II. DES RÉFORMES IMPORTANTES ET NÉCESSAIRES DANS LE FONCTIONNEMENT DE L'ADMINISTRATION

A. LA RÉFORME DE LA CHAÎNE DES CONTRÔLES

La réforme de la chaîne des contrôles est le corollaire de la réussite de la LOLF, permettant de s'assurer tant de la régularité que de la souplesse des procédures.

La LOLF vise à responsabiliser davantage les gestionnaires de crédits en leur accordant une liberté accrue dans l'affectation des ressources. Afin que la culture de responsabilité et de performance puisse s'ancrer dans l'administration, il apparaît nécessaire de réformer l'organisation des contrôles selon deux axes : d'une part, le développement du contrôle de gestion et, de manière générale, des contrôles internes : en effet, ils constituent des outils indispensables pour permettre au gestionnaire de disposer d'éléments d'information fiables et complets sur la situation de son budget et les performances de son administration ; d'autre part, l'allègement des contrôles externes a priori , qui tendent à ralentir les procédures et à encadrer de manière trop immédiate la responsabilité des gestionnaires.

1. Le contrôle de gestion, corollaire indispensable de la réforme

Le développement du contrôle de gestion dans les administrations est un chantier dont le pilotage revient à la délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'Etat (DMGPSE), anciennement délégation interministérielle à la réforme de l'Etat (DIRE).

La circulaire interministérielle du 21 juin 2001 relative au contrôle de gestion indiquait que : « La recherche de la performance de la gestion publique vise à accroître le bénéfice que l'action de l'Etat procure à la société et à optimiser la qualité du service rendu à l'usager tout en s'inscrivant dans une politique budgétaire soutenable.

« Sa réussite passe par un renforcement de l'autonomie et de la responsabilité des gestionnaires sur la base d'objectifs et de moyens clairement définis assortis d'engagements sur des résultats.

« Elle est inscrite dans les démarches de budgétisation orientée vers les résultats, de modernisation de la fonction immobilière et d'élaboration des plans pluriannuels de modernisation qui ont été mises en oeuvre depuis plusieurs années.

« Une telle démarche, qui vise à passer d'une logique de moyens à une logique de résultats, comporte un volet interne à chaque administration : la structuration de ses activités autour des résultats attendus et l'organisation du dialogue de gestion entre l'administration centrale et les services sur ce fondement.

« Au-delà de cette dimension interne, l'orientation de la gestion vers les résultats vise à mieux éclairer les décisions de politiques publiques en fournissant des informations pertinentes sur les coûts et les résultats de chacune d'entre elles. Elle répond ainsi à une exigence accrue de transparence qui découle du principe démocratique. Elle s'accompagne d'une obligation de compte rendu à destination aussi bien du Parlement, qui décide des politiques publiques et alloue les moyens, que des différents niveaux d'administration chargés de les mettre en oeuvre. Elle rend nécessaire la prise en compte des résultats de l'action dans l'évaluation des personnels d'encadrement.

« Le comité interministériel à la réforme de l'Etat du 12 octobre 2000 a donné une nouvelle impulsion à cette démarche en faisant de la généralisation du contrôle de gestion dans les administrations de l'Etat un des axes centraux de la modernisation de la gestion publique.

« Il a inscrit cette démarche dans la perspective de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. L'orientation de la budgétisation vers les résultats rend en effet indispensable l'existence au sein des administrations d'un système de contrôle de gestion permettant le pilotage des services et la restitution des éléments d'appréciation des résultats des politiques publiques. Il importe que dès à présent chaque administration se prépare aux nouvelles règles de gestion induites par la réforme, en développant et en généralisant en son sein le contrôle de gestion. (...)

« Il nous paraît en effet essentiel que les responsables des services au sein de votre ministère considèrent le contrôle de gestion non seulement comme une obligation formelle mais comme une impérieuse nécessité qui requiert leur mobilisation et s'impose à eux comme le meilleur moyen pour optimiser le pilotage et le suivi des activités dont ils ont la charge ».

Dans un cahier des charges pour l'élaboration des nouveaux contenus des budgets ministériels, diffusé auprès des ministères par la direction du budget le 18 février 2002, il était précisé que : « le contrôle de gestion vise d'abord à piloter les résultats intermédiaires attendus de l'activité des services ; il est orienté vers le pilotage des résultats directs des actions plus que vers la mesure de l'impact final des politiques. Le document budgétaire ne pourra en général utiliser les matériaux du contrôle de gestion pour documenter la performance des programmes que moyennant une sélection, une synthèse et des compléments ».

Le développement du contrôle de gestion dans les administrations

Dans la préface du document relatif au « contrôle de gestion dans les administrations de l'Etat », édité en juin 2002 par la Délégation interministérielle à la réforme de l'Etat, M. Jacky Richard, délégué interministériel à la réforme de l'Etat indique que « destiné tant aux managers qu'aux contrôleurs de gestion, [ce document] est publié à un moment opportun pour deux raisons. D'une part, les ministères viennent de rédiger leurs « plans pluriannuels de développement du contrôle de gestion », comme le CIRE 38( * ) 2000 le leur avait demandé, et il s'agit à présent de largement diffuser la démarche. D'autre part, la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, qui met en place une budgétisation par objectifs, nécessite pour son application, comme l'a rappelé le CIRE du 15 novembre 2001, un mode de management des services qui s'articule sur les objectifs de performance définis au niveau des lois de finances. C'est ce que permet précisément le contrôle de gestion. La mise en place du contrôle de gestion pourra ainsi intervenir, j'en forme le voeu, avec une méthodologie adaptée au service public et partagée par les acteurs publics ».

Dans ce même document, les liens entre le contrôle de gestion et le réforme budgétaire sont précisés : « Si le développement du contrôle de gestion au sein des administrations participe d'une démarche générale d'amélioration de la gestion publique, la réforme budgétaire décidée par le Parlement exploite cette dynamique et lui donne une référence calendaire précise (...) .

