TITRE II
-
LES FONDS DE RETRAITE

Art. 14
Définition des fonds de retraite

Cet article prévoit les conditions dans lesquelles les fonds de retraite seront constitués.

Les fonds de retraite sont des personnes morales, ayant pour objet exclusif, la couverture des engagements pris dans le cadre des plans de retraite.

On notera que MM. Philippe Marini, Jacques Bimbenet, Maurice Blin, Jean Chérioux, Jean Clouet, André Fosset et Bernard Seillier, dans leur proposition de loi tendant à permettre la création de fonds de pension 27( * ) , imaginaient un système différent d'organismes habilités, soit de manière générale (entreprises d'assurance, mutuelles, institutions de retraite et de prévoyance), soit par habilitation (établissements de crédit).

L'article 14 précise que ces fonds seront impérativement constitués sous l'une des quatre formes suivantes :

- société anonyme d'assurance ;

- société d'assurance mutuelle ;

- institution de prévoyance ;

- organisme mutualiste.

De cette manière, les fonds ne sont pas des " objets juridiques non identifiés ".

Lorsque le fonds de retraite est constitué sous la forme d'une institution de prévoyance régie par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, le chapitre II du titre III du livre IX de ce code est applicable aux plans de retraite souscrits auprès de ce fonds.

Ces dispositions concernent notamment les opérations " collectives à adhésion facultative et les opérations individuelles ".

Lorsque le fonds est constitué sous une autre forme juridique, les titres premier, III et IV du livre premier et le titre IV du livre V du code des assurances sont applicables aux plans de retraite. Toutefois, lorsque le fonds de retraite est constitué sous la forme d'un organisme mutualiste régi par le code de la mutualité, les dispositions de ce code relatives aux obligations réciproques des organismes et des adhérents (art. L. 121-2, L. 122-2, L. 122-3 et L. 321-2) sont applicables lorsqu'elles sont compatibles avec les dispositions précitées du code des assurances.

Le titre premier du livre premier du code des assurances est relatif aux " règles communes aux assureurs de dommages non maritimes et aux assurances de personnes ". Pour l'essentiel, il s'agit des règles relatives au droit du contrat, aux dispositions impératives qui s'y rattachent et aux obligations de l'assureur et de l'assuré.

Le titre III du livre premier du code des assurances a trait aux règles relatives aux assurances de personnes et aux opérations de capitalisation et le titre IV de ce même livre est relatif aux assurances de groupe.

A la suite des deux propositions de loi soumises à son examen, votre commission ne vous propose pas de préciser davantage les règles applicables aux fonds de retraite. Le principe général est que les règles posées dans les différents codes s'appliquent aux fonds, sauf dispositions contraires expressément prévues.

Les fonds auront à leur bilan une gestion des passifs (engagements à l'égard des adhérents) et une gestion des actifs (titres de portefeuille, valeurs mobilières de placement, instruments placés dans le public).

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 15
Agrément des fonds de retraite

Cet article décrit les conditions générales d'agrément des fonds de retraite.

Les fonds de retraite sont soumis à l'agrément du ministre chargé de l'économie, sous forme d'un arrêté.

Le principe d'un arrêté conjoint (ministre de l'économie, ministre chargé de la sécurité sociale), lorsque le fonds de retraite est constitué sous la forme d'institutions de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale, est apparu à votre rapporteur trop complexe du point de vue administratif.

L'arrêté est pris après avis de la commission de contrôle des fonds de retraite instituée à l'article 16.

Pour accorder ou refuser son agrément, le ministre prend en compte les moyens techniques et financiers dont la mise en oeuvre est proposée et leur adéquation au programme d'activités de l'entreprise ou de l'institution, l'honorabilité et la qualification des personnes chargées de la conduire, la répartition de son capital et la qualité des actionnaires ou, pour les sociétés d'assurance mutuelle, les organismes mutualistes et les institutions de prévoyance, les modalités de constitution de son fonds d'établissement.

