2. L'analyse des différentes composantes de la dépense d'action sociale des départements montre pour la première fois un ralentissement des dépenses liées à l'insertion

Le tableau ci-après, transmis par l'ODAS, permet d'analyser les différents " compartiments " de l'action sociale des départements.

Evolution des dépenses nettes d'aide sociale

(en milliards de francs)

Dépense nette 1995

Dépense nette 1996

Evolution 1995-1996

Bénéficiaires 1995

Bénéficiaires 1996

ASE

23,9

25,0

5 %

107.000

108.000

Dont placement familial

5,2

5,5

6 %

55.000

56.000

Dont placement en établissement

12,4

13,0

5 %

52.000

52.000

PERSONNES ÂGÉES

13,3

13,8

4 %

Aide ménagère

1,5

1,4

- 7 %

90.000

84.000

A.S. hébergement (2)

5,7

6,1

7 %

134.000

132.000

A.C.P.A. (1)

6,1

6,3

3 %

195.000

201.000

PERSONNES HANDICAPÉES

13,0

13,7

5 %

A.S. hébergement (2)

10,1

10,8

7 %

77.000

80.000

A.C.P.H. (1)

2,9

2,9

0 %

84.000

82.000

INSERTION

9,5

9,6

1 %

Aide médicale

6,4

6,3

- 2 %

RMI

3,1

3,3

6 %

840.000

904.000

AUTRES (solde)

13,3

13,9

4 %

TOTAL

73,0

75,8

4 %

Source : ODAS (juin 1997)

(1) Estimation du nombre de personnes âgées de plus de 60 ans bénéficiant de l'ACTP

(2) Aide sociale à l'hébergement

(3) Bénéficiaires de l'ACTP âgés de moins de 60 ans


Ces données devront être complétées par des aperçus sur les dépenses administratives indirectes des conseils généraux et sur les dépenses des communes au titre du contingent communal d'aide sociale.

a) L'aide sociale à l'enfance représente le premier poste de l'aide sociale des départements

L'aide sociale à l'enfance (ASE) représenterait environ 25 milliards de francs en 1996 . Il s'agit fonctionnellement du premier poste de dépenses du département (33 %).

Les dépenses résultent :

- des frais de prise en charge des enfants, faisant l'objet d'une décision de placement en établissement d'éducation spécialisé ou en famille d'accueil, financés par le département. En 1993, ces dépenses représentaient les trois-quarts des dépenses d'ASE ;

- des dépenses liées au soutien en milieu ouvert, qu'il s'agisse des mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO), du recours aux travailleuses familiales ou des aides aux associations.

Comme le fait remarquer l'ODAS, " les dépenses de l'ASE progressent deux fois plus vite que l'inflation entre 1995 et 1996 (+ 5 %), alors que le nombre d'enfants placés semble stagner ".

Les causes de cette évolution mériteraient d'être mieux analysées dans un contexte où les mauvais traitements à enfant font l'objet d'une vigilance particulière.

b) Les dépenses d'aide sociale aux personnes âgées continuent leur augmentation

Les calculs de l'ODAS relatifs aux personnes âgées, qui représentent 13,8 milliards de francs au total en 1996, sont effectués en intégrant, par convention, le coût de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) lorsque celle-ci est versée à des personnes âgées de plus de 60 ans, soit une dépense de 6,3 milliards de francs en 1996.

L'aide sociale aux personnes âgées stricto sensu recouvre les dépenses d'aide financière au placement familial ou en établissement et l'aide à domicile.

· L'aide à l'hébergement qui a représenté 6,1 milliards de francs en 1995 était relativement stable depuis 1989, mais enregistre une forte augmentation en 1996 qui semble résulter de l'augmentation des prix de journée en établissements , en raison notamment du caractère plus coûteux des prises en charge pour des personnes dont le degré de dépendance est plus accentué.

· L'aide à domicile s'effectue sous la forme du versement de l'allocation représentative de services ménagers , réservée aux personnes dont les ressources ne dépassent pas le minimum vieillesse, soit 42.193 francs par an, et qui représente 60 % du coût des services ménagers ou 30 heures d'aide ménagère par mois. Cette aide est en diminution constante depuis plusieurs années et s'élève en 1996 à 1,4 milliard de francs .

