CHAPITRE III
INTERDICTION DE METTRE À LA DISPOSITION
DES MINEURS CERTAINS DOCUMENTS
PORNOGRAPHIQUES OU POUVANT PORTER ATTEINTE
À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE

Ce chapitre vise, pour reprendre les termes de l'exposé des motifs du projet de loi, à faire disparaître une lacune de notre ordre juridique.

En effet, alors que la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse " permet au ministre de l'intérieur d'interdire la vente aux mineurs des publications dont le contenu est susceptible de porter atteinte à la dignité de la personne humaine, notamment du fait de leur caractère pornographique, (...) il n'existe aucun dispositif analogue en ce qui concerne les vidéogrammes (vidéocassettes enregistrées sur support magnétique, vidéodisques enregistrés sur support électronique) et les programmes informatiques (notamment ceux des jeux vidéo).

Le visa d'exploitation, dont l'obtention est obligatoire avant la diffusion d'un film et qui permet d'interdire certains d'entre eux aux moins de 18 ans (oeuvres pornographiques) ou aux moins de 16 ans ou aux moins de 12 ans, ne vaut que pour les oeuvres projetées dans les salles de cinéma. Or, la plupart des films pornographiques diffusés sur vidéocassette ne font l'objet d'aucune exploitation en salle avant leur mise sur le marché. Ainsi, ils échappent entièrement à l'obligation d'obtenir un visa d'exploitation.

Quant aux autres documents vidéo, aucune législation ne permet d'interdire leur vente aux mineurs
. "

Le projet de loi prévoit donc un dispositif quasiment analogue à celui de la loi de 1949 pour les vidéogrammes et les programmes informatiques.

Article 22
Interdiction de vente aux mineurs
de certains documents vidéo

Cet article fixe le champ d'application du dispositif proposé et définit les pouvoirs dont disposera " l'autorité administrative ". Selon les informations fournies à votre rapporteur, celle-ci sera le ministre de l'intérieur qui, compte tenu du nombre considérable de cassettes, pourra recourir à des délégations à des autorités déconcentrées.

· Le champ d'application du dispositif proposé .

Le dispositif du projet de loi est appelé à s'appliquer à " la mise à disposition du public de tout document fixé soit sur support magnétique à lecture optique, soit sur support semi-conducteur, tel que notamment vidéocassette, vidéodisque, jeu électronique ".

Le champ d'application ainsi défini appelle trois observations ;

- tout d'abord, l'énumération donnée par le projet de loi n'a pas de caractère limitatif. Le présent article 22 précise d'ailleurs in fine " qu'un décret en Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les catégories de documents qui peuvent faire l'objet d'une interdiction ". Il pourrait ainsi utilement viser le CD Rom ;

- ensuite, l'interdiction susceptible d'être prononcée concerne non pas le document lui-même mais sa mise à la disposition du public ;

- enfin, l'article 22 exclut de son champ d'application les documents qui constituent la reproduction intégrale d'une oeuvre cinématographique ayant obtenu le visa de représentation et d'exportation hors de la Communauté européenne. Toutefois, cette exclusion ne s'applique pas aux documents soumis de plein droit à interdiction en application de l'article 24 (ci-après commenté).

· Les pouvoirs de l'autorité administrative .

Lorsqu'un document entrant dans le champ d'application du dispositif " présente un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciales, à l'incitation à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants " (formule reprise de la loi de 1949, qui vise en outre les publications dites licencieuses), l'autorité administrative peut interdire :

- de le proposer, de le donner, de le louer ou de le vendre à des mineurs ;

- de faire en faveur du document de la publicité par quelque moyen que ce soit, celle-ci demeurant néanmoins possible dans les lieux dont l'accès est interdit aux mineurs.

L'autorité administrative dispose, dès lors que les conditions sont remplies, d'un pouvoir discrétionnaire pour prononcer ou ne pas prononcer l'interdiction. Toutefois, si elle décide de la prononcer, elle doit observer deux règles :

- elle ne saurait limiter une interdiction à la publicité, l'article 22 précisant que l'autorité administrative peut prononcer soit la première interdiction (celle de la cession aux mineurs) soit les deux interdictions conjointement (une réserve analogue est prévue par la loi de 1949) ;

- elle doit tenir compte du " degré de danger pour la jeunesse que présente le document " pour décider de prononcer seule la première interdiction ou les deux interdictions. Cette réserve ouvre la voie à un contrôle du juge administratif sur le choix de la mesure prononcée.

La décision de l'autorité administrative prend la forme d'un arrêté motivé pris après avis d'une commission (présentée à l'article 23) et publié au Journal officiel.

