I. LA FAMILLE : UNE BRANCHE EN EXCÉDENT

La situation financière de la branche famille peut s'analyser au travers des comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) qui retracent les recettes et les dépenses de tous les régimes servant des prestations familiales en métropole et dans les départements d'outre-mer.

A. LA BRANCHE FAMILLE DEVRAIT ÊTRE EXCÉDENTAIRE EN 1999

1. La situation financière de la branche famille connaît une nette amélioration

Après avoir été longtemps excédentaire, la branche famille connaissait depuis 1994 des déficits importants : 10,5 milliards de francs, en 1994, 38,9 milliards de francs en 1995 1( * ) , 9,7 milliards de francs en 1996 et 14 milliards de francs en 1997.

Les comptes prévisionnels de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 font en revanche apparaître une nette amélioration du solde de la branche famille qui s'établirait à - 947 millions de francs en 1998 et + 4,052 milliards en 1999 avant les mesures figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre rapporteur tient à rappeler à cette occasion que la branche famille a connu jusqu'en 1993 des excédents réguliers -de 10,7 milliards de francs en 1993, par exemple- qui ont souvent permis de financer les déficits des branches vieillesse et maladie. L'excédent structurel que connaissait alors la branche famille a longtemps servi d'alibi aux prélèvements de toutes sortes qui ont été effectués à ses dépens. La séparation des branches de la sécurité sociale et l'obligation de l'équilibre financier de chacune d'elles, prévue par la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, sont intervenues au moment même où la situation de la branche famille connaissait les premières difficultés.

Variation du fonds de roulement de la branche famille

constatée en 1996 et 1997, prévisionnelle en 1998 et 1999

(en milliards de francs)

1999 (1) : évolution tendancielle avant mesures contenues dans le PLFSS 1999

1999 (2) : évolution tendancielle après mesures contenues dans le PLFSS 1999

Les résultats définitifs de la branche famille présentés dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 font apparaître un déficit de 14 milliards de francs pour 1997 avec près de 257,5 milliards de francs de dépenses pour 243,5 milliards de francs de recettes. Ce déficit est légèrement accru par rapport au solde prévisionnel évalué lors de la Commission des comptes de mai 1998 (- 12,3 milliards de francs) en raison d'un accroissement important des dépenses de 4,8 milliards de francs, notamment au titre des prestations (+ 900 millions de francs) et des transferts (+ 3,4 milliards de francs sur les cotisations d'assurance vieillesse des parents au foyer), et d'une augmentation des recettes de 3,1 milliards de francs.

En 1998, les prévisions font apparaître un déficit de 947 millions de francs, en amélioration par rapport à celui prévu en mai 1998 qui atteignait - 1,8 milliard de francs. Les recettes et les dépenses connaîtraient une croissance plus soutenue du fait de l'intégration dans les comptes de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) annoncée en août 1998, cette intégration étant toutefois neutre sur le solde.

Les difficultés méthodologiques soulevées par la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS)

L'analyse de l'évolution des recettes et des dépenses de la branche famille soulève toujours un problème méthodologique : celui du mode de comptabilisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS).

L'Etat procède en effet à la majoration systématique de l'ARS depuis quelques années. Cette majoration est versée par la branche famille et théoriquement compensée par l'Etat. Cette majoration n'est pourtant jamais acquise et son montant varie d'année en année : elle n'est donc pas comptabilisée dans les prévisions de dépenses figurant dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

L'impact de cette majoration rend donc difficile l'analyse des évolutions de recettes et de dépenses d'une année sur l'autre. Comme le souligne de manière répétée le rapport de la Commission des comptes, " les variations du montant de la majoration d'ARS et sa prise en charge partielle ou totale par l'Etat perturbent assez fortement la structure du compte ". Pour avoir une idée plus précise de l'évolution des comptes de la branche famille, il faut donc parfois " neutraliser " l'impact de la majoration d'ARS. On peut d'ailleurs se demander quelle signification revêt pour le Parlement le vote d'un objectif de dépenses pour la branche famille qui n'intègre pas cette majoration : cette dernière étant devenue quasiment systématique à l'occasion de chaque rentrée scolaire, l'objectif de dépenses est fatalement dépassé de plusieurs milliards. Toutefois, si cette majoration est intégralement compensée par l'Etat, le solde final de la branche n'en est pas affecté, sous réserve de l'impact en trésorerie des retards de remboursement...

