ARTICLE 11

Réaffectation des excédents de la contribution sociale de solidarité des sociétés (CSSS)

Commentaire : cet article tend à affecter au régime général, à titre exceptionnel, l'excédent de la contribution sociale de solidarité pour les sociétés (C3S), et à modifier, à titre permanent, les ressources de la CANAM.

I. LE DROIT EN VIGUEUR

A. L'AFFECTATION DU PRODUIT DE LA C3S AU FINANCEMENT DES RÉGIMES D'ASSURANCE MALADIE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE DES NON SALARIÉS


Créée par la loi du 3 janvier 1970, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) est une contribution versée par les sociétés commerciales et assimilées aux régimes d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des non salariés, afin de compenser les pertes de recettes subies par ces régimes du fait du développement de l'exercice sous forme sociétaire des professions artisanales et commerciales.

La loi de finances rectificative du 4 août 1995 a étendu simultanément le champ de recouvrement, l'assiette et le taux de cette contribution.

A compter de 1995, le taux de la C3S a ainsi été porté de 0,1 à 0,13 % du chiffre d'affaires des sociétés, ce qui a accru le rendement de 2,75 milliards de francs. Les encaissements correspondants ont été effectués en novembre 1995 et reversés aux régimes attributaires dans le courant du mois de décembre.

A compter de 1996, deux mesures sont entrées en vigueur :

- le relèvement de 3 à 5 millions de francs du plancher de chiffre d'affaires entraînant la taxation à la C3S. La perte de ressources correspondante a été estimée à 300 millions de francs ;

- l'extension du champ des entreprises assujetties à cette contribution aux sociétés en nom collectif, aux GIE, aux établissements de crédit, aux entreprises d'assurance, à certaines entreprises publiques et à la plupart des sociétés coopératives.

L'impact financier du relèvement du taux de la contribution en 1996 a été d'environ 5 milliards de francs, soit 2,8 milliards de francs pour les entreprises déjà assujetties et 2,1 milliards de francs pour les entreprises nouvellement assujetties.

Au total, le rendement de la C3S a été de 15,3 milliards de francs en 1996, contre 12 milliards de francs en 1995, ce qui a permis un accroissement des versements aux régimes de non salariés non agricoles en 1996.

Par ailleurs, et pour faire suite à l'annulation par le Conseil d'Etat des arrêtés de répartition du produit de la C3S depuis 1981, la loi portant DDOEF du 12 avril 1996 a donné une base légale aux mécanismes de répartition de cette contribution .

Cette loi pose le principe d'une répartition au prorata et dans la limite des déficits comptables des régimes de travailleurs non salariés. Deux étages de répartition sont prévus (article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale) :

- la première répartition bénéficie prioritairement à la CANAM à l'ORGANIC 8( * ) et à la CANCAVA ;

- la seconde répartition, qui ne peut intervenir que si un solde subsiste après le premier partage, est réalisée entre les autres régimes de non salariés déficitaires, c'est-à-dire les régimes d'assurance vieillesse des professions agricoles (BAPSA) des ministres des cultes (CAMAVIC), des avocats (CNBF) et des professions libérales (CNAVPL).

En 1996, malgré l'existence d'un solde disponible de 900 millions de francs après la première répartition, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a prévu de ne pas procéder à la deuxième répartition afin de faire face aux besoins de financement prévisibles des régimes prioritaires.

Votre rapporteur avait alors observé que, si le BAPSA n'avait en effet nullement besoin des ressources C3S dans la mesure où il devait connaître un solde positif de 200 millions de francs, en revanche, ces ressources auraient permis à la CAMAVIC de réduire son déficit prévisionnel de 52 à 7 millions de francs.

Au demeurant, le dynamisme des encaissements de C3S constaté au cours de l'année 1997 a largement permis de couvrir les besoins de la CANAM, de l'ORGANIC, de la CANCAVA, ET DE LA CNREBTP, à tel point que l'excédent des recettes provenant de la C3S sur les emplois devrait atteindre 1,6 milliards de francs pour l'année 1997. Compte tenu du reliquat disponible fin 1996, la réserve de C3S devrait donc s'élever à 2,56 milliards de francs à la fin 1997.

La commission des comptes de la sécurité sociale souligne dans son dernier rapport le caractère paradoxal de cette situation : " les trois régimes de non salariés disposent potentiellement de ressources supérieurs à leurs besoins propres, alors même que les dépenses de l'ensemble des régimes de base excèdent significativement leurs ressources . "

Les déficits de la CNAVTS et de la CNAMTS devraient en effet atteindre respectivement 8,4 et 14 milliards de francs pour 1998.

