C. LA PRÉVENTION DE LA VIOLENCE DANS LES ÉTABLISSEMENTS

1. La montée du phénomène

Tous les rapports publiés depuis plusieurs années montrent que la violence à l'école est en augmentation constante, notamment au collège, au point que l'on peut se demander si cette violence n'est pas en train de se banaliser. Si ce phénomène n'est pas nouveau, il a pris depuis les années 90, en partie du fait de sa forte médiatisation, une ampleur nouvelle.

D'après une enquête de 1995 de l'Inspection générale portant sur un peu moins de 3.000 établissements, près de la moitié des lycées et collèges seraient concernés par la violence et ce pourcentage passerait à 72 % pour les établissements classés en ZEP et en zone sensible.

Les établissements seraient inégalement concernés selon leur implantation : 81 % en banlieue parisienne, 70 % dans la périphérie des grandes villes, 45 % dans les grandes villes et 32 % en milieu rural.

Ces chiffres ne constituent cependant que la partie visible de la violence et ne visent que des faits qui ont donné lieu à des plaintes et à des enquêtes.

Cette violence est en progression rapide : l'observatoire de la violence de Seine-Saint-Denis a noté en un an une augmentation de 70 % du nombre des incidents et des délits dans les écoles, surtout des agressions verbales et sans armes mais aussi des vols, trafics, rackets, atteintes aux biens, incendies, violences sexuelles, et a constaté une augmentation sensible du port d'armes par les élèves.

Cette violence affecte aussi bien les professeurs et les membres de l'administration que les élèves et emprunte les formes les plus diverses, notamment des comportements que l'on peut ranger sous le vocable générique d'" incivilités " qui perturbent, voire sont incompatibles avec un enseignement normal.

Il faut déplorer un certain renoncement dans la manière de prévenir cette violence, en dépit des plans de prévention annoncés depuis plusieurs années.

Le dernier en date est ainsi resté largement lettre morte qu'il s'agisse de la réduction de la taille des établissements, de la création de postes de médiateurs, et de la mise en place du fonds d'assurance pour les enseignants.

A ce stade de gravité, force est de reconnaître que l'école n'est plus égale pour tous, que les écoles des riches coexistent avec celles des pauvres, celles des villes avec celles des banlieues, celles qui intègrent avec celles qui excluent : l'égalitarisme républicain est ainsi battu en brèche en matière scolaire et la lutte contre la violence et l'insécurité à l'école impose d'aider des établissements plus que d'autres. C'était la philosophie qui a présidé à la création des ZEP en 1982.

L'étude la plus récente 2( * ) consacrée aux violences scolaires, qui a été publiée en septembre 1997 par la DEP en collaboration avec l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure (IHESI), s'efforce de préciser les divers éléments de cette réalité.

S'agissant des victimes, les plus touchés seraient d'abord les enseignants, surtout des hommes âgés de 50 à 60 ans enseignant en milieu urbain ou en ZEP, et ensuite les élèves, souvent les plus jeunes ou enfants de parents étrangers ou divorcés.

Si les violences à l'égard des personnels éducatifs ont décru entre 1994 et 1995, les coups et blessures entre élèves ont augmenté, tout comme le racket, les attentats aux moeurs ou les dégradations volontaires dans les établissements.

Plus du quart des nouveaux enseignants consultés déclarent leur établissement confronté à la violence, cette proportion passant à 39 % en collège et 40 % en lycée professionnel.

Un conseiller d'éducation sur cinq se dit confronté tous les jours à un problème d'agression entre élèves, un sur dix déclare gérer quotidiennement des problèmes de vol et de détérioration de matériel et même l'école élémentaire n'est pas épargnée par certains comportements (grossièretés, bousculades, injures...).

L'étude dénonce également les agressions les plus courantes et les plus insidieuses, qualifiées de " symptômes à bas bruit ", c'est-à-dire des faits qui révèlent un malaise, et créent un mauvais climat dans les établissements (absentéisme, usage de drogue, insolences envers les personnels, indifférence grandissante à l'égard des matières enseignées...).

2. Le nouveau plan de prévention de la violence

Après une phase d'étude réunissant des représentants des syndicats d'enseignants, des parents d'élèves, des chercheurs et des spécialistes, le nouveau plan de prévention de la violence à l'école devait s'ordonner autour d'un volet sécurité et d'un volet pédagogique.

Les ministres en charge de l'éducation nationale ont indiqué qu'ils concentreraient leur action, qui s'ajoute aux mesures déjà en vigueur contre la violence, sur des " sites " sensibles où des moyens supplémentaires, notamment humains, seront implantés.

Ainsi, les 10.000 " aides éducateurs " (sur les 40.000 du plan emplois-jeunes) qui seront affectés en collèges le seront systématiquement dans les établissements difficiles connaissant des problèmes de violence. Ils devraient y remplir des fonctions sensiblement analogues à celles des jeunes appelés qui depuis 1995 y occupaient des fonctions d'animation.