En 1999, le solde prévisionnel de la branche famille devrait atteindre + 4,052 milliards de francs, soit un retour à l'excédent pour la première fois depuis six ans.

Si l'on neutralise dans les comptes de la branche famille, en recettes comme en dépenses, la majoration de rentrée scolaire, les recettes ont progressé de 4,5 % en 1998 et devraient augmenter de 2,3 % en 1999, avant les mesures prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Après une diminution de 0,9 % en 1998, les dépenses progresseraient de 3,5 %.

Comptes de la branche famille hors majoration
de l'allocation de rentrée scolaire

(en milliards de francs)

 

1997
(réalisé)

1998 (actualisé)

Evolution (1998/1997)

1999 tendanciel (1)

Evolution (1999/1998)

Recettes

237,134

247,829

+ 4,5 %

253,518

+ 2,3 %

Dépenses

251,110

248,776

- 0,9 %

257,570

+ 3,5 %

Solde

- 13,976

- 0,947

 

- 4,052

 

(1) avant mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999

a) Les recettes de la branche famille

Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998, les recettes de la Caisse nationale d'allocations familiales ont atteint 243,5 milliards de francs en 1997 et devraient s'élever à 254,1 milliards de francs en 1998 et 257,6 milliards de francs en 1999 (hors majoration de l'ARS pour 1999).

Les cotisations

Les recettes de la branche famille sont constituées pour l'essentiel (65,1 % en 1998) de cotisations qui sont entièrement à la charge des employeurs, pour leur personnel salarié ou pour eux-mêmes.

Les recettes de la branche famille

(milliards de francs et pourcentages)

 

1996

1997

1998

1999

Recettes

228,5

100,0

243,5

100,0

254,1

100,0

257,6

100,0

Cotisations métropole

153,3

67,1

158,4

65,0

165,5

65,1

171,3

66,5

Impôts et taxes affectés

45,1

19,7

50,6

20,8

53,9

21,2

57,2

22,2

Transferts reçus

1,5

0,6

1,5

0,6

1,5

0,6

1,6

0,6

Subventions de l'Etat

25,0

11,0

29,0

11,9

29,2

11,5

23,6

9,2

Produits financiers

 
 
 
 

0,2

0,1

0,2

0,1

Recettes diverses

0,7

0,3

0,7

0,3

0,3

0,1

0,3

0,1

Recettes DOM

3,0

1,3

3,4

1,4

3,6

1,4

3,4

1,3

Source : Direction de la sécurité sociale (DEEF)

A compter du 1 er janvier 1990, le déplafonnement des cotisations affectées à la branche famille pour les salariés a été total : le taux de cotisation est ainsi passé de 9 points plafonnés à 7 points déplafonnés, alors que le taux d'équilibre s'établissait à l'époque à 7,35 %. Il n'est pas inutile de rappeler que la Commission des comptes de la sécurité sociale ayant chiffré la perte de recettes à 7 milliards de francs par an, le Gouvernement s'était engagé à compenser intégralement cette perte. Cette compensation s'est faite la première année grâce à un prélèvement sur la taxe sur les tabacs affectée à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Elle a cependant cessé dès la deuxième année avec l'introduction de la CSG qui a conduit à abaisser à 5,4 %, au 1 er février 1991, le taux de cotisations affectées à la branche famille.

Pour les employeurs et travailleurs indépendants (ETI), les cotisations famille ont été totalement déplafonnées à compter du 1 er janvier 1998, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ; le taux est aujourd'hui identique à celui des salariés (5,4 %) et porte sur l'intégralité du revenu professionnel.

S'agissant des régimes spéciaux, le taux de cotisation est fixé par arrêté. Il est de 5,2 % depuis le 1 er janvier 1997 et exclut la part de cotisations affectées à l'action sociale et à la gestion.

Le total des cotisations a atteint 158,4 milliards de francs en 1997 et devrait s'élever à 165,5 milliards de francs en 1998 et 171,3 milliards de francs en 1999.

