B. UN EFFORT ACCRU DEMANDÉ AUX PERSONNELS

La mise en place des réformes inscrites dans le cadre de la loi de programmation met à l'épreuve le sens de l'adaptation de l'Arme. Dans le même temps, les incertitudes liées à l'avenir du volontariat en gendarmerie et à l'organisation d'une nouvelle force de réserve ne laissent pas d'inquiéter sur les charges qui pèseront sur les militaires d'active.

1. Le poids cumulé des réformes

a) La mise en oeuvre délicate du nouveau corps de soutien

La première année de mise en oeuvre du nouveau corps de soutien n'a pas permis de lever toutes les interrogations dont votre rapporteur avait fait état dans son précédent rapport sur le budget de la gendarmerie pour 1997. L'esprit de la réforme ne donnait guère de prise à la critique : ne s'agissait-il pas, en effet, de recentrer les militaires de la gendarmerie sur les emplois de terrain ? Près de 4 500 postes occupés par des sous-officiers employés à des tâches de soutien devaient ainsi, d'ici 2002, être pourvus par des militaires régis par un autre statut (134 officiers et 3 386 sous-officiers " non gendarmes ") et par l'augmentation du nombre de personnels civils affectés à ces tâches (+ 1002), ces deux catégories de personnels présentant un coût moindre pour le budget de l'Etat.

Aujourd'hui les conditions de recrutement des personnels du corps de soutien comme les modalités de transfert des militaires de la gendarmerie vers les unités constituent deux sujets de préoccupation.

. L'intégration des militaires issus des autres armes au sein du corps de soutien apparaît comme un demi-succès.

En 1997, première annuité de la loi de programmation, le recrutement pour les 21 postes d'officier et les 565 emplois de sous-officiers ouverts dans la spécialité " emplois administratifs et de soutien de la gendarmerie " 5( * ) reposait principalement sur l'intégration de militaires provenant des autres armées -à la suite de la réduction du format des forces militaires-. Si la totalité des postes d'officiers (21) ouverts a pu être pourvue par des officiers du corps administratif et technique de l'armée de terre (15), de l'armée de l'air (6) -soit 4 lieutenants-colonels, un commandant, 14 capitaines et deux lieutenants-, le recrutement des postes de sous-officiers donne lieu à un bilan plus contrasté. En effet, seuls 47 % des besoins ont pu être couverts par l'intégration de militaires des autres armées. Les autres postes ont été pourvus par 213 engagements initiaux souscrits par des gendarmes auxiliaires -les 20 autres emplois, dans la branche " santé " demeurant réservés à des personnels infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées.

Le refus de nouvelles affectations géographiques et l'inadéquation entre les compétences des intéressés et les besoins de la gendarmerie constituent les deux principales raisons des difficultés rencontrées pour intégrer les militaires des autres armées.

Le bilan global est le suivant :

Dossiers déposés

Dossiers retenus

Taux de sélection

Armée de terre

420

231

(dont 120 sous-officiers de carrière)

55 %

Armée de l'air

90

57

(dont 21 sous-officiers de carrière)

63 %

Marine

197

44

22 %

TOTAL

707

332

47 %

La mise en place de cette réforme supposait en parallèle un important effort de formatio n. Ainsi tous les officiers et sous-officiers appartenant à la spécialité " emplois administratifs et de soutien de la gendarmerie " ont reçu une formation d'adaptation de quatre semaines à l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale de Melun ou à l'Ecole des sous-officiers de gendarmerie de Chaumont. En outre, un dispositif d'accueil permet de procurer aux intéressés les renseignements nécessaires à leur adaptation professionnelle et familiale.

Aujourd'hui, cependant, l'intégration des militaires ne pourra être jugée satisfaisante tant que ces personnels demeurent placés sous des régimes transitoires, dans l'attente d'un statut définitif qui reste à définir.

. Le statut du corps de soutien reste à définir

Les officiers et les sous-officiers servent provisoirement dans la spécialité " emplois administratifs et de soutien de la gendarmerie " créée au sein du corps technique et administratif de l'armée de terre. Le décret (n° 76-1227) portant statut particulier des officiers des corps techniques et administratifs, du 24 décembre 1976, doit recevoir les modifications nécessaires pour permettre la création du corps technique et administratif de la gendarmerie. Les intéressés conservent leur ancienneté de grade. Au moment de l'inscription au tableau d'avancement, la promotion au grade supérieur intervient dans des conditions de délai comparables à celles de leur corps d'origine.

Aujourd'hui, au regard de l'importance de la réforme engagée par la gendarmerie et de ses enjeux, la définition d'un nouveau statut ne saurait être plus longtemps différée.

