c) L'application de la « loi Fauchon » par les juges

Les juges appliquent de manière de plus en plus sévère les nouvelles dispositions du code pénal introduites par la loi du 10 juillet 2000, à l'article 121-3.

Ainsi, lors de sa communication devant la mission, M. Pierre Fauchon a indiqué avoir consulté le site Internet de l'Observatoire des risques juridiques des collectivités territoriales sur lequel il a trouvé une étude d'un juriste, dont il a lu la conclusion à la mission : « Faut-il y voir un revirement de jurisprudence ? Il est sans doute trop tôt pour en juger et ce d'autant que chaque cas d'espèce a ses particularités et que la Cour de cassation est juge du droit et non du fait. A ce titre, on peut émettre l'hypothèse qu'après une période de familiarisation avec le nouveau texte, les juges du fond sont désormais mieux à même de motiver en droit leurs décisions de façon à éviter une censure de la Cour de cassation. Toujours est-il que si l'on rapprochait ces deux arrêts avec le jugement du tribunal de Bonneville de 2003 condamnant, contre l'avis du parquet, le maire d'une station de ski à la suite d'une avalanche mortelle, on peut se demander si le temps de grâce immédiatement postérieur à la loi Fauchon n'est pas révolu pour les élus. A suivre ».

De même, dans un article récent, intitulé Responsabilité pénale des élus : le retour à la sévérité 45 ( * ) , Mme Marie-France Steinlé-Feuerbach, constatant, à propos de la condamnation du maire à trois mois de prison avec sursis dans l'affaire de l'avalanche qui a dévasté le hameau de Montroc dans la vallée de Chamonix, causant la mort de douze personnes, « un mouvement de « repénalisation » », pose la question : « La loi du 10 juillet 2000 perdrait-elle avec l'écoulement du temps ses effets bénéfiques pour les élus ? ».

Dans cette affaire, en effet, le juge a considéré que la principale erreur du maire avait été de ne pas s'être suffisamment informé de la situation à Montroc. La méconnaissance du risque pesant sur le hameau, ajoutée à la conscience aiguë du risque général d'avalanche sur la vallée - la conscience du danger existait chez les habitants du hameau alors que celui-ci n'était pas pris en compte par le plan d'évacuation -, est un élément de la faute caractérisée.

Le ministère de la justice a étudié l'évolution du nombre de condamnations prononcées par les juridictions pénales en matière d'homicides et de blessures involontaires dans le cadre du travail pour voir si un changement était intervenu après l'intervention de la « loi Fauchon ». Selon M. Alain Saffar, « il y a eu effectivement un décrochage puisque, avant cette loi, il y avait environ 700 condamnations par an et qu'ensuite, on a atteint un point d'équilibre entre 450 et 500 ». Il a toutefois précisé qu'« antérieurement à la loi et au décrochage que j'ai noté, il y avait déjà un mouvement de reflux du nombre de condamnations. Le nombre de condamnations a chuté un peu plus brutalement, mais il y avait déjà un certain reflux, peut-être du fait de mouvements pendulaires ».

Condamnations prononcées à l'encontre de personnes physiques
pour homicides involontaires et blessures involontaires délictuelles
commis dans le cadre du travail

Ensemble des délits
homicides involontaires
+ blessures involontaires

Homicides involontaires seuls

1997

732

230

1998

681

191

1999

611

184

2000

605

187

2001

475

127

2002

535

149

2003

472

138

Source : ministère de la justice ;
direction des affaires criminelles et des grâces

* 45 Petites affiches n° 93, 11 mai 2005.

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