« La loi organique du 1 er août 2001 traduit une évolution majeure de la gestion publique d'une logique de moyens vers une logique de performance . Défini à l'article 7 de la LOLF, le nouveau cadre d'autorisation budgétaire substitue le vote des crédits par programme ministériel (éventuellement regroupés au sein de missions interministérielles) au vote par nature de dépenses (titres et chapitres budgétaires actuels). Il ne s'agit pas là d'un simple changement de nomenclature puisque les programmes regrouperont désormais « les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auxquels sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation ». Le développement du contrôle de gestion dans les administrations permettra cette nouvelle logique de définition d'objectifs et de mesure des réalisations .

« Plusieurs autres dispositions de la LOLF impliquent un renforcement des pratiques de contrôle de gestion. L'article 27 exige de l'Etat la mise en oeuvre d'une « comptabilité destinée à analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes », tandis que l'article 30 fait des principes de comptabilité générale la règle et non plus l'exception (« les règles applicables à la comptabilité générale de l'Etat ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu'en raison des spécificités de son action »). Enfin, ce même article consacre l'abandon de la distinction « services votés/mesures nouvelles » et l'obligation de justification des crédits au premier euro.

« L'esprit de la réforme budgétaire tout comme ses principales dispositions sont donc autant d'incitations au développement des pratiques de contrôle de gestion dans les administrations. (...)

« La mise en place d'une « nouvelle discussion budgétaire et d'un contrôle modernisé, fondé sur des relations transparentes et confiantes avec l'administration » 39( * ) , est aussi l'un des objectifs majeurs poursuivis par les promoteurs de cette réforme. Le débat budgétaire devrait rapidement s'enrichir des documents indispensables à l'approfondissement de la fonction de décision et de contrôle exercée par le Parlement. Les « projets annuels de performance » préciseront, lors de l'examen du projet de loi de finances, les « actions, coûts associés, objectifs poursuivis, résultats obtenus et attendus pour les années à venir au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié » (article 51-5). Quant au suivi de l'exécution budgétaire, il sera amélioré par la lecture des « rapports annuels de performance » qui présenteront les « objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et coûts associés » des programmes .

« Dans ce cadre, le contrôle de gestion pourra faciliter le débat budgétaire en fournissant des indications, aussi précises que précieuses, sur l'activité des administrations. La finalité première des indicateurs est certes le pilotage par les responsables des ministères des activités de leurs services, mais la matière ainsi fournie par le développement du contrôle de gestion sera aussi utilement mise au service de la transparence des relations entre l'administration et la représentation nationale ».

Les liens entre le contrôle parlementaire et le contrôle de gestion sont également rappelés :

« Dans un premier temps, les documents budgétaires rédigés à l'intention du Parlement ne pourront en général utiliser les données fournies par le contrôle de gestion pour renseigner sur la performance des programmes qu'après avoir fait une synthèse et les avoir complétées par des enquêtes, notamment des enquêtes ad hoc portant sur les axes « qualité » et « impact » de la performance. Il est néanmoins souhaitable qu'à terme les systèmes d'information puissent fournir des données exploitables par le Parlement, y compris dans le domaine de la satisfaction des usagers et des résultats finaux de l'action de l'Etat, sans avoir recours à des enquêtes spécifiques ».

Enfin, la dimension culturelle du contrôle de gestion est mise en exergue :

« Traditionnellement, la gestion des activités de service public a privilégié la dimension technique. Bien faire la tâche à laquelle on est affecté, maîtriser l'aspect technique du fonctionnement, mobiliser les moyens nécessaires, ont constitué des préoccupations essentielles. Les éléments de nature économique étaient souvent négligés, même au moment de la construction budgétaire. Les décisions au quotidien n'étaient pas toujours reliés à des objectifs préétablis.

« Ces attitudes sont aujourd'hui considérées comme un frein à l'efficacité de fonctionnement des services publics et de l'administration. Il faut envisager une autre culture, celle du pilotage par la performance, la recherche régulière et continue des conditions d'atteinte des objectifs fixés, conformément au nouveau cadre de la gestion publique défini notamment par la loi organique relative aux lois de finances.

« Il est important de pouvoir mesurer régulièrement les réalisations, de les analyser et d'en déduire les adaptations éventuelles qui en découlent. Ainsi, le décideur pourra se retrouver en situation de mieux gérer l'événementiel.

« Cet état d'esprit est à développer, ou à renforcer, voire à généraliser. Ce changement de culture est fondamental pour assurer la qualité de service et l'optimisation de l'utilisation des ressources économiques.

« Il s'appuie également sur un comportement orienté vers l'usager. La modernisation de la gestion publique impose de prendre en compte les attentes des utilisateurs et de développer des offres de services de plus en plus personnalisées.

« Enfin, il suppose de savoir introduire des modes de travail plus collectifs et coopératifs qui permettent également de mieux placer une fonction, une activité à l'intérieur d'un processus complet de production. Il s'agit d'une condition fondamentale pour faciliter les échanges entre les acteurs, développer des liens et des relations qui sont à la base de la performance (...) ».

Les extraits relatifs au contrôle de gestion cités plus haut soulignent combien il est indispensable que soient définis au préalable les périmètres de responsabilité de chacun des acteurs. En ce sens, le développement du contrôle de gestion dans les administrations est inséparable des démarches de contractualisation (puisqu'il permet le pilotage des services par des objectifs et la mesure de l'activité et des résultats obtenus) et de responsabilisation des gestionnaires publics (puisqu'il permet d'identifier les sources d'inefficience et tend à développer la dimension stratégique de la gestion), à l'oeuvre dans l'administration. Il doit pleinement s'articuler avec les autres chantiers de la modernisation de la gestion publique et, en particulier, avec la mise en oeuvre de la LOLF .

2. La question du devenir du contrôle financier

Le contrôle portant sur les finances publiques est essentiellement, contrairement au contrôle de gestion, un contrôle externe. Il existe un contrôle a posteriori (exercé par les inspections générales et la Cour des comptes notamment) et un contrôle a priori (le contrôle financier), qui s'ajoutent aux contrôles du comptable public.

