c) Les difficultés portées à la connaissance de la mission
(1) Les acteurs traditionnels de l'insertion subissent de plein fouet le choc de la concurrence et de la généralisation des appels d'offres

L'offre de formation de services de qualification et d'insertion professionnelles, destinée aux publics fragilisés et à certains demandeurs d'emploi, est constituée principalement de petites structures associatives ou de PME. Ces organismes, majoritaires dans le secteur de l'insertion, ont eu l'occasion, notamment lors du déplacement de la mission d'information à Marseille, d'évoquer leurs difficultés à répondre de manière satisfaisante aux appels d'offres, faute de personnels suffisants et qualifiés pour instruire leurs dossiers de candidatures.

(2) La position de la France en faveur de la spécificité de l'insertion au regard des règles de concurrence

Résumant la position de la France exprimée au niveau européen, le Gouvernement a indiqué qu'il était « attaché à une amélioration de l'encadrement communautaire des services économiques d'intérêt général » , en estimant notamment nécessaire « le traitement spécifique des services sociaux d'intérêt général (SSIG) dans le marché intérieur . Ces services accomplissent en effet une mission fondamentale de cohésion sociale et sont, compte tenu de leur évolution et de leur potentiel d'emploi, partie intégrante de la stratégie de Lisbonne pour la croissance européenne. (...) Il est important de veiller à ce que les règles transversales en matière de concurrence et de libre circulation des services dans le marché intérieur prennent en compte la spécificité des services sociaux. » (Réponse ministérielle publiée dans le JO Sénat du 10 août 2006, page 2113).

Plus précisément, la réponse des autorités françaises au questionnaire du comité de protection sociale sur les services sociaux d'intérêt général de mars 2007 comporte les principaux axes suivants.

De façon générale, la France plaide pour le traitement spécifique des services sociaux d'intérêt général (SSIG) :

- elle salue tout d'abord l'initiative du comité de la protection sociale d'engager une discussion approfondie sur les services sociaux d'intérêt général (SSIG), dans le prolongement de la communication de la commission du 26 avril 2006 ;

- elle regrette ensuite que la commission paraisse postuler implicitement dans sa communication que les services sociaux d'intérêt général relèvent de la sphère économique et souhaite que soit opérée une claire distinction entre, d'une part, les services sociaux d'intérêt général à caractère non économique, qui ne sont pas soumis aux règles communautaires de la concurrence et du marché intérieur, d'autre part, les services sociaux d'intérêt général qui, bien que relevant de la sphère économique, présentent des caractéristiques propres qui exigent une application adaptée de ces règles .

La position française prône également l'inclusion des formations professionnelles visant à l'insertion dans le champ de ces services :

- selon le souhait formulé par notre pays, les SSIG doivent pouvoir accomplir leurs missions d'intérêt général dans le cadre d'un mandat confié par les pouvoirs publics sous des formes très diverses : autorisation administrative, conventionnement ou habilitation législative ; les autorités françaises estiment nécessaire, par ce biais, de réduire l'insécurité juridique à laquelle sont confrontés les différents acteurs des SSIG et appellent à l'élaboration au niveau communautaire d'un cadre juridique spécifique pour les SSIG ;

- considérés d'un point de vue sectoriel, les SSIG se rencontrent dans les secteurs d'activité suivants : secteurs social et médico-social ; secteurs socioéducatifs, notamment dans le cadre d'un mandat judiciaire, secteurs socioculturels, services à la personne, logement social, protection sociale complémentaire, insertion par l'activité économique et service public de l'emploi. S'agissant des services de formation professionnelle, la France a observé que les « services d'éducation et formation », mentionnés dans certaines définitions, sont toutefois le plus souvent omis. Par conséquent, il conviendrait de les citer afin de bien prendre en compte les situations correspondant au rendu d'un service universel et non lucratif aux demandeurs d'emploi ;

- enfin un certain nombre de critères sont proposés pour délimiter les activités qui relèveraient des SSIG avec, notamment, la solidarité et l'intervention des pouvoirs publics dans la relation asymétrique entre prestataires et bénéficiaires, qui peut aller jusqu'à la gratuité ; à titre d'exemple, le document présenté par la France cite les activités de placement et d'accompagnement réalisées par l'Agence nationale pour l'emploi ainsi que les prestations d'accompagnement et d'orientation mises en oeuvre par l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes.

Au final, la position française rappelle que les services sociaux d'intérêt général relèvent le plus souvent de choix de puissance publique, irréductibles aux seules problématiques de concurrence et estime que l'article 86 §2 du Traité CE permet de justifier les dérogations aux règles de la concurrence sur une base plus large et donc plus protectrice des spécificités propres aux SSIG que la directive sur les services.

En contrepartie, « les caractéristiques des SSIG justifient une vigilance particulière des pouvoirs publics sur l'offre de services, qui peut se traduire en amont par un régime d'autorisation préalable destiné à vérifier la qualité des opérateurs selon des critères légaux et réglementaires, et en aval par des pouvoirs de contrôle étendus permettant d'agir rapidement en cas de dysfonctionnement susceptible de porter atteinte à l'intégrité des personnes. Les pouvoirs publics qui en sont souvent les financeurs essentiels, ont également la responsabilité d'assurer une répartition équilibrée de l'offre sur le territoire et de maîtriser les coûts.

« Par ailleurs, ces services constituent très fréquemment des activités qui, dépendantes massivement de financements publics et prenant en charge des personnes insolvables, n'ont pas de viabilité économique. Elles ne s'exercent pas sur un marché et n'affectent pas la concurrence dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une initiative privée et n'améliorent pas la position concurrentielle de l'entité qui les assure. »

A la lumière de ses travaux centrés sur l'efficacité de la formation professionnelle, la mission d'information a souhaité se limiter à apporter de simples remarques factuelles à ce débat sur l'opportunité de réduire le champ d'application du principe de concurrence.

Elle observe, de façon pragmatique, que le segment de marché le plus concurrentiel de la formation continue semble ne pas avoir été en mesure d'éradiquer totalement la présence sectaire (cf. ci-après) et, plus généralement, les dysfonctionnements corporatistes.

En même temps, elle constate, au vu des efforts entrepris par le secteur public de la formation professionnelle, les vertus de l'émulation.

La mission ajoute enfin qu'elle estime par-dessus tout essentiel d'introduire une culture et une pratique de l'évaluation systématique de l'efficacité des formations pour en améliorer l'adaptation aux besoins concrets.

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