B. LES CONDITIONS D'EXERCICE DES COMPÉTENCES LOCALES

Plusieurs grands chantiers intéressant les conditions d'exercice des compétences locales -dont certains ont été lancés sous la précédente législature- pourraient connaître des développements en 1998.

Il en est ainsi de la réforme de l'intercommunalité qui -après un rapport établi par le Gouvernement conformément à l'article 78 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire- avait fait l'objet d'un projet de loi déposé sur le bureau du Sénat sous la précédente législature.

Le nouveau Gouvernement a souhaité poursuivre la réflexion plus précisément sur la taxe professionnelle et sur une meilleure allocation des ressources entre collectivités.

Votre commission des Lois rappelle que le précédent Gouvernement avait conduit une large concertation sur le sujet. Le groupe de travail sur la décentralisation présidé par notre collègue Jean-Paul Delevoye y a lui-même consacré une part importante de ses réflexions. Il s'est ainsi clairement prononcé pour une réduction significative du nombre de catégories d'établissements publics de coopération intercommunale, une unification très large des règles applicables par la définition d'un tronc commun, la conciliation du principe fondamental du volontariat avec l'application des règles de majorité qualifiée de nature à stimuler le développement de l'intercommunalité, le maintien des règles actuelles de désignation des délégués intercommunaux par les conseils municipaux et enfin une réforme du dispositif financier qui encourage l'intercommunalité de projet ainsi qu'une évolution du régime fiscal qui réduise les concurrences abusives entre communes d'une même agglomération.

Devant votre commission des Lois, M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation a également précisé qu'un projet de loi serait déposé au printemps prochain afin de clarifier les interventions économiques des collectivités locale, ce projet de loi devant en outre aborder le régime des sociétés d'économie mixte locale.

Le Gouvernement a par ailleurs indiqué que la fiscalité locale ferait l'objet de travaux en 1998 portant sur une plus grande équité dans la définition des bases d'imposition relatives aux ménages, d'une réduction des distorsions économiques pour les impôts acquittés par les entreprises et d'une plus grande attention sur les inégalités fiscales entre les collectivités locales.

Le groupe de travail sur la décentralisation avait pour sa part souhaité " un approfondissement de la réflexion sur l'évolution du système de financement local qui clarifie le cadre de la péréquation financière, dote les collectivités locales de bases fiscales modernes et évolutives et prenne en compte le problème des charges de centralité ". Il avait en outre clairement récusé " toute solution qui aboutirait à une étatisation des impôts locaux par l'uniformisation des taux de la taxe professionnelle au niveau national, faisant ainsi dépendre une ressource fiscale locale essentielle non plus du libre choix des collectivités locales mais de décisions de l'Etat et démotivant l'esprit d'initiative des collectivités locales ".

La réforme des valeurs locatives demeure cependant un préalable nécessaire à toute réforme concernant le système de financement local. On rappellera que la loi du 30 juillet 1990 a fixé les principes d'une révision générale des valeurs locatives servant de base au calcul des impôts directs locaux. Les travaux de révision ont été achevés depuis juin 1992 et un rapport évaluant les conséquences de la révision pour les contribuables et le potentiel fiscal des collectivités locales a été déposé au Parlement en septembre 1992. Un projet de loi portant intégration des résultats des travaux de révision a été élaboré et soumis au comité des finances locales. Celui-ci a émis un avis favorable sous réserve d'un certain nombre d'observations qui ont porté principalement sur l'abandon du traitement à part des logements sociaux, l'application d'un coefficient forfaitaire de 1,61 pour les établissements industriels, l'allongement à quatre ans minimum de la période d'intégration et l'abaissement à 15% et 300 francs du seuil d'écrêtement des hausses de cotisations.

Il serait donc souhaitable que l'intégration des travaux de révision puisse être débattue par le Parlement. Interrogé sur ce point par votre rapporteur pour avis, M. Jean-Pierre Chevènement, Ministre de l'intérieur a indiqué devant la commission qu'il était favorable à la mise en oeuvre de cette révision.

Dans un contexte caractérisé par la prolifération des normes, votre commission des Lois est par ailleurs particulièrement attentive au processus de codification. La partie législative du code général des collectivités territoriales -examinée par la commission des Lois sur le rapport de notre collègue Michel Rufin- a ainsi permis de rassembler dans un même document de quelque 1790 articles des textes épars, de supprimer des textes devenus obsolètes et de remédier à certaines incohérences.