Après une forte chute en 1997, les cotisations prises en charge par l'Etat continuent à régresser mais de manière plus modérée en 1998 et 1999. Leurs montants passent ainsi de 12,9 milliards de francs en 1997 à 12,7 milliards de francs en 1998 et 12 milliards de francs en 1999. La Commission des comptes de la sécurité sociale explique la baisse observée en 1997 par la ventilation des mesures d'exonération sur les bas salaires sur l'ensemble des branches à compter de cet exercice, alors qu'en 1996, ces montants étaient affectés à la seule branche famille.

Les cotisations des employeurs progressent fortement en 1997 (+ 9,9 %) et leur évolution devrait rester soutenue en 1998 (+ 5,3 %) et 1999 (+ 4,6 %), en raison principalement de la reprise de l'activité économique. La croissance de la masse salariale du secteur privé a ainsi progressé de 3,2 % en 1997, 4,0 % en 1998 et pourrait, selon les estimations avancées par le Gouvernement, augmenter de 4,3 % en 1999 2( * ) .

Les cotisations personnelles des assurés (exploitants agricoles et travailleurs indépendants) connaissent une légère remontée de leur montant en 1998 (+ 2,5 %) et 1999 (+ 1,3 %) après une baisse de 4,6 % en 1997. Cette remontée s'explique principalement par le déplafonnement total de leurs cotisations famille, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale 1998 et entrée en vigueur au 1 er janvier 1998.

Les impôts et taxes affectés, les subventions de l'Etat

Les autres recettes de la Caisse nationale d'allocations familiales sont essentiellement les impôts et taxes affectés ainsi que les subventions de l'Etat qui représentent respectivement 53,9 milliards de francs et 29,2 milliards de francs en 1998, soit 21,2 % et 11,5 % du total des recettes de la branche famille.

Le produit de la CSG augmente fortement en 1997 en raison de l'élargissement de son assiette, puis évolue de manière contrastée en 1998 (- 0,6 %) et 1999 (+ 6,1 %). Le produit du prélèvement de 1 % sur les revenus des valeurs mobilières a été multiplié par quatre en 1998 du fait de l'alignement de son assiette sur celle de la CSG, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Les subventions de l'Etat correspondent à la prise en charge par l'Etat de prestations servies par la branche famille pour le compte de celui-ci : allocation aux adultes handicapés (AAH), aide à la scolarité et majoration de l'allocation de rentrée scolaire (6,3 milliards de francs en 1998).

La garantie de ressources prévu par l'article 34 de la loi famille n'a jamais fonctionné

L'article 34 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille prévoit une garantie de ressources spécifique à la branche famille, assurant à la CNAF des ressources au moins égales, chaque année, au montant qui aurait résulté de la législation et de la réglementation applicable à la date du 1er janvier 1993.

A ce titre, la Commission des comptes de la sécurité sociale est chargée de vérifier le maintien des ressources de la CNAF sur la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998. S'il est constaté que les ressources sont inférieures au montant évoqué, un versement de l'Etat équivalent à cette différence intervient selon les modalités prévues par la loi de finances établie au titre de l'année suivante. Jusqu'à présent, cette garantie de ressources n'a jamais joué, les différentes parties concernées (CNAF, ACOSS, Direction de la sécurité sociale, Ministère de l'agriculture, Direction du Budget) ne parvenant pas à s'accorder sur l'évaluation des pertes ou des gains de recettes enregistrés par la branche famille.

En réalité, deux interprétations de l'article 34 de la loi famille semblent possibles. D'une part, celle de la Direction du Budget qui considère qu'il faut retenir une appréciation globale des ressources de la Caisse nationale d'allocations familiales et qui estime que cette disposition ne s'applique pas seulement aux mesures pénalisantes. D'autre part, celle de la Caisse nationale d'allocations familiales qui considère qu'il faut retenir chaque catégorie de ressources séparément et souligne que la double garantie (article 34 de la loi famille et article L. 131-7 du code de la sécurité sociale) témoigne du souhait du législateur de prendre en compte les seules réductions de ressources, année après année.

