D. L'EXTENSION DES EMPLOIS JEUNES À L'ÉDUCATION NATIONALE

En anticipant le vote de la loi relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, l'éducation nationale a mis en place quelques semaines après la rentrée scolaire un dispositif spécifique qui devrait concerner 40.000 jeunes d'ici le début 1998, soit 30.000 dans les écoles et 10.000 dans les collèges.

1. Le dispositif des emplois jeunes dans l'éducation nationale

Les postulants doivent être à la recherche d'un emploi, âgé de 18 à 26 ans et avoir obtenu le baccalauréat ou justifier de préférence d'un niveau bac + 2.

Les emplois correspondants seront proposés dans les écoles et les collèges :

- les aides éducateurs d'école polyvalents , encadrés par les enseignants, seront chargés de fonctions générales de surveillance et d'encouragement, d'aide à l'étude et à l'encadrement des sorties scolaires, ainsi que de fonctions plus spécialisées (aide à l'utilisation des technologies nouvelles, au fonctionnement des bibliothèques des écoles et au développement des activités culturelles, artistiques et sportives) ;

- les aides éducateurs ou assistants de vie scolaire au collège assureront des fonctions générales d'animation des activités du foyer socio-éducatif, d'aide à l'étude et aux devoirs, à la surveillance, à l'encadrement des sorties, à la médiation et au renforcement du lien entre le collège et son environnement ainsi que des fonctions plus spécialisées (utilisation des nouvelles technologies, aide aux documentalistes).

Le salaire des aides éducateurs sera égal à 100 % du SMIC pour 39 heures hebdomadaires.

Afin d'embaucher rapidement ces aides éducateurs, les établissements peuvent leur proposer avant l'application de la loi sur l'emploi des jeunes un contrat de deux mois renouvelable ; ces contrats seront automatiquement transformés, dès le vote de la loi, en contrats de droit privé d'une durée de cinq ans.

Enfin, l'éducation nationale devrait mettre en place dès le début de 1998 des formations continues afin de permettre aux aides éducateurs de se préparer à divers métiers dans l'éducation ou en dehors de celle-ci.

2. Les observations de votre commission

Votre commission soulignera d'abord le caractère singulier d'une démarche qui a fait peu de cas des prérogatives du Parlement et qui a conduit l'éducation nationale à prévoir un régime transitoire complexe organisant le passage d'un contrat de droit public à un contrat de droit privé pour les bénéficiaires.

Elle observera en outre qu'avec quelque 150.000 aides éducateurs qui devraient être recrutés en trois ans, soit près de la moitié des emplois-jeunes prévus, l'éducation nationale risque de " cannibaliser " un dispositif qui a vocation, il convient de le rappeler, à développer et à pérenniser des emplois dans le secteur privé.

Elle exprimera ensuite la crainte que ces aides éducateurs au terme du contrat de cinq ans restent en grand nombre dans l'éducation nationale afin de remplacer pour partie, sans doute à l'issue de concours simplifiés spécialement organisés, les nombreux enseignants qui sont appelés à partir en retraite dans les années à venir.

Une telle perspective, qui s'ajoute à la titularisation massive attendue des maîtres auxiliaires, qui devront passer des concours plus " professionnalisés ", est de nature à susciter l'émergence en grand nombre d'enseignants moins bien formés qui n'auront pas emprunté les voies normales de formation et de concours.

Par ailleurs, votre commission s'interroge sur le bien-fondé de la répartition de ces emplois-jeunes entre les écoles et les collèges : en particulier, compte tenu des besoins d'encadrement de ces derniers qui sont de plus en plus confrontés à la montée de la violence, n'était-il pas plus opportun d'affecter davantage les aides éducateurs dans ces établissements plutôt que dans les écoles élémentaires, lesquelles bénéficieront dans un premier temps des trois-quarts des 40.000 premiers emplois-jeunes ?

Dans cette perspective, y aura-t-il véritable adéquation entre le profil requis des candidats, compte tenu des conditions posées d'âge et de diplômes, et les besoins d'encadrement en adultes expérimentés de ces établissements ?

Le moindre afflux des candidats observé dans certaines académies de la région parisienne plus particulièrement concernées par la montée de la violence permet d'en douter.

Votre commission s'interroge également sur les inconvénients potentiels d'une cohabitation qui pourrait être délicate dans les établissements entre ces aides éducateurs, les maîtres d'internat et surveillants d'externat, les appelés du contingent, les titulaires de contrats emploi-solidarité, toutes catégories soumises à des conditions d'horaires de travail et de rémunération très différentes.

Enfin, s'il est prévu de faire bénéficier les aides éducateurs d'une formation dispensée pendant la durée de leur contrat, au lieu d'une formation universitaire complémentaire, n'y aurait-il pas lieu de leur proposer une formation en alternance privilégiant des stages en entreprise et débouchant sur des emplois dans le secteur privé ?

Sans méconnaître l'intérêt du dispositif, notamment dans des collèges situés dans des zones difficiles où la commission a pu récemment prendre conscience de la gravité des problèmes rencontrés par les équipes éducatives, celle-ci souhaiterait obtenir des précisions complémentaires du ministre sur l'utilisation des emplois-jeunes dans l'éducation nationale et sur les modalités de leur financement.

3. Les modalités de financement des emplois-jeunes

D'après les indications fournies à votre rapporteur, pour 1997, les contrats emplois-jeunes rémunérés par l'éducation nationale au cours du dernier trimestre civil, seront financés à 100 % par des crédits de répartition, à hauteur de 600 millions de francs, en provenance du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité, ce qui correspond à 40.000 emplois-jeunes recrutés en moyenne pendant un mois et demi.

Pour les années à venir, le coût des emplois-jeunes dans le budget de l'enseignement scolaire, sur la base de 20 % des dépenses, devrait s'établir comme suit :

1998 : 1,12 milliard de francs (40.000 emplois-jeunes en année pleine et 35.000 en quart d'année) ;

1999 : 1,72 milliard de francs (75.000 emplois-jeunes en année pleine) ;

2000 : 1,72 milliard de francs (dans l'hypothèse d'une reconduction de 75.000 emplois-jeunes).

Ces montants seront réactualisés en fonction de l'évolution du SMIC. D'après les indications fournies par le ministre, le complément de rémunération de 20 % à la charge de l'éducation nationale devrait être financé par une économie réalisée sur la rémunération des heures supplémentaires d'enseignement. Par référence à l'article 9 de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 qui fixe à 36 semaines la durée de l'année scolaire, il est ainsi envisagé de rémunérer l'heure supplémentaire année (HSA) sur la base de 36 semaines (soit au maximum 36 heures supplémentaires effectuées dans l'année) et non plus sur la base de 43 semaines, ce qui revenait à payer des heures supplémentaires qui n'étaient pas réellement effectuées.

Cette modification du régime de rémunération des personnels enseignants du second degré sous forme d'heures supplémentaires, qui serait applicable à l'enseignement public et privé, représenterait au total 944 millions de francs d'économies en année pleine.

Votre commission ne peut donc que constater que les économies réalisées sur la rémunération des heures supplémentaires ne représenteront qu'un peu plus de la moitié du coût des 75.000 emplois-jeunes prévus en 1999 et seront loin de couvrir le financement des 150.000 aides éducateurs qui devraient être recrutés en trois ans.

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