B. LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES MUSÉES NATIONAUX

1. Une gestion insuffisamment maîtrisée

a) Les difficultés rencontrées dans la définition d'une politique d'ensemble du patrimoine muséographique

Entre 1973 et 1990, la proportion des Français fréquentant les musées est passée de 27 % à 30 %. Cette évolution, relativement limitée, représente néanmoins un public nouveau de près de 2 millions de visiteurs . Le nombre d'entrées payantes a cru très fortement au cours des 35 dernières années ; de 3 millions en 1960, il est passé à 10,2 millions en 1994 .

L'ouverture de nouveaux musées et la politique d'enrichissement des collections nationales apparaissent comme les principaux facteurs explicatifs de ce mouvement.

Afin d'accompagner cette évolution, la direction des musées de France (DMF) s'est vu attribuer une responsabilité centrale dans la définition et la conduite de la politique nationale des musées .

Dans le prolongement de la loi de programme sur les musées de 1978, l'article premier de l'arrêté du 23 octobre 1979 a, en effet, confié à la DMF la mission de " préparer et de mettre en oeuvre la politique des pouvoirs publics en vue de conserver, protéger, enrichir, étudier et mettre en valeur le patrimoine muséographique, et en assurer le libre accès au public ". Ses compétences ont été renforcées en 1991. Parallèlement à la poursuite d'un mouvement de déconcentration de la gestion des musées qui était susceptible d'alléger la charge de la structure centrale, la DMF a été réorganisée avec pour objectif de lui donner les moyens de " proposer et de mettre en oeuvre la politique de l'Etat en matière de patrimoine muséographique ". A ce titre, elle a été investie explicitement d'une mission de coordination des actions des diverses autorités publiques intervenant dans ce domaine et son champ d'action a été étendu à l'ensemble des musées relevant de l'ordonnance de 1945.

Néanmoins, il apparaît que la DMF n'a pas disposé des moyens lui permettant d'assumer cette mission dont la légitimité est pourtant évidente compte tenu du développement qu'ont connu les institutions muséographiques.

Dans son rapport particulier consacré aux musées nationaux et aux collections nationales d'oeuvres d'art, publié en février 1997, la Cour des comptes constate, en effet, que " malgré des efforts qui doivent être soulignés, (...) elle ne dispose encore que de moyens réduits non seulement pour assumer les responsabilités qui lui ont été confiées sur l'ensemble des musées de France, mais aussi pour assurer la cohérence de son action sur les musées nationaux, à l'égard desquels elle a une responsabilité directe de gestion ".

Les difficultés rencontrées par la DMF dans la conduite de sa mission s'expliquent par les conditions d'exercice de sa tutelle sur les musées.

En premier lieu, force est de constater que de nombreux musées , à l'image de ceux qui relèvent du ministère de l'éducation nationale, échappent à sa tutelle et qu'elle ne dispose pas, à leur égard, d'une capacité spécifique de contrôle et d'orientation.

Par ailleurs, les instruments dont elle dispose pour exercer sa tutelle ne semblent pas adaptés à ses nouvelles responsabilités . Les nombreuses instances consultatives qui entourent la DMF, dont les compétences sont exclusivement scientifiques ou artistiques, ne constituent pas des lieux de concertation suffisants pour permettre une coordination efficace des actions publiques dans le domaine des musées. L'inspection générale des musées, qui ne jouit pas d'une autorité suffisante face aux autorités scientifiques, joue un rôle de conseil plus que de contrôle. Par ailleurs, la DMF ne dispose pas non plus d'instruments efficaces de contrôle de la gestion des musées qui seraient pourtant nécessaire pour faire face à la complexité des règles qui régissent leur fonctionnement. Enfin, le mouvement de déconcentration mené à partir de 1987, impliquant des délégations plus ou moins importantes selon les établissements, n'a pas été l'occasion pour la DMF de préciser les conditions d'exercice de sa tutelle sur les musées nationaux et, en conséquence n'a pas permis d'améliorer la gestion administrative et culturelle des musées.

Un tel constat justifie que soient accélérés les travaux de préparation d'un projet de loi sur les musées.