Une analyse juridique sur ce point a été demandée au Conseil d'Etat par le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Une prochaine réunion des différentes parties intéressées interviendra après les résultats de cette analyse juridique.

b) Les dépenses de la branche famille

En 1997, les dépenses de la branche famille ont progressé de 8,1 % par rapport à 1996 pour atteindre 257,448 milliards de francs.

Cette évolution provient d'une croissance soutenue des prestations familiales en métropole (+ 5,6 %) en raison de l'augmentation de la majoration d'ARS, d'une poursuite de la progression des prestations dans les DOM (+ 6,8 %) et enfin d'un ajustement à la hausse de 3,4 milliards de francs du transfert versé à la branche vieillesse au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

En 1998, les dépenses devraient atteindre 255,088 milliards de francs, en diminution de 0,9 % par rapport à 1997.

Cette évolution s'explique par les diverses mesures d'économies prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (3,825 milliards de francs au titre de la mise sous condition de ressources des allocations familiales et 810 millions de francs au titre de la diminution de l'AGED) et par la fin de la montée en charge de la loi famille de 1994.

En 1999, les dépenses de la branche famille devraient s'élever à 253,6 milliards de francs, en diminution de 0,6 % par rapport à 1998. Cette évaluation n'intègre cependant ni la probable reconduction de la majoration de l'ARS, ni les mesures figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Si l'on enlève en 1998 cette majoration, l'évolution par rapport à 1998 devient positive et atteint + 2,0 %. Les dépenses au titre des prestations versées en métropole continuent de diminuer (- 3,0 %). En revanche, les transferts versés (AVPF et contribution au Fonds national de l'habitat) progressent de 3,9 %, ainsi que les dépenses de gestion administrative (+ 3,0 %) et d'action sociale (+ 2,6 %).

L'évolution des prestations familiales

Les prestations familiales (hors allocation aux adultes handicapés) versées par la branche famille en métropole, dans les DOM et à l'étranger, ont atteint 164,6 milliards de francs en 1997 et devraient s'élever à 163,7 milliards de francs en 1998 (y compris la majoration de l'ARS dont la reconduction a été annoncée en août 1998), soit 64,1 % de l'ensemble des dépenses de la branche.

Les prestations familiales en métropole

(en milliards de francs)

Année

1996

%

1997

%

1998

%

Prestations familiales métropole

149.269

1,0

157.662

5,6

156.486

- 0,7

Famille

138.805

- 0,5

146.157

5,3

144.372

- 1,2

Allocations familiales

68.723

- 0,3

69.823

1,6

67.067

- 3,9

Complément familial

9.685

- 1,7

9.550

- 1,4

9.728

1,9

Allocation jeune enfant

18.017

- 9,5

16.655

- 7,6

16.421

- 1,4

Allocation de logement familiale

14.620

1,0

14.761

1,0

15.285

3,6

Primes de déménagement ALF

23

 

23

 

23

 

Allocation de soutien familial

4.496

1,3

4.709

4,7

4.893

3,9

Allocation de parent isolé

4.409

- 2,6

4.411

0,0

4.285

- 2,9

Allocation de rentrée scolaire

5.412

- 34,4

8.627

59,4

8.591

- 0,4

Allocation parentale d'éducation

12.538

53,6

16.681

33,0

17.896

7,3

Allocation différentielle

158

- 8,1

132

14,9

184

1,1

Aides à la scolarité

720

 

737

 
 
 

Maternité

8.717

32,5

9.706

11,3

10.209

5,2

Allocation de garde d'enfant à domicile

1.697

81,3

1.890

11,4

1.467

- 22,4

AFEAMA

6.999

24,1

7.790

11,3

8.716

11,9

Allocation d'adoption

21

 

26

 

26

 

Invalidité

1.747

2,5

1.799

3,0

1.904

5,8

Allocation d'éducation spéciale

1.747

2,5

1.799

3,0

1.904

5,8

Commission des comptes - septembre 1998

La mise sous condition de ressources des allocations familiales, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale 1998, a véritablement changé de nature la politique familiale : en 1997, les prestations familiales en métropole versées sous condition de ressources représentaient 65,3 % du total des prestations familiale ; en 1998, ce chiffre est tombé à 22,4 %. On ne saurait mieux justifier a posteriori les craintes émises par le Sénat de voir de la sorte la politique familiale se transformer en une politique d'aide sociale.