Le présent article propose de tirer les conséquences de cette observation en attribuant l'excédent de la C3S au régime général.

B. L'ATTRIBUTION D'UNE PARTIE DE LA CSG ET DU DROIT DE CONSOMMATION SUR LES ALCOOLS À LA CANAM

L'article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a affecté aux régimes obligatoires d'assurance maladie la fraction de CSG au taux de 1 % et de 40 % du droit de consommation sur les alcools, en contrepartie de la substitution d'un point de CSG à 1,3 point de cotisation d'assurance maladie sur les revenus d'activité. La CANAM devait recevoir 2.946 millions de francs à ce titre en 1997 et 3.336 millions de francs en 1998 .

Un dispositif à trois étages est prévu (article L. 139-2 du code de la sécurité sociale) :

- ces ressources sont d'abord réparties en fonction de la perte de recettes induites pour chaque régime d'assurance maladie par la diminution des taux de cotisation ;

- la fraction restante est ensuite répartie prioritairement, en fonction de leurs déficits comptables, entre la CNAMTS et la CANAM (avant attribution du produit de la C3S) ;

- enfin, le solde est, le cas échéant, réparti au prorata du déficit comptable des autres régimes obligatoires d'assurance maladie.

Ainsi, la CANAM est attributaire de ces ressources au titre de la deuxième répartition

II. LES MODIFICATIONS PROPOSEES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le reversement des réserves de la C3S à la CNAVTS d'une part, et sur la CNAMTS, d'autre part, intervient indirectement, en trois étapes :

Report du solde de la C3S sur 1998 :

Le paragraphe I du présent article prévoit d'abord, à titre exceptionnel, de ne pas procéder à la deuxième répartition du solde du produit de la C3S constaté pour l'exercice 1997. En conséquence, comme il avait été procédé en décembre 1996 pour le solde disponible à l'époque, le solde du produit qui excède les déficits comptables des régimes prioritaires (la CANAM, l'ORGANIC, la CANCAVA et la CNREBTP) serait reporté sur 1998. Comme indiqué plus haut, il s'agit d'un montant de 2,56 milliards de francs.

On remarquera que c'est la seconde fois en deux ans que la loi de financement de la sécurité sociale " gèle " la deuxième répartition et reporte sur l'année suivante le reliquat de C3S, ce qui donne un caractère tout relatif aux termes " à titre exceptionnel "

Le paragraphe II
précise que les déficits des régimes de non salariés seront calculés, pour la détermination des montants de C3S dus, en encaissements-décaissements. Il s'agit de faire exception à la réforme comptable des régimes ORGANIC et CANCAVA qui prévoit une comptabilité en droits constatés (décret de mars 1997). En effet, l'année 1997 étant une année de transition, il est difficile de mesurer l'impact exact de cette réforme sur l'équilibre financier des différents régimes. Le présent paragraphe remédie à cette difficulté et facilite le passage d'une comptabilité à l'autre.

Contribution de l'ORGANIC et de la CANCAVA au financement de la CNAVTS :

Aux termes du paragraphe III, il est prévu que l'ORGANIC et la CANCAVA verseront exceptionnellement et respectivement 700 et 500 millions de francs à la CNAVTS, soit un total de 1,2 milliard de francs. La date de ces versements ainsi que leurs modalités sont renvoyés à un arrêté. Ils devraient en toute logique intervenir en 1998 et devraient être compensés par un relèvement à due concurrence du versement de la C3S.

Reversement des recettes de la CANAM à la CNAMTS :

Le paragraphe IV procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 139-2 du code de la sécurité sociale, afin de faire passer la CANAM du deuxième étage au troisième étage de la répartition du produit de la fraction de CSG au taux de 1 % et de la fraction du droit de consommation sur les alcools.

En conséquence, à partir du 1 er janvier 1998, la CNAMTS serait d'abord servie de façon prioritaire, et seul le reliquat éventuel serait reversé à la CANAM qui devrait le partager avec les autres régimes obligatoires d'assurance maladie, au prorata de leur déficit comptable.

Cela représente une perte de ressources de 1 milliard de francs pour la CANAM et un gain équivalent pour la CNAMTS, selon le Gouvernement. On notera que cette estimation est sensiblement inférieure au montant des ressources que la CANAM escomptait à ce titre pour 1998 (3,3 milliards de francs).