En effet, le régime juridique issu de l'ordonnance du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des beaux-arts s'avère aujourd'hui largement dépassé. Son champ d'application, limité aux seuls musées des beaux-arts, ne couvre ni les musées d'histoire naturelle, ni les musées dépendant d'autres administrations que celle du ministère de la culture . Nombre de ses articles ont été abrogés et seules subsistent les dispositions relatives à l'organisation de la gestion des musées nationaux et quelques rares dispositions applicables aux musées des collectivités territoriales. Certaines des règles qu'elle édicte comme l'obligation faite à chaque musée de soumettre le règlement intérieur et la fixation des droits d'entrée pour approbation au ministre sont devenues obsolètes . Enfin, les textes réglementaires relatifs au contrôle technique de l'Etat sur les musées des collectivités territoriales n'ont jamais pu être édictés, en l'absence de normes législatives fixant les conditions dans lesquelles il devait s'effectuer.

Il serait donc souhaitable que la future loi permette d'offrir un cadre juridique commun à l'ensemble des musées, que leurs collections appartiennent à l'Etat, à des collectivités territoriales ou à des personnes morales de droit privé.

L'élaboration d'une nouvelle loi devrait permettre également d'assurer une gestion plus satisfaisante des collections qui, comme l'a souligné le rapport de la Cour des comptes, souffre de graves lacunes.

A la suite du récolement effectué par la Cour des comptes qui a porté sur 5.000 oeuvres et après deux années de recherche conduites par les musées et la direction des musées de France, environ 950 oeuvres, inscrites sur les inventaires et donc supposées localisées, n'ont pu être présentées et devaient donc être tenues pour manquantes, ce qui ne peut manquer d'inquiéter. Environ 40 % de ces oeuvres étaient déposées dans des musées de province, 15 % dans des ministères et 5 % dans des ambassades.

Afin de remédier à ces lacunes, une circulaire du Premier ministre en date du 24 juin 1996 a précisé et complété les règles applicables en matière de dépôt de meubles et d'oeuvres d'art des collections nationales dans les administrations afin notamment d'en renforcer les conditions de gestion et de contrôle. Par ailleurs, le récolement général de toutes les oeuvres déposées par l'Etat a été entrepris et devrait s'achever d'ici le 31 décembre 1999.

b) Les conséquences des difficultés financières de la Réunion des musées nationaux

Votre rapporteur avait souligné l'an dernier les conséquences des difficultés financières de la Réunion des musées nationaux (RMN) sur le montant des crédits d'acquisition des musées nationaux.

La Cour des comptes dans son rapport particulier consacré aux musées nationaux a confirmé son analyse des raisons de la dégradation de la situation financière de la RMN qui sont liées à la fois à la baisse de la fréquentation des musées et à la difficulté qu'éprouve cet établissement " à concilier deux logiques qui ne sont pas aisées à mettre en harmonie : une logique économique qui lui impose de rentabiliser sa fonction commerciale en vue de dégager les ressources nécessaires à l'enrichissement des collections et une logique régalienne, culturelle et éducative qui lui impose de favoriser l'accès du plus grand nombre ".

A la suite des résultats déficitaires enregistrés en 1995 et 1996, la RMN s'est engagée dans un plan d'assainissement de sa situation financière.

Défini en novembre 1996, ce plan, régulièrement suivi par un comité financier associant l'établissement et ses autorités de tutelle, prévoit un rétablissement en trois ans, afin de dégager sur cette période des excédents pour combler les déficits cumulés des dernières années.

D'après les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur, les premiers résultats de ce plan semblent satisfaisants puisque, pour 1997, l'excédent, estimé à  5,2 millions de francs au début de l'année, devrait s'élever à 18,4 millions de francs

Cette amélioration résulte à la fois de la gestion rigoureuse suivie depuis la mise en place du plan d'action notamment grâce à la vigilance du comité financier et du retour du public dans les musées en 1997. Par ailleurs, la programmation de deux expositions non prévues (la rétrospective Georges de La Tour aux galeries nationales du Grand Palais et la présentation des chefs d'oeuvre impressionnistes de la collection Havemayer au musée d'Orsay) a permis de redresser le résultat des expositions temporaires. Les prévisions pour 1998 se fondent sur une consolidation du redressement constaté cette année.

