III. QUESTIONS A MOYEN TERME

1. L'Agence France Presse

Continuation de l'Agence Havas, créée en 1832, l'AFP a pris sa dénomination actuelle en 1944. En 1957, le Gouvernement et le Parlement ont affirmé leur souci de doter la France d'une agence d'information indépendante à caractère mondial.

Échappant à toutes les catégories juridiques habituelles, l'AFP est, aux termes de l'article 1 de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 un "organisme autonome doté de la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré suivant les règles commerciales". Ses ressources proviennent principalement de la "vente des documents et services d'information à ses clients".

Son objet est "de rechercher, tant en France et dans l'ensemble de l'Union française qu'à l'étranger, les éléments d'une information complète et objective" et "de mettre contre paiement cette information à la disposition des usagers". L'AFP doit, en outre, "assurer l'existence d'un réseau d'information à rayonnement mondial".

Aux termes de la loi du 10 janvier 1957, un Conseil supérieur, composé de huit membres en fonction pour trois ans, est chargé de veiller à l'activité de l'Agence et au respect de ses obligations fondamentales.

L'Agence est administrée par un Conseil d'administration comprenant 16 membres, dont le Directeur général. Président: X représentants des directeurs d'entreprises de publication de journaux quotidiens, 2 représentants du service public de la radiodiffusion télévision française, 3 représentants des services publics usagers désignés, l'un par le Premier ministre, l'autre par le ministre des affaires étrangères, le troisième par le ministre chargé du budget, et 2 représentants des personnels de l'Agence. La durée de leur mandat est de trois ans.

En outre, une commission financière, comprenant 2 membres de la Cour des comptes et un expert désigné par le ministre de l'économie et des finances, est chargée de suivre de façon permanente la gestion financière de 1'AFP.

· Les objectifs de l'Agence France Presse pour 1997 s'inscrivent dans son plan de développement à l'horizon 2000.

Un plan, en 1995, visant à élargir le domaine de l'agence avait élaboré des activités nouvelles, dont certaines en partenariat, dans des secteurs stratégiques connexes: mise en place de serveurs photos, information à destination des télévisions, élargissement de l'activité en matière d'information économique, création d'un département multimédia.

Le nouveau président de l'agence, M. Jean Miot, reprend dans ses grandes lignes le plan de son prédécesseur, en le structurant autour de trois axes

- le développement de l'activité photographique ;

- la diversification en direction de la production d'images et la télévision ;

- le lancement de services multimédia.

1) Le développement de l'activité photographique revêt plusieurs aspects:

En premier lieu, le système de traitement et de diffusion multisites (Paris, Hong-Kong, Washington ) dénommé "Symphonia" doit être achevé pour les Jeux Olympiques de l'été prochain à Atlanta, ce qui implique que la phase III de développement informatique de 1'AFP confiée à la société Matra-Steria, qui a pris deux ans de retard, soit terminée d'ici là Ce système utilisera une meilleure définition des images et permettra de développer l'archivage électronique.

En second lieu, le réseau mondial de transmission dont dispose l'AFP, sera modernisé et la capacité ainsi que la vitesse de transmission accrues.

Enfin, l'agence devra impérativement, pour rester compétitive, offrir un service de consultation et d'acquisition de photos et d'images, ce qui exige d'importants investissements en informatique.

2) La diversification dans le domaine de la télévision : elle consiste, grâce à des partenariats avec des acteurs français et étrangers, à créer un pôle de production d'images à destination, notamment, des journaux télévisés.

De façon plus spécifique, les responsables de l'agence envisagent de lancer une chaîne de télévision interactive hippique afin de couvrir l'ensemble des réunions qui se déroulent chaque année en France et de proposer des programmes et des informations télévisés dans le domaine de l'économie.

En outre, 1'AFP souhaite tirer profit de son réseau pour offrir aux télévisions, en plus des services traditionnels texte et photo, un service d'informations spécialisées contenant, dans des domaines divers, les offres récentes des producteurs d'images. Ce service intitulé "TVSources" est techniquement au point, mais nécessite un accord de partenariat avec France-3 ou sa filiale IV-3, susceptible d'apporter sa compétence en matière de télévision.

3) La création d'un département multimédia : le nouveau département regrouperait les activités de 1'AFP dans l'édition électronique "on line" qui sont à créer sous forme de serveurs payants et "off line", les CD-ROM de 1'AFP.

