B. UN SUCCES TRES MITIGE, LIE A DES IMPERFECTIONS DEJA DENONCEES PAR VOTRE COMMISSION

Le succès de l'opération a été modeste, sans toutefois être insignifiant.

A la fin de 1996, 2.325 prêts avaient été accordés dans 90 départements, pour un montant global de 1,30 milliards de francs, soit une moyenne de 560.000 francs par prêt. Ce montant doit être rapproché des 207 milliards de francs d'investissements directs et indirects réalisés par les administrations locales en 1996.

Le département le plus demandeur était l'Isère, avec 95 prêts pour 64 millions de francs. En conséquence, Rhône-Alpes venait en tête des régions avec 269 prêts pour 163 millions de francs, devant Aquitaine (217 et 108 millions de francs) et Midi-Pyrénées (196 et 88 millions de francs).

Le montant global des prêts accordés n'atteint donc que 6,7 % de l'enveloppe initialement allouée, ce qui signifie que le potentiel de la mesure avait été très largement surestimé.

Des tendances de fond expliquent en partie cette situation, comme la préférence pour le désendettement au détriment de l'investissement dont font actuellement preuve les collectivités locales, après des années d'effort soutenu. Cette tendance s'accompagne aussi d'un accroissement de l'autofinancement (par la fiscalité) au détriment des emprunts.

Un retard dans la montée en charge du dispositif a certainement été à déplorer, car la durée des emprunts était initialement limitée à 10 ans, ce qui est généralement trop bref. D'ailleurs, à la mi-septembre 1996, 96 % des prêts atteignaient la durée maximale. Celle-ci n'a été portée à 15 ans que ce même mois.

Ces explications ne suffisent toutefois pas à justifier l'insuccès du dispositif. En effet, il était destiné à fournir des ressources privilégiées aux collectivités locales, et à défaut d'entraîner une augmentation sensible de l'investissement, il aurait dû au moins se substituer à des modes de financement plus coûteux.

Or, votre commission, tout en étant réservée sur le principe même de ce dispositif qui favorise la dépense publique plutôt que l'initiative des entreprises, avait émis deux préconisations importantes, qui étaient de nature à favoriser le succès de l'opération, mais qui n'ont pas été suivies.

La première était d'assurer une redistribution efficace de la ressource Codevi entre les établissements collecteurs excédentaires ou non spécialistes des collectivités locales et les établissements bien placés sur ce marché, mais non collecteurs du Codevi. A cette fin, votre commission avait proposé un système transparent d'adjudications effectuées par la Caisse des dépôts et consignations, sans augmenter la centralisation auprès de cette dernière, et ne faisant appel qu'aux excédents de ressources Codevi que connaissent la quasi-totalité des établissements collecteurs. Ce système aurait permis de drainer une ressource abondante à coût peu élevé.

Le gouvernement lui a préféré des négociations de gré à gré entre établissements concurrents n'ayant aucun intérêt objectif à s'entendre, favorisant ainsi la rétrocession des ressources au coût le plus élevé possible et en quantité la plus réduite possible 31( * ) .

La seconde recommandation était de modifier le processus de décision régissant les taux d'intérêt de l'épargne administrée , de façon à ce que le Codevi reste réellement une ressource privilégiée, c'est-à-dire inférieure au taux du marché monétaire compte tenu de coûts de gestion non négligeables. Votre rapporteur général a eu maintes occasions de rappeler cette doctrine : les taux administrés devraient être révisés périodiquement par le comité de la réglementation bancaire et financière, un avis public du Conseil de la politique monétaire étant également régulièrement rendu sur le sujet.

La très heureuse baisse des taux à court et long terme que l'on observe depuis fin 1995 n'a pas été suivie, faute d'un mode de décision adapté, par celle des taux de l'épargne administrée. Le taux du Codevi est aujourd'hui supérieur de 0,3 points au taux interbancaire au jour le jour. Compte tenu de coûts de gestion (compris entre 1 et 2 points) beaucoup plus élevés que la ressource interbancaire, non seulement il ne constitue pas une ressource privilégiée de financement de l'économie française, mais il entrave lourdement la baisse du coût du crédit dans notre pays 32( * ) . Ironie de l'histoire : la Banque de France, jugée longtemps responsable d'une gestion de la monnaie trop restrictive, a réduit ses taux d'intérêt à un niveau inférieur à celui des taux maitrisés par le pouvoir politique, qui pourtant devraient être privilégiés.

Aussi n'est-il pas étonnant que les taux d'intérêt des crédits ainsi accordés aux collectivités locales et à leurs groupements se situent sur 15 ans entre 6,2 % et 6,3 % ; ce qui est moins bon que les taux des crédits à taux fixe accordés sur ressources de marché mais surtout nettement plus mauvais que le taux des crédits à taux variable que peuvent obtenir les collectivités locales, et qui sont couramment inférieurs à 5 %.

La conjonction de ces deux facteurs négatifs -circuit financier visqueux et taux trop élevé- est à l'origine de l'échec relatif du dispositif. Faute d'amélioration sur ces deux points, votre commission perçoit mal comment il pourrait être plus efficace à l'avenir.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

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