Votre rapporteur observe que le redressement des résultats de la RMN ne s'accompagne pas pour l'année 1997, d'une amélioration de sa participation à l'acquisition d'oeuvres d'art par les musées nationaux. L'amélioration de sa situation financière qu'il convient de noter ne permet pas de revenir aux niveaux de contribution constatés sur la période 1990-1995 et se traduit même par une diminution significative de sa contribution aux acquisitions des musées nationaux. En effet, cette dernière ne représente en 1997 que 29,3 millions de francs soit 21% du budget d'acquisition des musées nationaux contre 55,4% en 1994, dernière année pour laquelle le résultat de la RMN avait été excédentaire.

2. Une marge de manoeuvre étroite pour la conduite d'une politique muséographique ambitieuse

a) Des entraves à l'enrichissement des collections
· Un système lacunaire de protection du patrimoine national
Au dispositif douanier hérité du régime de Vichy, la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992, régissant le contrôle de la circulation des biens culturels, a substitué un mécanisme de protection fondé sur la délivrance d'un certificat de libre circulation des biens culturels.

Ce certificat, requis tant pour la circulation d'un bien culturel dans l'Union européenne que pour son exportation vers un pays tiers atteste qu'il ne constitue pas un trésor national et peut dès lors sortir du territoire. Il convient de rappeler que lorsque l'Etat a refusé l'octroi d'un certificat à un bien culturel présentant les caractéristiques d'un trésor national, il ne peut réitérer ce refus à l'expiration d'un délai de trois ans.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi, c'est avec parcimonie qu'il a été fait usage de cette prérogative puisque 35 oeuvres seulement ont fait l'objet d'un refus de certificat. Quatorze d'entre elles ont été acquises par les collections publiques. La valeur totale de ces acquisitions s'élève à 115 millions de francs, la part du financement assumé par l'Etat s'étant élevée à 73,5 millions de francs (soit 64 %), celle des fonds privés à 33 millions de francs (soit 28,6 %) et celle des collectivités locales à 8,5 millions de francs (soit 7,4 %). Sur ces 14 oeuvres, 4 ont été acquises pour le compte de collectivités locales et 10 pour celui de l'Etat (7 pour les musées nationaux, 2 pour la BNF et 1 pour la Cité de la musique).

Au cours de cette année, 6 refus de certificats devaient parvenir à expiration. Trois des oeuvres concernées ont été acquises par l'Etat ou des collectivités publiques. Par ailleurs, trois trésors nationaux, dont l'interdiction d'exportation devait expirer au-delà de 1997, ont été acquis par les musées nationaux. Il s'agit :

- du portrait de Juliette de Villeneuve par David ;

- d'un coffret à bijoux de Marie-Antoinette ;

- et d'un papier collé de Picasso.

Ces oeuvres ont été acquises essentiellement grâce aux contributions du fonds du patrimoine et du mécénat.

Si votre rapporteur se réjouit des acquisitions réalisées cette année, il nourrit de sérieux doutes sur la possibilité de conserver dans le patrimoine national les oeuvres de grande valeur dont les refus de certificat arriveront à expiration dans les années à venir.

En effet, l'arrêt Walter de la Cour de cassation du 20 février 1996, ne permet plus d'utiliser l'arme du classement pour garantir le maintien en France d'oeuvres maîtresses du patrimoine national compte tenu de l'obligation d'indemnisation dont il s'accompagne. Par ailleurs, les contraintes financières pesant sur le montant des crédits d'acquisition des musées nationaux notamment en raison des difficultés financières de la RMN rendent difficilement envisageable l'acquisition d'oeuvres dont la cote sur le marché de l'art excède bien souvent leur montant total. C'est le cas notamment de trois oeuvres : un tableau de Manet, Berthe Morisot au bouquet de violettes , dont la valeur déclarée est de 135 millions de francs, un tableau de Degas, la Duchesse de Montejasi et ses filles (d'une valeur déclarée de 200 millions de francs) et du Jardin de Vallier par Cézanne (d'une valeur déclarée de 250 millions de francs). Il faut rappeler, en effet que jusqu'ici, la valeur moyenne des trésors nationaux acquis pour les collections nationales est de 8,21 millions de francs, l'achat le plus important ayant été de 25 millions de francs. D'ores et déjà, l'Etat a du accorder des certificats à des oeuvres majeures, telles la décollation de Saint Jean-Baptiste par Rubens et l'agonie au jardin des oliviers par Poussin.

