II. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI

La proposition de loi n° 250 présentée par MM. Jean Delaneau et les membres du groupe des républicains indépendants a pour objet d'élargir les possibilités d'utilisation des crédits obligatoires d'insertion des départements.

Elle vise, dans l'esprit du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale , qui avait été présenté en février 1997 par MM. Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli, à étendre sensiblement le champ de l'actuel programme départemental d'insertion en matière de lutte contre l'exclusion tout en permettant aux départements son financement dans le cadre des crédits actuellement réservés à l'insertion des bénéficiaires du RMI.

Cette proposition de loi vise à répondre à une situation anormale : alors que les phénomènes d'exclusion prennent une dimension de plus en plus grave et que 2,4 millions de ménages (5,5 millions de personnes) sont considérés comme vivant en dessous du seuil de pauvreté parce que leur revenu est inférieur à la moitié du revenu médian (3.800 francs par mois pour une personne seule ; 7.900 francs pour un couple avec deux enfants), des crédits départementaux sont reportés d'année en année parce que la législation n'autorise pas l'utilisation de ces crédits publics à d'autre fin que l'insertion des allocataires du RMI.

Ainsi, comme le souligne M. Jean Delaneau dans son exposé des motifs, les crédits départementaux d'insertion ne peuvent être utilisés en faveur des jeunes de moins de 25 ans qui n'ont pas d'enfant à charge et qui n'ont donc pas droit au RMI.

Par ailleurs, les chômeurs de longue durée et qui bénéficient à ce titre de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), versée par le Fonds de solidarité, ne peuvent entrer dans le dispositif réservé aux titulaires du RMI.

Enfin, alors que des fonds d'urgence sociale ont été mis en place par le Gouvernement dans chaque département, le 12 janvier dernier, pour distribuer des secours aux personnes en situation de détresse, les crédits d'insertion ne peuvent en principe être affectés au financement d'aides générales et purement monétaires.

Le texte initial de la proposition de loi modifie l'article 36 de la loi du 1 er décembre 1988 en insérant un dispositif qui comprend trois parties :

·  la première partie (sept premiers alinéas du texte proposé) confirme la vocation du PDI à s'appliquer à l'ensemble de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et à l'ensemble des actions en faveur de l'insertion en incluant, dans son champ d'action l'ensemble des rubriques qui avaient été visées pour définir le contenu du plan départemental d'insertion et de lutte contre l'exclusion (PDILE) dans le projet de loi " Barrot Emmanuelli ".

Ces rubriques sont les suivantes : accès à la formation et à l'emploi des publics en difficulté ; accès à l'hébergement et au logement des personnes démunies ; accès des personnes les plus démunies à l'éducation et à la culture, lutte contre l'illettrisme et l'échec scolaire ; accès aux soins des personnes les plus démunies ; prévention et règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles ; aide juridictionnelle et accès aux droits des personnes les plus démunies.

Le contenu intégral du projet de loi " Barrot-Emmanuelli " est reproduit dans l'encadré ci-contre.

La proposition de loi propose donc, de manière non contraignante, un éventail d'actions sur lesquelles l'Etat et le département pourraient choisir de faire porter leur action.

Par rapport au dispositif actuel de la loi du 1er décembre 1988, il est important de souligner que le dispositif proposé supprime la disposition aux termes de laquelle l'extension du champ du PDI ne peut se faire que sous réserve que les crédits obligatoires d'insertion inscrits par le département dans le cadre de l'article 38 " restent affectés aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion ".

·  La seconde partie (alinéas 8 à 11 du texte proposé) porte sur la nature du recensement des crédits opéré dans le cadre du PDI .

Il reprend les deux dispositions existantes, à savoir l'obligation de recenser :

- les crédits consacrés aux dépenses d'insertion des bénéficiaires du RMI, par le département,

- et les crédits consacrés aux actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du RMI par l'Etat.

Rappel de l'article 37 du projet de loi d'orientation
relatif au renforcement de la cohésion sociale,
portant sur le plan départemental d'insertion
et de lutte contre l'exclusion

Le plan départemental d'insertion et de lutte contre l'exclusion :

1° Etablit un bilan de l'état social du département qui comprend :

a) une analyse des principales caractéristiques sociales de celui-ci, en particulier de l'ampleur des situations de précarité et d'exclusion ;

b) un recensement des actions d'insertion et de lutte contre l'exclusion mises en oeuvre selon les catégories d'intervenants ;

c) une évaluation de la pertinence des actions conduites ;

2° Détermine les objectifs et la nature des actions à mener dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion, en fixant les priorités à satisfaire selon les catégories de publics et d'actions ;

3° Propose des moyens de coordination ou d'harmonisation entre institutions et services mettant en oeuvre les actions précitées.

