II. AUDITION DE M. PIERRE-LOUIS RÉMY, DÉLÉGUÉ INTERMINISTÉRIEL À LA FAMILLE

Réunie le mercredi 14 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre-Louis Rémy, délégué interministériel à la famille, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 .

M. Pierre-Louis Rémy a tout d'abord fait valoir que toutes les familles étaient utiles à la société et que la famille constituait un espace de solidarité et de construction des repères pour l'enfant. Il était par conséquent de la responsabilité de la collectivité d'apporter son appui aux familles.

Evoquant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, M. Pierre-Louis Rémy a indiqué que le volet famille de ce texte comportait trois éléments : tout d'abord, le retour à l'universalité des allocations familiales, ensuite un souci de justice qui se traduisait par des mesures diverses (relèvement de 19 à 20 ans de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales, extension du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant, exclusion des majorations pour âge des allocations familiales des ressources prises en compte pour calculer le revenu minimum d'insertion (RMI) et diminution du plafond du quotient familial), enfin la volonté d'aider les parents dans leur fonction parentale.

M. Pierre-Louis Rémy a précisé que la volonté d'aider les parents dans leur fonction parentale se manifestait par une augmentation des crédits du Fonds national d'action sociale de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), le financement d'un réseau d'appui, d'écoute et de soutien aux parents, et des actions visant à favoriser une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale.

S'agissant de la conciliation entre vies professionnelle et familiale, M. Pierre-Louis Rémy a considéré qu'il convenait à la fois de renforcer les services d'accueil aux petits enfants et de prendre de nouvelles initiatives dans le contexte créé par la réduction du temps de travail.

Evoquant la nécessité d'aider les parents dans leur vie quotidienne, le délégué interministériel à la famille a mis particulièrement l'accent sur les actions menées dans le domaine du logement, notamment sur l'augmentation des aides.

Enonçant les axes de travail de la délégation interministérielle à la famille, M. Pierre-Louis Rémy a souligné qu'il convenait de mener un effort particulier en faveur des jeunes adultes, qui appartenaient à une tranche d'âge pour laquelle il était parfois difficile de concilier le besoin d'aide et le respect du désir légitime d'autonomie. Après avoir relevé la part croissante qu'occupaient les personnes âgées dans notre société et le rôle des solidarités inter-générationnelles, il s'est dit convaincu de la nécessité d'imaginer des mécanismes permettant une meilleure articulation entre solidarité collective et solidarité familiale.

M. Jacques Machet , rapporteur pour la famille, a interrogé M. Pierre-Louis Rémy sur les actions que ce dernier entendait mener concrètement, les propositions qu'il comptait formuler au Gouvernement et les moyens dont il disposait. Il a souhaité savoir quelle serait véritablement la mission du comité interministériel de la famille, et selon quelle fréquence celui-ci se réunirait.

M. Jacques Machet s'est également interrogé sur l'utilisation qui pourrait être faite des excédents structurels que devrait connaître la branche famille en 1999, 2000 et 2001. Il s'est demandé, au regard de ces excédents, quelle pouvait être la justification de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales et de la diminution du quotient familial.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a dénoncé le manque de transparence qui caractérisait la gestion des fonds sociaux par les caisses d'allocations familiales. Evoquant le développement des structures d'accueil pour jeunes enfants, elle s'est demandé si l'on n'avait pas atteint un niveau exagéré de médicalisation des équipements collectifs. S'agissant de l'allocation parentale d'éducation, elle a préconisé que cette prestation familiale soit calculée proportionnellement au dernier salaire.

M. Alain Gournac s'est élevé contre les modifications successives du régime des allocations familiales. Après avoir déclaré que les familles avaient aujourd'hui le sentiment d'être quelque peu abandonnées, il a souhaité une clarification des intentions réelles du Gouvernement à leur égard. Il a également suggéré une simplification des prestations familiales et de la répartition des compétences entre les différents acteurs de la politique familiale. Enfin, il s'est inquiété de la multiplication et de la complexité des normes régissant les structures d'accueil des jeunes enfants et le statut des assistantes maternelles.

M. Guy Fischer a souligné l'opacité qui caractérisait les actions menées par les caisses d'allocations familiales en matière de financement des équipements et des centres sociaux. Il a fait valoir que les politiques menées par les caisses d'allocations familiales différaient sensiblement selon les départements et aboutissaient souvent à des transferts de financement aux dépens des collectivités locales.

Après avoir affirmé le rôle essentiel de la structure familiale, M. Guy Fischer a souligné que les familles connaissant des difficultés se heurtaient à la multiplicité des interlocuteurs, ce qui accroissait encore leur désarroi. Il a exprimé le souhait que le délégué interministériel à la famille puisse jouer véritablement un rôle de fédérateur des actions menées par les différents intervenants.

