et les restructurations.

Les moyens affectés à ce fonds permettront :

- de compenser le surcoût de mobilité imposé aux personnels par les restructurations,

- d'encourager les départs des cadres d'active (indemnités de départ, pécules),

- de favoriser le recrutement des engagés (revalorisation des rémunérations, aides à la reconversion dans le civil),

- de développer le recours à la sous-traitance,

- de financer la montée en puissance des réserves.

Les moyens destinés à accompagner la professionnalisation représentent, en moyenne annuelle, un prélèvement de 1,5 milliard de francs 1995 sur le titre III (de 1,256 milliard en 1997 à 2,042 en 2002), qui couvrira l'ensemble des dépenses consacrées à la professionnalisation pendant la période de transition.

Sur les 99 milliards de francs, qui constituent l'enveloppe annuelle du titre III, il convient donc de déduire une somme variable -qui pourrait être en partie compensée par les fonds de concours- au titre du surcoût des opérations extérieures dites courantes, et 1,5 milliard en moyenne (selon les années, entre 1,2 et 2 milliards) au titre de l'accompagnement de la professionnalisation pendant la période de transition.

Eu égard aux prélèvements sur le titre III qui résulteront de la professionnalisation et des opérations extérieures, et à l'inévitable augmentation du poste rémunérations-charges sociales, c'est sur les économies réalisées dans le domaine du fonctionnement courant que repose le succès des réformes prévues par le projet de loi de programmation.

c) Un pari audacieux : la réduction des moyens consacrés au fonctionnement courant

Le projet de loi de programmation prévoit, entre 1996 et 2002, une réduction de quelque 20 % des crédits consacrés au fonctionnement courant. Ces économies paraissent indispensables pour faire face aux lourdes charges qui pèseront à l'avenir sur le titre III, que celles-ci soient transitoires (il s'agit des moyens consacrés à l'accompagnement de la professionnalisation), structurelles (c'est le cas des rémunérations et charges sociales), ou liées aux aléas de la situation internationale (comme les surcoûts dus aux opérations extérieures).

. L'effort portant sur le fonctionnement courant sera d'ampleur différente selon les armées :

. - 29 % dans l'Armée de terre,

. - 21 % dans l'Armée de l'air,

. - 13 % dans la Marine,

. - 3 % dans la Gendarmerie.

. La baisse des moyens affectés au fonctionnement courant est donc li ée à l'évolution du format, la réduction des effectifs induisant des besoins limités sur les postes alimentation et indemnité compensatrice à la SNCF, ainsi que dans le domaine des activités opérationnelles. Dans le même ordre d'idée, d'autres dépenses de fonctionnement courant (entretien programmé des matériels, titre III, carburants) sont liées au nombre d'équipements à entretenir et à servir. Or, la Marine procédera au retrait de 22 bâtiments pendant la période de programmation, le nombre d'avions de combat en ligne devant passer de 405 à 360 à l'échéance de 2002. Ces réductions affecteront nécessairement à la baisse les besoins en carburants et en entretien programmé des matériels. Enfin, la réduction du format des armées se traduira par des fermetures de casernements, qui permettront, à terme, de réduire le poste « entretien des casernements ».

. Dans ce contexte, la modeste réduction des crédits consacrés au fonctionnement courant de la Gendarmerie (- 3 %), comparée aux efforts qui pèsent, à des degrés divers, sur les trois armées, s'explique par une évolution des effectifs particulière (+ 4,5 % pendant la période de programmation, à rapporter aux réductions qui caractériseront les trois armées à l'échéance de 2002).

Dans la Marine , les gains de productivité attendus du remplacement des appelés par un nombre moins important de professionnels, ainsi que les économies en combustibles et entretien programmé des matériels devant résulter de la réduction du format, devraient permettre de faire face à cet effort sans préjudice excessif.

Dans l'Armée de l'air , la réduction des moyens consacrés au fonctionnement courant résultera non pas d'une baisse de l'activité opérationnelle, mais des diminutions de charges attendues de la réduction des effectifs.

Dans l'Armée de terre , les rémunérations et charges sociales passeront de 78,5 % du titre III à 84,8 % en 2002, ce qui est lié à l'accroissement sensible du nombre d'engagés volontaires de l'Armée de terre (EVAT). L'impérative baisse du fonctionnement courant est donc une contrainte majeure pour l'Armée de terre, où doivent être trouvés de nombreux gisements de productivité, alors même que la professionnalisation oblige à consacrer des moyens croissants à la sous-traitance (alimentation, entretien des locaux, gardiennage, remplacement des appelés occupant des emplois spécifiques). Ce besoin pourrait, en effet, passer de 80 millions de francs en 1997 à 300 millions de francs en 2002.

. Hors rémunérations et charges sociales, le nouveau format des armées permettra donc de réduire les dépenses de fonctionnement courant.