Une telle situation appelle deux réflexions :

- La première a trait aux lacunes du dispositif de protection prévue par la loi du 31 décembre 1992. Très contraignant pour les propriétaires, il n'assure pas une protection efficace du patrimoine national. Dans le cas du refus du certificat, le propriétaire doit attendre trois ans avant d'être fixé définitivement sur le sort de son bien, ce qui apparaît absurde compte tenu du caractère non renouvelable du certificat ; rappelons que le droit de rétention prévue par la loi de 1943 ne pouvait s'exercer que pendant six mois. En outre, la loi de 1992 ne détermine pas les conditions d'acquisition des oeuvres par l'Etat et, en particulier, ne détermine aucune procédure d'estimation de la valeur des oeuvres.

- La seconde s'appuie sur le montant des crédits d'acquisition dont disposent les musées nationaux. Ceux-ci passent de 94,61 millions de francs pour 1996 à 135,6 millions de francs en 1997, soit une progression de 42%. Leur origine est détaillée dans le tableau ci-après:

CRÉDITS D'ACQUISITIONS D'OEUVRES D'ART

POUR LES MUSÉES NATIONAUX EN 1996 ET EN 1997

(en millions de francs)

Subventions d'Etat

Crédits RMN

Années

Subvention annuelle

Fonds du patrimoine

Dotation RMN

Dons et legs

Mécénat

Total

1996

6,05 36,20 43,62 0,95 7,79 94,61

1997

7,87

55,7 29,3 30,52 12,5 135,9

Ces chiffres font apparaître une augmentation significative de la contribution de l'Etat et, en particulier du fonds du patrimoine, au budget d'acquisition des musée nationaux qui permet de compenser la diminution de la participation de la RMN. Grâce à cet effort du ministère, les difficultés de la RMN n'ont pas eu d'incidences sur le niveau des crédits disponibles en 1997. Néanmoins, force est de constater que les modalités du financement des acquisitions ont été profondément modifiées, les recettes des musées ne contribuant plus que pour une faible part à leurs acquisitions.

En 1998, la contribution de l'Etat sera augmentée : la subvention annuelle sera portée à 11,8 millions de francs et les crédits du fonds du patrimoine qui, comme les années précédentes, devraient être consacrés en priorité à l'acquisition de trésors nationaux s'élèveront à 97,5 millions de francs.

Néanmoins, en dépit de ces chiffres, qui traduisent un effort qui doit être souligné, et des perspectives de redressement de la situation financière de la RMN, le niveau des crédits d'acquisition ne permettra pas de faire face à l'acquisition des oeuvres auxquelles faisait référence votre rapporteur.

Dans ces conditions, le dispositif a pour seul effet de retarder l'inéluctable pour les oeuvres d'une valeur élevée, c'est-à-dire l'octroi au terme du délai de 3 ans du certificat tout en empêchant de facto le propriétaire de le mettre en vente dans des conditions satisfaisantes. En effet, les oeuvres atteignant des valeurs exigeant l'octroi d'un certificat font l'objet d'une demande internationale et ne peuvent atteindre avant l'expiration du délai les prix qu'elles sont susceptibles d'atteindre, ce qui pénalise incontestablement les propriétaires. A l'appui de cette constatation, on peut citer l'exemple du papier collé de Picasso qui fut mis en vente publique en 1995, trois mois après le refus du certificat et qui n'atteignit pas le prix de réserve fixé par son propriétaire.

Une révision du dispositif s'impose .

Un système fondé sur une liste d'objets dont l'exportation serait interdite ou sur le renouvellement du refus de certificat semble exclu . En effet, un tel dispositif serait susceptible d'entraver le fonctionnement du marché de l'art français. Par ailleurs, il semble contraire à la directive européenne relative à la libre circulation des oeuvres d'art.