Comme pour les versements exceptionnels précédents, une hausse du montant de C3S versé à la CANAM devrait pallier la contraction de cette ressource.

Il importe de noter que la CANAM ne perd pas de façon définitive le bénéfice des ressources issues de la répartition de la CSG et des droits sur les alcools, contrairement à ce qu'indique l'exposé des motifs. En effet, l'opération consiste à repousser le rang au titre duquel la CANAM est servie et non à l'exclure définitivement du nombre des attributaires.

Au total, il s'agit donc bien d'un transfert de 2,2 milliards de francs du produit excédentaire de la C3S au profit des caisses nationales d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Sur la forme, le transfert de l'excédent de C3S au régime général d'assurance maladie et d'assurance vieillesse est aussi complexe qu'opaque.

Il n'est en effet que la conséquence indirecte du versement de 1,2 milliard de francs de la part de l'ORGANIC et de la CANCAVA à la CNAVTS d'une part, et du transfert à la CNAMTS des ressources de la CANAM issues de la répartition d'une partie de la CSG et des droits sur les alcools, d'autre part. C'est ainsi à travers la compensation par une hausse des versements de C3S à hauteur des pertes de ressources occasionnées par ces dispositions pour chacun de ces régimes, que la réserve de C3S constatée en 1997 va être résorbée.

Or l'objectif du Gouvernement, clairement exprimé dans l'exposé des motifs, est bien " d'utiliser les réserves de C3S pour financer une partie du déficit du régime général ". Si tel est l'objectif, il apparaîtrait plus logique et transparent d'attribuer directement une partie du produit de la C3S au régime général. C'est d'ailleurs l'objet d'un amendement de la commission des affaires sociale du Sénat.

Mais , sur le fond, cette mesure est parfaitement contraire à la logique de la C3S qui a été instaurée afin de compenser les effets de la " salarisation " croissante de la société française sur l'équilibre financier des régimes de non salariés. Il convient en effet de ne pas perdre de vue le fait que la tendance de long terme à la diminution des professions non salariées a eu pour corollaire un accroissement de la population salariée qui cotise au régime général, dont l'équilibre démographique et les ressources se sont trouvées ainsi améliorées.

Votre commission des finances réitère donc son attachement au principe selon lequel la C3S est destinée exclusivement, et par sa conception même, à financer les régimes d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des non salariés.

En conséquence, face à l'accumulation d'excédents de C3S, deux solutions sont envisageables :

Si l'on admet le principe selon lequel, pour une année déterminée, le produit de la C3S doit correspondre exactement aux déficits prévisionnels des régimes attributaires, il convient d'adapter chaque année le produit de cette taxe aux besoins anticipés. Mais cette solution conduirait à modifier chaque année le taux de la C3S pour ne pas faire apparaître d'excédent. Votre commission des finances n'y est pas favorable car elle est contraire au principe de stabilité de la fiscalité d'une part, et ne participe pas d'une gestion à long terme, d'autre part.

Si l'on se place dans une logique de gestion prévisionnelle des besoins de financement des régimes de non salariés, il convient au contraire de garder en réserve les excédents de C3S constatés pour faire face à d'éventuels déficits futurs.

Or, l'examen des prévisions fournies par le Gouvernement en annexe du présent projet de loi de finances 9( * ) montre que les trois organismes attributaires principaux de la C3S devraient connaître des déficits dès 1999, après attribution de la C3S. La CANAM devrait ainsi enregistrer un déficit de 85 millions de francs en 1999 et de 263 millions de francs en 2000 ; l'ORGANIC devrait être déficitaire de 536 et 1.081 millions de francs pour les mêmes années ; le déficit prévisionnel de la CANCAVA, enfin, devrait atteindre 114 millions de francs en 1999 et 271 millions de francs en 2000.

Au total, le montant des déficits cumulés des trois principaux bénéficiaires de la C3S devrait s'élever à 2,35 milliards de francs en 2000, soit une somme légèrement supérieure au produit de la C3S que le présent article propose d'attribuer au régime général .

Certes, il convient de prendre ces chiffres avec la plus grande circonspection, l'exercice prévisionnel étant des plus délicats en matière de finances sociales. Mais la prudence impose d'être prévoyant et de garder en réserve les ressources nécessaires pour compenser tout déficit futur.

Votre commission des finances vous propose donc de supprimer les paragraphes III et IV du présent article, qui opèrent l'affectation du produit de la C3S au régime général, et de ne conserver que les paragraphes I et II, qui opèrent le report du solde excédentaire de 1997 sur l'exercice 1998.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

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