Cet important travail ne peut cependant avoir toute sa portée qu'à la double condition qu'il s'accompagne d'une relative stabilité de la règle juridique et que la partie législative puisse être suivie dans un délai rapide de la partie réglementaire qui en est le complément indispensable.

Or moins de deux ans après sa parution, le code général des collectivités territoriales a déjà été corrigé par 13 lois (10 en 1996 et 3 en 1997) qui ont modifié, créé ou abrogé près de 110 de ses articles. Le nombre total d'articles du code qui était de 1710 lors de la publication atteint désormais 1795.

Quant à la partie réglementaire du code, en raison de son ampleur (environ 600 textes réglementaires d'application et leurs modifications, dont le code des communes, ont été à ce jour recensés; environ 1500 articles ont déjà été préparés mais ce travail n'est pas encore achevé) et de sa complexité incontestable, elle ne devrait pas être examinée par le Conseil d'Etat avant le début de l'année 1998. Certes, ce défaut de publication ne crée pas un vide juridique, la partie réglementaire du code des communes restant en vigueur. En outre, une circulaire du 19 mars 1996 a établi une table de concordance entre les articles législatifs du code général des collectivités territoriales et les articles réglementaires du code des communes.

Il n'en reste pas moins que, pour les usagers - en l'espèce, tout particulièrement les collectivités locales- qui doivent disposer d'un texte d'ensemble, la codification des décrets est aussi importante que celle du corpus législatif. Ainsi, la circulaire précitée rappelle que les services de l'Etat et les autorités locales doivent " viser, en ce qui concerne les textes réglementaires, tant les articles réglementaires du code des communes qui demeurent en vigueur que les textes réglementaires non codifiés, selon le cas. "

Enfin, votre commission des Lois avait souhaité dans son avis sur la loi de finances pour 1997 que l'ensemble des dispositions de la loi du 27 décembre 1994 relative à la fonction publique territoriale puissent être mises en oeuvre dans les meilleurs délais par la parution des derniers textes réglementaires d'application.

Deux décrets du 22 avril 1997 (n° 97-393 et 97-294) ont précisé le nouveau dispositif de la formation initiale et de la formation d'adaptation à l'emploi; un décret n° 96-1040 du 2 décembre 1996 a fixé les modalités de désignation des magistrats de l'ordre administratif auxquels est confiée la présidence des conseils de discipline; le décret n° 97-443 du 25 avril 1997 fixe les conditions d'établissement du rapport qui doit être soumis tous les deux ans au comité technique paritaire. En revanche, le décret fixant les modalités de surclassement démographique des communes touristiques est en cours de préparation. En outre, certaines dispositions devenues obsolètes du décret n° 91-298 du 20 mars 1991 concernant les fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet devront être abrogées.

Plusieurs décrets d'application de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, intéressant les collectivités locales, ont par ailleurs parus: le décret n° 96-1234 du 27 décembre 1996 qui concerne la résorption de l'emploi précaire; le décret n° 96-1233 du 27 décembre 1996 qui précise les conditions générales d'accès au congé de fin d'activité dans les trois fonctions publiques et le décret n° 96-1233 du 27 décembre 1996 qui précise le montant minimum du revenu de remplacement alloué aux bénéficiaires du congé de fin d'activité; enfin, le décret n° 97-702 du 31 mai 1997 a fixé le régime indemnitaire des agents de police municipale et des gardes champêtres, en application de l'article 68 de la loi.

La mise en oeuvre du dispositif de résorption de l'emploi précaire prend une signification particulière dans un contexte où l'Assemblée nationale vient d'adopter en lecture définitive le dispositif proposé par le Gouvernement pour la création des emplois-jeunes. Si l'objectif de lutter contre le chômage et en l'occurrence celui des jeunes est évidemment incontestable, votre commission des Lois doit néanmoins faire observer que le dispositif aboutit, en mettant en place des emplois publics ou parapublics en dehors des règles ordinaires de la fonction publique, à recréer une précarité que le législateur avait précisément entendu combattre. Or, à l'issue de la période de cinq ans -au cours de laquelle l'Etat prendra en charge le contrat à hauteur de 80% du SMIC et des cotisations sociales- la question de l'intégration des jeunes concernés dans la fonction publique territoriale se posera inévitablement.

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Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des Lois a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998 .

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