En revanche, une solution inspirée de l'exemple britannique serait envisageable. Au Royaume-Uni, au terme de la loi du 1er septembre 1939, toutes les oeuvres de plus de 50 ans dont la valeur excède un certain seuil sont soumises à licence d'exportation. Celle-ci peut être refusée par le " Reviewing Committee " (6 membres) pour une durée de 3 à 6 mois durant laquelle une collection publique peut présenter une offre d'achat à la valeur déclarée. A défaut d'une telle offre, l'exportation est autorisée. Les critères -dits " Waverley " du nom du président de la commission qui les a formalisés- permettant de refuser le permis d'exporter, sont clairement définis.

Lorsque le comité spécialisé recommande l'ajournement de la demande du permis d'exporter, il fixe un prix auquel l'acquisition pourrait être faite et qui est déterminé par référence au marché. Lorsqu'une offre égale ou supérieure au prix suggéré par le comité est faite au propriétaire par une collection publique et que ce dernier ne l'accepte pas, le certificat est en général refusé sans que la validité de ce refus soit limitée dans le temps.

Ce système qui n'empêche pas les trésors nationaux d'être exportés de Grande-Bretagne, présente néanmoins deux avantages majeurs : le délai pendant lequel la procédure de délivrance de la licence peut-être suspendue est d'une durée raisonnable et les modalités de fixation du prix des oeuvres sont déterminés de façon précise.

Vers des nouvelles sources de financement ?

L'étroitesse de la marge de manoeuvre dont disposent les musées nationaux pour enrichir leurs collections exige que soit menée une réflexion approfondie sur les moyens de diversifier leurs sources de financement.

Avant d'examiner des solutions plus novatrices, votre rapporteur se félicitera du sort réservé aux dations en paiement de droits de succession par le projet de loi de finances pour 1998. Les dations sont désormais provisionnées en début d'année sur une ligne de crédits spécifique qui sera abondée en loi de règlement.

Il faut, en effet, rappeler qu'en 1996, avait été envisagée la possibilité d'évaluer le montant des dations et de réduire d'autant le montant des crédits d'acquisition. Cette solution avait été abandonnée au profit d'une opération pratiquée en 1995 et renouvelée en 1996 permettant de gager les dations par des annulations sur les dépenses du titre IV opérées par les lois de finances rectificatives de fin d'année. Votre rapporteur n'avait pu que regretter cette pratique qui avait pour effet de priver la loi Malraux de son efficacité. Il se félicite donc que cette méthode ait été abandonnée en 1997 au profit d'une comptabilisation plus favorable au budget d'acquisition des musées. Les dations seront désormais provisionnées en début d'année sur une ligne de crédits spécifiques et ne seront plus gagées en fin d'année par des annulations de crédits. Rappelons que les dations sont une source privilégiée de l'enrichissement des collections nationales comme l'illustre l'exemple de la dation Picasso effectuée en 1979. En 1996, six dations ont été acceptées par le ministère du budget, pour une valeur globale de 22,47 millions de francs.

Les dations, si elles permettent incontestablement de contribuer à l'enrichissement du patrimoine national, ne constituent pas à l'évidence une solution pour empêcher les trésors nationaux de quitter le territoire national. Il importe donc de réfléchir à des dispositifs nouveaux permettant de faire face à la faiblesse des crédits d'acquisition.

Le rapport de la commission d'études pour la défense et l'enrichissement du patrimoine national et le développement du marché de l'art, remis au Premier ministre en juillet 1995 (plus connu sous le nom de rapport Aicardi), avait préconisé la mise en place d'un nouveau système de financement des acquisitions des musées nationaux. Ce dernier reposait sur la création d'un fonds de concours réservé à l'acquisition des trésors nationaux qui aurait été alimenté par la Française des jeux, s'inspirant sur ce point de la Grande-Bretagne. Ce fonds devait bénéficier d'une dotation de l'ordre de 200 millions de francs qui aurait été reportable afin d'éviter qu'elle ne soit obligatoirement dépensée chaque année, ceci permettant l'acquisition d'objets ou d'ensembles exceptionnels.

L'existence d'une telle réserve financière rendrait possible une modification de la loi de 1992 qui privilégierait l'achat des oeuvres ayant fait l'objet d'un refus de certificat par rapport à un dispositif plus contraignant fondé sur le renouvellement du certificat.

Cette solution qui n'est pas entièrement novatrice ne va pas sans susciter quelques interrogations.

