D. ENRAYER LE DÉCLIN DES ZONES PRIORITAIRES

1. Service public : la sortie du moratoire ?

Interrogée par votre rapporteur spécial sur l'éventualité d'une levée du moratoire sur la fermeture des services publics en milieu rural, la DATAR a transmis la réponse suivante :

" Le moratoire opposable aux fermetures de services publics en milieu rural, qui avait été décidé le 10 mai 1993, a été régulièrement prolongé. Il concerne toutes les communes dont la population agglomérée ne dépasse pas 2000 habitants. Il vise " tous les services publics de proximité de l'Etat " comme par exemple l'éducation nationale, et les " entreprises publiques placées sous la tutelle de l'Etat et chargées d'une mission de service public de proximité ", comme la Poste, EDF ou France Télécom.

Il suspend " la fermeture ou la réduction des services publics ainsi que la réorganisation aboutissant à une diminution significative du service rendu ". En revanche, les réorganisations internes, qui n'ont pas d'effet sur les services ou les bureaux directement en contact avec le public ou sur les prestations rendues aux usagers, n'entrent pas dans le champ du moratoire. Toutefois, ce moratoire ne saurait être immuable, sous peine d'entraîner des blocages préjudiciables à la qualité du service rendu aux usagers, et le dispositif prévu par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 est destiné à répondre à cette préoccupation.

L'adoption de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire à donné un cadre législatif nouveau à l'action des services publics comme élément d'aménagement du territoire, par ses articles 28 et 29 relatifs aux commissions et schémas départementaux d'organisation et d'amélioration des services publics, aux obligations des entreprises et organismes publics et aux études d'impact et procédures contraignantes applicables en cas de non respect de ces obligations. C'est dans ce cadre, qui doit établir un mode de relations plus équilibré qui tienne compte à la fois des contraintes des prestataires et des besoins des usagers des services publics, que s'inscrira la levée du moratoire.

La loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, en son article 29, a introduit la notion de contrat de service public qui pose le principe d'égal accès des citoyens sur l'ensemble du territoire à des services publics de qualité et fixe les modalités de la prise en compte des objectifs d'aménagement du territoire et de services rendus aux usagers par les établissements et organismes publics ainsi que les entreprises nationales placées sous la tutelle de l'Etat et chargées d'un service public.

Le décret d'application , dont le texte a été approuvé lors du CIADT du 10 avril 1997 a été transmis au Conseil d'Etat qui a émis des observations sur sa rédaction.

Les négociations avec les organismes publics concernés qui revêtent un enjeu majeur en terme d'aménagement du territoire, ont d'ores et déjà été engagées :

- les contrats de service public d'EDF et GDF ont été approuvés par les commissions consultatives et les conseils d'administrations respectifs des deux entreprises et signés en mai 1997. Ils sont intégrés aux contrats de plan conclu entre l'Etat et ces entreprises publiques ;

- le contrat d'objectifs et de progrès de la Poste a été signé le 25 juin 1998, il prévoit un chapitre sur l'aménagement du territoire ayant valeur de contrat de service public ;

- le contrat de progrès de l'ANPE a été signé le 28 janvier 1999 ;

- des premiers contacts ont été pris avec la SNCF et France
Télécom ;

- s'agissant de la Banque de France qui relève également de l'application des articles 28 et 29, les négociations sont également pendantes.

Il n'y a aucun dossier qui a été transmis pour arbitrage aux ministres concernés.

La loi n°99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire a renforcé ce dispositif.

Par ailleurs, le CIADT du 15 décembre 1998 a adopté un suivi tant national que départemental de l'évolution territoriale des services publics.

Des circulaires d'application sont en cours de signature et le décret mentionné à l'article 30 sera prochainement présenté au conseil d'Etat. Les modifications du décret du 10 mai 1982 relatif aux rôle et pouvoir du préfet
ont été actées lors du comité interministériel de la réforme de l'Etat le 13 juillet dernier.

L'ensemble de ces dispositions adopté permettra de sortir du moratoire. "


Votre rapporteur constate cependant que, dans certaines communes de moins de 2000 habitants, le moratoire n'a pas été respecté. L'égal accès de tous aux services publics n'est plus assuré.