Dépenses nettes d'aide sociale aux personnes âgées

En milliards de francs

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Aide sociale à l'hébergement

4,73

4,52

4,49

4,57

4,55

4,73

4,79

4,9

4,8

5,3

5,7

6,1

Aide ménagère

1,70

1,62

1,57

1,42

1,45

1,48

1,48

1,4

1,5

1,4

1,5

1,4

ACPA (1)

2,3

2,5

2,6

2,7

3,0

3,4

3,8

4,3

4,8

6

6,1

6,3

Total

8,73

8,64

8,71

8,69

9,00

9,61

10,07

10,60

11,1

12,7

13,3

13,8

(1) Part de l'ACTP versée à des personnes âgées de plus de 60 ans Source : ODAS

La dépense d'aide sociale aux personnes âgées enregistrera en 1997 les effets de la création de la prestation spécifique dépendance.

c) L'aide sociale aux personnes handicapées présente la progression de dépenses la plus significative

L'aide sociale aux personnes handicapées donne lieu à une répartition de compétence complexe entre l'Etat, l'assurance maladie et les départements. La prise en charge des enfants handicapés fait l'objet d'un financement intégralement assuré par la sécurité sociale tandis que celui-ci est partagé avec les départements pour l'hébergement des personnes handicapées adultes.

Le département assure les frais d'hébergement des handicapés adultes au sein de diverses structures telles que les foyers de vie, les foyers occupationnels et les hospices, à l'exception toutefois des maisons d'accueils spécialisés (MAS) qui, parce qu'elles sont réservées aux handicaps les plus lourds, sont financées par l'assurance maladie. Par ailleurs, les centres d'aide par le travail (CAT) et les ateliers protégés, comme on l'a vu plus haut, relèvent de la responsabilité de l'Etat.

De plus, les foyers dits à double tarification (FDT) connaissent, au sein d'un même établissement, un financement assuré par l'Etat pour la prise en charge des soins et par le département pour les frais d'hébergement.

Enfin, le département, comme on l'a vu, assume jusqu'en 1996, le coût de l'ACTP.

Par convention, pour cette partie de l'analyse, les crédits d'ACTP pris en compte par l'ODAS correspondent à la fraction versée aux personnes âgées de moins de soixante ans. Dans cette hypothèse, les dépenses d'aide sociale des départements aux personnes handicapées s'élèvent à 13,7 milliards de francs en 1996 en hausse de 5 % sur l'année dernière .

·  Les dépenses d'aide sociale à l'hébergement des handicapés représentent 10,8 milliards de francs en 1996 . Cette dépense représente 14 % de la dépense nette d'action sociale départementale contre 9 % en 1984. La dépense d'hébergement est le poste qui a le plus augmenté depuis la décentralisation avec une progression de 135 % en francs courants, soit 18,21 % par an.

Cette accélération s'explique à la fois par l'augmentation des prix de journée dans ces établissements et par la hausse du nombre de bénéficiaires constatée entre 1989 et 1993 en raison du vieillissement des générations d'adultes handicapés et de l'ouverture de nouvelles structures d'accueil.

·  S'agissant de l'ACTP versée aux moins de 60 ans , qui atteint 2,8 milliards de francs en 1995 , la progression est demeurée modérée de l'ordre de 1,5 % par an au cours de ces dernières années, tandis que la part relative des moins de 60 ans au sein des bénéficiaires de l'ACTP a tendu à se réduire.

L'aide sociale en direction des personnes handicapées

(France métropolitaine)

En milliards de francs

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Hébergement

5,0

5,8

6,5

7,0

8,1

9,2

10,1

10,8

ACPH

2,5

2,5

2,5

2,6

2,8

2,8

2,9

2,9

Total

7,5

8,2

9,0

9,6

10,9

12,0

13,0

13,7

Evolution

11 %

9 %

9 %

14 %

11 %

8,3 %

5 %

Source : ODAS

L'ODAS fait remarquer que les dépenses d'aide sociale aux personnes handicapées continuent d'augmenter trois fois plus vite que l'inflation. Elle souligne que l'impact des accords Durieux-Durafour sur le prix des prestations s'atténue et qu'aujourd'hui l'augmentation des coûts en matière d'hébergement semble davantage liée à l'accroissement et à l'adaptation de l'offre de service -en raison notamment de l'âge croissant des personnes handicapées- plutôt qu'à l'accroissement des salaires des personnels des établissements d'accueil.