La mission du contrôle financier est définie par la loi du 10 août 1922. Pour tout acte émanant d'une autorité administrative ayant une incidence financière 40( * ) , le contrôleur financier doit vérifier :

- l'imputation budgétaire ;

- la disponibilité des crédits ;

- l'exactitude de l'évaluation de la dépense ;

- le respect des dispositions législatives et réglementaires ;

- les conséquences immédiates ou à terme des mesures proposées sur les finances publiques.

Extraits de la loi du 10 août 1922 relative au contrôle financier

Art. 3 - La comptabilité des dépenses engagées est tenue suivant les règles et dans la forme déterminées par un décret portant règlement d'administration publique rendu sur la proposition du ministre chargé des finances.

Les résultats de cette comptabilité sont fournis trimestriellement au ministre des finances et aux ministres intéressés, ainsi qu'aux commissions financières des deux chambres.

Cette communication est accompagnée d'un relevé explicatif, appuyé de tous renseignements utiles, des suppléments et des annulations de crédits que l'état des engagements pourrait motiver au cours de l'exercice. (...)

Art. 4 - Les contrôleurs des dépenses engagées donnent, au point de vue financier, leur avis motivé sur les projets de lois, de décrets, d'arrêtés, contrats, mesures ou décisions soumis au contreseing ou à l'avis du ministre des finances, ainsi que sur les propositions budgétaires et les demandes de crédits additionnels de toute nature des départements ministériels auxquels ils seront attachés. Ils reçoivent, à cet effet, communication de tous documents ou renseignements utiles.

Ces avis sont transmis au ministre des finances en même temps que les projets, propositions ou demandes auxquels ils se rapportent.

Art. 5 - Tous autres décrets, arrêtés, contrats, mesures ou décisions émanant d'un ministre ou d'un fonctionnaire de l'administration centrale et ayant pour effet d'engager une dépense sont soumis au visa préalable du contrôleur des dépenses engagées.

Le contrôleur les examine au point de vue de l'imputation de la dépense, de la disponibilité des crédits, de l'exactitude de l'évaluation, de l'application des dispositions d'ordre financier des lois et règlements, de l'exécution du budget en conformité du vote des chambres et des conséquences que les mesures proposées peuvent entraîner pour les dépenses publiques. A cet effet, il reçoit communication de toutes les pièces justificatives des engagements de dépenses.

Si les mesures proposées lui paraissent entachées d'irrégularité, le contrôleur refuse son visa. En cas de désaccord persistant, il en réfère au ministre des finances.

Il ne peut être passé outre au refus de visa du contrôleur que sur avis conforme du ministre des finances. Les ministres et administrateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l'encontre de cette disposition.

Le contrôleur est avisé sans délai de la suite donnée par le ministre ou ses délégués aux propositions qui lui ont été soumises.

Art. 6 - Aucune ordonnance de paiement ou de délégation ne peut être présentée à la signature du ministre ordonnateur qu'après avoir été soumise au visa du contrôleur des dépenses engagées. Les ordonnances non revêtues du visa du contrôleur sont nulles et sans valeur pour les comptables du Trésor.

Le contrôleur s'assure notamment que les ordonnances soumises à son visa se rapportent soit à des engagements de dépenses déjà visés par lui, soit à des états de prévisions de dépenses dont il a préalablement pris en charge dans ses écritures, et se maintiennent à la fois dans la limite de ces engagements ou états de prévisions et dans celles des crédits. Il reçoit communication de toutes les pièces justificatives des dépenses, ainsi que des états de liquidation et des demandes d'ordonnancement. Si les ordonnances lui paraissent entachées d'irrégularités, le contrôleur les vise avec observations.

En aucun cas, il ne pourra être procédé au paiement des ordonnances visées avec observations qu'après autorisation du ministre des finances.

Les ministres ordonnateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l'encontre des prescriptions du présent article.

Art. 7 - Chaque année, les contrôleurs des dépenses engagées établissent un rapport d'ensemble relatif au budget du dernier exercice écoulé, exposant les résultats de leurs opérations et les propositions qu'ils ont à présenter. Ces rapports sont dressés par chapitre budgétaire et par ligne de recettes. Ils sont, ainsi que les suites données aux observations et propositions qui y sont formulées, communiqués par les contrôleurs des dépenses engagées au ministre des finances et aux ministres intéressés et, par l'intermédiaire du ministre des finances, à la Cour des comptes et aux commissions financières des deux chambres. (...)

Le contrôle financier avait été créé à la demande du Parlement : le caractère a priori et systématique du contrôle ainsi exercé lui permettait en effet de s'assurer du respect de son autorisation budgétaire et de la conformité des actes avec les lois et les règlements .

L'organisation et la nature du contrôle financier ont évolué au cours des dernières années, afin notamment d'accompagner le mouvement de déconcentration de l'administration engagé au début des années 1990. Le décret n° 96-629 du 16 juillet 1996 relatif au contrôle financier déconcentré et l'arrêté du 29 juillet 1996 en définissant les modalités ont largement modifié le périmètre et l'organisation de ce contrôle. D'une part, celui-ci ne s'applique plus seulement à la gestion des crédits, mais également à celle des emplois. D'autre part, l'arrêté du 29 juillet 1996 dispose que des dépenses peuvent bénéficier de modalités allégées de contrôle, et faire l'objet d'un examen global prenant la forme d'un visa préalable d'un engagement comptable global et d'un examen des comptes rendus en fin d'exercice, ou encore se limiter à l'analyse de comptes rendus de gestion.

Le contrôle financier central voit son positionnement remis en cause par la LOLF et les évolutions, notamment informatiques, qui l'accompagnent. La question de son utilité dans le nouveau contexte créé par la LOLF est même posée , tant pour des raisons symboliques (le contrôle financier est généralement perçu comme un « censeur tatillon » par les ministères) que pratiques (l'émergence de systèmes informatiques intégrés tel ACCORD devrait rendre aisé le contrôle de la disponibilité des crédits; par ailleurs, les nouvelles missions confiées aux comptables par la LOLF semblent devoir réduire le champ d'intervention des contrôleurs financiers).