- Ainsi le poste alimentation passera-t-il de 3,15 milliards de francs en 1996 à 1,85 en 2002, soit une baisse de - 41,27 % ;

- La même remarque vaut pour les compensations versées à la SNCF : 0,75 milliard de francs en 2002 au lieu de 1,56 en 1996 (- 51,9 %) ;

- De même, les crédits consacrés aux activités passeront de 14,81 milliards de francs en 1996 à 12,72 en 2002, soit une baisse de - 14,11 % ;

- L'économie réalisée sur l'entretien programmé des matériels (titre III) entre 1996 et 2002 s'élèvera à 520 millions de francs, ces crédits devant passer de 3,15 milliards à 2,63 milliards de francs entre ces deux dates (- 16,5 %) ;

- Sur les produits pétroliers, l'économie prévue est de 631 millions de francs, soit 2,068 milliards de francs en 2002 au lieu de 2,69 en 1996.

A elles seules, les économies réalisées en 2002 sur l'alimentation et l'indemnité compensatrice versée à la SNCF représenteront 2,11 milliards de francs et couvriront la tranche 2002 du fonds d'accompagnement de la professionnalisation, ce qui paraît attester que le pari consistant à financer la professionnalisation par la baisse du fonctionnement courant peut être gagné.

Dans le même ordre d'idée, on remarque une quasi-adéquation entre, d'une part, les économies qui seront réalisées, à l'échéance de 2002, sur le fonctionnement courant, et, d'autre part, les dépenses supplémentaires qui incomberont au titre III en matière de rémunérations et d'accompagnement de la professionnalisation.

Dépenses supplémentaires :

- rémunérations : + 3,51 milliards de francs entre 1996 (73,369 milliards de francs) et 2002 (76,91 milliards de francs)

- accompagnement de la professionnalisation : + 2,04 milliards de francs en 2002.

Total : 5,55 milliards de francs en 2002.

Économies réalisées sur le fonctionnement courant : 5,34 milliards de francs en 2002 (20,04 milliards en 2002 au lieu de 25,38 en 1996).

A l'échéance de 2002, les dépenses supplémentaires qui seront imputées sur le titre III devraient ainsi équilibrer les économies réalisées sur le fonctionnement courant.

Cette constatation ne doit toutefois pas occulter les difficultés financières qui se poseront pendant la période de transition, quand les armées devront faire face aux dépenses de fonctionnement courant (alimentation, compensatrice SNCF, activités) liées à des effectifs importants (en 1998, les effectifs de la défense s'élèveront encore à 524 026 personnels), tout en honorant les dépenses imputables aux restructurations et à la professionnalisation, auxquelles s'ajoutera le surcoût des opérations extérieures.

Si donc le pari du financement de la professionnalisation par la réduction du fonctionnement courant peut être gagné à terme, il n'est pas exclu que des tensions graves apparaissent tant que les armées n'auront pas rallié leur format.

d) Une cohérence incertaine, qui risque d'être remise en cause par un « rendez-vous citoyen » trop ambitieux

Les tensions qui pèseront très probablement sur le titre III incitent à la plus grande prudence dans la définition des contours du « rendez-vous citoyen » destiné à se substituer au système actuel des « trois jours », car la mise en oeuvre de ces opérations de sélection et de recensement, étendues aux jeunes filles, à partir de 2002, pèsera sur un titre III au montant d'ores et déjà très fortement contraint.

Il est clair que les dépenses de fonctionnement qui résulteront du « rendez-vous citoyen » devront « entrer » dans l'enveloppe de 99 milliards de francs annuels prévus par le projet de loi de programmation. Or l'équilibre sera d'autant plus difficile à atteindre que la durée de ces « trois jours » sera plus longue.

Compte tenu des dépenses qui pèseront sur le titre III du budget de la Défense du fait du « rendez-vous citoyen » (entretien des infrastructures, alimentation, rémunération et charges sociales des cadres militaires qui contribuent à l'accueil, à l'encadrement et à l'information des jeunes) 3 ( * ) , votre rapporteur doute qu'il soit très réaliste de prévoir une durée supérieure à quelques jours. De surcroît, au-delà de cette durée, il est probable que le coût marginal de la journée supplémentaire excède très largement la valeur ajoutée susceptible d'en résulter en termes d'information de la jeunesse et d'éducation civique.

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* *

Il est indispensable que les économies réalisées sur les moyens de fonctionnement, domaine dans lequel les besoins diminueront en relation avec la diminution du format des armées, suffisent à financer la professionnalisation. Contenir les dépenses de fonctionnement dans l'enveloppe annuelle de 99 milliards de francs allouée par le projet de loi de programmation est primordial pour que puissent être consacrés aux équipements les moyens substantiels qu'exigent les programmes majeurs. Il convient, en effet, de ne pas renouveler la dérive des crédits de fonctionnement constatée au Royaume-Uni aux dépens des dépenses d'équipement, jusqu'à ce qu'une réduction de format drastique permette, au début de la présente décennie, de revenir à un certain équilibre entre les deux catégories de dépenses.

* 2 Serge Vinçon, L'avenir du service national, n° 349, 1995-1996.

* 3 Il est probable, en effet, que 80 % de l'encadrement du « rendez-vous citoyen » incombent à la Défense.

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