B. LE PROJET DE LOI N'ATTAQUE PAS LE CHÔMAGE EN SON COEUR

1. Le chômage français est essentiellement de nature structurelle

Le chômage est loin d'être un concept homogène. Il s'agit d'une notion qui superpose plusieurs situations de déséquilibres, sur le marché du travail et sur le marché des biens et services en particulier. Ainsi, on peut considérer qu'un taux de chômage de 12,4 % est constitué d'une succession de strates représentant des formes de chômage plus ou moins difficiles à réduire. Les six formes suivantes sont communément admises par les économistes même si ces derniers divergent sur l'importance respective de chacune des catégories, notamment dans la composition du taux de chômage français. La connaissance fine du chômage est indispensable car pour être efficace, la politique de lutte contre le chômage doit s'attaquer de manière différenciée et adaptée à chacune de ses composantes.

·  Le chômage peut être frictionnel ; il s'agit, dans ce cas, d'un chômage transitoire lié au changement d'emploi d'un secteur à l'autre ou d'une région à l'autre. Ce chômage est le fruit des perpétuelles mutations de l'économie.

·  Lorsque les salaires ne s'ajustent pas aux nouvelles conditions de l'emploi ou lorsque les niveaux de qualification ne correspondent pas aux besoins des entreprises, on observe un déséquilibre persistant entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre . Ce chômage est durable et plus difficile à réduire, des efforts dans le domaine de la formation peuvent y aider.

·  Le chômage peut également être la conséquence d'un niveau de salaire relatif trop élevé. Dans ce cas, ce qui correspond à un problème de chômage peut constituer dans d'autres pays un problème de bas revenus où les salaires sont alignés sur la productivité des salariés. Ce chômage frappe plus particulièrement les personnes faiblement qualifiées.

·  Le chômage peut être la conséquence d'une rigidité des salaires réels , ceci signifie qu'ils ne s'ajustent que très lentement aux variations de la productivité. Le chômage est le plus faible dans les pays où les négociations salariales sont organisées au niveau de l'entreprise et où les syndicats privilégient un faible niveau de chômage de préférence à une hausse du pouvoir d'achat des salariés.

·  Le chômage peut être favorisé par un système d'indemnisation qui encourage le prolongement de la recherche d'emploi.
Ces cinq premières formes de chômage définissent généralement le chômage structurel. La notion de chômage " classique " recouvre, à l'intérieur de cette définition, essentiellement les problèmes relatifs au niveau de salaire relatif, à la rigidité des salaires réels et aux systèmes d'indemnisation.
·  Le chômage peut être également la conséquence d'une insuffisance de la demande globale de biens et services adressée aux entreprises. Dans ce cas, la politique économique menée peut avoir son rôle à jouer.
Les causes de la différence de taux de chômage entre la France et les Etats-Unis, par exemple, sont donc multiples. La demande adressée aux entreprises américaines est forte ; les salaires sont flexibles, les salariés peu qualifiés sont payés en fonction de leur productivité, les salaires réels américains s'ajustent à l'évolution de la productivité globale (ils supportent une partie de la dégradation des termes de l'échange), enfin le système d'indemnisation n'est pas désincitatif.

Composantes structurelle et conjoncturelle du taux de chômage 38( * )
En pourcentage de la population active totale

Source Secrétariat de l'OCDE 39( * )

L'OCDE estime que le chômage français est essentiellement de nature structurelle bien que l'augmentation depuis 1990 soit due principalement à des facteurs conjoncturels. Ceci signifie qu'une reprise de la croissance pourrait réduire ce surcroît de chômage mais qu'il n'agirait que très peu sur le " gros du stock ". L'augmentation des salaires que pourrait entraîner la politique d'abaissement de la durée légale du travail pourrait à court terme augmenter le pouvoir d'achat et réduire le chômage conjoncturel mais il y a fort à parier qu'à moyen terme cette politique ne renforce le socle du chômage structurel (salaires relatifs trop élevés, rigidité des salaires réels).

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