Votre commission a adopté cet article modifié par un simple amendement rédactionnel.

Article 23
Commission administrative chargée de donner un avis
sur les mesures d'interdiction

Cet article a pour objet de créer une commission administrative chargée de donner un avis sur les mesures d'interdiction envisagées, qui rappelle la commission, instituée par la loi de 1949, chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence.

Cette commission, dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat, comprend :

- un membre du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, qui exerce les fonctions de président ;

- des représentants de l'administration ;

- des professionnels des secteurs concernés ;

- des personnes chargées de la protection de la jeunesse.

Reprenant la substance d'une disposition de la loi de 1949, l'Assemblée nationale a précisé que cette commission aurait également qualité pour signaler à l'autorité administrative les documents qui lui paraîtraient justifier une interdiction.

Quoique la composition d'une commission administrative chargée de donner un simple avis consultatif lui paraîssent relever plutôt du domaine du pouvoir réglementaire, votre commission a, dans un souci de précision, adopté cet article sans modification .

Article 24
Interdiction de céder aux mineurs des vidéocassettes
pornographiques ou d'incitation à la violence

Cet article énumère des documents dont la cession aux mineurs est interdite de plein droit.

Sont visés les documents reproduisant des oeuvres cinématographiques auxquelles s'appliquent les articles 11 et 12 de la loi de finances pour 1976 (c'est-à-dire les films pornographiques ou d'incitation à la violence).

L'article 24 précise que cette interdiction de plein droit par l'autorité administrative peut se combiner avec l'interdiction de la publicité en faveur du document.

Il permet à l'éditeur, au producteur, à l'importateur ou au distributeur chargé de la diffusion en France du support soumis à interdiction de demander à en être relevé. L'autorité administrative se prononce après avis de la commission ci-dessus présentée. Selon les informations fournies à votre rapporteur, ce dispositif vise à permettre la cession aux mineurs de documents qui, bien qu'entrant dans le champ des articles 11 et 12 de la loi de finances pour 1976, ne sont plus, en raison de l'évolution des moeurs, considérés comme présentant un danger pour la jeunesse.

Votre commission a adopté cet article modifié par un amendement de précision.

Article 25
Mention de l'interdiction de vente aux mineurs

Cet article impose la mention apparente de l'interdiction prononcée par l'autorité administrative sur chaque unité de conditionnement des exemplaires édités et diffusés.

Un décret en Conseil d'Etat déterminera les modalités d'application de cette obligation. Il fixera notamment le délai dans lequel elle devra être mise en oeuvre et les sanctions en cas d'inexécution. Le défaut de mention sur un exemplaire sera donc une infraction de nature contraventionnelle, pour laquelle le décret ne saurait aller au-delà d'un maximum de 10.000 F d'amende (ou de 20.000 F en cas de récidive).

Votre commission a adopté cet article sans modification .

Article 26
Sanctions en cas d'inobservation d'une interdiction

Cet article prévoit un emprisonnement d'un an et une amende de 100.000 F à l'encontre de la personne qui contreviendra aux interdictions prononcées par l'autorité administrative ou à l'interdiction de plein droit prévue par l'article 24.

A titre de comparaison, rappelons que la loi de 1949 prévoit, dans cette hypothèse, un an d'emprisonnement et 25.000 F d'amende.

Votre commission a adopté cet article sans modification .

Article 27
Sanctions en cas de manoeuvres frauduleuses

Reprenant une solution consacrée par la loi de 1949, cet article prévoit une peine de deux ans d'emprisonnement et de 200.000 F d'amende pour la personne qui, par des changements de titres ou de supports, des artifices de présentation ou de publicité ou par tout autre moyen, aura éludé ou tenté d'éluder l'application des dispositions relatives à l'interdiction. La loi de 1949 prévoit pour sa part des peines de deux ans d'emprisonnement et de 50.000 F d'amende.

Votre commission a adopté cet article sans modification .

Article 28
Peine complémentaire applicable
aux personnes physiques

Cet article dispose que les personnes coupables des infractions prévues aux articles 26 et 27 pourront être également condamnées à la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou était destinée à la commettre ou de la chose qui en est le produit.

La peine de confiscation est également prévue par la loi de 1949.

Votre commission a adopté cet article sans modification .

Article 29
Responsabilité pénale des personnes morales

Cet article permet de déclarer les personnes morales pénalement responsables des infractions prévues aux articles 26 et 27.

Elles encourent alors une peine d'amende ainsi que la peine de confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit.

Votre commission a adopté cet article sans modification .

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