En effet, il existe d'ores et déjà des prélèvements sur les sommes misées par la Française des jeux. C'est le cas en particulier du prélèvement opéré au titre du Fonds national pour le développement du sport. Par ailleurs, la possibilité de recourir à ce type de financement est également envisagée pour l'organisation des célébrations de l'an 2000 qui ne font pour l'heure l'objet d'aucune inscription budgétaire. L'effet de l'institution d'un nouveau prélèvement devra donc être apprécié au regard de la nécessité de garantir la rentabilité de la Française des jeux  Il importe donc avant toutes choses de disposer d'une étude permettant d'évaluer précisément les ressources susceptibles d'être ainsi générées.

Par ailleurs, une analyse attentive de l'exemple britannique souligne la nécessité d'entourer le fonctionnement d'un tel système de garanties. En effet, si le Lottery Act de 1993 a permis à la politique culturelle britannique de disposer de ressources supplémentaires dans un contexte marqué par une rigueur budgétaire accrue, il apparaît comme la consécration d'un désengagement de l'Etat dans le secteur culturel. L'existence de ressources extérieures ne doit pas, en effet, être un prétexte pour réduire les crédits d'acquisition des musées nationaux.

b) Les obstacles à la création de nouveaux espaces muséaux

Au cours des dernières décennies, la France grâce à une politique déterminée d'investissement conduite par les gouvernements successifs a rénové et enrichi son patrimoine muséographique. Elle s'est dotée de grandes institutions telles que le Centre Georges Pompidou, le musée d'Orsay ou le Grand Louvre, dont la réalisation a été autant de jalons dans la conduite de la politique culturelle.

Néanmoins, en dépit de cet effort qui a permis de modifier la perception qu'avaient les français du musée, des chantiers dont certains sont très ambitieux restent à ouvrir comme en témoigne l'initiative du Président de la République de " donner aux arts d'Afrique, des Amériques, d'Océanie et d'Asie leur juste place dans les institutions muséologiques de la France ". Le principe de la création de ce musée a été retenu par le Premier ministre le 10 septembre dernier à la suite du rapport remis par la commission présidée par M. Jacques Friedmann.

Le souhait exprimé par le Président de la République répond à plusieurs décennies d'interrogations sur la situation de plus en plus préoccupante du Musée de l'Homme et sur les difficultés rencontrées par le Musée national des arts africains et océaniens.

A l'image du Mankind Museum de Londres ou du Tropen Museum d'Amsterdam, l'ouverture du Musée de l'homme, des arts et des civilisations devrait permettre la mise en valeur des collections et relancer l'intérêt artistique et scientifique pour ce domaine qui demeure encore peu connu du public .

Cette initiative a suscité de vives polémiques tant sur les collections qu'il devait présenter que sur son site d'implantation. La volonté de rapprocher les collections du musée de l'Homme dépendant du Museum d'histoire naturelle, qui relève de la tutelle du ministère de l'éducation nationale, et de celles du musée des arts africains et océaniens dépendant du ministère de la culture a suscité un débat qui illustre la difficulté d'élaborer une politique nationale des musées cohérente.

Une mission de préfiguration a été créée par les deux ministères concernés, et M. Germain Viatte, conservateur général du patrimoine, ancien directeur du musée national d'Art moderne, a été choisi pour être le directeur du projet muséologique.

Le projet initial d'implantation de ce musée qui nécessite une surface de l'ordre de 30.000 m 2 dans l'aile Passy du Palais de Chaillot aurait exigé le déménagement du musée de la Marine. A la suite du rapport de M. Serge Louveau, ce déménagement est désormais exclu et des études ont été entreprises pour préciser les avantages et les inconvénients des divers sites envisageables avec le souci d'utiliser au mieux les bâtiments existants afin de réduire le coût de réalisation de ce projet tout en respectant le principe de sa création. L'arbitrage qui devrait intervenir dans le courant du mois de novembre tranchera entre les trois sites envisagés : Chaillot, Eiffel-Branly et le Grand Palais.

Le principe de sa création ayant été retenu par le Premier ministre le 10 septembre dernier à la suite du rapport remis par la commission présidée par M. Jacques Friedmann, le projet est désormais entré dans une phase opérationnelle.