Les bénéficiaires des prestations versées par la branche famille

Au 31décembre 1997, le nombre total d'allocataires atteint 10.826.000, dont 361.000 dans les DOM. 90,4 % de ces allocataires sont gérés par les CAF (9.785.000).

Plus de 36 % des allocataires tous régimes (3.945.000 métropole et DOM) ne relèvent pas du fonds national des prestations familiales (FNPF) : il s'agit de bénéficiaires de l'allocation logement sociale, de l'aide personnalisée au logement ou du revenu minimum d'insertion.

Sur les 5,8 millions de familles bénéficiaires du fonds national des prestations familiales (FNPF) en métropole :

77 % perçoivent les allocations familiales (4,5 millions),

17 % l'allocation pour jeune enfant longue (1 million),

15 % le complément familial (900.000)

12 % l'aide à la scolarité (705.000),

9 % l'allocation de soutien familial (531.000),

9 % l'allocation parentale d'éducation (525.000),

7,5 % l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (436.000),

près de 50 % l'allocation de rentrée scolaire (2,9 millions).

Le nombre de bénéficiaires d'une prestation de logement (6,1 millions) dépasse de 4 % le nombre de familles allocataires bénéficiaires du FNPF : 58 % des allocataires tous régimes en métropole perçoivent une prestation logement. 47 % des bénéficiaires d'une prestation logement perçoivent l'aide personnalisée au logement 2.844.000), contre 18 % pour l'allocation de logement familiale (1.175.000, ALF) et 35 % pour l'allocation de logement sociale (2.155.000). Avec le redéploiement des aides au profit de l'aide personnalisée au logement, la part des familles bénéficiaires de l'ALF dans l'ensemble des bénéficiaires du FNPF est passée de 35 % en 1978 à 19 % en 1997.

9 % des allocataires tous régimes en métropole perçoivent le revenu minimum d'insertion (956.000 bénéficiaires en métropole, 1.068.000 en incluant les DOM).

S'agissant de l'évolution récente des différentes prestations, deux éléments sont particulièrement notables : d'une part, la fin de la montée en charge de la loi famille, d'autre part, l'impact des mesures prises à l'occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

La loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille poursuivait principalement deux objectifs :

- améliorer les conditions d'accueil des jeunes enfants et permettre aux familles de mener au mieux leur projet familial en leur offrant la possibilité soit de cesser leur activité professionnelle, soit de la réduire pour élever un enfant ou de continuer à travailler en disposant d'aides plus importantes pour faire garder leurs enfants ;

- apporter une aide aux familles ayant de jeunes adultes à charge, notamment par l'extension des limites d'âge de versement des prestations.

La loi a ainsi :

- étendu le bénéfice de l'allocation parentale d'éducation (APE) aux familles de deux enfants et aux non-salariés, ainsi qu'à l'exercice d'une activité à temps partiel ;

- augmenté le montant des aides versées aux parents qui recourent à un mode de garde individuel de leurs enfants ainsi que celles versées aux structures d'accueil collectives et familiales : revalorisation de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et extension à la garde d'un enfant de 3 à 6 ans ; majoration de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA).

Cette loi devait avoir un coût total estimé de 9,3 milliards à la fin de l'année 1998 : le chiffre final devrait plutôt être proche de 15,2 milliards, soit un surcoût de près de 6 milliards de francs par rapport aux prévisions initiales.

Cependant, il apparaît que la montée en charge de l'AGED et de l'AFEAMA est terminée depuis la mi-1996, et celle de l'APE s'est achevée en 1997. Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale, les effets de la montée en charge se font donc encore sentir en 1998, 1999 devenant une " année normale " intégrant complètement les effets de la montée en charge de la loi famille.

Votre rapporteur souligne, à cet égard, une nouvelle fois que le surcoût pour la branche famille induit par la loi famille témoigne précisément du succès que cette dernière a rencontré, succès dont il convient de se féliciter. On ne saurait en effet s'affliger qu'une loi semble répondre manifestement aux attentes et aux besoins de la population 3( * ) .

