III. EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le jeudi 8 janvier 2009 pour entendre le rapport de M. Hubert Haenel. À l'issue de sa présentation, le débat suivant s'est engagé :

M. Pierre Fauchon :

Il est dans notre mission d'avoir une vue lucide des situations. Celle que vous avez décrite est certes compliquée, mais ne doit pas susciter une inquiétude exagérée. L'Europe n'est pas homogène historiquement, juridiquement, culturellement : il n'est pas étonnant qu'il y ait des soubresauts. De toute manière, ne nous érigeons pas en donneurs de leçons, car l'erreur initiale fut le rejet du traité constitutionnel par la France.

L'essentiel est d'avancer, même si les progrès s'effectuent par des voies qui peuvent choquer un esprit cartésien.

Le mécanisme européen a changé depuis six mois. Longtemps, la Commission a été à la base de la dynamique européenne ; c'est pourquoi s'était imposée l'idée d'une Commission resserrée : l'on considérait que la Commission ne devait pas être trop nombreuse pour rester efficace. Mais cette idée a abouti à un paradoxe : car une Commission ne comprenant pas de membres issus de certains grands pays risquait fort de perdre sa crédibilité.

Cependant, dès lors que la Commission n'est plus à la base de la dynamique européenne, l'exigence d'une Commission resserrée s'impose beaucoup moins. Ce que nous avons constaté ces derniers mois, c'est que les exécutifs se sont réapproprié la construction européenne, et qu'ils l'ont fait de manière positive, non pour freiner, mais pour agir. Et cet effort s'est fait à vingt-sept. Il faut donc relativiser la question de la composition de la Commission. Nous avons connu en France des gouvernements pléthoriques comme des gouvernements resserrés, le tout sans différence sensible dans l'efficacité.

L'Europe va reposer désormais non plus sur une opposition entre l'Europe des États et l'Europe communautaire, mais sur une étroite coopération entre les deux. C'est ce qui me paraît le point essentiel.

M. Simon Sutour :

Je suis tenté de citer certains proverbes : « à quelque chose, malheur est bon » , « patience et longueur de temps font mieux que force ni que rage » .... Car finalement, pour ce qui est de la composition de la Commission, le « non » irlandais va être l'occasion d'adopter une meilleure solution. En revanche, pour le Parlement européen, la nouvelle répartition des sièges va être considérablement retardée. En tout cas, je crois que les difficultés actuelles confortent ceux qui avaient défendu le « oui » au traité constitutionnel.

Mme Annie David :

Je constate que personne n'avait envisagé qu'il pourrait y avoir un « non » au traité de Lisbonne. Cela en dit long sur la réalité de la construction européenne. Et je crois que cela conforte plutôt ceux qui, en France, ont voté « non » au traité constitutionnel. Je voudrais souligner que les membres du groupe communiste, républicain et citoyen ne sont pas pour autant des « anti-européens ». Nous voulons que l'Europe se construise, mais d'une manière qui améliore la situation des peuples. Et nous constatons que le traité de Lisbonne ne va pas dans ce sens. Ce que nous voulons, c'est une Europe au service des intérêts des peuples.

M. Hubert Haenel :

À une époque de la construction européenne, on avait tendance à vouloir faire le bonheur des gens malgré eux. Les référendums ont changé quelque chose. Je crois également que, désormais, la Commission n'aura plus le même rôle ; mais si l'intergouvernemental doit compter davantage, il faudra qu'il fonctionne mieux.

M. Simon Sutour :

Mon département a voté « non » à 65 % au traité constitutionnel. En militant pour le « oui », j'étais pour le moins à contre-courant ! Je crois que le contenu du texte était loin d'être seul en cause. Les citoyens ressentent un fossé démocratique entre eux et le processus de décision européen. Ils ont le sentiment de ne pas être écoutés. Et quand ils ont une occasion de protester, ils la saisissent.

Mme Annie David :

Dans mon département, l'écart a été bien moindre : il y a eu 52 % de « non ». J'ai animé de nombreuses réunions. Beaucoup de participants avaient le traité en mains et avaient fait l'effort de s'informer de son contenu. Il est vrai que, sur certains points, comme la laïcité et les services publics, il y avait des interprétations différentes. Mais les Français ne sont pas stupides ! Leur vote était réfléchi ; il n'avait rien de nationaliste.

M. Jean Bizet :

Je voudrais rappeler que, face au « fossé démocratique » qui a été signalé, nous allons avoir grâce au traité de Lisbonne de nouvelles possibilités, avec le rôle accru des parlements nationaux, notamment pour le contrôle de subsidiarité. Il faudra le faire entrer dans les moeurs : cela prendra du temps, mais il s'agit d'une évolution importante.

Le rôle de la Commission européenne a été évoqué : je crois que l'évolution récente l'a repositionnée là où elle doit être : elle a un pouvoir de proposition, elle est gardienne des traités, mais elle ne doit pas être prépondérante. La Commission a donc trouvé sa juste place, et j'espère que nous ne reviendrons pas en arrière : le pouvoir européen doit être entre les mains du politique, c'est-à-dire du Parlement européen et du Conseil.

M. Hubert Haenel :

Je crois que cette exigence d'un retour du politique est de mieux en mieux admise. Même les Allemands ont évolué par rapport à une vision un peu trop exclusivement juridique du fonctionnement de l'Union.

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