ARTICLE 7
(ART. 31 BIS DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945)
RECOURS ABUSIF AUX PROCÉDURES D'ASILE

Cet article tend à compléter l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de préciser le cas dans lequel une demande d'asile constitue un recours abusif aux procédures d'asile.

Le régime de l'admission en France des demandeurs d'asile qui résultait jusque là essentiellement de la jurisprudence et de circulaires ministérielles, a été profondément remanié et clarifié par la loi du 24 août 1993 qui -lui donnant une consécration législative- a inséré à cet effet un chapitre VII nouveau dans l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Ces nouvelles dispositions ont permis de bien distinguer l'asile territorial , c'est-à-dire l'admission sur le territoire de l'étranger qui demande qu'on lui reconnaisse la qualité de réfugié et la reconnaissance de cette qualité de réfugié -selon les critères définis par l'article premier de la Convention de Genève du 28 juillet 1951- au demandeur d'asile.

Ainsi, les demandes tendant à séjourner en France au titre de l'asile doivent être faites dans les conditions prévues par les articles 31 et 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et relèvent des autorités compétentes pour statuer sur l'accès au territoire, à savoir, à l'intérieur de celui-ci, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police.

En revanche, la reconnaissance de la qualité de réfugié, au sens de l'article premier de la convention de Genève, relève de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la commission des recours dans les conditions fixées par la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952.

L'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit que l'admission en au séjour au titre de l'asile d'un étranger qui présente sa demande à l'intérieur du territoire français -qui concerne, comme le spécifie l'article 31, un étranger qui n'est pas déjà admis à séjourner en France sous couvert d'un des titres de séjour prévus par l'ordonnance ou par des conventions internationales- ne peut être refusée pour le seul motif que l'étranger serait démuni des documents et visas requis par l'ordonnance.

En outre, l'article 31 bis de l'ordonnance énonce limitativement quatre cas dans lesquels la demande d'admission peut être refusée :

- l'examen de la demande relève d'un autre Etat, en vertu de la convention de Dublin du 15 juin 1990, de la convention de Schengen du 19 juin 1990 ou d'engagements identiques ;

- il est établi que le demandeur d'asile est effectivement admissible dans un Etat autre que celui-ci où il redoute d'être persécuté, dans lequel il peut bénéficier d'une protection effective notamment contre le refoulement ;

- la présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ;

- la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente.

Cependant, ces dispositions ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait dans l'un de ces cas.

Rappelons que les règles applicables en matière d'asile ont été précisées au plan constitutionnel, à la suite de la décision du 13 août 1993 du Conseil constitutionnel et de débats sur lesquels votre rapporteur ne reviendra pas, par la loi n° 93-1256 du 25 novembre 1993 qui a inséré dans la Constitution un article 53-1 qui dispose expressément que :

" La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées.

" Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. "

La loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993, a pour sa part, précisé que sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève d'un autre Etat, le demandeur d'asile -qui s'est vu opposer un refus d'admission au séjour pour l'un des trois motifs énoncés aux 2° à 4° de l'article 31 bis - peut saisir l'OFPRA d'une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié.

Ainsi conçu, ce dispositif doit permettre -outre une clarification indispensable du cadre juridique- une utilisation normale et maîtrisée de la procédure d'asile qui a trop souvent été utilisée dans le seul but de faire échec aux règles d'entrée et de séjour en France, comme en témoignent les taux élevés de rejet des demandes pour certaines nationalités.

En outre, le renforcement sensible des moyens de l'OFPRA a permis à cet organisme d'accomplir ses missions dans de meilleures conditions, notamment grâce à la mise en place d'un fichier informatisé des empreintes digitales qui a facilité l'identification des candidatures multiples.

Pour autant, certains détournements de procédure résultant de la présentation de demandes multiples sous des identités différentes sont encore constatés.

Pour remédier à ce type de fraudes, l'article 7 du projet de loi précise que le caractère abusif d'une demande qui -comme il a été indiqué ci-dessus, peut fonder le refus d'admission au séjour du demandeur- peut être constitué par la présentation frauduleuse de demandes multiples.

Il pouvait sembler que la rédaction du 4° de l'article 31 bis -qui vise expressément la fraude délibérée et le recours abusif - aurait dû suffire à permettre le rejet de demandes de ce type.

La résolution des ministres des Etats de l'Union européenne responsables de l'immigration sur les demandes d'asile manifestement infondées, prise à Londres le 30 novembre 1992, dont a été directement inspiré le 4° de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, retient cette interprétation.

Elle considère, en effet, que constitue un recours abusif aux procédures d'asile le cas où le demandeur a, sans raison valable, délibérément omis de signaler qu'il avait précédemment présenté une demande dans un ou plusieurs pays, notamment sous de fausses identités.

Néanmoins, deux arrêts du Conseil d'Etat (12 décembre 1986 et 9 février 1994) n'ont pas reconnu les fraudes à l'identité parmi les motifs de refus de la demande.

Cette jurisprudence justifie la précision souhaitée par les auteurs du projet de loi.

On notera que la rédaction initiale du présent article visait la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes.

Dans un souci de précision formelle, l'Assemblée nationale a -sur proposition de sa commission des Lois- inséré la nouvelle disposition au septième alinéa de l'article 31 bis et retenu une rédaction qui supprime le qualificatif " frauduleuse ".

Or, cette modification a des conséquences sur le fond du dispositif proposé. La rédaction initiale du présent article impliquait en effet que la preuve soit apportée que la présentation de plusieurs demandes sous des identités différentes était bien motivée par un détournement de la procédure d'asile. Cette solution paraît souhaitable afin de prendre en compte les cas où l'utilisation d'identités différentes peut ne pas constituer une fraude mais résulter par exemple des caractéristiques de l'état civil du pays d'origine du demandeur.

C'est pourquoi, votre commission vous propose par un amendement de rétablir cette notion de présentation frauduleuse de plusieurs demandes.

Votre commission vous demande d' adopter l'article 7 ainsi modifié .

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