Coût de la loi famille du 25 juillet 1994

Prestations

1994

1995

1996

1997

1998

(Métropole)

initial

réalisé

initial

réalisé

initial

réalisé

initial

actualisé

initial

actualisé

APE 2 enfants y compris économie sur APJE longue 4( * )

117

260

1 491

2 102

3 196

5 798

4 786

9 330

5 094

10 500

estimation de l'économie réalisée sur APJE longue

 
 
 

258

 

694

 

993

 

810

APJE (naissances multiples)

 
 
 

0

44

44

132

132

179

179

AGED

86

 

260

290

261

833

264

842

267

849

AFEAMA

154

 

463

603

463

749

469

759

475

767

FNAS (petite enfance)

 
 

650

380

1 302

802

1 978

1 146

2 667

1 606

allocation d'adoption

 
 

12

9

12

21

12

26

12

26

AVPF

 
 

23

32

215

385

446

846

648

1 287

Total

357

260

2 899

3 416

5 492

8 632

8 088

13 082

9 342

15 215

Evolution
initial/réalisé en %

 
 
 

+ 17,8

 

+ 57,2

 

+ 61,8

 

+ 62,9

(Source : Commission des comptes de la sécurité sociale - septembre 1998)

L'évolution des différentes prestations familiales en 1998 a été naturellement marquée par l'impact des décisions prises dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

La mise sous condition de ressources des allocations familiales s'est traduite par une économie de 3,825 milliards de francs en 1998 et évaluée à 5,1 milliards en année pleine.

La diminution de l'allocation de garde d'enfant à domicile a conduit à une économie évaluée à 810 millions de francs en 1998 et 1.080 millions de francs en année pleine.

Le versement des prestations familiales jusqu'à 19 ans pour toutes les familles ayant un enfant inactif ou dont la rémunération n'excède pas 55 % du SMIC a eu, quant à lui, un coût de 300 millions de francs en 1998 et de 570 millions de francs en année pleine.

Les éléments déterminant les évolutions des prestations familiales

Les évolutions annuelles des prestations familiales se partagent entre un élément volume et un élément prix. L'élément prix correspond, pour la majorité des prestations, à la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) à partir de laquelle sont calculées la plupart des prestations.

L'élément volume obéit à un ensemble de variables plus complexes : des facteurs démographiques, des facteurs économiques et l'évolution de la réglementation.

Parmi les facteurs démographiques, on distinguera l'influence de la natalité sur les prestations liées à la présence de jeunes enfants, de l'évolution plus générale du nombre d'enfants à charge et de la structure des familles :

- l'évolution du nombre des naissances influence particulièrement le nombre de bénéficiaires des prestations liées à la garde des jeunes enfants, de l'allocation parentale d'éducation et de l'allocation pour jeune enfant. Après deux années de hausse, la natalité est en léger recul en 1997 avec 725.000 naissances. Malgré cette baisse, la natalité demeure légèrement supérieure à celle des années 1993 (711.600) et 1994 (711.000), niveaux les plus faibles de ces cinquante dernières années. L'indicateur conjoncturel de fécondité se situe à 171 (pour cent femmes), contre 178 en 1990. La descendance finale passe de 211 pour cent femmes de la génération née en 1950 à 205,5 pour les femmes nées en 1958 (données 1996) ;

- la diminution du nombre de familles nombreuses et le remplacement des générations d'effectifs importants par des générations d'effectifs plus faibles ont une influence négative sur l'évolution du nombre des bénéficiaires des allocations familiales et du complément familial. En sens inverse jouent l'allongement de la scolarité et la modification des structures familiales qui résulte de la recomposition des familles ;

- l'évolution des naissances hors mariage (37,6 % des naissances en 1997 contre 30,1 % en 1990), des divorces ou de la recomposition des familles est à mettre en parallèle avec l'évolution des prestations liées à la monoparentalité.

Les facteurs économiques sont par exemple la reprise de l'emploi, la diminution du chômage, la croissance des salaires qui influent sur le versement des minima sociaux et des prestations versées sous condition de ressources.