Logique de responsabilité et évolution des contrôles

Le document intitulé « contrôle de gestion dans les administrations de l'Etat », édité en juin 2002 par la Délégation interministérielle à la réforme de l'Etat, rappelle l'articulation du contrôle de gestion avec les autres formes de contrôle existantes, et notamment, le contrôle financier :

« Le système de contrôle est lié au mode de gestion. Dans une gestion publique où les gestionnaires disposent de peu d'autonomie, les contrôles sont principalement externes et portent d'abord sur la régularité des procédures plutôt que sur la mesure de la performance.

« Chacun des grands contrôles externes poursuit des objectifs spécifiques. Les contrôleurs financiers auprès des ministres vérifient, a priori, que la dépense envisagée n'excède pas l'autorisation parlementaire. Les autres contrôles (Cour des comptes, inspections interministérielles, inspections ministérielles) se font essentiellement a posteriori. Dans les établissements publics et sociétés nationales, les contrôleurs d'Etat exercent un contrôle « concomitant », mais leur rôle principal est d'assurer, par l'observation et le conseil, une représentation permanente de l'Etat au sein de l'organisme.

« Quoi qu'il en soit, la prédominance et la multiplicité des contrôles externes ne favorisent pas la responsabilisation du gestionnaire. Cela contribue à expliquer que le contrôle interne soit aujourd'hui encore peu développé dans les services de l'Etat. (...)

« La loi organique relative aux lois de finances modifie le cadre général de la gestion publique. Le mode de gestion évolue d'une logique de moyens à une logique de performance et accroît l'autonomie des gestionnaires, qui s'engagent en contrepartie sur des objectifs. Les formes de contrôle de la gestion évoluent en conséquence. A une typologie distinguant contrôle a priori et contrôle a posteriori pourrait se substituer une classification qui distingue contrôles internes et contrôles externes.

« La responsabilisation des gestionnaires et la prise en compte de la performance conduisent au développement des contrôles internes : le contrôle interne stricto sensu et le contrôle de gestion. (...)

« Le développement des contrôles internes implique de revoir le rôle des contrôles externes.

« Le contrôle financier a déjà évolué. Le décret du 16 juillet 1996 sur le contrôle financier déconcentré introduit l'idée d'une modulation du contrôle financier en fonction de la qualité de gestion de l'ordonnateur. La tendance est à un examen global des dépenses, plutôt qu'à un visa préalable individuel pour chaque acte de dépenses. Des réflexions sont en cours sur l'évolution du rôle du contrôle financier et son rapport au contrôle de gestion dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.

« L'accroissement de l'autonomie des gestionnaires justifie également le développement des audits externes. Organisés régulièrement, l'objet de ces audits évoluerait d'une vérification de l'utilisation des moyens vers un contrôle de la qualité des contrôles internes, dont le contrôle de gestion. Les inspections interministérielles et les inspections générales des ministères pourraient exécuter tout ou partie de ces contrôles
».

A minima , une évolution de la fonction du contrôle financier est donc nécessaire, incluant un recentrage de sa mission de contrôle sur les principaux risques financiers et juridiques liés à la dépense publique . Ainsi, le contrôleur financier se verrait confier un rôle d'alerte et de vigie davantage que celui d'un censeur garantissant la régularité de chaque opération ayant une incidence financière. Ce rôle d'alerte pourrait d'ailleurs s'exercer tant à l'intention de la direction du budget, qu'à destination de la Cour des comptes et du Parlement.

Dans un courrier en date du 30 décembre 2002 adressé aux contrôleurs financiers près les ministres raccordés au progiciel ACCORD et aux comptables assignataires des dépenses des administrations centrales de ces ministères, M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire rappelait que « le comité interministériel pour la réforme de l'Etat a décidé lors de sa réunion du 15 novembre 2001 qu'il convenait, au regard des progrès des systèmes de gestion de l'ordonnateur, d'organiser une forte décroissance du contrôle externe a priori sur les actes individuels au profit du développement de l'examen global ». Le décret n° 2003-659 du 9 juillet 2003 qui modifie la loi précitée du 10 août 1922 constitue la mise en oeuvre de cette orientation.

Décret n° 2003-639 du 9 juillet 2003 relatif au contrôle financier au sein des administrations centrales

L'article 1 modifie l'article 6 de la loi du 10 août 1922. Il prévoit que si les ordonnances de délégation continuent à être soumises de manière systématique au visa du contrôleur des dépenses engagées, seulement « certaines ordonnances de paiement, définies pour chaque ministère par un arrêté du ministre chargé du budget, sont soumises, en raison de la nature des dépenses en cause ou de leur montant particulièrement élevé, au visa préalable du contrôle financier ».

L'article 2 dispose que « nonobstant les dispositions du premier alinéa de l'article 5 de la loi du 10 août 1922 susvisée, certains engagements de dépense peuvent être dispensés du visa préalable du contrôle financier lorsque leur montant s'impute sur des crédits ayant fait l'objet de la part de l'ordonnateur d'une réservation globale visée par le contrôle financier.

« Nonobstant les dispositions du premier alinéa de l'article 6 de la même loi, certaines ordonnances de délégation de crédits peuvent être dispensées du visa préalable du contrôle financier.

« Les dispositions des deux alinéas qui précèdent sont applicables jusqu'au 31 décembre 2005 en vue de préparer la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 susvisée.

« Pour chaque ministère, un arrêté du ministre chargé du budget détermine les engagements et les ordonnances de délégation de crédits qui bénéficient des dispenses prévues aux deux premiers alinéas en tenant compte de la nature et du montant des dépenses ou crédits, ainsi que des instruments de prévision budgétaire, de suivi des engagements et de contrôle interne dont dispose l'ordonnateur.

Cet arrêté précise également les modalités de vérification a posteriori, par le contrôle financier, de la régularité des actes, telle que définie au deuxième alinéa de l'article 5 de la loi du 10 août 1922 susvisée, pour les engagements et les ordonnances dispensés de visa préalable. Il prévoit les conditions dans lesquelles l'ordonnateur rend compte au ministre chargé du budget des mesures d'accompagnement, de suivi et de contrôle prises par lui
». (...)