En outre, votre rapporteur regrette que la DATAR semble avoir renoncé à l'idée de " zone d'administration simplifiée ", un temps évoquée par le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, qui semblait pourtant adaptée aux réalité des zones rurales à faible densité de population.

2. La péréquation : un objectif oublié

La loi du 4 février 1995 affirmait la nécessité d'une meilleure péréquation des richesses entre collectivités. Un instrument a été créé à cette occasion, le fonds national de péréquation (FNP).

La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 reprend à son compte l'objectif de péréquation et affirme, dans son article premier, que la politique d'aménagement du territoire " réduit les écarts de richesse entre les collectivités territoriales par une péréquation de leurs ressources en fonction de leurs charges et par une modulation des aides publiques ".

Toutefois, ce texte se contente d'une proclamation de principe et ne comprend aucune disposition permettant de le traduire en fait. Interrogée sur les outils permettant de mettre en oeuvre cet objectif par votre rapporteur spécial dans le cadre de son questionnaire budgétaire sur les crédits et les orientations de son ministère dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000, la ministre a répondu en récapitulant les différents dispositifs existants, sans élaborer de voies d'approfondissement de la péréquation.

La " réforme de la dotation globale de fonctionnement, afin de renforcer la solidarité entre les communes ", annoncée pour 1999 par le Premier ministre, lors du congrès de l'Association des maires de France tenu à l'automne 1998, n'a pas eu lieu.

De plus, votre rapporteur constate que, lorsque le gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale font un effort en faveur de la péréquation, ils reprennent d'une main ce qu'ils donnent de l'autre. En effet, la majoration de 150 millions de francs de la dotation de solidarité rurale prévue par l'article 34 quater du présent projet de loi de finances est financée par un prélèvement sur les ressources du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, qui bénéficie également aux communes rurales.

3. La modification des critères d'éligibilité à la PAT : une réforme pour rien ?

Lors de son audition par votre commission des finances, le 27 octobre 1999, la ministre de l'aménagement du territoire a souligné le faible montant des crédits de la PAT, en s'étonnant du contraste entre l'ampleur des sommes en jeu et la virulence des réactions des élus dont les territoires perdent l'éligibilité à cette prime.

La ministre raisonne " à l'envers ". Le contraste entre les montants en jeu et la virulence des élus témoigne au contraire de la précarité de la situation de certains territoires, dans lesquels les subventions les plus modiques ont une importance considérable. En outre, l'éligibilité à la PAT donne accès à des exonérations fiscales qui bénéficient à l'ensemble des entreprises installées dans les zones d'aménagement du territoire (ZAT) et pas seulement à celles qui perçoivent la PAT.

C'est pourquoi votre rapporteur spécial considère qu'une véritable réforme de la PAT aurait consisté à cibler l'éligibilité à cette prime sur les territoires dont le déclin économique est le plus rapide (ainsi qu'aux poches de développement situées au milieu de territoires en déclin) et à faire en sorte que les investissements réalisés dans ces territoires, dont le montant et le nombre de créations d'emplois qu'ils induisent sont modestes, puissent être éligibles à la PAT.

Or, en 2000, la PAT connaîtra deux évolutions contradictoires :

- une révision de la carte des zones éligibles qui exclut les territoires les plus ruraux ;

- une baisse des seuils d'éligibilités à 15 millions de francs d'investissement et 15 créations d'emplois (contre 20 millions de francs d'investissement et 20 créations d'emplois), qui va dans le bon sens, même si les seuils restent trop élevés pour que la prime puisse vraiment bénéficier aux investissements en zone rurale.

En revanche, les entreprises installées en zone PAT, les " zones d'aménagement du territoire ", pouvaient bénéficier d'exonérations fiscales (impôt sur les société, taxe foncière, taxe professionnelle). Elles devraient perdre ces avantages lorsque la nouvelle carte de la PAT entrera en vigueur.

