B. LES RÉFORMES DE STRUCTURE

1. La déconcentration

a) Une première réforme importante : la déconcentration des décisions individuelles

La loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République a fait de la déconcentration le mode d'organisation de droit commun de l'administration de l'Etat, en disposant que (article 2) " sont confiées aux administrations centrales les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l'exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial ".

Dans les faits, cette loi n'a pu faire évoluer la tradition administrative qui fait "remonter à Paris" d'innombrables décisions individuelles, ôtant ainsi toute souplesse de gestion aux services déconcentrés.

Il faut donc saluer comme une réussite tout à fait inédite la déconcentration des décisions individuelles opérée par le décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 : la méthode adoptée par ce décret est radicale puisqu'est posé le principe général du transfert des décisions administratives individuelles aux autorités locales déconcentrées de l'Etat à partir du 1 er janvier 1998, sauf texte contraire express pris sous forme de décret en Conseil d'Etat ou en Conseil des ministres, pour deux types d'exceptions :

- les décisions ayant une portée nationale (ex. : le taux de remboursement des médicaments),

- les décisions nécessitant une expertise préalable de caractère national.

Par exemple : au ministère de l'agriculture, 700 procédures ont été recensées, dont 200 sont déjà déconcentrées et 300 sont considérées comme hors champ ou seront supprimées. Sur les 200 décisions administratives individuelles actuellement traitées au plan national, 90 procédures seulement devraient y être maintenues.

Les décrets de dérogation (environ 40 au total) n'interviendront que de manière très sélective.

Chaque ministère va préparer un guide à l'intention des services déconcentrés, fournissant des conseils et des éléments de jurisprudence pour chacune des procédures déconcentrées.

Cette déconcentration implique-t-elle l'affectation de nouveaux moyens dans les services locaux de l'Etat ? Dans certains départements, notamment au sud de la France, les effectifs paraissent suffisants. Dans les autres, on peut envisager de redéployer des emplois supprimés à l'administration centrale.

b) La création de services à compétence nationale

Deux décrets du 9 mai 1997 ont créé les services à compétence nationale, qui sont des services dont le champ territorial est national mais qui exercent des activités à caractère opérationnel : études, statistiques, prestations de services. Exemples : la direction nationale des enquêtes douanières, le service des essences des armées, le service national des travaux du ministère de la culture.

Ces services comptent environ 20.000 emplois, sur les 75.000 existant actuellement dans les administrations centrales. Leur organisation devrait désormais obéir notamment au principe de l'externalisation des tâches.

50 % des services à compétence nationale existent déjà en fait, 50 % seront créés par "externalisation" de tâches actuellement exercées au sein des administrations centrales. Au total, on devrait compter une centaine de services à compétence nationale.

Les services à compétence nationale sont des services auxquels seront fixés des objectifs, et dont seront évalués les résultats ; des contrats de service pourront être passés entre eux et l'administration centrale.

c) Les contrats de service

La notion de contrat de service va plus loin que celle de service à compétence nationale. Elle représente un nouveau mode de gestion qui peut s'appliquer à tous les échelons administratifs.

Telle qu'elle a été définie par le précédent gouvernement, à partir d'un conseil interministériel du 29 mai 1996, la notion de contrat de service offre à l'administration de réelles possibilités de modernisation.

Le contrat de service : un réel espoir de modernisation

1. La définition des objectifs, la mesure des résultats

Les objectifs des contrats de service seront très précisément spécifiés, leurs résultats mesurés et comparés si possible avec ceux de services du secteur commercial.

2. La consultation des usagers

Des enquêtes de satisfaction seront réalisées pour consulter les usagers.

3. Un nouveau mode de gestion

Le contrat de service doit permettre une autonomie plus grande des gestionnaires, en contrepartie d'un contrôle des résultats.

Les chefs de service négocieront chaque année, au printemps, avec leur administration centrale le budget global qui leur sera alloué l'année suivante, en personnels et en fonctionnement, pour exercer les missions qui leur seront confiées.

Chaque service se verra ainsi indiquer une enveloppe globale de référence -addition d'une dotation globale de fonctionnement et de crédits de personnel calculés à partir des emplois prévus pour le service- au sein de laquelle il aura la possibilité de réallouer les moyens, soit en rendant des emplois d'une catégorie en échange d'emplois d'un profil plus adapté aux missions qui lui ont été assignées, soit en proposant des économies nettes de personnel et en demandant, le cas échéant, un renforcement d'autres dotations, soit, également en panachant l'ensemble de ces dispositions, sans toutefois proposer des créations nettes d'emplois au-delà de la dotation d'emplois communiquée par l'administration centrale.

Une fois arrêtées les décisions gouvernementales sur le projet de loi de finances, le service recevra notification définitive de son budget, en crédits et en emplois.

4. L'association des personnels à l'amélioration de la gestion et les retours financiers en leur faveur

Un intéressement financier des agents pourra être mis en oeuvre sur la base des économies réalisées.

A l'heure actuelle, trois ministères se sont lancés dans une démarche d'expérimentation des contrats de service avec leurs services déconcentrés : le ministère de l'équipement, le ministère de l'éducation nationale, le ministère de l'industrie.

A l'équipement

Le ministère de l'équipement a inclus cette démarche dans le cadre de l'accord pluriannuel qu'il a conclu avec la direction du budget sur l'évolution des emplois et des crédits de fonctionnement.

