2. A l'école

Le rapport de la commission Stasi contient de multiples exemples de contestation, le plus souvent délibérée, de la mixité et, plus généralement, d'atteintes aux droits des femmes, ces atteintes pouvant d'ailleurs provenir de femmes elles-mêmes.

Ainsi, s'agissant de l'école : « des épreuves d'examen sont troublées par le refus d'élèves de sexe féminin de se soumettre aux contrôles d'identité ou d'être entendues par un examinateur masculin. Des enseignants ou des chefs d'établissement, au seul motif que ce sont des femmes, voient leur autorité contestée par des élèves ou leurs parents ».

M. Luc Ferry a lui-même précisé à votre rapporteur, dans ses réponses écrites : « les échos du terrain indiquent que la mixité peut être plus difficile à vivre, particulièrement en collège, voire en primaire, elle est moins harmonieuse, les témoignages de plusieurs académies le confirment. Le récent intérêt public pour cette question montre qu'il ne faut pas évacuer le problème et qu'il importe de consolider les dispositifs existants ». Du reste, « la convention interministérielle du 25 février 2000 porte en soi un appel à la vigilance et à l'action pour que la mixité soit réellement réfléchie, travaillée, afin de progresser vers plus d'égalité entre les sexes ».

Evolution de la violence scolaire

Le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche de l'époque avait communiqué à votre rapporteur des informations permettant de mesurer, bien qu'imparfaitement, l'ampleur et l'évolution de la violence scolaire.

Le logiciel SIGNA recense tous les faits ayant une qualification pénale ou ayant fait l'objet d'un signalement à la police ou au parquet ou ayant soulevé une forte émotion.

Ainsi, dans les 7.859 collèges et lycées publics, ont été recensées :

- pour l'année scolaire 2001/2002 : 1.410 violences physiques à caractère sexuel, soit 1,73 % du total des faits graves recensés sur l'année scolaire ;

- pour l'année scolaire 2002/2003 : 1.070 violences physiques à caractère sexuel, soit 1,48 % du total des faits graves recensés sur l'année scolaire.

Sur ces 1.070 violences physiques à caractère sexuel, 886, soit plus de 80 %, avaient un élève pour auteur et 1.038, soit 97 %, un élève pour victime.

Parmi les 886 violences physiques à caractère sexuel dont l'auteur est un élève, il s'agit d'un garçon dans 97 % des cas. Parmi les 1.038 violences physiques à caractère sexuel dont la victime était un élève, celle-ci était une fille dans 85 % des cas. Les filles sont donc les principales victimes de cette forme de violence.

En s'en tenant strictement aux données fournies par le logiciel SIGNA, les actes graves de violence physique à caractère sexuel ne progressent pas, au contraire. Cependant, des témoignages, notamment d'infirmières scolaires, évoquent les nombreuses incivilités, en particulier des injures et comportements à caractère sexiste, dont la grande majorité des victimes sont des filles.

L'existence d'un consensus sur la mixité en France n'exclut pas une montée du sexisme, voire des violences sexistes, parfois très graves, notamment dans des quartiers défavorisés. Le drame de la jeune Sohane , brûlée vive en octobre 2002 à Vitry-sur-Seine, en est sans doute la plus tragique illustration. Ce phénomène est d'ailleurs à l'origine des mouvements de jeunes femmes issues de l'immigration, telle la « marche pour l'égalité » initiée par le collectif « Ni putes, ni soumises ».

Toutefois, le recours systématique à un discours axé sur la violence scolaire, qui est avant tout le fait des garçons, comporte le risque de faire paraître la mixité comme un obstacle au bon fonctionnement de l'école , les parents pouvant alors être tentés de vouloir protéger l'enfant - filles et garçons « sages » - contre les influences négatives de son environnement. La mixité servirait alors d'argument pour légitimer une logique de peur et d'exclusion, qui pourrait être utilisé par certains pour revendiquer un retour à la séparation des sexes.

Comme l'écrit Maryline Baumard dans le magazine Le monde de l'éducation de janvier 2003 38 ( * ) , « Le Monde de l'éducation prend le pari qu'il y a aujourd'hui urgence à sauver les garçons. Et qu'en les aidant à ne pas perdre pied au collège - voire avant -, l'école mixte et républicaine en sortira renforcée. En effet, un garçon en échec risque de construire son identité d'homme non plus sur sa réussite scolaire et sociale, mais sur une virilité exacerbée aux fins du machisme et aux antipodes de l'égalité des sexes ».

L'échec scolaire des garçons risquerait ainsi de remettre en cause la cohabitation des deux sexes dans l'école et dans la société, « parce que le jeune garçon, moins mûr que la jeune fille, se vit un peu comme dominé durant les premières années du collège et réagit à l'encontre des filles ».

Néanmoins, le sociologue Michel Fize, au cours de son audition par votre délégation, a fait part de son désaccord avec ce type de conclusions, selon lesquelles les garçons réussiraient moins bien car ils seraient soumis à la pression de la réussite des filles. Il a, quant à lui, estimé que l'échec des garçons tenait au « décrochage » croissant, pas uniquement dans les quartiers défavorisés, entre les valeurs de l'école et les réalités sociales, et entre la « culture jeune » et la culture scolaire, qui fonctionnent de façon très différente . Ainsi, si les règles promues à l'école sont celles du silence et de l'immobilité, la culture des adolescents valorise le bruit et la nécessité de bouger. Dès lors, certains garçons perçoivent l'école comme un lieu d'ennui et un facteur de démotivation. Or, a-t-il constaté, il n'existe aucun lien de causalité entre la mixité et ce phénomène. Il est ainsi impossible, dans ce cas, de parler d'un échec de la mixité.

* 38 Le Monde de l'éducation de janvier 2003 (n° 310) a consacré son dossier au thème « Il faut sauver les garçons ».

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