Les " fonds régionaux pour l'emploi et le développement "

L'article 34 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 prévoit la création de fonds régionaux pour l'emploi et le développement. Interrogée sur ces fonds par votre rapporteur spécial, la DATAR lui a transmis la réponse suivante :

" Qu'ils relèvent de la PAT ou des zonages de discrimination positive (allégement fiscaux), les dispositifs d'aide à la création d'activité territorialisés ont un caractère automatique et sont attribués en fonction de critères définis au plan national. L'instauration de fonds régionaux pour l'emploi et le développement donneraient en revanche aux instances régionales un outil d'intervention plus proche des réalités de terrain adapté au contexte de chaque Région et correspondant aux responsabilités attribuées aux régions en matière de développement économique.

Les " fonds régionaux pour le développement et l'emploi " en tant qu'instrument des régions devraient être financés principalement sur les budgets de régions. Le Gouvernement examinera prochainement un rapport précisant l'articulation de ces fonds avec l'ensemble des interventions écomomiques des collectivités locales, les bases légales éventuelles au regard des législations communautaires, les conditions de contractualisation avec l'Etat.

A cette occasion, l'opportunité de la création d'une prime régionale à l'emploi, instaurée par contrat entre l'Etat et la Région, sera examinée. Une telle prime devrait être fondé en droit communautaire sur le régime d'encadrement des aides à l'emploi. Elle devrait tenir compte des conditions particulières du marché régional du travail. "

4. Soutenir la création d'entreprise dans les zones " cibles " de la politique d'aménagement du territoire

L'article 43 de la loi du 4 février 1995 a créé un instrument, le fonds national de développement des entreprises (FNDE), destiné à soutenir la création d'activité dans les zones " cibles " de la politique d'aménagement du territoire.

Ce fonds n'a toujours pas d'existence concrète. Il ne dispose pas, par exemple, d'un comité de gestion. Le gouvernement annonce l'avoir doté de 200 millions de francs lors du comité interministériel d'aménagement du territoire du 15 décembre 1997 10( * ) . En réalité, le CIAT s'est contenté de rassembler sous " l'étiquette " FNDE une série de mesures disparates en faveur des entreprises, dont seulement 15 %, soit 30 millions de francs, relevaient du budget de l'Etat.

L'effort budgétaire de l'Etat dans le FNDE se limite à 10 millions de francs de subventions aux associations de soutien à la création d'entreprises, provenant du FNADT, et à 20 millions de francs de subventions à des sociétés régionales de capital-risque, inscrits au budget du ministère de l'industrie et destinés à financer les frais de " petits " dossiers.

Constatant l'impasse dans laquelle se trouve le FNDE, votre rapporteur spécial, depuis bientôt deux ans, s'intéresse à l'action des associations d'aide à la création d'entreprise, notamment les plates-formes d'initiative locale.

Les plates-formes d'initiative locale

Des structures qui reposent sur l'initiative locale et l'implication du secteur privé

Les plates-formes sont des associations loi de 1901 qui distribuent des prêts d'honneur aux créateurs d'entreprise. Elles assurent également le suivi des créateurs et mettent en place des systèmes de parrainage . Elles se développent surtout dans les zones cibles de la politique d'aménagement du territoire (quartiers urbains difficiles, milieu rural) à l'initiative d'acteurs de terrains les plus divers. Selon les cas, il peut s'agir de chefs d'entreprise, d'associations, d'élus, d'enseignants ou encore de chambres de commerce.

La diversité des plates-formes se retrouve également dans l'origine des fonds qu'elles gèrent. Les subventions publiques occupent une place de moins en moins importante, au profit de fonds européens, d'aides de la Caisse des dépôts et surtout de fonds privés, essentiellement des dons d'entreprises ou de banques.

L'ensemble des partenaires participe à l'examen des dossiers, à l'attribution des prêts et, parfois, à l'accompagnement des jeunes chefs d'entreprises. Toutes les plates-formes (il en existe 170, 70 autres en préparation) sont présidées par un chef d'entreprise, en activité ou à la retraite.

Une efficacité incontestable

Le bilan de ces structures est encourageant
. Elles ont participé à la création de 2000 entreprises et de 5000 emplois 11( * ) . Le taux de survie à cinq ans des entreprises aidées approche les 80 %, soit deux fois plus que la moyenne nationale.

