COMPTES RENDUS DES TRAVAUX DE LA COMMISSION

- Aspects financiers et fiscaux des propositions du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales Audition de M. Edouard Balladur (mardi 7 avril 2009)

Réunie le mardi 7 avril 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. Edouard Balladur , ancien Premier ministre, sur les aspects financiers et fiscaux des propositions du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que cette audition a pour objet d'introduire la réflexion de la commission des finances en matière de finances locales et de taxe professionnelle.

M. Edouard Balladur a indiqué que le rapport ne propose pas une réforme globale des collectivités locales mais s'est attaché à recommander quelques mesures. En matière financière et fiscale, le rapport s'est intéressé en particulier à la taxe professionnelle, à la révision de l'assiette des impôts directs locaux et, enfin, à la maîtrise de la dépense des collectivités locales.

S'agissant de la taxe professionnelle, M. Edouard Balladur a envisagé les mesures qui permettraient de compenser sa suppression. Il a écarté certaines pistes telles que l'augmentation des dotations de l'Etat ou la création de la taxe carbone, qui présentent l'inconvénient soit d'aggraver le déficit budgétaire soit de frapper la consommation des ménages. Il a donc évoqué d'autres réformes qui lui paraissent plus pertinentes, telles que l'augmentation de la part foncière de la taxe professionnelle ou la taxation de la valeur ajoutée des entreprises. En tout état de cause, il est impératif de conserver le lien existant entre celles-ci et les territoires à travers l'impôt.

Pour ce qui concerne l'assiette des impôts directs locaux, il a proposé de rendre obligatoire la révision de leurs bases foncières tous les six ans. Cette révision se fonderait sur les valeurs locatives, telles qu'elles sont évaluées par l'administration lors des transactions. Il a reconnu que les transferts de charge induits par cette révision sont cependant susceptibles de créer d'importantes difficultés politiques et sociales.

En vue de mieux maîtriser les budgets des collectivités territoriales, M. Edouard Balladur a souhaité que le Parlement puisse débattre chaque année d'un objectif national d'évolution de la dépense locale, à l'image du mécanisme mis en place pour l'assurance maladie. Il a souligné que sa proposition, même sans être assortie d'un dispositif contraignant, avait suscité, de la part de certains membres du comité, des objections fondées sur le principe de la libre administration des collectivités locales, mais il a rappelé que la démocratie implique le vote de l'impôt par le Parlement et que les collectivités territoriales ne peuvent percevoir de ressources fiscales que sur le fondement d'une autorisation législative.

M. Edouard Balladur a en outre précisé qu'il appartiendra au Parlement de conduire, le cas échéant, une réforme des finances locales de grande ampleur, le rapport du comité qu'il a présidé ne recommandant quant à lui que quelques mesures d'urgence ciblées.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le caractère prudent de la formulation du rapport, qui n'est pas allé jusqu'à préconiser clairement une révision constitutionnelle comme fondement de la réforme des finances locales.

M. Edouard Balladur a estimé que la multiplication des révisions constitutionnelles n'est pas souhaitable. Il a cependant relevé deux points problématiques dans la Constitution aujourd'hui. Le premier concerne la part déterminante que les ressources propres doivent représenter dans l'ensemble des ressources des collectivités territoriales. Le second porte sur l'interdiction pour une collectivité territoriale d'exercer une tutelle sur une autre, ce qui posera des difficultés pour les futures « métropoles » préconisées par le rapport.

M. Jean Arthuis, président, a estimé nécessaire de lever les tabous pour avancer dans la voie d'une réforme des finances locales.

M. Joël Bourdin s'est interrogé sur la contradiction entre la recommandation d'instituer une taxe assise sur la valeur ajoutée et le rejet de la taxation des salaires, à l'origine de la réforme de la taxe professionnelle de 1998, qui a supprimé la part salaires dans l'assiette de cet impôt. Il a ensuite regretté que le rapport ne comporte pas un volet méthodologique sur la nécessité, pour les collectivités locales, de disposer d'études d'impact avant d'envisager d'exercer de nouvelles compétences.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur le lien entre l'échec de la réforme des valeurs locatives en 1990 et le dispositif particulier que cette loi prévoyait pour les sociétés et offices HLM. Il a ensuite évoqué la possibilité pour les structures intercommunales de décider elles-mêmes des révisions des valeurs locatives sous le contrôle de l'administration.

M. François Marc a relevé les nombreux reculs qui ont marqué les tentatives de réforme des finances locales et s'est interrogé sur les conditions politiques qui seraient de nature à favoriser la mise en oeuvre des solutions préconisées par le rapport. Il a ensuite plaidé pour un renforcement de la péréquation horizontale.

