2. Le risque d'un accroissement des charges sans contrepartie

D'importantes incertitudes demeurent sur la mise en place du volontariat et des nouvelles réserves prévues dans le cadre de la loi de programmation. Or les volontaires comme les réservistes représentent pour la gendarmerie une ressource indispensable pour assumer l'ensemble de ses missions.

a) Le volontariat : des perspectives préoccupantes

Aux termes de la loi de programmation, la gendarmerie devrait disposer en 2002 de 16 232 emplois de volontaires, soit près des deux tiers des 27 171 emplois de volontaires prévus pour l'ensemble des armées.

La réforme se mettra en place progressivement selon le schéma suivant :

Catégories

1998

1999

2000

2001

2002

Appelés

12.644

9.468

6.312

3.156

0

Volontaires

0

4.058

8.116

12.174

16.232

Cette évolution représente un double enjeu pour la gendarmerie.

D'une part, il lui faudra remplacer les gendarmes auxiliaires au nombre de 12 644 en 1998. Cette ressource est devenue pour l'Arme une ressource indispensable : 90 % d'entre eux servent dans la gendarmerie départementale et 72 % sont affectés à des unités opérationnelles. S'ils ne disposent pas de toutes les attributions des militaires professionnels (et notamment des responsabilités en matière de police judiciaire), ils participent pleinement aux tâches liées à la police de la circulation, aux opérations de sécurité publique, de surveillance générale, d'assistance et de sécurité. Les gendarmes ont, du reste, depuis leur création payé un lourd tribut au service dans l'Arme : 21 décédés et 1 778 blessés en service. En 1996, 2 d'entre eux sont décédés en service commandé et 86 autres ont été blessés.

D'autre part, la Gendarmerie trouvera dans le volontariat la seule ressource supplémentaire dont elle bénéficiera pour faire face à l'augmentation de ces charges. Or, après la suppression de l'obligation du service national, la gendarmerie ne pourra se procurer une ressource de qualité sans les mesures d'incitation nécessaires et la mise en place d'une formation adaptée.

Les incitations reposent sur deux éléments.

. L'ouverture des perspectives de carrière

Or, compte tenu de la diminution conjoncturelle du nombre des départs par limite d'âge dans les premières années de la programmation militaire liée aux facteurs démographiques, la possibilité d'entreprendre une carrière dans le corps des sous-officiers apparaît limitée ; en outre, le principe de l'égalité d'accès des citoyens à la fonction publique interdit de donner aux volontaires une priorité d'accès aux emplois de la gendarmerie.

D'autres voies peuvent sans doute être explorées. Ainsi, la gendarmerie a signé en 1996 une convention avec l'Union fédérale des industries et des services de la sécurité. La création d'un Bureau de la reconversion, le ler septembre 1997, au sein de la Direction générale permettra sans doute de multiplier des initiatives comparables.

Toutefois, la principale incitation reposera sur une rémunération attractive.

. Une rémunération satisfaisante apparaît indispensable

Compte tenu des responsabilités particulières assumées, de la disponibilité requise (horaires et durée de travail) et, enfin, des risques professionnels encourus, la rémunération aurait du dépasser le niveau prévu pour les emplois-jeunes. Or, on le sait, tandis que le bénéficiaire d'emploi-jeune disposera d'une rémunération comparable au SMIC, les volontaires se satisferont d'une somme de 4 000 F -logement et repas compris-. La concurrence entre les deux types d'emplois risque de jouer au détriment du volontariat. Il apparaît donc très souhaitable d'accorder aux volontaires la prime de sujétion spéciale équivalente à 20 % de la solde de base (soit 800 F par mois environ) afin de tenir compte des contraintes particulières auxquelles les volontaires seront soumis au sein de l'Arme.

Car il ne s'agit pas seulement d'obtenir le nombre de volontaires prévu mais aussi d'appeler auprès de la gendarmerie des personnels de qualité.

Certes, le dispositif envisagé offre des garanties non négligeables. La période du volontariat -un an renouvelable jusqu'à cinq ans- permettra d'organiser un cursus de formation approfondie : quatre semaines de formation initiale de base suivies de six semaines de formation -soit au total dix semaines en centre d'instruction- et six semaines de stage d'application pratique en unité. Au terme du cursus de formation, les volontaires obtiendront un diplôme utile pour leur reconversion éventuelle. En outre, la durée de cette formation leur donnera un niveau de qualification supérieur à celui des gendarmes auxiliaires et leur permettra en particulier de bénéficier de la qualité d'agent de police judiciaire adjoint (article 21 du code de procédure pénale). Grâce à ces garanties, les volontaires pourront occuper des fonctions opérationnelles au sein des unités où ils seront affectés.