Le succès de l'expérience des plates-formes permet en outre de rappeler que la création d'entreprise aujourd'hui n'est pas réservée aux nouvelles technologies ou aux activités à forte valeur ajoutée : les entreprises aidées par les plates-formes sont principalement des petits commerces ou des prestataires de service.

L'utilité des plates-formes du point de vue de l'aménagement du territoire est également indéniable . Grâce aux plates-formes, des commerces sont créés ou maintenus en milieu rural, des emplois marchands sont créés dans des zones que le déclin économique conduit à vivre plutôt de subventions publiques, et des acteurs qui jusqu'ici s'ignoraient sont amenés à travailler ensemble (des entreprises et les services déconcentrés du ministère de l'emploi, des chômeurs et des banquiers, etc.), contribuant ainsi à créer de véritables dynamiques de développement local.

Les résultats obtenus par les plates-formes en font des partenaires solides des politiques publiques d'aide à la création d'entreprise. C'est pourquoi la DATAR a décidé, depuis plusieurs années, de verser une subvention de fonctionnement à la tête de réseau et d'apporter un soutien logistique au lancement de certaines plates-formes. Au total 10 millions de francs au titre du FNADT bénéficient aux plates-formes .

De même, la Caisse des dépôts leur consacre les crédits de son programme en faveur des très petites entreprises, doté de 100 millions de francs pour trois ans.

Les évolutions nécessaires

Aujourd'hui, les plates-formes ont atteint une taille qui les contraint à évoluer et à se professionnaliser. Ainsi, la plate-forme de la Réunion a obtenu la certification ISO 9002 . De même, la DATAR et les préfectures encouragent les plates-formes à se rassembler dans les endroits où elles sont trop nombreuses pour parvenir à lever suffisamment de fonds.

Il convient toutefois d'être vigilant et de ne pas remettre en cause la spécificité des plates-formes, c'est-à-dire le rôle déterminant des acteurs du secteur privé. A cet égard, la proposition formulée par le député Eric Besson, dans un rapport très complet sur les " très petites entreprises ", consistant à rassembler les structures d'aide à la création d'entreprise dans des " maisons de l'entrepreneur " créées au sein des chambres de commerce et des chambres de métiers fait courir un risque d'institutionnalisation de l'aide à la création d'entreprise, qui pourrait conduire à éloigner les acteurs privés.

L'action de ces associations pourrait être rendue plus efficace si des mesures intervenaient dans le sens d'une amélioration du statut de créateur d'entreprise et à une clarification de la législation applicable à l'aide à la création. Le chantier est vaste mais certaines mesures ponctuelles peuvent être prises dès maintenant.

Dans cette perspective, votre rapporteur spécial avait déposé, au mois d'avril 1999, un amendement au projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, tendant à permettre aux plates-formes qui aident à la création, mais également à la reprise d'entreprise, de bénéficier de l'agrément fiscal du ministère du budget.

L'agrément fiscal est important pour les plates-formes car il constitue pour elles un gage de sérieux vis-à-vis de leurs partenaires institutionnels et privés. Aujourd'hui, il est réservé aux plates-formes qui aident exclusivement à la création d'entreprise. Celles qui soutiennent également la reprise d'entreprise en sont exclues. En conséquence, certaines plates-formes renoncent à demander l'agrément fiscal car elles veulent continuer à pouvoir aider à la reprise d'entreprise qui, notamment en milieu rural, est fondamentale.

Notre collègue député Eric Besson a soumis le même amendement à la commission des finances de l'Assemblée nationale, lors de l'examen par celle-ci des amendements à la première partie du projet de loi de finances pour 2000 12( * ) . " Tout en notant l'intérêt de cet amendement ", le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale a émis un avis défavorable à son adoption et la commission l'a rejeté. L'amendement n'a pas été présenté en séance publique.

Votre rapporteur spécial se félicite du progrès, certes relatif, des idées favorables au soutien à la création d'entreprises et annonce son intention de déposer à nouveau son amendement à l'occasion de la discussion de la première partie du projet de loi finances pour 2000.

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