L'objectif est de fournir toute une gamme de prestations allant de l'hébergement de journaux clients de l'agence sur le site WEB jusqu'à la confection de journaux électroniques complets pour le compte des médias. Ce département emploierait pour partie des journalistes actuellement affectés à la télématique.

Enfin, outre ces activités nouvelles, I'AFP entend donner une autre dimension à des activités plus traditionnelles, à partir de produits texte-photo, en développant notamment le service latino-américain, en créant un service en chinois et en lançant un service "sports" mondial en plusieurs langues.

· Les incidences financières du plan de développement

Selon les estimations présentées par 1'AFP, la différence entre les produits et les charges générées par les activités nouvelles de l'agence s'élève à près de 240 millions de francs sur cinq ans et cet investissement s'inscrit dans une structure économique et financière encore fragile.

1) Un redressement financier encore fragile.

Le retour à l'équilibre a été réalisé en 1994 au terme de la quatrième année d'exécution du contrat de plan et, en l995, I'AFP a enregistré un résultat net de 1,2 millions de francs. Des progrès incontestables ont, en outre, été réalisés par l'Agence en matière budgétaire et comptable. De plus, les objectifs fixés par le contrat de plan ont apparemment été atteints:

- l'effectif a été réduits de 60 contrats permanents et les charges de personnel diminuées de 44,8 millions de francs entre 1990 et 1994;

les recettes provenant des nouveaux services spécialisés ont atteint près de 50 millions de francs en 1994;

l'augmentation de la part des recettes provenant des abonnements souscrits par la clientèle hors services publics est effective et a atteint 51 % en 1994;

- la part des clients étrangers dans le chiffre d'affaires de l'Agence s'est élevé à 22,60 % en 1994, dépassant de 4 points les objectifs du plan.

Toutefois ces bons résultats doivent être relativisés.

En effet, si le contrat de plan a incontestablement permis à 1'AFP de rétablir une situation financière compromise, grâce notamment à la compression des charges d'exploitation, il ne peut être considéré comme un plan de développement.

En ce qui concerne la situation des effectifs la marge de manoeuvre de l'agence demeure extrêmement réduite. Ainsi la mobilité notamment du personnel journaliste, est fortement entravée par les situations individuelles, les habitudes acquises et par une interprétation restrictive des conventions collectives ou des accords particuliers. La rigidité structurelle est fortement aggravée par l'état de la pyramide des âges des journalistes , caractérisée par une forte concentration des effectifs autour d'un âge moyen de 44 ans. Cette situation est la résultante mécanique des forts recrutements opérés entre 1957 et 1970, dont les bénéficiaires sont encore relativement loin de l'âge de la retraite: en 1994, il n'y a eu qu'un seul départ naturel à 65 ans, alors qu'une situation normale, pour les 700 journalistes du siège de l'Agence, devrait générer environ 20 départs à la retraite chaque année, niveau qui ne sera atteint qu'en 2005. De plus, des mesures d'âge collectives ne sont pas envisageables pour cette catégorie de personnels, car elles s'accompagneraient d'une interdiction d'embauche alors même que 1'AFP souffre d'un manque de jeunes journalistes.

Il convient d'ailleurs de rappeler que, ni dans la négociation du contrat de plan, ni dans son contenu, ne figuraient de dispositions prévoyant que l'État aurait eu à intervenir dans le financement d'un plan social en vue d'atteindre l'objectif fixé en matière de réduction d'effectifs. Au contraire ces soixante départs avaient été présentés comme découlant d'un mouvement naturel de sortie des agents, sans qu'il soit procédé à leur remplacement .

Même, la mise en place d'une gestion prévisionnelle des emplois a subi un important retard.

Du point de vue financier.
Au-delà du redressement immédiat de l'entreprise, il s'agissait d'aboutir à un équilibre durable des conditions d'exploitation. Or, I'AFP devra désormais compter sur deux facteurs nettement moins favorables.

Le remboursement du prêt participatif de 90 millions de francs accordé par 1'Etat.

Une évolution des tarifs d'abonnement nettement ralentie par rapport aux années antérieures, dans la mesure où pendant la durée du contrat de plan les tarifs ont été supérieurs de 2 % (abonnements de l'état) et 5 % (abonnements médias) au taux d'inflation.

2) Le financement du plan de développement.

Le besoin de financement des activités nouvelles est estimé par les responsables de l'AFP à 240 millions de francs sur 5 ans dont près de la moitié pour la diversification dans le domaine de la télévision.