Les " sites " choisis seront établis sur proposition des recteurs en utilisant des indicateurs de violence du ministère de l'intérieur. Ils intégreront les écoles primaires, les collèges et les lycées professionnels. Ils bénéficieront de postes supplémentaires en personnels d'éducation et de santé, la prévention de la violence passant aussi par une écoute des jeunes et des personnels et une prise en compte de la lutte contre la détresse qu'elle soit financière, physique ou psychologique.

Le dispositif qui sera expérimenté notamment dans la région lyonnaise, en Seine-Saint-Denis et dans les quartiers Nord de Marseille sera soumis à une évaluation. Il s'appuiera sur des projets selon une procédure contractuelle pilotée par les chefs d'établissement.

Il devrait prendre en compte l'environnement des établissements notamment les familles et les associations périscolaires et responsabiliser au maximum les élèves.

Parallèlement, une semaine nationale d'information et de mobilisation sur le thème " élèves citoyens dans une école sûre et efficace " devrait être organisée à la fin du mois de novembre.

Présenté le 5 novembre 1997 par les divers ministres concernés, le plan antiviolence sera expérimenté sur neuf sites incluant 412 collèges et lycées ainsi que leur réseau d'écoles primaires et devrait concerner 690.000 élèves.

Renforçant la présence des 4.700 appelés du contingent encore en place dans les ZEP, 3.050 adultes, pour l'essentiel des emplois-jeunes seront affectés sur ces neuf sites tandis que 8.250 adjoints de sécurité se consacreront aux tâches de surveillance à la sortie des établissements. Le ministre chargé de l'éducation nationale a précisé en outre que la réforme du mouvement devrait permettre de personnaliser le recrutement des enseignants dans les établissements sensibles en privilégiant l'évolution de leur carrière.

Par ailleurs, la coopération avec la justice, la police et la gendarmerie sera renforcée par le biais des contrats locaux de sécurité, tandis que les peines pour les délits commis dans l'enceinte ou aux abords des établissements seront alourdies et que des structures seront créées pour les jeunes qui rejettent totalement l'institution scolaire.

Ce plan devrait faire l'objet d'une évaluation après un an de fonctionnement et avant le lancement de la deuxième phase.

3. La lutte contre la pédophilie

La circulaire sur la pédophilie et les violences sexuelles envers les mineurs a été publiée le 4 septembre 1997.

Rappelant que les violences sexuelles concernent près d'un enfant sur dix, que 90 % de ces violences sont le fait d'un proche et que l'agresseur dans 10 % des cas est une personne ayant autorité sur le mineur, tel un éducateur, la circulaire souligne qu'il appartient à la communauté scolaire de redoubler de vigilance dans le double souci de la protection de l'enfant et de la présomption d'innocence de la personne mise en cause.

Le texte définit strictement la conduit à tenir face à des cas avérés ou non de pédophilie ; lorsque les accusations sont précises et circonstanciées, les enseignants et chefs d'établissement doivent aviser immédiatement le procureur de la République. En cas de rumeurs ou de témoignages indirects, il revient au rectorat et à l'inspection académique de décider des mesures à prendre.

Sont précisées en outre les modalités de l'assistance morale, matérielle et psychologique à apporter à l'enfant, à sa famille et à la communauté éducative.

Enfin, la coordination entre l'éducation et la justice et l'application de la circulaire à l'enseignement privé font l'objet de dispositions particulières.

4. La répression du bizutage

a) La circulaire

Dans une circulaire du 12 septembre 1997 destinée aux recteurs, inspecteurs d'académie, proviseurs de lycée, directeurs de grandes écoles et présidents d'université, le ministère rappelle qu'en l'état actuel du droit, les pratiques de bizutage sont le plus souvent qualifiées de violences ou d'agressions sexuelles encourant les peines prévues au code pénal.

Le texte précise qu'il appartient à tous les personnels de l'éducation nationale d'aviser sans délai le procureur de la République des faits de bizutage portés à leur connaissance et que tout manquement à cette obligation légale les exposerait à être poursuivis en justice et à faire l'objet de poursuites disciplinaires.

b) Le projet de loi

L'article 10 du projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs vise les atteintes à la dignité de la personne commises en milieu scolaire ou éducatif : celles-ci seraient punies de six mois d'emprisonnement et de 50.000 francs d'amende, ces peines étant doublées lorsque l'infraction est commise sur une personne particulièrement vulnérable.

Si votre commission admet la réalité du problème posé par les abus du bizutage, elle se demande si les dispositions actuelles du code pénal ne permettent pas d'ores et déjà de réprimer les pratiques abusives et rappelle que les autorités investies du pouvoir disciplinaire ont la possibilité de saisir le procureur de la République aux fins de poursuite même en l'absence de plaintes.

Cette approche a été partagée par le Sénat qui a supprimé l'article 10 lors de la première lecture du projet de loi.

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