Les modalités plus techniques seront définies par un décret d'application.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 16
Commission de contrôle des fonds de retraite

Cet article détermine les conditions d'exercice du contrôle de l'Etat en instituant une commission de contrôle des fonds de retraite.

Au lieu de prévoir la création pure et simple d'une nouvelle commission, il apparaît préférable d'utiliser des compétences déjà existantes. Le paragraphe I prévoit la constitution d'une commission ad hoc, composée par la réunion de la commission de contrôle des assurances (cinq membres) et de la commission de contrôle des institutions de prévoyance (cinq membres), ainsi que de deux membres de la commission des opérations de bourse. Cette commission prendra le nom de " commission de contrôle des fonds de retraite ".

Le contrôle de l'Etat sur les fonds de retraite s'appuie sur des dispositions déjà existantes du code des assurances. Il s'effectue dans les conditions suivantes :

•  Le ministre chargé de l'économie et des finances peut exiger la communication des documents à caractère contractuel ou publicitaire.

S'il apparaît qu'un document est contraire aux dispositions législatives ou réglementaires, il peut en exiger la modification ou en décider le retrait après avis de la commission consultative de l'assurance, ou d'office en cas d'urgence (art. L. 310-8 du code des assurances).

•  Le financement du contrôle est assuré au moyen de contributions, proportionnelles au montant des primes ou cotisations, définies annuellement par l'autorité administrative (art. L. 310-9 du code des assurances).

•  L'article L. 310-12-1 du code des assurances a trait à la commission de contrôle des assurances. Son deuxième alinéa prévoit que celle-ci comprend un membre du Conseil d'Etat ayant au moins le rang de conseiller d'Etat ; son cinquième alinéa prévoit que deux membres sont choisis en raison de leur expérience et matière d'assurance et de questions financières ; son dixième alinéa prévoit que les membres de la commission ne peuvent pendant la durée de leur mandat et dans les cinq ans qui suivent l'expiration de celui-ci recevoir de rétribution d'une entreprise d'assurance.

•  L'article L. 310-13 prévoit les modalités du contrôle ;

•  L'article L. 310-14 prévoit le droit d'investigation de la commission ;

•  L'article L. 310-15 prévoit les cas d'extension du contrôle aux filiales d'une société d'assurance ;

•  L'article L. 310-16 prévoit le contrôle sur place ;

•  L'article L. 210-17 donne à la commission un droit de mise en garde et d'injonction ;

•  L'article L. 310-18 prévoit la liste des sanctions disciplinaires et pécuniaires. Ces sanctions sont :

- l'avertissement ;

- le blâme ;

- l'interdiction d'effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l'exercice de l'activité ;

- la suspension temporaire d'un ou plusieurs dirigeants de l'entreprise ;

- le retrait total ou partiel d'agrément ;

- le transfert d'office de tout ou partie du portefeuille des contrats ;

- des sanctions pécuniaires.

Dans tous ces cas, la commission statue après une procédure contradictoire.

•  L'article L. 310-18-1 concerne le cas particulier des sociétés de réassurance et de participations d'assurance.

•  L'article L. 310-19 prévoit de délier les commissaires aux comptes de leur obligation de secret professionnel à l'encontre de la commission.

•  L'article L. 310-20 autorise les informations réciproques des organismes de contrôle financier.

•  L'article L. 310-21 soumet les membres de la commission au secret professionnel.

•  L'article L. 310-22 autorise la commission de contrôle, lorsqu'elle relève des faits de nature à justifier des poursuites pénales, à transmettre le dossier au procureur de la République.

•  L'article L. 310-23 autorise la commission, lorsqu'elle relève des pratiques anticoncurrentielles, à saisir le Conseil de la concurrence.

•  L'article L. 310-25 prévoit que seule la commission de contrôle peut demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre d'une entreprise d'assurance.

•  L'article L. 310-26 est inapplicable, puisqu'il vise le cas d'infractions à l'article L. 310-10, qui n'est pas applicable aux fonds de retraite.

