B. LE RAPPROCHEMENT AVEC LE MONDE OCCIDENTAL ET SES LIMITES

La dernière année du mandat de Boris Elstine avait été marquée par l'opposition de la Russie aux opérations de l'OTAN au Kosovo, qui avaient de ce fait été engagées sans l'aval explicite du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette crise avec les Occidentaux avait souligné l'isolement de la Russie et sa faible influence sur le cours des choses.

Vladimir Poutine a pour sa part adopté une ligne résolument pragmatique, visant au contraire à éviter l'opposition frontale et à utiliser au mieux les opportunités offertes par le contexte international. Le soutien apporté aux Etats-Unis le jour même des attaques terroristes du 11 septembre 2001 en est l'illustration la plus marquante. Outre l'appui en retour qu'elle pouvait espérer sur la question de la Tchétchénie, la Russie a fait valoir qu'elle se situait, à travers l'Asie centrale et le Caucase, en première ligne face au radicalisme islamique, afin de nouer un partenariat solide confortant sa reconnaissance par les puissances occidentales et lui assurant des retombées économiques. Moscou ne s'est pas opposée à l'utilisation du territoire des Etats d'Asie centrale, en particulier l'Ouzbékistan et le Kirghizstan, par les forces occidentales dans le cadre des opérations d'Afghanistan.

Le thème de la lutte contre le terrorisme international , sur lequel la Russie considère posséder une certaine antériorité, par sa dénonciation de longue date de l'islamisme radical et du prosélytisme wahhabite en Asie centrale, et une forte expertise, est désormais l' élément central du rapprochement avec les pays occidentaux .

Mais ce rapprochement n'obéit pas seulement à des préoccupations sécuritaires. Les autorités russes y trouvent également l'opportunité de consolider leurs objectifs économiques , en jouant notamment sur leur principal atout : les richesses énergétiques.

Les questions énergétiques sont importantes dans la relation avec l'Union européenne, mais plus encore dans celles avec les Etats-Unis , avec lesquels a été établi un partenariat énergétique . Les Etats-Unis souhaitent diversifier leurs approvisionnements en portant à 13% en 2010, contre 1% seulement en 2002, la part des importations d'hydrocarbures en provenance de Russie. Des projets de coopération américano-russe ont été lancés, dont le plus important est celui de la construction à Mourmansk, d'un port en eaux profondes pouvant accueillir des pétroliers de grande capacité et permettant un circuit d'approvisionnement beaucoup plus court que depuis le Moyen-Orient. Le dernier sommet américano-russe sur les questions énergétiques, tenu à Saint-Pétersbourg en septembre dernier, a été l'occasion d'évoquer un autre grand projet, à savoir la mise en valeur, avec l'aide de groupes américains, du gisement de gaz naturel de Chtokman, dans la région arctique.

Ce rapprochement avec les pays occidentaux, au travers des questions sécuritaires et énergétiques, trouve toutefois ses limites.

Du côté russe, il compte beaucoup de détracteurs au sein de l'appareil d'Etat. La prolongation de la présence militaire américaine en Asie centrale et l'envoi par Washington d'instructeurs en Géorgie suscitent des réticences. La coopération économique avec des groupes occidentaux pourrait également être ressentie comme une menace pour le contrôle des ressources naturelles, et ce serait l'une des motivations des actions engagées contre le groupe Ioukos, qui envisageait d'ouvrir son capital à des compagnies pétrolières américaines.

Du côté occidental, et notamment américain, les évolutions intérieures de la Russie encouragent les opposants à l'établissement d'un partenariat trop étroit. Aux yeux des Etats-Unis, la Russie n'a pas rompu suffisamment clairement avec des « Etats préoccupants » qu'elle considérait traditionnellement dans sa sphère d'influence.

La coopération avec l'Iran , pour la construction de la centrale nucléaire de Bushehr, constitue un important point de friction. En effet, même si ce projet ne semble pas comporter en lui-même de risque de prolifération, compte tenu de l'engagement russe, pris sur l'insistance américaine, de fournir le combustible puis de le rapatrier, la volonté affichée de la Russie de poursuivre quoi qu'il arrive la coopération met à mal la stratégie de pression sur les autorités iraniennes pour les conduire à clairement cesser toute activité pouvant dériver vers des programmes nucléaires militaires. Moscou n'a pas conditionné sa coopération à un règlement satisfaisant du dossier iranien, sans doute en raison des retombées économiques d'un projet évalué à 800 millions de dollars.

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