3. Les populations principalement exposées

Si le risque d'exposition « passive » à l'amiante dans les bâtiments ne peut être sous-estimé, certaines professions doivent faire l'objet d'une attention particulière parce que leurs interventions les mettent en contact direct avec les flocages, les calorifugeages, les cloisons et les dalles amiantés dans les bâtiments construits avant 1997.

Trois catégories de salariés sont particulièrement concernées. Il s'agit tout d'abord des professions de « second oeuvre » dans le bâtiment, des personnels de maintenance et d'entretien des immeubles et enfin des ouvriers chargés du confinement et du retrait de l'amiante.

Si des mesures spécifiques d'information et de précaution ont été édictées en leur faveur en 1996 (décret n° 96-98 du 7 février 1996), nombre d'interlocuteurs de la mission ont déploré qu'elles soient globalement peu respectées, faute de procédures de contrôle et de sanction pour les contrevenants.

a) Les professions de « second oeuvre » dans le secteur du bâtiment : le rôle essentiel du DTA

Les personnes appelées à intervenir sur des matériaux comportant de l'amiante - c'est-à-dire des personnes qui percent, arrachent et découpent - appartiennent majoritairement à la catégorie du « second oeuvre » dans le bâtiment.

Électriciens, plombiers, couvreurs ou chauffagistes, leurs métiers les amènent à exercer des manipulations dans les parties floquées des bâtiments (plafonds, sous-plafonds, parties communes, gaines techniques) et sur les canalisations calorifugées à l'amiante.

M. Daniel Ferrand de la SOCOTEC indiquait ainsi qu'à Jussieu « des opérateurs passaient régulièrement dans les sous-plafonds pour tirer des câbles » , et « travaillaient en contact avec l'amiante » .

Mme Michèle Guimon, de l'INRS, a souligné qu' un à deux millions de salariés sont concernés par ce type d'activité, ce qui augmente considérablement le nombre de personnes susceptibles d'être contaminées par l'amiante.

Certaines des dispositions du décret du 7 février 1996 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante concernent spécifiquement cette catégorie d'opérateurs du bâtiment 75 ( * ) . Son article 29 dispose ainsi que « l'employeur doit mettre à la disposition des travailleurs susceptibles d'être soumis à des expositions brèves mais intenses un vêtement de protection et un équipement individuel de protection respiratoire antipoussières approprié ».

Dans la réalité, la plupart des professionnels du secteur entendus par la mission ont reconnu que « les dispositions réglementaires en vigueur sont tout à fait satisfaisantes, [mais] que la difficulté persistante concerne leur application » .

Tant les conditions d'intervention de ces ouvriers - sollicités, le plus souvent, de manière occasionnelle -, que leur statut - travailleurs indépendants pour la plupart, ils sont soumis à des exigences de rentabilité qui tendent à occulter les impératifs de sécurité - rendent très difficiles, voire illusoires la mise en oeuvre et le contrôle de l'application effective des mesures de prévention.

En outre, le développement de la précarité et l'accélération du « turn-over » qui touchent les ouvriers de « second oeuvre » du bâtiment constituent un facteur de risque supplémentaire 76 ( * ) .

Il en résulte une sous-information sur les risques qu'ils encourent et une grande difficulté à reconstituer leurs parcours professionnels, ce qui rend difficile la mise en oeuvre de la surveillance médicale obligatoire. Mme Michèle Guimon a ainsi souligné que « le plus problématique reste que la plupart sous-estiment ou, pire, ignorent les risques que génère l'amiante ».

M. Philippe Huré, de l'INRS, a également confirmé devant la mission que « le principal problème qui reste à résoudre est la transmission d'informations ».

Dans ces conditions, il est aujourd'hui indispensable de disposer d'un document, conservé par le syndic de copropriété ou par le propriétaire, indiquant précisément l'emplacement des matériaux amiantés et décrivant les consignes de sécurité à respecter, qui serait mis à la disposition de tous les intervenants et les habitants des immeubles afin qu'ils puissent assurer leur sécurité.

Le dossier technique amiante (DTA), qui a été rendu obligatoire par le décret du 13 septembre 2001, poursuit ainsi le double objectif de recenser la présence de l'amiante et surtout de rendre les informations lisibles aux intervenants extérieurs, à partir d'une fiche récapitulative décrivant les éléments techniques du constat.

S'il est correctement mis à jour et effectivement utilisé comme un outil d'information systématiquement transmis aux entreprises intervenant sur les bâtiments, il pourra permettre d'éviter un certain nombre de situations dans lesquelles la mise en danger est prévisible.

Diminuer les risques auxquels sont exposés les ouvriers de « second oeuvre » revêt donc aujourd'hui un caractère d'urgence car, comme le rappelait M. Patrick Brochard, chef de service de médecine du travail et de pathologie professionnelle au CHU de Bordeaux, aujourd'hui (...) « 80 % des mésothéliomes observés le sont chez des personnes travaillant dans le secteur du bâtiment » .

* 75 La section 3 du décret est consacrée aux « activités et interventions sur des matériaux ou appareils susceptibles d'émettre des fibres d'amiante ».

* 76 Les informations fournies par la DARES 77 indiquent qu'« un ouvrier non qualifié du second oeuvre sur cinq est un apprenti en 1998 », et confirment la rotation rapide des effectifs : « les salariés ne restent que cinq ans en moyenne dans leur entreprise ou administration, le taux d'entrée est près de trois fois plus élevé dans ce métier qu'ailleurs et le taux de sortie deux fois plus ».

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