M. Jean-Louis Lorrain s'est félicité du caractère résolument transversal des missions du délégué interministériel à la famille. Il a souhaité que celui-ci puisse faire entendre les demandes des familles. Evoquant la question de la violence dans les familles et les problèmes de délinquance que connaissaient certains jeunes adolescents, M. Jean-Louis Lorrain a considéré qu'il convenait d'apporter une réponse globale à ces situations et non de multiples réponses parcellaires comme c'était encore le cas aujourd'hui.

En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, M. Pierre-Louis Rémy a fait observer que la délégation interministérielle de la famille, créée le 28 juillet dernier, était encore jeune. Il a affirmé son intention d'oeuvrer en faveur d'améliorations concrètes dans la vie des familles et s'est déclaré désireux de développer les contacts avec les acteurs de terrain, notamment les élus locaux et les associations familiales.

Evoquant le programme à la fois ambitieux et modeste qu'il s'était fixé, M. Pierre-Louis Rémy a indiqué que la délégation agirait à trois niveaux : la participation à la réflexion en amont sur la politique familiale, la préparation et le suivi des mesures décidées par le comité interministériel à la famille, et, enfin, une action sur le terrain en faveur de micro-améliorations pour les familles. Il a souhaité profiter du caractère interministériel de sa mission pour obtenir davantage d'améliorations concrètes.

M. Pierre-Louis Rémy a fait valoir qu'il avait refusé la création d'une nouvelle direction de la famille et il a privilégié, au contraire, la constitution d'une équipe de taille restreinte, apte à faire travailler ensemble les directions des différents ministères.

En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard et à M. Guy Fischer, M. Pierre-Louis Rémy a convenu qu'il fallait sans doute introduire plus de transparence et de cohérence dans la politique d'action sociale de la branche famille. Il s'est dit favorable à la définition d'une véritable stratégie reposant sur des priorités nationales et un système de suivi interne.

Répondant à M. Alain Gournac, il a souligné qu'il fallait naturellement un minimum de normes mais que trop de normes tuaient la capacité d'agir. Il a cité l'exemple des crèches parentales, moins prisonnières des normes que les crèches traditionnelles et qui menaient par conséquent une action plus innovante.

En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, M. Pierre-Louis Rémy a estimé qu'il était probablement prématuré de décider aujourd'hui de l'utilisation des excédents futurs de la branche famille. Il a considéré que cette question devrait être évoquée en 1999. Il a indiqué que sa démarche consistait à répondre aux besoins des familles tout en gardant à l'esprit le souci de bien utiliser l'argent public.

M. Pierre-Louis Rémy a également rappelé que la mise sous conditions de ressources des allocations familiales avait été décidée en 1997, dans un contexte fort différent, car caractérisé par un déficit important de la branche famille. Il a considéré que la diminution du plafond du quotient familial répondait à la fois à une nécessité financière, pour financer la prise en charge, par l'Etat, de l'allocation de parent isolé, et à un souci de justice, puisque cette mesure allait concerner uniquement les familles aux revenus les plus élevés.


Mesdames, Messieurs,

Le débat sur le volet relatif à la branche famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 s'engage dans un climat apparemment plus serein que celui de l'année dernière. Le Sénat ne peut que s'en féliciter.

Le Gouvernement est en effet revenu sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales que notre Haute assemblée avait refusée avec vigueur. Cette décision, qui confirme a posteriori les analyses formulées par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, a permis une reprise du dialogue avec les différentes parties prenantes de la politique familiale.

La réunion de la Conférence de la famille le 12 juin 1998 et la création, le 28 juillet, d'une délégation interministérielle à la famille témoignent d'un changement de méthode bienvenue.

Or, malgré le retour à l'excédent de la branche famille, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 s'avère bien décevant : il ne reflète en rien le souci affiché par le Gouvernement de donner une nouvelle impulsion à la politique familiale.

Le Gouvernement mène en réalité une politique familiale en trompe-l'oeil qui consiste essentiellement à reprendre d'une main ce qu'il donne de l'autre.

Le recul du Gouvernement sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales s'accompagne ainsi d'une mesure très critiquable : la diminution brutale du plafond du quotient familial.

De même, les rares mesures positives annoncées par le Gouvernement sont financées par de nouvelles économies réalisées au détriment des familles.

La politique poursuivie par le Gouvernement semble donc avoir pour seul objet de maintenir la branche famille en excédent.

Au moment où une proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (PACS) vient fragiliser l'institution familiale, il est inquiétant de constater que notre pays manque toujours d'une politique familiale ambitieuse à la hauteur des enjeux.

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