Si l'allègement des modalités du contrôle des dépenses engagées est indispensable, ne serait-ce que du fait de son impact psychologique sur les gestionnaires des crédits, la question même du maintien de ce contrôle est posée par la loi organique . Il convient tout de même de noter que l'existence d'un contrôle des dépenses engagées conservera une utilité, dès lors qu'elle permet d'éviter qu'un responsable engage l'Etat au-delà du budget dont il dispose ou des budgets prévisibles pour les années suivantes. Par ailleurs, les dispositions de la LOLF relatives aux effectifs et aux crédits de personnel sont particulièrement contraignantes pour les gestionnaires des programmes, et il sera nécessaire qu'un contrôle assure le respect de ces règles destinées à limiter la création de charges pérennes pour l'Etat. Enfin, l'existence de contrôleurs financiers placés auprès des ministères permet au gouvernement de « tenir » l'exécution du budget, en assurant la mise en oeuvre, en tant que de besoin, des mesures de régulation.

L'articulation du contrôle des dépenses engagées avec celui effectué par le comptable public pourrait toutefois être problématique. Ainsi que le rappelle le numéro 2 de la « Lettre de la Moderfie », paru en février 2003, « demain, le comptable public travaillera dans le cadre d'une comptabilité d'exercice. Il interviendra dès la création d'une recette ou d'une dépense et constatera les droits ou les obligations de l'Etat, avant même d'effectuer les opérations de caisse. (...)

« La mise en oeuvre d'une comptabilité d'exercice alignée sur celle des entreprises et les nouveaux dispositifs de contrôle envisagés militent en faveur du rapprochement géographique des comptables avec les gestionnaires. D'où le projet de créer dans les ministères un « département comptable ministériel » à l'image de l'expérimentation en cours au ministère de l'intérieur. Toutes les missions dévolues à un comptable public y seraient exercées : tenue des comptes, paiement de la dépense et recouvrement de la recette. (...)

« Une partie des contrôles encore effectuée aujourd'hui par le comptable n'aura plus lieu d'être. Grâce à ACCORD, de nombreuses données auront déjà été entrées dans le système d'information par le comptable et le gestionnaire. Ce sera le cas, notamment, de l'habilitation des ordonnateurs ou de la disponibilité des crédits. Avec la responsabilisation des gestionnaires, de nouvelles modalités d'exercice des contrôlent interviennent. Les contrôles hiérarchisés et partenariaux, actuellement en cours d'expérimentation, préfigurent le nouveau dispositif. Les contrôles hiérarchisés seront effectués en fonction des risques liés à la nature de la dépense et des pratiques des ordonnateurs. Le comptable pourra décider, par exemple, de ne plus contrôler des dépenses de faibles montants. Les contrôles partenariaux reposent sur une démarche d'audit menée conjointement par l'ordonnateur et le comptable. Si la qualité des procédures se révèle fiable, les contrôles ne seront plus effectués qu'a posteriori ».

Compte tenu du rapprochement de la fonction comptable du gestionnaire et de l'orientation générale vers un allégement des contrôles a priori , il paraît indispensable d'identifier les contrôles inutiles et répétitifs, préalable nécessaire pour mieux articuler les contrôles exercés par les contrôleurs financiers et les comptables publics . La question du maintien de deux fonctions de contrôle au sein d'un même ministère pourra alors être clairement posée.

B. VERS LA CULTURE DE RESPONSABILITÉ ET LA RÉFORME DE L'ETAT

1. Les conditions du développement d'une culture de responsabilité au sein de l'Etat

a) Une responsabilité administrative rehaussée

La LOLF vise à améliorer la gestion publique en accordant une large autonomie aux gestionnaires en contrepartie d'une transparence sur les objectifs, la performance et les moyens consommés.

Le pari du législateur organique est que le desserrement des contraintes formelles pesant sur les gestionnaires et la « défragmentation » du budget de l'Etat permettra de réaliser des économies substantielles, en modernisant les modes de gestion, en améliorant leur souplesse et donc, leur adaptation aux circonstances mouvantes de l'action publique. Un tel pari repose sur la capacité des différents acteurs de la dépense publique à assumer des responsabilités nouvelles. L'appropriation d'une culture de gestion à tous les niveaux de l'administration constitue un véritable défi pour la réussite de la réforme. D'importants programmes de formation doivent permettre une sensibilisation des fonctionnaires à ce nouveau contexte.

La recherche de la performance suppose un « pilotage fin » de la gestion publique, et donc, une relative professionnalisation des fonctions financières au sein de l'administration, s'agissant par exemple du développement et de la définition des systèmes d'information financière ou du contrôle de gestion. Ces compétences nouvelles supposeront la reconversion de certains personnels et le recrutement de spécialistes issus du secteur privé. Par ailleurs, de nombreuses questions restent posées s'agissant de la gestion des ressources humaines au sein de l'administration, chantier dont le pilotage relève pour l'essentiel du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Les dispositions de la LOLF favorisent en effet la responsabilisation et l'autonomie des gestionnaires, ce qui n'est pas nécessairement compatible avec l'organisation actuelle de la fonction publique, marquée par l'importance des corps et une négociation globale sur l'évolution des rémunérations.

La recherche de la performance constitue un changement culturel pour le monde politique comme pour l'administration . Elle s'accompagnera d'un changement structurel, s'agissant des relations entre les ministres, mais également entre les ministres et les administrations dont ils ont la charge. La loi organique offrira aux gestionnaires plus de liberté contre plus de responsabilité. Il faudra redéfinir le champ de cette liberté et de cette responsabilité, puisque l'on passera d'une responsabilité de conformité - qui consiste à respecter les règles de droit - à une responsabilité de performance.

Aujourd'hui, responsabilité politique et responsabilité de gestion ne sont pas clairement séparées, compte tenu notamment de l'importance des effectifs des cabinets ministériels, qui sont souvent composés de hauts fonctionnaires issus de l'administration dont ils sont chargés d'assurer le pilotage.