•  L'article L. 310-27 sanctionne l'exercice illégal de l'assurance.

•  L'article L. 310-28 prévoit les cas d'entraves au contrôle,

•  Les précédentes dispositions sont applicables aux territoires d'outre mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte (art. L. 310-11 du code des assurances).

Le paragraphe II prévoit que des obligations déontologiques s'appliquent aux membres de la commission, leur interdisant de recevoir directement ou indirectement des rétribution d'un fonds de retraite ou d'une entreprise d'investissement.

Le paragraphe III prévoit que cette commission établit un rapport annuel, adressé chaque année au Président de la République et au Parlement.

Au-delà des modalités de contrôle, il sera certainement utile que ce rapport apprécie, en toute objectivité, la " montée en charge " du dispositif et les insuffisances éventuelles de la loi et des textes d'application. Votre rapporteur n'a pas prévu de dispositif d'évaluation spécifique de la loi, le rapport de la commission de contrôle des fonds de retraite jouera également ce rôle.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 17
Choix du fonds de retraite

Cet article précise que le choix du fonds de retraite fait l'objet d'une mise en concurrence.

Dans l'esprit de votre rapporteur, l'accord collectif constituera le " protocole " ou le " règlement " du plan de retraite. Une fois les partenaires sociaux d'accord sur un cahier des charges, ils chercheront à déterminer quel fonds propose le plan de retraite correspondant le mieux à leurs attentes.

Dans ces conditions, l'accord collectif peut difficilement préciser le nom du fonds de retraite choisi, alors qu'il s'agit d'un élément d'information très important pour les futurs adhérents.

L'article 17 prévoit, en conséquence, qu'un avenant à l'accord collectif précise le nom du fonds de retraite ; en cas d'absence d'accord collectif, la décision de l'employeur devra mentionner le fonds retenu, après mise en concurrence. Votre rapporteur n'a pas souhaité préciser les conditions de mise en concurrence. Selon la taille des entreprises, les partenaires sociaux pourront décider de la constitution d'une association d'épargne retraite au sein de l'entreprise ou recourir au comité d'entreprise. Ces structures peuvent être chargées du choix du fonds de retraite.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 18
Modalités de réexamen du choix du fonds de retraite

Cet article précise les conditions de réexamen du choix du fonds de retraite.

L'accord collectif, ou à défaut la décision de l'employeur, précisera dans quelles conditions et selon quelle périodicité le choix du fonds de retraite peut être réexaminé. Cette règle est tout à fait fondamentale, d'une part pour des raisons de concurrence et, d'autre part, pour que l'employeur et les adhérents ne soient pas engagés pour une durée trop longue à l'égard d'un fonds de retraite dont la gestion serait peu satisfaisante. Le réexamen doit avoir lieu au moins tous les cinq ans.

Seul, le souscripteur (l'employeur) a le pouvoir de changer de fonds de retraite ; dans ce cas, l'article 18 prévoit un transfert sans pénalité vers le nouveau fonds de retraite des droits et obligations attachés à ce plan.

Dans tous les cas, l'employeur aura tout bénéfice à s'appuyer sur l'avis des adhérents du plan de retraite présents au sein du conseil de surveillance.

Un décret précisera dans quel délai et selon quelles modalités le transfert s'effectue d'un fonds de retraite vers un autre.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 19
Délégation de la gestion des actifs

Cet article prévoit les conditions de réexamen du choix des entreprises d'investissement, gérant pour compte de tiers les actifs des fonds de retraite.

Les gestionnaires pour compte de tiers seront ainsi des entreprises d'investissement, agréées pour effectuer à titre principal les services d'investissement visés au d de l'article 4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières. Les fonds auront tout avantage à déléguer la gestion de leurs actifs à des sociétés de gestion financière.

La périodicité du réexamen du choix des entreprises d'investissement -qui est de la responsabilité des fonds de retraite- ne peut excéder cinq ans.