Il s'agit d'une contractualisation sur la base, d'une part d'engagements concrets des directions départementales de l'équipement portant sur l'amélioration de la qualité, en termes de services rendus aux usagers dans divers domaines et de performance interne, et d'autre part d'engagements de l'administration centrale sur un budget global de fonctionnement (emplois, crédits).

Au sein de cette enveloppe, des moyens de fonctionnement peuvent être échangés contre des emplois, des économies peuvent donner lieu à des retours sous forme collective ou individuelle.

La mesure de performance s'appuie sur les indicateurs de gestion existants (plans "objectifs-moyens" mis en place il y a quatre-cinq ans) ainsi que sur d'autres indicateurs permettant d'évaluer l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers.

La programmation pluriannuelle Budget-Equipement a pu être mise en place pour trois ans grâce à la quantification des missions du ministère de l'équipement, et dans le cadre de la rénovation de la procédure d'élaboration de la loi de finances où un budget de "reconduction" est arrêté désormais en début d'année avec chaque ministère. Les contrats de services sont prévus sur la base du volontariat de directions départementales de l3'équipement, parce que des outils de contrôle de gestion existent dans les services déconcentrés de l'équipement depuis plusieurs années.

A l'éducation nationale

A l'éducation nationale, l'expérimentation devrait concerner le fonctionnement des services administratifs académiques et des lycées et collèges. Quatre groupes de travail successifs ont été programmés pour accompagner la démarche (expérimentation de nouvelles règles de fonctionnement budgétaire ; mise au point d'un référentiel national des missions ; démarche qualité-réflexion autour d'éventuels engagements scolaires ; implication des personnels et de leurs représentants).

A l'industrie

Au ministère de l'industrie, les directions régionales concernées ont lancé l'élaboration de leurs engagements spécifiques et l'identification des indicateurs de mesure pertinents et préparé des actions internes, notamment dans le domaine du management du personnel.

Dans les trois ministères, la démarche se développe en étroite association avec le personnel.

2. La rénovation de la gestion de la fonction publique

a) Ce qui a été fait

Trois décrets sont intervenus le 31 mai 1997 pour faciliter la déconcentration de la gestion des personnels et du dialogue social :

- le premier institue l'obligation de créer des comités techniques paritaires locaux dans les services déconcentrés de plus de 50 personnes ;

- le deuxième décret ouvre la possibilité de déconnecter le niveau (local ou central) où siège la commission administrative paritaire (consultative) du niveau (local ou central) où est prise la décision individuelle.

- le troisième décret donne au préfet la compétence d'organiser les mises à disposition de personnel entre les services extérieurs de l'Etat d'un même échelon territorial.

Ces décrets vont beaucoup plus loin que de simples mesures techniques : ils devraient permettre, pour la première fois, une gestion avisée du personnel au plan territorial.

b) Les chantiers futurs

1) Les fusions de corps

Il existe actuellement à peu près 1.000 corps administratifs ; seuls 50 ont pu faire l'objet de fusion.

Par exemple, il existe 20 corps de secrétaires administratifs des services déconcentrés. Or, cette division est un obstacle essentiel à la mobilité des agents. Le problème des rémunérations accessoires est évidemment un élément important de la réforme, les indemnités pouvant aller de 1 à 10 pour des corps comparables.

2) La réforme de la notation

Il faut enrichir la procédure de notation annuelle, actuellement assez stérile.

En effet, cette notation devrait être l'occasion d'établir un bilan professionnel de l'agent. Par ailleurs, la notation devrait pouvoir être utilisée pour favoriser une mobilité, pour fonder une individualisation des primes allouées.

3) La création d'une bourse des emplois

Une bourse des emplois devait être mise en place en 1997, par centralisation des offres et demandes à la direction générale de la fonction publique (support : Minitel, Internet, presse...).

Une expérimentation devait être menée sur 2-3 administrations et concerner tous les emplois : elle devait permettre d'utiliser le congé "formation-mobilité", qui ouvrira aux fonctionnaires la possibilité de changer de métier au sein même de la fonction publique.

c) Aller plus loin ?

Votre rapporteur considère qu'il n'est pas interdit d'envisager une gestion salariale dans le secteur public qui obéirait à des critères rationnels, selon la démarche suivante :

1. Le Parlement pourrait fixer une enveloppe salariale maximale pour la fonction publique (sur plusieurs années).

2. La direction du budget répartirait cette enveloppe entre les différents ministères selon les modalités actuellement retenues pour le contrat pluriannuel avec le ministère de l'équipement.

3. Enfin, des contrats de service seraient conclus par les ministères avec leurs services déconcentrés.

3. La gestion patrimoniale de l'Etat

Il s'agit là d'un pan essentiel de la réforme de l'Etat, puisque l'on se propose de passer d'une logique de budget à une logique de bilan.

Il faut rendre hommage au précédent ministre de l'économie et des finances d'avoir su amorcer ce changement des mentalités, qui seul permettra une rationalisation des décisions de l'Etat.

Une mission a été confiée à M. François (trésorier payeur général) qui doit publier un livre blanc au début de l'année 1998, contenant une expertise technique des problèmes très approfondie.

Cette réforme amènera à introduire la notion de provision et d'amortissement dans la comptabilité de l'Etat.

En ce qui concerne la politique immobilière, une commission présidée par Jean-Pierre Weiss, ingénieur en chef des ponts et chaussées, a présenté des propositions qui seront prochainement discutées en commission interministérielle de la politique immobilière de l'Etat.

A partir du livre blanc, il conviendra de saisir le Parlement des bases d'un nouveau plan comptable pour l'Etat.

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