2. Les cas où la création ou l'aggravation de charge publique n'est pas constituée

La création ou l'aggravation de charge n'est naturellement pas constituée lorsqu'elle est totalement étrangère au dispositif de l'amendement ou lorsqu'elle n'en constitue qu'une conséquence très indirecte . Peu d'amendements seraient en effet susceptibles d'échapper à la déclaration d'irrecevabilité s'ils étaient évalués à l'aune de leurs implications ultimes sur la dépense publique.

Par ailleurs, il est d'usage de considérer qu'en matière de recevabilité financière, le doute profite à l'auteur de l'amendement . Dès lors que le juge de la recevabilité ne peut établir de façon certaine que l'amendement est constitutif d'une création ou d'une aggravation de charge publique, cet amendement sera donc déclaré recevable.

Toutefois, et en dehors des cas qui viennent d'être évoqués, le dépôt peut être admis de certains « amendements de charge » apparemment situés « à la lisière » de l'irrecevabilité financière.

a) Les amendements non normatifs

L'irrecevabilité étant conditionnée par l'ouverture d'une possibilité juridique de créer ou d'aggraver une charge, les amendements dépourvus de portée normative sont par définition toujours recevables, quand bien même leur dispositif serait coûteux.

Entrent tout d'abord sous cette catégorie les injonctions faites au gouvernement de mettre en oeuvre une politique publique, d'engager une réforme ou de déposer un projet de loi, soit parce qu'elles revêtent un caractère plus politique que juridique, soit parce que les règles constitutionnelles 24 ( * ) les privent a priori de toute portée . Est donc recevable un amendement qui dispose que « les universités françaises bénéficieront, pour mettre en oeuvre leurs nouvelles compétences, d'un investissement important de l'Etat faisant l'objet d'une loi de programmation quinquennale, qui sera présentée au Parlement d'ici à la fin de l'année 2007 ».

Il en va de même des formulations de voeux, de principes ou d'orientations, de portée très générale ou purement indicative, qui trouveraient plus opportunément leur place dans des résolutions que dans la loi, et qui privent le dispositif proposé de caractère véritablement contraignant.

Compte tenu de son caractère essentiellement déclaratoire, j'ai par conséquent déclaré recevable un amendement qui prévoyait que le système de protection sociale et les oeuvres universitaires seraient « portés au niveau des besoins correspondants à l'exigence de lutte contre la ségrégation sociale » et que le système des bourses d'Etat serait rapidement étendu et revalorisé, par la création d'une allocation d'autonomie pour la jeunesse « de façon à accroître rapidement la présence et la réussite des étudiants issus des catégories de la population à revenus modestes ».

b) Les charges de gestion

Sont également recevables les amendements dont l'adoption entraînerait une charge de gestion , c'est-à-dire une charge si minime qu'une personne publique pourrait y faire face par la mobilisation des moyens existants ou dans le cadre de son activité normale .

Une fois de plus, si la variété de ces amendements est potentiellement infinie, quelques critères permettent d'en définir les principales catégories.

Constituent, au premier chef, d'emblématiques charges de gestion les demandes de rapport , dont l'élaboration, la rédaction et l'impression sont, selon toute vraisemblance, réalisées à moyens constants par les services qui en ont la charge.

Appartiennent également à cette catégorie les amendements aménageant de façon limitée les missions d'une personne publique. J'ai ainsi déclaré recevable un amendement prévoyant que les commissions de sécurité placées au sein de chaque université rendraient un avis préalable datant de moins d'un an avant tout transfert de patrimoine immobilier, considérant que lesdites commissions s'acquitteraient de cette obligation à moyens constants.

La création de certaines structures légères peut également ressortir à la catégorie des charges de gestion. Cela sera d'autant plus vrai :

- que ladite structure sera dépourvue de personnalité juridique (et donc de la faculté de dépenser) ;

- qu'elle sera dotée d' attributions limitées , à vocation notamment informative, consultative ou prospective, et par principe peu coûteuses à exercer ;

- et que l'amendement ne prévoira aucun moyen explicite de fonctionnement ou aucun recrutement d'agents pour en assurer le fonctionnement.

A ainsi été jugé recevable un amendement portant création de « conseils de transparence et de suivi » sur les sites de cultures expérimentales d'organismes génétiquement modifiés, notamment chargés d'une mission d'information, de transparence et de communication, et sans que soient davantage précisés leur forme juridique, leurs moyens et leurs modalités de fonctionnement.

A contrario , ne sauraient être considérés comme constitutifs d'une charge de gestion, en raison de l'importance des coûts qu'ils entraînent, des amendements :

- faisant obligation à la Banque de France de créer un répertoire national des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels ;

- octroyant une formation linguistique aux personnes étrangères non couvertes par un contrat d'accueil et d'intégration ;

- prévoyant l'envoi obligatoire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception des avis d'amende forfaitaire majorée résultant d'une contravention au code de la route. Un calcul opéré par votre commission des finances avait permis, dans ce dernier cas, d'évaluer la dépense annuelle supplémentaire à plusieurs dizaines de millions d'euros.

c) Les amendements intéressant tant les personnes publiques que les personnes privées

Sont toujours recevables les amendements de portée générale, qui auraient pour but de créer ou d'aggraver une charge tant pour les personnes privées que pour les personnes publiques. Il en va ainsi des amendements créant une charge pesant sur l'ensemble des entreprises, et affectant l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics « en tant » qu'ils emploient des personnels.

Le cas de « l'Etat employeur » n'est toutefois pas le seul dans lequel la portée de l'amendement fait « écran » à l'application de l'article 40. Ainsi, bien qu'il puisse concerner des entreprises publiques, j'ai déclaré recevable un amendement faisant obligation à l'ensemble des entreprises de transport d'indemniser les autorités organisatrices en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre d'un plan de transport adapté ou d'un plan d'information des usagers.

Il doit être fermement établi que c'est bien la portée générale d'un dispositif qui exonère l'amendement de l'irrecevabilité. C'est pourquoi a été déclaré irrecevable un amendement qui supprimait l'exonération de taxe d'enlèvement des ordures ménagères dont bénéficiaient l'Etat, les départements, les communes et certains établissements publics louant certains locaux affectés à un service public. En effet, cet amendement, en assujettissant des personnes publiques à un prélèvement obligatoire dont elles étaient préalablement exonérées , était créateur d'une charge spécifique aux personnes publiques et, comme tel, contraire à l'article 40.

* 24 Et notamment avec l'article 20 de la Constitution qui dispose que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ».

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