V. LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D'INFORMATION : SIMPLIFIER LES DÉMARCHES DES USAGERS TOUT EN AMÉLIORANT LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE

Loin de s'opposer, la simplification des démarches des usagers et le renforcement de la lutte contre la fraude documentaire peuvent aller de pair.

Les recommandations que vos rapporteurs formulent à l'issue de leurs travaux tentent de répondre à cette double exigence. Elles s'articulent autour de trois axes : renforcer les obligations des administrations publiques ; recourir davantage aux nouvelles technologies de l'information et de la communication ; constituer à Nantes un grand pôle compétent en matière de droit international de l'état des personnes.

Certaines nécessitent une évolution de la législation, d'autres, plus nombreuses, des mesures réglementaires. Toutes exigent une évolution des mentalités et des comportements des administrations publiques, sans laquelle la qualité du service rendu aux usagers ne pourra être améliorée.

A. RENFORCER LES OBLIGATIONS DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

1. Instaurer un guichet unique pour les demandes de documents administratifs

La première recommandation formulée par vos rapporteurs -et sans doute l'une des plus importantes- consiste à instaurer un guichet unique pour les demandeurs de documents administratifs .

Actuellement, la personne qui souhaite obtenir une carte d'identité ou un passeport doit s'adresser à la mairie 29 ( * ) , à la sous-préfecture ou, lorsqu'elle réside à l'étranger, au consulat pour constituer son dossier. Diverses pièces justificatives sont exigées, qu'il lui faut obtenir auprès d'autres administrations publiques.

Un Français né et résidant à l'étranger désireux d'obtenir un passeport doit ainsi s'adresser au consulat de son lieu de naissance ou au service central d'état civil (s'il ne réside plus dans le même pays) pour qu'il lui envoie la copie de son acte de naissance et, le cas échéant, au service de la nationalité des Français nés et établis hors de France du tribunal d'instance du 1 er arrondissement de Paris, pour qu'il lui délivre un certificat de nationalité française. Pour obtenir ce certificat, il doit réunir d'autres pièces justificatives, comme des copies de l'acte de naissance de ses parents, et donc s'adresser aux communes de leur lieu de naissance, s'ils sont nés en France, ou au service central d'état civil, s'ils sont nés à l'étranger.

Les usagers sont ainsi contraints d'accomplir auprès de différentes administrations des démarches nombreuses et complexes. Ils doivent supporter des frais multiples, dont il leur est parfois difficile de s'acquitter : par exemple, il n'est pas toujours aisé, pour un Français résidant à l'étranger, de fournir une enveloppe timbrée d'un timbre français pour le courrier de réponse. Les dossiers n'étant pas toujours complets dès la première demande, les échanges avec les administrations concernées se multiplient. Enfin, la mise en circulation d'extraits ou de copies d'actes de l'état civil favorise la fraude documentaire.

Pour remédier à ces inconvénients, vos rapporteurs jugent nécessaire de transformer en une obligation l'actuelle faculté, pour une administration en charge de l'instruction d'un dossier administratif de solliciter directement les services d'état civil pour la délivrance des copies ou extraits d'actes de l'état civil .

Cette faculté, prévue par le décret précité du 29 octobre 2004, n'est actuellement guère utilisée. Or elle semble de nature à la fois à simplifier les démarches des usagers et à améliorer la lutte contre la fraude documentaire, la transmission d'administration à administration des copies ou extraits d'actes de l'état civil permettant d'éviter la falsification de ces documents.

Une expérimentation a été lancée dans quatre départements 30 ( * ) , entre les mois de janvier et de juillet 2007, au cours de laquelle des communes se sont engagées, sur la base du volontariat, à solliciter directement les services d'état civil pour la délivrance des copies ou extraits d'actes de l'état civil nécessaires à la délivrance de cartes d'identité ou de passeports.

Vos rapporteurs estiment que cette expérimentation doit être généralisée et pérennisée.

Ils jugent également nécessaire d' étendre cette obligation à la demande de certificats de nationalité française auprès des tribunaux d'instance compétents .

La mairie, la sous-préfecture ou le consulat qui exigerait la production d'un certificat de nationalité française à l'appui d'une demande de carte nationale d'identité ou de passeport se trouverait ainsi désormais dans l'obligation d'aider le demandeur à constituer son dossier auprès du tribunal d'instance compétent. Avant 2005, certains consulats s'acquittaient déjà de cette tâche, évitant ainsi aux tribunaux d'instance de recevoir des demandes manifestement infondées, incomplètes ou ne relevant pas de leur compétence rationae loci . Depuis les arrêts précités du Conseil d'Etat de l'été 2005 et l'interprétation qu'en a faite le ministère des affaires étrangères, les demandeurs sont livrés à eux-mêmes et le service de la nationalité du tribunal d'instance du 1 er arrondissement se trouve submergé de dossiers qu'il ne peut traiter immédiatement.

Recommandation n° 1 : Instaurer un guichet unique pour les demandes de documents administratifs en obligeant toute administration en charge de l'instruction d'un tel dossier, par exemple une demande de carte nationale d'identité ou de passeport, à solliciter directement les services concernés pour obtenir les pièces nécessaires, notamment une copie ou un extrait d'un acte de l'état civil ou un certificat de nationalité française .

* 29 Rappelons que, dans un arrêt du 5 janvier 2005 et un avis du 6 avril 2007, le Conseil d'Etat a jugé illégale l'obligation faite aux maires, respectivement par le décret du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports et par le décret du 25 novembre 1999, modifiant le décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité, d'instruire les demandes de passeport et de carte d'identité, au motif que ces dispositions avaient pour effet d'imposer indirectement aux communes des dépenses incombant à l'Etat et qu'en application de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales, le législateur était seul compétent pour les édicter. Il a également jugé que ces illégalités commises par le pouvoir réglementaire étaient de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Actuellement, les communes n'ont donc plus l'obligation d'instruire les demandes de carte d'identité ou de passeport et, pour celles qui s'en chargent, peuvent solliciter un dédommagement de l'Etat. Une modification législative, dont seul le gouvernement peut prendre l'initiative en raison de l'aggravation des charges publiques qu'elle implique, s'avère donc nécessaire pour la rétablir.

* 30 Le Bas-Rhin, l'Ille-et-Vilaine, la Guadeloupe et le Val d'Oise.

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