M. Charles Guené a estimé, à la suite des propos de M. Joël Bourdin, que l'assiette valeur ajoutée comprend les salaires et qu'il faudra bien, à un moment ou à un autre, ouvrir le débat sur la mise en oeuvre d'un impôt sur la consommation. Il a interrogé M. Edouard Balladur sur l'évolution des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales.

M. Jean-Claude Frécon s'est inquiété des modalités de compensation de la suppression de la taxe professionnelle, soulignant le flou entourant les chiffres annoncés par le Gouvernement. Il a exprimé son accord avec le rejet de la taxe carbone comme substitut à cet impôt. Enfin, il a jugé indispensable de procéder à une révision des bases locatives des impôts locaux, mais a exprimé sa préférence pour une évaluation déclarative par rapport à l'évaluation administrative préconisée par le rapport.

M. Pierre Bernard-Reymond a relevé une contradiction entre le système des subventions croisées, créant des liens de « vassalité » entre collectivités et le principe de l'autonomie énoncé par la Constitution. Ce système est en outre coûteux et source de lenteurs administratives.

M. Philippe Adnot s'est déclaré en désaccord avec plusieurs observations du rapport du comité. La fiscalité locale n'est pas illisible pour les électeurs. La mise sous tutelle de la compétence fiscale du département par la région n'est pas admissible et le département se verrait supprimer ses marges de manoeuvre en cas de spécialisation de ses recettes fiscales.

M. Jean Arthuis, président, a contesté que la suppression partielle de la taxe professionnelle puisse être compensée par une hausse du produit de l'impôt sur les sociétés. L'unique intérêt de la réforme de la taxe professionnelle est la baisse des coûts de production ce qui exclut qu'elle entraîne parallèlement une imposition supplémentaire. Par ailleurs, la distinction entre impôt de production et impôt de consommation est illusoire. La taxe professionnelle, comme tous les impôts, est payée in fine par les ménages.

En réponse aux intervenants, M. Edouard Balladur a apporté les précisions suivantes :

- dans le système de la taxe sur la valeur ajoutée, les salaires sont réintroduits dans l'assiette mais ne sont pas taxés directement. C'est la différence entre taxation directe et indirecte, réalité reconnue par l'opinion moyenne des économistes, qui fait l'utilité de la réforme de la taxe professionnelle. A défaut, il suffirait d'instituer un impôt généralisé sur le revenu ou la consommation ;

- la véritable cause des délocalisations est le taux de prélèvements obligatoires ;

- l'évaluation est toujours souhaitable, elle a été introduite dans la Constitution à travers les études d'impact ;

- c'est en raison de ses conséquences sociales et politiques que le comité a souhaité préconiser une obligation légale de révision des bases locatives tous les six ans. Toutes les méthodes d'évaluation donnent lieu, in fine, à un contrôle de l'administration fiscale. Il convient surtout d'éviter des modifications qui interviendraient à chaque transaction ;

- si le système actuel de péréquation est pour l'essentiel vertical et fondé sur les dotations de l'Etat aux collectivités, le développement de l'intercommunalité constitue en soi un mode de péréquation horizontale que le comité soutient en demandant son achèvement ;

- la taxation de la valeur ajoutée ne peut pas être assimilée à une nouvelle taxe professionnelle, car elle est moins pénalisante par rapport à un prélèvement opéré sur une assiette reflétant directement l'investissement et l'emploi ;

- le calcul de la perte nette de recettes fiscales liée à la suppression partielle de la taxe professionnelle, soit 6,1 milliards d'euros, est détaillé dans le rapport du comité ;

- la question des financements croisés demande que soit abordée également celle du maintien de la clause de compétence générale ;

- le détail de la spécialisation des compétences entre collectivités et celui de l'affectation optimale des ressources et des dépenses n'entrait pas dans la mission du comité et devra être fixé par le législateur ;

- l'effet mécanique d'une hausse du produit de l'impôt sur les sociétés du fait de la suppression partielle de la taxe professionnelle a été confirmé par la direction de la législation fiscale.

M. Gérard Longuet a précisé les motifs du choix du comité en faveur d'une taxation de la valeur ajoutée pour se substituer à la taxe professionnelle, rappelant au préalable qu'étaient exclues l'augmentation de la dette de l'Etat comme la diminution des interventions des collectivités. La taxation de la valeur ajoutée devrait permettre de réduire l'inégalité de traitement actuelle entre les activités de production et les activités de services, ces dernières étant bien moins taxées.

M. Claude Belot s'est interrogé sur la possibilité de localiser l'assiette de la TVA et a rappelé qu'il est important de mesurer les effets des réformes envisagées sur les importations.

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