Parmi les pays qui ont engagé des réformes de leur gestion publique au cours des dernières années, certains ont choisi de créer des agences indépendantes, dirigées par des personnes disposant d'un mandat précis et limité dans le temps, favorisant la distinction entre la conception d'une politique, qui revient au ministre, et sa mise en oeuvre, qui incombe au responsable de l'agence. Ce dernier est jugé sur la qualité de sa gestion et la réalisation des objectifs qui lui ont été fixés par le ministre. A cet égard, l'exemple de la Nouvelle-Zélande constitue un cas extrême puisque le ministre « achète » en quelque sorte une prestation à une agence dont il a la tutelle, et dont le gestionnaire est ensuite responsable du respect du cahier des charges et de l'efficience dont il fera preuve dans la production de cette prestation.

L'exemple de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique néo-zélandaise

La responsabilité contre la flexibilité

L'idée centrale de la réforme était qu'il fallait libérer la responsabilité des chefs de services administratifs. Pour rendre responsables les managers sur leurs résultats (outputs), il convenait de leur laisser la liberté d'agir sur les décisions relatives aux « facteurs de production » (inputs) mis à leur disposition, c'est-à-dire les recrutements, les salaires, l'organisation des structures et des modes de production.

L'introduction d'une relation fournisseur/acheteur permet de focaliser l'analyse sur les 4 critères-clefs du contrat : la qualité, la quantité, les délais et le prix des biens et services rendus. Cette démarche renforce le degré d'exigence dans les relations quotidiennes des administrations entre elles et donne un contenu plus large et plus précis à la simple notion de service fait. Ces critères doivent permettre à terme de comparer la prestation publique avec une prestation du secteur privé.

Après la mise en concurrence des services, la Nouvelle-Zélande a introduit une mise en concurrence sur les emplois.

Les emplois supérieurs du secteur public ( Chief Executives ) ont été ouverts à la concurrence du secteur privé. Chaque poste de direction vacant fait l'objet d'un appel à candidature qui examine tous les candidats quelle que soit leur origine, publique ou privée.

Chaque nouveau Chief Executive , quelle que soit son origine, se voit proposé un contrat selon les termes suivants : il a la liberté totale de gestion de son service selon les règles énoncées ci-dessus, et, en contrepartie, il est jugé sur les objectifs fixés par son contrat et notamment le respect des contrats de fourniture de biens et services déjà cités.

Ainsi, le système se boucle et est équilibré : liberté accrue de gestion et de management contre responsabilité personnelle sur des objectifs, et un rendu de compte négocié et librement accepté.

L'intitulé du contrat passé entre le ministre et chacun de ses Chief Executives - Performance Agreement , accord de performance - est révélateur.

Cette relation bilatérale est encadrée par la State Commission , service qui donne son avis sur chaque contrat dont elle reçoit copie, et dont elle discute avec le ministre concerné. La commission établit un contrat cadre type et veille au maintien d'une cohérence globale des dispositifs.
Un cadrage global des relations contractuelles
Le caractère bilatéral des relations contractuelles reste cependant encadré.

Ainsi, une charte de l'employeur public a été édictée par la State Commission afin de garantir le respect de nombreux objectifs comme la sécurité des conditions de travail, la promotion, l'impartialité dans le recrutement et les rémunérations, la reconnaissance de la minorité Maori, la parité hommes/femmes, l'emploi des personnes handicapées, etc.

La rémunération et la carrière des Chief Executives , qui sont environ 50, restent sous l'autorité de la commission qui a vocation à leur procurer de nouvelles opportunités afin qu'ils puissent poursuivre leur carrière au sein de l'administration en fonction des résultats obtenus. Le ministre peut décider de rétribuer ses collaborateurs au-delà de la proposition de la commission, par un Political Appointment qui doit simplement être notifié à la commission.

La durée des contrats est de cinq années. Ils sont renouvelables une fois pour trois années supplémentaires. Les premiers contrats ayant été signés en 1993, 15 Chief Executives ont achevé leur premier contrat et l'ont prolongé de trois années, 9 ont changé de direction au bout de cinq années, 8 sont partis à la retraite ou ont démissionné, 8 ont quitté le secteur public.

La réforme du management a été complétée en 1991 par l' Employment Contracts Act . Cette loi n'abolit pas le statut de la fonction publique, mais permet individuellement à chaque fonctionnaire de renoncer à son statut pour choisir une contractualisation de type droit privé avec un contrat basé sur des objectifs et une évaluation de sa performance.

Ce contrat permet une rémunération en fonction des performances. Il se traduit par une majoration salariale pour l'agent qui renonce en contrepartie à la garantie de l'emploi et accepte de relever des prud'hommes pour d'éventuels litiges liés à l'exécution de son contrat de travail.

La neutralité budgétaire de cette mesure est assurée par la globalisation des crédits de personnel et de fonctionnement. La liberté de recrutement est laissée à la seule discrétion du responsable du service. En contrepartie, la mise sous enveloppe globale et contrainte de ses moyens le conduit à rechercher l'optimisation de ses moyens de production en fonction de ses objectifs contractuels.

Le taux de contractualisation varie fortement selon les services. Il est de l'ordre de 80 % à la State Services Commission , de 90 % à la direction du budget, mais tombe à 40 % pour la sécurité sociale où les syndicats sont encore très puissants et structurés, et le personnel moins qualifié en moyenne. Le contrat individuel emporte moins de succès chez les agents d'exécution, alors que la direction du budget et la commission sont majoritairement composés de cadres.

Source : rapport « Mission comptabilité patrimoniale » de M. Jean-Jacques François, cité par notre collègue Gérard Braun dans son rapport d'information : « La réforme de l'Etat à l'étranger », n° 348, 2000-2001, page 60-61

En France, la loi organique relative aux lois de finances n'est pas allée « aussi loin » que d'autres pays en matière de liberté de gestion. Ainsi, les possibilités de report de crédits restent-elles par exemple assez fortement encadrées, alors que tel n'est pas le cas dans d'autres pays de l'OCDE, qui permettent le report automatique des crédits, mais aussi, quoique plus rarement, la possibilité d'emprunter - dans une certaine mesure - sur des crédits à venir.