. Les conditions de transfert des militaires de la gendarmerie requièrent une adaptation parfois difficile

Même si la gendarmerie a prévu les mesures d'accompagnement nécessaires, la réforme impose un effort important aux militaires employés à des tâches de soutien. 565 postes ont été transformés en 1997. Les sous-officiers âgés de plus de quarante-huit ans seront maintenus dans leur poste s'ils le souhaitent. Pour les autres, les possibilités de choix demeurent limitées : les mesures de départ volontaire (en particulier l'attribution de pécules destinés en priorité aux sous-officiers spécialistes) restent d'une portée limitée, tandis que l'intégration, sur une base volontaire -dans le corps militaire de soutien- implique des sacrifices importants. En effet, la remise en cause du statut de sous-officier de gendarmerie entraîne la perte de la concession du logement par nécessité de service, de l'indemnité spéciale de sujétion de police (ISSP) et enfin, des sommes retenues pour pension au titre de l'intégration de l'ISSP.

Les effets du changement de statut ne pourraient-ils pas s'échelonner dans le temps ? Par ailleurs, il paraît légitime que les sous-officiers assujettis à une retenue majorée, au titre de l'article 131 de la loi de finances du 29 décembre 1983, bénéficient d'une pension de retraite intégrant l'indemnité de sujétion spéciale de police. La direction générale a entrepris des démarches dans ce sens auprès de Bercy : il est important qu'elles puissent connaître un aboutissement positif.

Les militaires destinés à revenir sur le terrain bénéficient d'un traitement personnalisé : information par un officier de la transformation de leur poste, possibilité de manifester des préférences d'affectation, entretien de carrière par le commandant de légion, ou l'autorité assimilée. La mutation revêt un caractère prioritaire sur tous les autres mouvements de personnel. Ainsi, jusqu'à présent, les premiers choix d'affectation ont pu être satisfaits dans 90 % des cas ,

Par ailleurs, les intéressés reçoivent une formation de recyclage d'une durée de deux à huit semaines, adaptée à leur grade, leur profil et leurs nouvelles fonctions. En outre, les possibilités d'avancement dans leur ancien cadre de gestion sont prises en compte. Enfin, la pratique du tutorat sera systématisée afin de favoriser l'intégration au sein des unités d'accueil.

b) La nécessaire mobilité du personnel et sa contrepartie, une gestion des carrières plus personnalisée

. La mobilité des militaires de la gendarmerie répond à la fois aux nécessités du service et, aussi, à l'intérêt du personnel.

Inscrite dans le plan d'action "gendarmerie 2002", elle fait écho à une lettre de mission du ministre de la défense du 31 juillet 1995, assignant à la gendarmerie l'objectif "d'accroître progressivement la mobilité des personnels, afin que ne perdure pas une trop grande sédentarité incompatible avec la nécessaire disponibilité et le caractère militaire de la gendarmerie".

La règle de mobilité ouvre pour l'institution la possibilité d'utiliser au mieux les compétences professionnelles acquises par les personnels -elle apparaît ainsi comme un atout pour procurer aux brigades situées dans les zones périurbaines les militaires expérimentés qui leur sont nécessaires. Mais elle ouvre aussi aux personnels les perspectives d'une carrière plus diversifiée et plus équitable (l'immobilisme des uns constituant un frein pour les changements d'affectation des autres).

La mise en place de la mobilité s'organisera de façon progressive :

- une phase de concertation, ouverte au printemps 1996, avec la treizième session du Conseil de la fonction militaire gendarmerie prolongée à l'occasion des autres réunions de cette instance de concertation ;

- une phase préparatoire, en cours aujourd'hui, dont la conclusion sera marquée par l'adoption d'un décret en Conseil d'Etat avant la fin du premier semestre 1998 ;

- une phase de mise en oeuvre en deux étapes : d'une part, une période transitoire jusqu'en 2007 prévoyant la mutation de tous les militaires dont la présence dans une même unité excède dix ans (avec une exécution dès 1998 pour les anciennetés de présence de plus de vingt ans), d'autre part, une période de généralisation à partir de 2008 pour les militaires n'ayant pas connu professionnellement d'autre cadre juridique.

. La mise en oeuvre de la réforme doit s'inscrire dans le cadre d'une gestion du personnel rénovée.

D'une part, l'application de la règle de mobilité devra, dans un premier temps, tenir compte des cas particuliers. La situation des militaires dont le départ à la retraite se situe à une échéance rapprochée mériterait sans doute une dérogation. A plus long terme, les mutations s'inscriront dans une politique de ressources humaines personnalisée. A cet égard, le dispositif d'accompagnement de la réforme, fondé sur la possibilité d'exprimer des préférences au moyen d'une fiche de voeux et sur l'instauration d'entretiens avec les responsables du personnel, constitue une garantie appréciable.

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