Malgré ces garanties, la qualité initiale des volontaires demeure un sujet de préoccupation.

Convient-il de compléter le volontariat par des "agents locaux de médiation" prévus dans le cadre du plan emploi-jeunes ? Votre rapporteur ne le pense pas.

. Les "agents locaux de médiation "appellent plusieurs réserves.

Certes, la décision de créer dans le cadre du plan emploi-jeunes quelque 35 000 emplois au profit de la police dont 15 000 appelés à occuper des tâches de médiation et d'animation sur un financement conjoint du ministère de l'emploi (80 %) et des partenaires locaux, pouvait justifier le souci manifesté par la gendarmerie de disposer d'un renfort comparable. Ainsi, comme l'a indiqué M. Bernard Prévost lors de son audition devant notre commission, 10 000 agents locaux de médiation pourraient être recrutés dans la zone exclusive de gendarmerie à l'initiative des collectivités locales, responsables de leurs conditions d'emploi même si la gendarmerie devait participer au recrutement et à la formation de jeunes gens concernés ainsi qu'à la coordination de leur activité. Par ailleurs, ces agents relèveraient des maires et ne seraient pas intégrés à la gendarmerie. Aujourd'hui les modalités d'emplois de ces agents demeurent très imprécises, leur formation représentera une charge pour la gendarmerie alors que leur activité échappera en fait à l'autorité de l'Arme.

Est-il souhaitable d'associer une catégorie de personnel aux contours si imprécis aux missions assumées par la sécurité ? Ne serait-il pas plus pertinent de demander qu'un effort -financier- comparable puisse bénéficier à la mise en oeuvre du volontariat ? Autant de questions qui conduisent en tout cas à se défier de la formule séduisante mais trompeuse des "agents locaux de médiation".

b) Les réserves, facteur indispensable de souplesse

Les incertitudes liées au volontariat pèsent également sur la mise en place d'une nouvelle réserve de la gendarmerie. En effet, les gendarmes auxiliaires représentaient une source de recrutement importante pour la formation des actuelles réserves : ce gisement risquerait de se tarir à la suite de la suppression du service national obligatoire si le volontariat n'assurait pas une relève satisfaisante. Or, compte tenu de l'évolution de leur concept d'emploi destiné, dans le cadre des orientations fixées par la loi de programmation, à assurer des missions dès le temps de paix 6( * ) , les réserves apporteront à la gendarmerie la souplesse indispensable à l'exercice de ces missions.

Les ressources destinées aux réserves ne paraissent guère à la mesure des besosins observés. Sans même évoquer les équipements dont il sera fait état dans le chapitre suivant, il convient d'insister ici sur l'urgence de clarifier un système de rémunération, aujourd'hui inadéquat.

En effet, en principe, la solde du Fonds d'accompagnement de la professionnalisation devrait être utilisée pour le financement de dépenses liées à l'utilisation des réservistes en temps de paix . Or les ressources dégagées par ce Fonds demeurent insuffisantes. En 1994, les frais associés à l'emploi des réservistes ont représenté 13 millions de francs alors même que les moyens financiers affectés à ce poste n'ont pas dépassé 4,7 millions de francs.

Les années passées, la gendarmerie a pu bénéficier d'un accroissement de ses effectifs 7( * ) . En fait, en l'absence de ressources supplémentaires en personnels professionnels, volontaires et réservistes représentent, jusqu'à l'échéance de la loi de programmation, le seul facteur de développement des effectifs nécessaires pour faire face à des charges accrues.

La pression qui s'exerce sur la gendarmerie se traduit au quotidien par l'augmentation de la durée moyenne du temps de travail depuis 1990 (8 h 50 en 1990, 9 h 10 en 1996). Dans ces conditions, une réduction des astreintes apparaît difficile. Ainsi, l'objectif d'accorder au personnel cinq quartiers libres par quinzaine, réaffirmé par la circulaire ministérielle du 8 février 1994, a reçu une application seulement partielle : les militaires continuent de bénéficier de quatre quartiers libres en moyenne.

Aujourd'hui, entre les incertitudes liées à la mise en place du volontariat et des réserves et les risques soulevés par le développement des charges confiées à la gendarmerie, la marge de manoeuvre apparaît étroite. Elle repose presque entièrement sur l'organisation des redéploiements territoriaux.

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