La capacité d'autofinancement de l'entreprise ne peut être, au maximum, que de 20 millions de francs par an, dans l'hypothèse où la situation financière de l'agence reste stable. Il en résulte que le plan de développement ne pourra être réalisé dans son intégralité que si l'AFP mobilise 140 millions de francs de capitaux extérieurs. Autrement dit, le lancement des activités audiovisuelles est subordonné à la capacité de l'agence à trouver un financement extérieur.

Cet investissement dans l'audiovisuel est par ailleurs le seul qui soit susceptible d'une réflexion séparée du reste du plan. En effet, les développements dans la photo ou le multimédia ne peuvent être différés sauf à encourir le risque que l'AFP ne prenne un retard technologique et commercial définitif sur ses concurrents.

En revanche l'activité audiovisuelle présente des caractères spécifiques.

Elle peut être considérée comme une branche nouvelle d'activité pour laquelle l'AFP devra se doter d'un savoir faire ou s'allier à des partenaires français et étrangers qui le possèdent :

- l'activité télévisée est coûteuse et d'une rentabilité incertaine. En outre, parmi tous les projets de l'agence, c'est celui qui repose sur les estimations de charges et de produits les moins fiables et sur le plan de financement le plus approximatif.

C'est pourquoi il est indispensable que l'AFP, précise son projet en matière de télévision et de production d'images. De son côté, l'État, au vu du dossier présenté par l'agence, devrait engager une réflexion sur les modalités de financement de cette activité spécifique.

Depuis plusieurs années, la modification du statut juridique de l'Agence est régulièrement évoquée entre les services intéressés pour que celle-ci puisse s'adapter à la situation actuelle. L'intégration au droit commun des sociétés commerciales et la constitution d'un capital font partie des questions le plus souvent débattues. Mais, à ce jour, aucune étude n'a été réalisée par les services compétents et aucune demande n'a été formulée par les pouvoirs publics ou par l'Agence.

La situation Générale de l'Agence France-Presse vue par son président

Depuis 18 mois, un certain nombre de modifications en profondeur ont été apportées à l'Agence France-Presse: mise en place d'une équipe de Direction "collégiale"; création d'une Direction du Développement et recrutement d'un Commercial de haut niveau, (enlevé à la concurrence de REUTERS); poursuite de la modernisation technique; ouverture d'un grand chantier de réforme rédactionnelle; renforcement de la production engagé avec les gains de productivité nécessaires; modernisation de la gestion comptable commerciale; rajeunissement de la rédaction en favorisant les départs en préretraite et création d'un pool de jeunes journalistes suivant un accord nouveau signé en mars 1996.

L'AFP s'est engagée résolument - et prudemment, ce qui n'est pas contradictoire - dans la révolution Internet et Intranet, avec la création d'un département Multimédia et la mise en place à Washington, Hong Kong et Bonn des outils technologiques pour répondre à la demande de Marchés plus avancés que le Marché français.

L'Agence se doit de participer à la reconquête d'Internet par le français, la gamme de ses produits, son expérience et sa notoriété mondiale sont un réel atout pour la France dans cette perspective.

Il était également impensable qu'une Agence Mondiale ne participe pas au développement Télévision, même si - à l'évidence - l'AFP n'a pas les moyens qui ont permis à REUTERS et ASSOCIATED PRESS de créer leur propre chaîne de production.

C'est en partenariat avec BLOOMBERG que l'AFP produit un journal, 24h sur 24 sur Canal-Satellite et la nuit sur le câble, et participe à l'information économique en anglais sur la Financial Times T.V. Elle travaille à d'autres projets télé importants, toujours en partenariat.

Le climat social est aujourd'hui serein; comme tout feu qui dort.

Sur le plan financier, l'héritage d'une Agence à l'équilibre est bien sûr confirmé; mais cette ardente obligation statutaire ne saurait constituer une finalité stratégique.

La situation peut devenir préoccupante: si les coûts structurels restent fixes, en revanche les ressources se dérobent dans un contexte de marché Premier - la Presse - en constante régression.

Un constat: l'AFP c'est un budget de 1,2 milliard; l'AFP, c'est une S.A. sans capital, donc sans financement statutaire. C'est aussi une "industrie lourde": 70% de charges fixes de personnel et une rentabilité à long terme des projets, caractéristique spécifique de l'économie de la Presse.

Son équilibre budgétaire récent est fragile.

Les difficultés de la Presse Écrite sont sensibles dans le monde entier et nous touchent de plein fouet. Les concentrations du secteur radio et télévision, dans la plupart des pays, conduisent à une diminution du nombre d'abonnements. Le poids de la fiscalité s'alourdit chaque année davantage partout où 1'AFP est représentée, tout particulièrement dans les pays en voie de développement.