Cette disposition, s'explique également pour des raisons de concurrence et de sécurité. Elle reprend l'esprit du paragraphe I de l'article 12 de la loi Thomas, adopté à l'initiative de la commission des finances du Sénat.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 20
Protection des intérêts des adhérents

Cet article assure la protection des intérêts des adhérents vis-à-vis des actionnaires et des dirigeants des fonds de retraite.

Les sommes placées dans les plans de retraite, gérées par les fonds de retraite, ne seront peut-être pas tout de suite d'un montant considérable. Mais, dans un avenir que votre rapporteur espère proche, les fonds pourraient représenter potentiellement une importance financière considérable sur les marchés, notamment dans les batailles boursières qui peuvent se produire dans telle ou telle situation de la vie des entreprises.

Les gérants doivent naturellement défendre, avant toute chose et exclusivement, les intérêts des adhérents.

Le paragraphe I relatif aux obligations pesant sur les gestionnaires des actifs prévoit l'obligation d'exercer les droits de vote attachés aux titres donnant, directement ou indirectement, accès au capital de sociétés détenues par le fonds.

Toutefois, il convient de prévoir une dérogation lorsque l'exercice collectif des droits de vote entraînerait des coûts disproportionnés pour le fonds.

Le paragraphe IV dispose qu'un décret précisera ces dérogations ; afin d'encadrer sa rédaction, votre rapporteur précise qu'il s'agit principalement des cas où l'exercice effectif des droits de vote entraînerait des déplacements à l'étranger, sans proportion avec l'importance de ces titres dans le total du portefeuille ou lorsque l'exercice effectif de droits de vote serait trop compliqué.

Le paragraphe II détermine les obligations pesant sur les fonds de retraite, une distinction étant faite entre les actionnaires et les dirigeants.

Les actionnaires doivent s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres au détriment des adhérents du fonds. Cette distinction ne s'applique en réalité qu'aux sociétés anonymes d'assurance.

Les dirigeants des fonds sont censés faire prévaloir, dans tous les cas, l'intérêt des adhérents et, le cas échéant, être en mesure de conserver leur autonomie de gestion.

Le paragraphe III précise que les trois types d'obligations sont sanctionnés sur le plan disciplinaire, par la Commission des opérations de bourse, qui pourra, le cas échéant, infliger des sanctions pécuniaires. Le non respect de ces obligations sera susceptible, si un préjudice est établi, de donner lieu à des actions civiles.

Ces dispositions correspondent à un article adopté par la commission des finances lors de la discussion en première lecture de la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite et qui, légèrement modifié par l'Assemblée nationale, est devenu l'article 13 de la loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 21
Assujettissement des fonds de retraite à l'impôt sur les sociétés

Cet article assujettit dans les conditions de droit commun, les " fonds de retraite " à l'imposition sur les sociétés.

Les fonds de retraite étant susceptibles d'être constitués sous plusieurs formes juridiques (sociétés d'assurance, sociétés d'assurance mutuelle, institutions de prévoyance, organismes mutualistes), il est nécessaire d'assurer, sur le plan fiscal, une égalité de traitement. En l'absence d'une telle disposition, les fonds de retraite ne seraient pas placés dans la même situation.

En effet, si les sociétés d'assurance sont assujetties à l'impôt sur les sociétés dans des conditions de droit commun, les mutuelles du code de la mutualité sont assujetties à l'impôt sur les sociétés, mais dans des conditions dérogatoires au droit commun. Quant aux institutions de prévoyance, elles ne sont pas assujetties.

Dans ce but, l'article 21 propose d'assujettir les fonds de retraite à l'impôt sur les sociétés.

Cet assujettissement a des conséquences ; les fonds de retraite seront également soumis à la taxe professionnelle, à la taxe d'apprentissage, à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), à la taxe sur les salaires, à la taxe sur les véhicules de société et aux droits d'enregistrement.

Votre commission vous proposer d'adopter cet article ainsi rédigé.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page