Enfin, comme l'illustre la mise sous condition de ressources des allocations familiales, les modifications de la législation peuvent affecter profondément l'évolution du nombre de bénéficiaires de certaines prestations.

L'assurance vieillesse des parents au foyer

Instituée en 1972, l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) est une cotisation souscrite auprès de la branche vieillesse par la branche famille au profit des parents ayant élevé des enfants et qui sont restés inactifs pendant les périodes d'affiliation. L'effet de l'AVPF est double : elle allonge la durée des cotisations et elle augmente le salaire de référence lorsque l'assiette totale est inférieure au plafond de la sécurité sociale.

L'AVPF se traduit par un versement de 20 milliards de francs environ (21,5 milliards de francs en 1999) de la branche famille à la branche vieillesse.

Votre rapporteur s'était interrogé l'année dernière sur la justification réelle de ce qui s'apparente à un transfert financier massif de la branche famille vers la branche vieillesse.

Un rapport sur l'AVPF et les avantages familiaux entrant dans le calcul des droits à la retraite avait été demandé le 12 mai 1997 à l'Inspection générale des affaires sociales par M. Jacques Barrot, Ministre du travail et des affaires sociales, et M. Hervé Gaymard, Secrétaire d'Etat à la sécurité sociale.

Ce rapport, rédigé par M. Jean-François Chadelat, a été publié en décembre 1997. Une partie des analyses qu'il formule ont été reprises dans le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale d'octobre 1998.

La cotisation d'assurance vieillesse d'AVPF versée par la CNAF constitue la première étape d'un long processus temporel qui conduira in fine la CNAVTS à servir des prestations vieillesse aux bénéficiaires. Comme le note l'IGAS, " ce processus est, somme toute, tout à fait analogue à celui qui conduit une cotisation versée par l'employeur d'un salarié à générer un élément de la prestation de retraite dont bénéficiera ce salarié ".

Le rapport évalue entre 2,7 et 2,9 milliards de francs le coût actuel de l'AVPF pour la CNAVTS. Il comporte plusieurs estimations du coût annuel futur de l'AVPF pour la CNAVTS à divers horizons temporels. Ces estimations, qui résultent de calculs convergents, à droit constant, utilisant des hypothèses démographiques et comportementales, sont, en francs de 1996, les suivantes :

- 29,6 milliards de francs, à démographie de 1996, au terme de la montée en charge de l'AVPF ;

- 28 milliards de francs à horizon 2015, à démographie 2015 ;

- 50 milliards de francs à horizon 2035/2040.

Même s'il comprend les principes qui prévalent au calcul de l'AVPF, votre rapporteur se demande s'il est véritablement raisonnable de faire financer aujourd'hui à hauteur de 20 milliards de francs la branche vieillesse par la branche famille.

En effet, dans un régime en répartition, les sommes ainsi versées par la branche famille sont utilisées à financer les dépenses immédiates de la branche vieillesse et à réduire son déficit comptable. Elles apportent un ballon d'oxygène artificiel à cette branche mais génèrent des droits futurs qui pèseront très lourd, à un moment où les régimes d'assurance vieillesse seront déjà fortement déséquilibrés par les évolutions démographiques. C'est en quelque sorte le contraire de la " répartition provisionnée " !

D'une certaine façon, l'AVPF est, pour la branche vieillesse, une forme de vie à crédit, avec les risques que cela comporte le jour où il convient d'honorer ses engagements...

Votre rapporteur considère qu'il conviendrait plutôt de faire supporter à la branche famille, année après année, les sommes que coûtent effectivement à la branche vieillesse les avantages accordés aux parents au titre de l'AVPF : le transfert de la branche famille à la branche vieillesse croîtrait ainsi progressivement de 3 milliards de francs aujourd'hui à plusieurs dizaines de milliards de francs dans quelques décennies, au moment même où les besoins se feront véritablement sentir.

Une autre solution consisterait à accumuler les sommes versées aujourd'hui dans une forme de fonds de réserve destiné à prendre en charge, le moment venu, ces avantages vieillesse accordés aux parents au foyer.

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