Un plan de développement, dont le suivi est assumé par la Commission Financière de 1'AFP, visant à faire rentrer l'Agence France-Presse dans le troisième millénaire, a débuté en 1997. L'objectif, bien entendu, est l'équilibre budgétaire. Les gains de productivité, les économies, les produits nouveaux en sont le moteur. Mais il convient de souligner :

1. Si elle ne se développe pas, 1'AFP - compte tenu de l'effritement du marché mondial et de l'aggravation des charges - est condamnée à court terme.

2. Sans moyen financier, il n'y a pas de développement possible, compte tenu de la spécificité de la Société Commerciale qu'est 1'AFP (voir plus loin le problème posé par le Statut) .

Pour se développer, 1'AFP s'est engagée résolument:

1. Dans le renforcement de sa production traditionnelle, particulièrement celle de ses services économique, financier, scientifique, sportif et photographique, en leur cherchant toujours plus de débouchés hors-média. Elle doit parallèlement continuer de renforcer son réseau anglophone, car c'est en anglais que 1'AFP continue de pénétrer les nouveaux Marchés, spécialement en Asie.

2. Dans la création de produits nouveaux. La révolution technologique nous permet de vendre l'information avec une forte valeur ajoutée et la dépêche AFP s'adresse à tous les types de marchés, média et hors média.

Soyons lucide: c'est hors média que l'AFP trouvera son salut. Un pas important a été franchi avec la création de "Mine and Yours", un produit internet tout à fait novateur destiné aux professionnels de la Finance et à équiper les intranets des Banques, en France comme à l'étranger. Cette filiale permet à 1'AFP d'entrer de plain-pied sur un territoire qui, à ce jour, était occupé essentiellement par REUTER: celui de l'information financière en temps réel.

Au moment même où 1'AFP a réussi à présenter tous les éléments significatifs d'une gestion saine et transparente (contrairement à la "gestion virtuelle" que l'administrateur que je fus a connue naguère), la politique "Tatchérienne" pratiquée l'an passé par le gouvernement a déséquilibré notre budget: il manquait 15 millions. Depuis 40 ans, la pratique contractuelle se traduisait par une indexation des abonnements A~ l'État en parallèle avec ceux de la Presse.

L'indispensable développement, ajouté à la lourdeur du programme 98 (mondial football, JO d'hiver au Japon, JO d'Asie et Jeux du Commonwealth, élections régionales et cantonales, reconquête du marché d'Amérique latine avec la mise en place de la Direction de Montevideo, provisions financières, filiales, le réaménagement socio-fiscal du personnel de Moscou, le déménagement impératif du bureau de Bonn vers Berlin), impliquent le retour à la pratique semi-séculaire de l'indexation.

Il convient d'ajouter que l'escalade du dollar (budgété à 5,70 francs pour 1997) un effet négatif extrêmement lourd (10 centimes d'aggravation = 2 millions de francs de perte en année pleine).

C'est pourquoi le moratoire obtenu l'an passé sur le remboursement et les intérêts du prêt participatif de 90 millions de francs consenti en 1990, doit impérativement être prolongé. C'est pour nous le seul moyen de contribuer à la restructuration capitalistique de l'Entreprise.

Enfin, il conviendra d'examiner le Statut de l'AFP. C'est là un "serpent de mer" qui date de plus de quinze ans.

Le Statut de l'Agence fut signé par François MITTERRAND en 1957.

A l'évidence, quarante ans plus tard, le Marché de l'Information et de la Communication n'a plus rien à voir.

Il est donc nécessaire d'introduire dans ce Statut, rédigé par d'éminents juristes qui en ont ignoré la dimension commerciale, une méthodologie de gestion stratégique et financière que l'économie internationale impose aujourd'hui; ce qui permettra à l'Agence de s'assumer financièrement plus librement.

En revanche, il est essentiel de préserver la garantie d'indépendance de notre Agence. Il ne s'agit donc pas de rédiger un nouveau texte, mais d'amender et de compléter celui existant. Cette "modernisation" du Statut est d'ordre législatif; ce qui doit conduire à la plus extrême prudence.

A l'exception d'une seule organisation syndicale sur six (FO), cette éventuelle réforme n'a pas provoqué de rejet dans l'entreprise. La société des Rédacteurs a même créé un groupe de travail sur ce sujet vital. Ceci démontre bien le profond changement culturel constaté au sein de l'Agence: le temps de "l'État paiera" est révolu.

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