3. Des échéances rapprochées

La libéralisation progressive des échanges agricoles nécessite de la part de la France et de l'Europe un certain nombre de décisions. Cependant ces mesures, au-delà de leur aspect ponctuel, contribuent à fixer les précédents et les niveaux de référence dont l'Europe pourra se prévaloir ou qu'on lui opposera lors de futures négociations. C'est dire que la vigilance doit être grande sur les conditions de mise en oeuvre de l'accord de Marrakech. En effet, les processus nés du cycle l'Uruguay ne sont pas achevés, puisque l'accord de 1994 contient une clause de réouverture des négociations agricoles multilatérales dès 1999.

a) La pression des politiques agricoles mondiales

Les agricultures française et européenne sont, de manière évidente, de plus en plus concernées par l'évolution de la production et de la commercialisation chez leurs partenaires. Ainsi, la nouvelle politique agricole américaine et l'économie chinoise s'avèrent des éléments déterminants dans le nouveau cadre mondial de l'agriculture. Les potentialités agricoles de l'Union indienne pourraient, à moyen terme, devoir être prises en compte au niveau international.

L'Amérique de Nord s'oriente vers le marché

Notre collègue Alain Pluchet a, dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 1997, examiné avec précision l'origine et le contenu de la nouvelle politique agricole américaine 11( * ) . Le Fair Act américain (Federal agricultural and improvement act), signé le 4 avril 1996, s'inscrit dans un nouveau contexte puisqu'il va dans le sens d'une moins grande implication de l'État dans le secteur agricole et d'une plus grande place laissée au marché. Outre l'objectif d'équilibre du budget fédéral à l'horizon 2002, la loi de 1996 est résolument tournée vers une réelle ambition exportatrice et la dérégulation des soutiens par le découplage des aides et de la production, notamment dans le secteur des grandes cultures.

Les conséquences de cette nouvelle réglementation au niveau européen sont de deux ordres. En ce qui concerne le positionnement commercial, le Fair Act permet aux américains de se doter d'outils politiques conduisant de manière prévisible à une augmentation des volumes produits  ; de plus les cours mondiaux devraient être progressivement tirés à la baisse du fait du système d'aides fixes découplées de la production.

En matière de négociations internationales, l'abandon progressif des politiques de régulation américaines dans le domaine agricole risque fort de se traduire par des positions de plus en plus dures vis à vis des pays subventionnant leurs exportations, leur agriculture ou des structures étatiques contrôlant les marchés.

Votre rapporteur souhaite néanmoins indiquer que la mise en oeuvre de cette politique agricole, présentée aux européens comme libérale, s'effectue depuis le début de l'année 1998 dans un contexte très interventionniste.

En effet, au mois de juillet dernier, l'administration américaine a acheté environ deux millions de tonnes de blé pour venir en aide aux agriculteurs victimes des mauvaises conditions météorologiques et de la chute de prix. Parallèlement, le Sénat américain a voté 500 millions de dollars de compensations pour les agriculteurs les plus touchés par la crise, notamment dans le Dakota et le Minnesota.

Si " ces mesures d'urgence " ne constituent pas une mise en cause du Fair Act, il n'en demeure pas moins vrai qu'elles démontrent une certaine tendance de l'exécutif, quel qu'il soit, à intervenir en matière agricole.

La Chine, partenaire incontournable du troisième millénaire

Pendant les années 1970, la stagnation de la production agricole et l'augmentation des importations de céréales vivrières ont conduit ce pays à transformer son agriculture pour la faire entrer dans l'économie de marché. Ces réformes ont suscité un accroissement notable de la production agricole. D'importatrice nette de produits alimentaires et agricoles, la Chine est devenue exportatrice nette.

Alors que le changement radical de politique agricole avait aidé à faire reculer sensiblement la pauvreté générale dans le pays pendant la première moitié de années 80, le ralentissement de la croissance de l'agriculture pendant la seconde moitié de la décennie a maintenu la pauvreté rurale à un niveau constant.

Les responsables de la politique agricole craignent que l'effet conjugué du prix d'achat relativement faibles des céréales livrées à l'État, de la forte hausse du prix des engrais et des autres intrants ainsi que de l'ouverture de nouveaux créneaux économiques dans divers secteurs ne réduisent les investissements privés dans l'agriculture et la superficie consacrée à la céréaliculture.

L'écart entre les revenus ruraux et les revenus urbains se creuse, ce qui accélère l'exode rural. Pour remédier à ces problèmes, le Gouvernement tente d'améliorer l'approvisionnement en intrants, de développer les réseaux d'irrigation et les infrastructures connexes, d'accroître les investissements dans la production d'engrais minéraux et de renforcer les services d'éducation, de recherche et de vulgarisation agricoles.

De nombreux observateurs, tant en Chine qu'à l'extérieur, s'inquiètent de l'impact que va avoir l'immense population chinoise sur la production agricole et la demande d'importation de produits alimentaires, notamment de céréales.

La Chine sera de plus en plus active sur les marchés agricoles mondiaux. Si elle réussit à maintenir un taux de croissance stimulé par un volume d'exportation proche du taux actuel, les marchés internationaux en seront profondément affectés. Quoi qu'il en soit, la Chine jouera, pendant le siècle prochain, un rôle primordial dans le commerce agricole mondial.

L'Inde, quatrième producteur agricole dans le monde

Les négociations du GATT et la naissance de l'OMC ont polarisé l'attention, dans nos pays, sur les échanges mondiaux de produits agro-alimentaires, faisant ainsi oublier certains grands pays producteurs comme l'Inde, qui dispose d'un potentiel de production extrêmement important.

Rappelons que la surface agricole utile de l'Union indienne est de 180 millions d'hectares, dont près d'un tiers est irrigué. L'agriculture de ce pays concerne 60 % des actifs, soit 190 millions de personnes.

L'Inde ayant développé une politique active d'autosuffisance alimentaire depuis le milieu des années 60, on peut estimer qu'elle se présentera dans les années à venir sur les marchés internationaux, notamment dans le domaine des céréales. Les surplus croissants fondent ainsi de brillants espoirs d'exportation pour le blé et le riz, compte tenu du régime des prix intérieurs, très en-dessous des cours mondiaux.

Néanmoins, le débat sur les orientations plus ou moins libérales de la politique alimentaire indienne est loin d'être clos. Face aux besoins croissants des Indiens, l'Union indienne s'interroge encore sur la meilleurs façon d'y faire face : faut-il recourir aux importations massives, ou bien faut-il développer encore plus la protection nationale ? Au-delà du problème de l'équilibre entre l'offre et la demande, c'est toute la spécialisation de l'agriculture indienne qui est en question.

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