Pour l'exercice 1998, la structure juridique de la mission de préfiguration, qui devrait dans le courant de l'année prochaine être érigée en établissement public ad hoc, recevra une subvention d'un montant de 5 millions de francs destinée à financer son fonctionnement et les études scientifiques nécessaires à l'élaboration de sa programmation inscrite pour moitié au budget du ministère de la culture et pour moitié au budget du ministère de l'Education nationale. Les crédits d'investissement font l'objet de 20 millions de francs d'autorisations de programme qui sont comprises dans la subvention d'investissement de l'agence d'ingénierie culturelle qui assurera la maîtrise d'ouvrage des travaux.

Avant l'ouverture du futur musée au public, 100 à 200 objets d'art primitif seront présentés au Louvre dans une partie du musée non encore aménagée qui pourrait ouvrir à la fin de l'année 1999.

Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ce projet illustrent aux yeux de votre rapporteur l'étroitesse de la marge de manoeuvre dont dispose le ministère de la culture pour lancer de nouveaux projets de musées. En effet, les ambitions en ce domaine se trouvent limitées par la nécessité d'assurer le fonctionnement des institutions existantes, dont le coût pèse lourdement sur le budget de l'Etat, compte tenu du rôle exemplaire qu'elles ont à jouer.

En effet, l'achèvement des grands chantiers ne met pas un terme à l'effort de l'Etat. L'entretien des bâtiments dans lesquels sont installés les musées doit être régulièrement assuré.

Des besoins de financement nouveaux très supérieurs à ce que pouvaient représenter ces postes dans le budget des institutions traditionnelles apparaîtront, compte tenu notamment du renouvellement des équipements sophistiqués et fragiles dont ils sont dotés.

Deux exemples particulièrement significatifs permettent de prendre la mesure de la contrainte budgétaire qui s'impose en ce domaine au ministère de la culture.

Le coût du fonctionnement du musée du Louvre (le versement à la RMN de 45 % des recettes du droit d'entrée aux collections permanentes compris) est estimé pour 1997 à 632 millions de francs, 462 millions de francs étant gérés par le musée et 170 millions de francs étant pris en charge par la Direction de l'administration générale du ministère de la culture au titre de la rémunération des personnels titulaires. Avec les dépenses de personnel (295 millions de francs), les charges d'exploitation du bâtiment (maintenance des équipements techniques et de sécurité, maintenance du bâtiment...), qui s'élèvent à 150 millions de francs environ, représentent les deux premiers postes de dépenses.

Hors versement à la RMN de sa redevance, le taux d'autofinancement du musée est pour 1997 proche de 21 % si l'on considère le coût total estimé du musée.

Pour 1998, les crédits de fonctionnement attribués au Musée du Louvre font l'objet d'une mesure nouvelle de 9,55 millions de francs qui permettra l'extension des surfaces d'exposition et une majoration des crédits de personnel correspondant à la création de 21 emplois, dont 8 sont compensés par l'ajustement des crédits de vacation.

La disparition de l'établissement public du Grand Louvre (EPGL), début 1999 exigera , après que ce dernier aura presque entièrement rénové le patrimoine immobilier du Louvre, que le relais soit passé au musée pour l'entretien et l'aménagement du bâtiment dont il sera progressivement doté, ainsi que pour la sécurité.

A l'horizon 2000, le coût prévisionnel estimé par le musée du Louvre pourrait atteindre près de 700 millions de francs. Les raisons de cette augmentation tiennent, pour 15 millions de francs, aux dépenses nouvelles liées au patrimoine (entretien et exploitation du bâtiment, jardins), pour 12 millions de francs aux dépenses de renouvellement, d'amélioration ou d'extension des équipements, et pour 32 millions de francs à la création d'emplois pour assurer l'ouverture des nouveaux espaces d'exposition. Cette augmentation du coût du musée serait supportée pour 50 millions de francs par l'Etat, les recettes nouvelles nettes dégagées par le Louvre s'élevant à 10 millions de francs environ.

La nécessité de consacrer un effort suffisant à l'entretien des bâtiments et au renouvellement des équipements est illustrée par l'exemple du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou à la réhabilitation duquel l'Etat devra consacrer 440 millions de francs de 1997 à 1999 faute d'avoir au fil des ans assuré un entretien suffisant.

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