Par ailleurs, l'APCG observe que le développement de formules de prise en charge diversifiées du handicap adulte plus conformes aux souhaits des bénéficiaires, comme le maintien à domicile, a certainement contribué à limiter des frais de structure plus lourds. L'APCG note également que le contrôle de l'effectivité de l'ACTP a également été à l'origine d'une moindre progression de la dépense ces dernières années.

d) Une progression des dépenses d'insertion et d'intervention sociale en net ralentissement

Les dépense d'insertion et d'intervention sociale, entendues au sens large, correspondent en première analyse à 23,5 milliards de francs en 1996.

Cette dépense représente aujourd'hui 31 % de la dépense sociale du département, les dépenses liées au RMI représentant, à elles seules, 13 % de cette dépense sociale. En 1989, ces dépenses représentait 13,5 milliards de francs, soit 30 % des dépenses nettes d'action sociale, la part du RMI au sein des dépenses nettes d'action sociale ne représentant alors que 6 % des dépenses nettes d'aide sociale.

Trois postes doivent être analysés.

Ces dépenses se composent, tout d'abord, des dépenses des cotisations d'assurance personnelle des allocataires non affiliés à un régime de sécurité sociale et des dépenses financées dans le cadre des divers systèmes de " carte de santé " : ces dépenses s'élèvent à 6,3 milliards de francs en 1996.

Elles comprennent, ensuite, des dépenses d'insertion liées au RMI dans le cadre de l'obligation qui est faite au département d'inscrire annuellement à son budget un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées, au cours de l'exercice précédent, par l'Etat au titre de l'allocation attribuée à des personnes résidant dans le département : le montant de ces dépenses est évaluée à 3,3 milliards de francs en 1995.

Enfin, ces dépenses intègrent celles de la rubrique " solde " du tableau précisé, soit 13,9 milliards de francs , qui recouvrent les frais liés aux services de la protection maternelle et infantile (PMI), du service social départemental (SSD), ainsi que les dépenses d'action sociale facultative.

Au total, ces dépenses font apparaître un taux d'évolution particulièrement modéré en 1996 de l'ordre de 3 % en 1996. Cette tendance est néanmoins difficile à interpréter.

La stabilisation des dépenses du RMI suit le " tassement " du nombre de bénéficiaires observé en 1995 comme le fait remarquer l'APCG.

En revanche, les données afférentes aux soins médicaux gratuits augmentent parfois fortement sous l'effet de la mise en place de la carte santé : les pratiques comptables semblent très diverses d'une collectivité à l'autre.

L'ODAS estime que les départements ont cherché un ralentissement des dépenses dans " les secteurs où ils conservaient une capacité d'action directe " et considère que " les logiques gestionnaires ont fortement pesé pour contenir les dépenses à un moment où le nombre de bénéficiaires du RMI progresse plus lentement que les années précédentes ".

e) La part non négligeable des dépenses indirectes

Les dépenses indirectes sont les dépenses de personnel et les frais de fonctionnement générées par la gestion de l'aide sociale. Ces dépenses sont relativement difficiles à évaluer en raison des différentes pratiques d'imputations retenues par les départements.

L'APCG-CEDI dans son étude sur les comptes administratifs pour 1996 évalue à 12,73 milliards de francs la part des dépenses indirectes (hors Paris), soit environ 12 % des dépenses brutes d'aide sociale.

f) L'intervention des communes, par l'intermédiaire des contingents communaux d'aide sociale, demeure sur un taux d'augmentation stable en 1996

Malgré l'objectif de la suppression des financements croisés, la loi du 7 janvier 1983 a maintenu le principe de la participation financière des communes. Ce principe semble trouver son origine dans le rôle des communes dans la mise en oeuvre de l'aide sociale légale, confirmé par la présence des maires au sein des commissions locales d'aide sociale compétentes pour examiner les demandes d'admission, par le rôle des services municipaux dans l'instruction des demandes déposées auprès d'eux et par les pouvoirs spécifiques conférés aux maires en matière d'admission d'urgence.