La nouvelle procédure budgétaire devrait toutefois produire des rapports plus contractuels entre les ministres et les directeurs d'administration . Ces derniers seront soumis à une réglementation allégée, à laquelle se substitueront des outils de pilotage et de gestion aisément partagés entre les différents acteurs grâce aux systèmes comptables qui permettront des restitutions d'informations beaucoup plus fines et régulières qu'à l'heure actuelle. La mise en oeuvre d'un contrôle de gestion ainsi que la définition d'objectifs et d'indicateurs permettront aux ministres de déléguer plus largement leurs responsabilités aux directeurs d'administration, ce que ne permet pas le système actuel, fondé sur une gestion très réglementée et fragmentée de l'emploi des deniers publics.

On peut voir ainsi se dessiner deux niveaux majeurs de responsabilité : une responsabilité politique, incarnée par le ministre vis-à-vis du Parlement, et une responsabilité de gestion incarnée par le directeur d'administration vis-à-vis de son ministre, ce dernier étant en charge de la définition des orientations stratégiques, tandis que ses directeurs disposeront des moyens pour être de véritables patrons de leur administration.

Dans cette nouvelle organisation des rapports hiérarchiques, on est en droit de s'interroger sur le rôle futur des cabinets ministériels. Il est vraisemblable que le nouveau système de gestion rendra moins nécessaire une telle structure, dès lors que les directeurs seront jugés sur leurs performances globales a posteriori davantage que sur leurs actes administratifs quotidiens. Le maintien des cabinets dans leur forme actuelle, dont le rôle dépasse largement la simple conception des politiques, serait sans doute un mauvais présage pour la réussite de la réforme, puisqu'elle rendrait moins net le partage des responsabilités entre la sphère politique et la sphère administrative. La réforme devrait en effet entraîner une revalorisation des missions des hauts fonctionnaires, les ministres étant entourés, si la réforme porte pleinement ses fruits, de cabinets plus restreints et « politiques ».
b) Une responsabilité politique plus lisible

La loi organique relative aux lois de finances est marquée par une volonté de rendre lisible et de fonder sur des critères objectifs et mesurables le jugement porté par le Parlement sur l'action gouvernementale. Or, en France, la culture politique est imprégnée par la fiction d'une responsabilité qui ne serait pas partagée entre plusieurs niveaux de compétence mais incarnée par le seul politique.

La reconnaissance d'une responsabilité de gestion incarnée par le seul politique rend, dans la pratique, inopérante la sanction de la responsabilité, et par là, son dévoiement . Au sens de la loi organique relative aux lois de finances, le gestionnaire des crédits est le ministre, rendant compte de ses résultats devant le Parlement, qui autorise ses dépenses et contrôle l'utilisation de ses crédits. Toutefois, le ministre ne peut être tenu pour le gestionnaire réel, au sens de celui qui accomplit des actes de gestion quotidiens.

Aucun ministre n'a été contraint à la démission à cause d'une mauvaise gestion de son administration au cours de la période récente. Dans le cadre posé par la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, les ministres et les gestionnaires des programmes (appelés aussi « gouverneurs de crédits ») disposeront d'une liberté importante en matière d'emploi de leurs crédits. Peuvent-ils continuer à disposer du même régime d'immunité au regard de leurs performances de gestionnaire ?

En somme, peut-on concevoir que la liberté de gestion ne s'appuie pas sur une responsabilité de gestion ? Cela ne reviendrait-il pas à diluer l'intensité de la responsabilité portée par le fonctionnaire ou par le ministre en charge de la gestion d'une politique publique. Dans la plupart des cas, la responsabilité est diluée à tel point qu'elle est « absorbée » en quelque sorte par le système institutionnel et contribue au développement de réactions de rejet de la part des citoyens, portant indifféremment sur les administrations et les politiques. Une responsabilité des fonctionnaires incarnée à tous les niveaux est peu souhaitable, peu efficace, et sans aucun doute, impraticable. Une responsabilité incarnée au seul sommet de l'organisation revient en revanche à fonder cette organisation sur une légitimité unique. La solution réside probablement dans un compromis entre la responsabilité et la stabilité indispensable au bon fonctionnement de l'Etat.

Il est concevable d'imaginer que les hauts fonctionnaires en charge des programmes soient nommés pour une durée déterminée, impliquant le cas échéant le visa de plusieurs autorités. Le changement de titulaire des postes ne pourrait être effectué que selon certaines règles et leur statut devrait leur permettre d'accomplir une carrière.

Une telle conception est en germe dans la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances : une responsabilité exclusivement politique conduirait dans la pratique à rendre celle-ci soit excessive, soit inexistante. La question porte sur la possibilité d'appliquer une sanction à un programme mal géré, c'est-à-dire dont les objectifs ne seraient pas accomplis et dont la gestion serait inefficiente ? Elle reste posée pour l'avenir.

2. La réforme de l'Etat : un chantier complexe porté notamment par la LOLF

La réforme de l'Etat est un impératif : la dégradation des finances publiques, s'agissant aussi bien du budget de l'Etat que du financement des organismes de sécurité sociale, rend nécessaire la réalisation d'économies structurelles. Plusieurs chantiers y contribuent, ainsi que l'a rappelé récemment le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, dans une circulaire adressé à tous les ministres et secrétaires d'Etat.

Extraits de la circulaire du 25 juin 2003 relative aux stratégies ministérielles de réforme 41( * )

« La réforme de l'Etat, au niveau interministériel, repose sur quatre chantiers : la décentralisation, la réforme budgétaire, la simplification des procédures administratives et la rénovation de la prospective. Ces travaux sont engagés. Mais, au-delà de ces chantiers interministériels, c'est à chacun d'entre vous qu'il revient de piloter la réforme de son administration.

« Par lettre du 2 décembre et lors de nos réunions récentes, je vous ai indiqué que vous présenteriez devant le Parlement, dès l'automne, les réformes nécessaires de votre département ministériel. Recentré sur le coeur de ses missions et s'appuyant sur des structures, une organisation et des méthodes rénovées, l'Etat doit, au meilleur coût pour la collectivité, apporter un meilleur service aux Français et une plus grande satisfaction à ses agents.

« Les stratégies ministérielles de réforme que je vous demande de préparer doivent nous permettre d'atteindre ces objectifs.

« 1. Je vous demande, en premier lieu, de procéder à un réexamen systématique de vos missions et des structures qui les servent. Certaines de ces missions peuvent être déléguées ou abandonnées.