Au titre des 1°, 2° et 3° ci-dessus, le plan départemental comporte de manière obligatoire les rubriques suivantes :

a) accès à la formation et à l'emploi des publics en difficulté, cette rubrique comprenant notamment les mesures destinées à l'aide et à l'insertion des jeunes en difficulté, les mesures mentionnées aux articles 43-2 à 43-4 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et celles relatives à l'insertion par l'activité économique, en particulier celles mentionnées à l'article L. 322-4-16 du code du travail ;

b) accès à l'hébergement et au logement des personnes démunies, cette rubrique comprenant notamment le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, défini au chapitre premier de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée, le plan départemental pour l'hébergement d'urgence pour les personnes sans abri, mentionné à l'article 21 de la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat, le schéma départemental d'accueil des gens du voyage mentionné à l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée, un schéma départemental des centres d'hébergement et de réinsertion sociale visés au 8° de l'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée ;

c) accès des personnes les plus démunies à l'éducation et à la culture ; lutte contre l'illettrisme et l'échec scolaire ;

d) le schéma d'accès aux soins des personnes les plus démunies et des personnes en situation de précarité, mentionné à l'article 13 ;

e) un bilan des actions liées à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, notamment celles mentionnées par la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles ;

f) un bilan des actions entreprises en vue d'assurer l'accès à l'aide juridictionnelle et l'accès aux droits des personnes les plus démunies, respectivement définies aux articles 2 et 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il ajoute une nouvelle catégorie de crédits à recenser portant sur les actions que l'Etat et le département consacrent " chacun en ce qui le concerne " à l'insertion et à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Le choix de l'expression " chacun en ce qui le concerne " est particulièrement importante car elle permet de faire référence aux attributions traditionnelles des différentes catégories de collectivités publiques en matière de lutte contre l'exclusion.

Il est clair, par exemple, que les actions en matière de prévention du surendettement des particuliers et des familles et en vue d'assurer l'accès à l'aide juridictionnelle et l'accès aux droits des personnes les plus démunies relèvent exclusivement de l'Etat, dans le cadre des lois déjà en vigueur en ce domaine, qu'il s'agisse de la loi du 31 décembre 1989 sur le surendettement ou de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

En revanche, en matière de formation et d'emploi des publics en difficulté , les départements peuvent utiliser l'expérience acquise en matière d'insertion des allocataires du RMI.

La proposition de loi renvoie donc au dialogue entre le préfet et le président du conseil général la détermination des rubriques dont le financement doit relever respectivement de l'Etat ou du département.

·  Enfin, en troisième lieu, la proposition de loi (dernier alinéa du texte proposé) prévoit que, sur proposition du président du conseil général, les reports sur les crédits résultant de la mise en oeuvre de l'obligation des " 20 % ", mentionnée à l'article 38 de la loi du 1 er décembre 1988, peuvent être affectés " à des actions d'urgence sociale " afin d'apporter des réponses immédiates aux personnes et aux familles en situation de détresse grave .

Il reprend ainsi en partie la formule utilisée dans la circulaire du 12 janvier dernier pour définir le rôle du Fonds d'urgence sociale mis en place dans chaque département.

Ce Fonds, doté de 1 milliard de francs, " est destiné à apporter des réponses immédiates aux personnes et aux familles en situation de détresse grave qui, malgré les dispositifs existants, sont exposées à des risques sérieux pour le maintien de leurs conditions d'existence ".

L'adoption du dernier alinéa permettrait donc aux départements d'affecter les crédits aujourd'hui inutilisés en faveur des bénéficiaires du RMI en raison d'une inadaptation de l'offre d'insertion, pour compléter l'action des fonds d'urgence sociale.

LE FONDS D'URGENCE SOCIALE

Deux circulaires en date des 12 et 19 janvier 1998 ont commenté les conditions de mise en place du Fonds d'urgence sociale doté au total d'un milliard de francs.

Le fonds d'urgence sociale s'adresse " à toutes personnes ou familles en situation de détresse grave qui, en dépit des dispositifs existants, sont exposées à des risques sérieux pour le maintien de leurs conditions d'existence ".

Le bénéficiaire ne doit pas nécessairement être inscrit comme demandeur d'emploi, aucune catégorie n'étant a priori exclue : étudiants, bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI), d'un contrat emploi-solidarité, d'un emploi-jeune, agriculteurs, artisans, commerçants, etc.

L'aide apportée a plusieurs caractéristiques :

- elle est ponctuelle et subsidiaire, elle peut donc s'ajouter aux dispositifs d'aides existants, tels que le fonds de solidarité logement (FSL) ou le fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FAS) ;

- elle doit être d'un niveau suffisant, c'est-à-dire significative, pour apporter une réponse adaptée ; en pratique, elle serait d'un montant compris entre 1.000 F et un peu plus de 2.000 F ;

- elle est proportionnée aux cas de détresse identifiée ;

- elle est individuelle, versée à des particuliers personnes physiques ;

- elle a un objectif délimité (dépenses à caractère exceptionnel, en matière, par exemple, de santé ou dépenses de la vie courante dont le non-paiement immédiat expose la famille à de graves difficultés supplémentaires- en matière d'eau, électricité, chauffage, assurance, etc.- ou dépenses liées à des événements familiaux).

800 millions de francs ont été répartis entre les départements, selon des critères fondés essentiellement sur le nombre de chômeurs de longue durée et de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI). Le solde, soit 200 millions, devra servir à affiner la répartition pour répondre aux besoins non couverts.

Ces crédits doivent pouvoir donner lieu à des versements immédiats aux personnes aidées, si nécessaire en espèces.

Cette dotation de l'Etat doit être complétée ou accompagnée par d'autres sources de financement. A cette fin, les préfets doivent conclure avec chaque institution et collectivité qui a vocation à aider les personnes en difficulté (organismes de sécurité sociale, conseil général, communes et centres communaux d'action sociale, organismes d'assurance chômage, tout autre organisme susceptible de participer à ce fonds) une convention fixant les modalités et le montant de son engagement financier.

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