La participation des communes revêt la forme d'une contribution globale annuelle calculée par rapport aux dépenses totales supportées par le département en matière d'aide sociale dont l'augmentation ne peut, en règle générale, être supérieure à celle des dépenses départementales.

Dans son étude sur les comptes administratifs pour 1996, l'APCG évalue à 11 milliards de francs la contribution demandée en 1996 aux communes soit une stabilisation du rythme de croissance qui demeure néanmoins établi à 4 %.

Il convient de rappeler que l'ODAS a mené récemment une étude sur l'évolution des contingents communaux d'aide sociale. Il en ressort qu'en 1994, le montant moyen du contingent payé par les communes de près de 30.000 habitants était de 236 francs par habitant.

Cette dépense avait progressé de 28 % depuis 1991, évolution comparable à celle des dépenses d'aide sociale obligatoire départementale pendant la même période.

En moyenne le contingent départemental par habitant était deux fois plus élevé dans les communes de plus de 30.000 habitants que dans les autres.

Les différentes moyennes recouvrent de fortes disparités. Ainsi, en 1994, le montant du contingent payé au département par une ville de plus de 30.000 habitants pouvait varier, pour les deux extrêmes, de 30 francs par habitant à plus de 600 francs. Par ailleurs, on relevait qu'au sein d'un même département, les contingents payés par deux villes de population identique pouvaient varier du simple au double.

g) Les observations de votre rapporteur
·  Comme le fait remarquer l'APCG avec un taux compris entre 4 et 4,5 %, qui peut sembler plus satisfaisant que celui constaté les années précédentes, la dépense d'aide sociale départementale atteint ce qui semble pourtant être un " seuil minimal incompressible ".

Cette constatation, valable à condition que ne soient pas opérées de réformes structurelles, laisse ouverte une question cruciale : dès lors que les dépenses d'aide sociale continuent à augmenter plus vite que l'inflation et plus rapidement que la croissance du PIB, les départements seront encore dans l'obligation de poursuivre l'augmentation des prélèvements fiscaux : jusqu'à quel point de rupture la fiscalité locale, et notamment départementale, peut-elle continuer à se comporter en variable d'ajustement de la hausse des coûts sociaux ?

·  La seconde interrogation porte sur la fragilité de " l'accalmie " constatée en 1996 dans la dérive des dépenses sociales. Comme le fait remarquer M. Jean-Louis Sanchez, délégué de l'ODAS, " il serait prématuré d'y voir le signe d'un renversement de tendance durable ".

Comme on l'a vu plus haut, l'augmentation des effectifs des titulaires du RMI a repris sur un taux de 7 % en 1996 et rien ne permet de voir que les phénomènes d'exclusion ou de précarité vont se résorber. Le vieillissement démographique et le coût structurellement plus élevé de la prise en charge de personnes dépendantes font peser une menace sur le poste de l'aide sociale aux personnes âgées. La nette augmentation des situations " repérées " de maltraitance sur les enfants aura des conséquences sur les frais d'ASE.

Un certain nombre de facteurs lourds sont donc déjà à l'oeuvre pour pousser demain encore plus à la hausse des dépenses. Cela doit nous conduire à une réflexion sur une meilleure adaptation de l'appareil social et médico-social.

·  Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que l'on voit bien en 1996 que, faute de pouvoir peser sur l'évolution des dépenses prises en charge par le secteur social et médico-social, les départements, pour réaliser des économies de gestion, font porter leur effort sur la PMI ou encore sur l'action sociale facultative.
Cette situation est doublement regrettable : tout d'abord, les économies sur l'action sociale facultative constituent, en quelque sorte, un " fusil à un coup " : elles ne sont pas indéfiniment reconductibles. Mais surtout les économies sur le secteur de la PMI frappent nécessairement les familles ou les femmes isolées les plus fragiles et les plus vulnérables.

Cela rend d'autant plus nécessaire une révision en profondeur du mode de fixation des dépenses du secteur social et médico-social qui assurent la part prépondérante des dépenses d'aide sociale départementale.

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