« D'autres, au contraire, doivent être renforcées ou exercées différemment. (...)

« J'insiste tout particulièrement pour que vous vous attachiez à tirer toutes les conséquences pour votre administration de la décentralisation et de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.

« 2. Vous vous attacherez, en deuxième lieu, à développer les démarches qualité. La réforme renforce la légitimité de l'Etat et la qualité des services qu'il rend au quotidien aux Français. Nos administrations doivent aussi redevenir exemplaires en matière de qualité de service. (...)

« 3. En troisième lieu, il est impératif que l'Etat renouvelle le pacte qui le lie à ses agents, pour mieux récompenser leurs efforts, pour simplifier et améliorer le cadre de leur action et pour mieux mobiliser leur énergie et leurs compétences.

« Vos modes de gestion des ressources humaines devront ainsi évoluer selon les quatre axes suivants :

- la déconcentration : il s'agit de responsabiliser vos cadres, à qui vous devez assigner des objectifs précis, et de gérer les hommes et les femmes qui servent l'Etat dans des structures à taille humaine ;

- la réduction du nombre de corps : il s'agit de sortir d'une gestion formelle des ressources humaines, pour développer une gestion plus qualitative et faciliter la mobilité ;

- la reconnaissance du mérite : il s'agit de mieux prendre en compte l'implication des agents et leurs contributions aux progrès de leurs services ;

- la gestion prévisionnelle des postes, des emplois et des carrières : il s'agit d'adapter les emplois, les qualifications et les recrutements en fonction des besoins de demain.


« Votre implication personnelle dans l'élaboration de ces stratégies est nécessaire. Il vous appartient de conduire le dialogue avec vos agents, puis de présenter au Parlement votre stratégie de réforme. Elle fera l'objet d'un suivi et d'une actualisation annuels.

« En ce qui concerne l'année en cours, vous vous attacherez d'abord à définir l'évolution de vos missions, car c'est la clef de voûte de notre démarche. Vous me transmettrez donc pour le 1 er octobre 2003 une présentation de l'ensemble de vos missions et des structures qui les servent, avec vos propositions d'évolution. (...)

« J'ai demandé au ministre chargé de la réforme de l'Etat et au ministre du budget de mener les consultations avec le Parlement pour préciser le format des documents que vous devrez remettre.

« Le mandat donné par nos concitoyens est clair : mener avec pragmatisme et ténacité les réformes structurelles qui apporteront à notre pays une croissance durable. Pour renforcer l'Etat, nous devons conduire avec détermination les réformes indispensables de vos ministères ».

La réforme de l'Etat comprend plusieurs chantiers, mais la LOLF est destinée à en constituer l'un des outils les plus pérenne et puissant, si le Parlement joue son rôle d'aiguillon en demandant aux ministres, autant de fois qu'il sera nécessaire, de justifier le maintien de telle structure ou de telle action dans le périmètre de l'Etat. Le fait de conduire plusieurs chantiers de front constitue une tâche difficile pour les administrations, occupées par la gestion quotidienne de l'action publique. C'est la raison pour laquelle, comme le rappelle le Premier ministre dans la circulaire précitée, l'implication personnelle des ministres dans l'élaboration des stratégies est nécessaire , et qu'il revient à chacun d'entre eux de piloter la réforme de leur administration.

Le vote de la LOLF constitue un événement fondateur pour la réforme de l'Etat . On le constate aujourd'hui : de nombreuses thématiques, autrefois taboues, ont désormais leur place sur la scène politique et dans le dialogue avec les fonctionnaires : réduction des effectifs de la fonction publique, rémunération au mérite, fusion des corps, externalisation de services... La loi organique peut, compte tenu de la révolution culturelle qu'elle vise à mettre en oeuvre et des nouveaux outils d'analyse qu'elle contribue à mettre à la disposition des différents acteurs, être véritablement un « catalyseur » de la réforme de l'Etat . Ainsi que l'indiquait M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, à l'occasion de l'installation du comité interministériel d'audit des programmes, « ce changement de modèle de budget fait apparaître la nécessité d'une réforme du cadre de la gestion publique et plus largement, d'une réforme de l'Etat. Il ne présuppose pas la réforme de l'Etat mais l'induit.

« Si elle ne lance pas le mouvement de réforme de l'Etat engagé ici ou là dans les services, la réforme budgétaire lui apporte un cadre ».

Le vote de la LOLF a été marqué par une quasi-unanimité, et sa mise en oeuvre témoigne de la continuité de la volonté de réforme après un changement de majorité. Le thème de la réforme de l'Etat, sinon dans ses modalités pratiques, du moins dans ses principes, semble désormais faire l'objet d'un quasi-consensus au sein des principaux partis politiques. Il convient, dans un tel contexte, pour les hommes politiques, de faire preuve d'une implication réelle et d'une volonté sans faille pour faire avancer les chantiers évoqués plus haut. L'Etat ne se réformera pas de lui-même sans une véritable mobilisation politique.

La situation des finances publiques rend plus que jamais nécessaire l'engagement de réformes structurelles, et est de nature à consolider le consensus que la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances avait réussi à dégager. Paradoxalement, cette situation favorise la réforme. Notre collègue Gérard Braun, rapporteur spécial des crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, rappelait ainsi dans un rapport d'information consacré à la réforme de l'Etat à l'étranger 42( * ) , « en réalité, la réforme de l'Etat ne doit pas être un thème porteur limité à un affichage politique : elle a souvent été appliquée de façon pragmatique par des gouvernements confrontés à une situation critique de laquelle ils étaient bien décidés à sortir.

« Il convient en effet de constater que la plupart des pays industrialisés a mis en oeuvre des réformes touchant à l'organisation de leur administration ou de leur fonction publique, suite à une crise économique ayant entraîné une forte augmentation du chômage et un net déséquilibre de leurs finances publiques. Plus rarement, la réforme de l'Etat faisait partie en tant que telle du programme électoral d'une formation politique accédant au pouvoir. En fait, elle s'est souvent imposée comme une solution rendue nécessaire par de graves difficultés économiques et sociales, plus qu'elle ne résulte d'un choix politique délibéré ».

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