- Réforme des finances locales et de la taxe professionnelle Communications (mardi 21 juillet 2009)

Réunie le mardi 21 juillet 2009 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de MM. Charles Guené et Albéric de Montgolfier , membres du groupe de travail sur la réforme de la taxe professionnelle placé auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et une communication de M. Jean Arthuis , président , sur la synthèse des travaux de la commission sur la réforme des finances locales et de la taxe professionnelle.

M. Charles Guené a tout d'abord rappelé que la réforme de la taxe professionnelle fait l'objet d'un processus de négociation avec les associations d'élus depuis le 10 avril dernier. Cette réforme suppose la création d'un nouvel impôt économique pour les entreprises ; elle aura un impact sur l'équilibre des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales et devra conduire à de nouvelles modalités de répartition des ressources entre les collectivités territoriales.

Au sein du produit total de la taxe professionnelle, 17 milliards d'euros sont aujourd'hui acquittés par les entreprises tandis que 14 milliards proviennent de l'Etat.

Toutefois, M. Albéric de Montgolfier a rappelé que la réforme ne produira pour les collectivités territoriales, « que » 22,2 milliards d'euros de pertes de produit de taxe professionnelle, en raison notamment de la complexité de cette imposition, qui a été réformée soixante-huit fois depuis 1975.

M. Charles Guené a présenté les différentes hypothèses de réforme : celle du Gouvernement en date du 10 avril, celle élaborée par le Parlement et, enfin, la dernière hypothèse en date du Gouvernement dévoilée le 8 juillet dernier. Parmi les modifications apportées par rapport à la réforme initialement proposée, la part foncière serait minorée afin de réduire la charge pesant sur les entreprises industrielles ; elle serait découplée de la cotisation sur la valeur ajoutée et le barème de cette cotisation devrait être plus progressif.

M. Albéric de Montgolfier a rappelé que le taux de la cotisation sur la valeur ajoutée serait fixé par la loi de finances, au niveau national, et non par chaque collectivité territoriale bien que les bases en soient localisables. Les entreprises sont en effet très attentives à ce que le nouvel impôt ne les pénalise pas et soit d'application simple.

Pour répondre à M. Jean Arthuis, président , qui s'interrogeait sur les raisons de l'exonération des coopératives agricoles, M. Charles Guené a indiqué qu'un des problèmes les plus difficiles à régler tient à la volonté qu'aucun secteur ne soit perdant à l'issue de la réforme.

La taxe sur la valeur ajoutée serait plafonnée à 1,5 %, ce qui s'articulerait avec un plafonnement global à 3,5 % en incluant l'imposition foncière. En réponse à Mme Marie-France Beaufils , M. Charles Guené a précisé que, selon lui, la taxe foncière sur les établissements industriels serait incluse dans ce plafond de 3,5 %. Le gain net pour les entreprises résultant de la réforme est évalué à 4,6 milliards d'euros.

Dans un second temps, M. Charles Guené a présenté les conséquences de la réforme sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Les nouveaux paramètres de la réforme prévoient un transfert du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée de 10,5 milliards d'euros contre 6,4 milliards dans l'hypothèse initiale ; ils intègrent le transfert des frais d'assiette et de recouvrement, qui porte sur 2,1 milliards d'euros ; le transfert d'une part supplémentaire de taxe intérieure sur les produits pétroliers n'est en revanche plus à l'ordre du jour ; enfin, un travail important devra porter sur la définition des taxes locales sectorielles, censées rapporter 1,2 milliard d'euros.

Au total, l'équilibre de la réforme nécessitera une contribution budgétaire de l'Etat à hauteur de 4,8 milliards d'euros. L'Etat contribuait à hauteur de 7,9 milliards d'euros et devra dorénavant fournir 12,5 milliards aux collectivités. Cette réforme n'entraînera toutefois aucune perte d'autonomie financière pour les collectivités territoriales. En effet, des transferts de taxe vont largement se substituer aux 7,9 milliards de dotations antérieurement versés. Par conséquent, le montant des dotations de l'Etat devrait globalement diminuer.

M. Albéric de Montgolfier a rappelé que les études internationales concluent à un niveau satisfaisant d'autonomie financière pour les collectivités territoriales françaises.

Enfin, M. Charles Guené a évoqué la question de la répartition entre les collectivités territoriales des nouvelles ressources prévues par la réforme. Les associations d'élus se sont accordées sur le fait de ne pas aborder ce sujet à ce stade de la négociation. La proposition de l'Assemblée des communautés de France propose d'affecter une part importante de la cotisation sur la valeur ajoutée aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale. M. Charles Guené a jugé « curieux » qu'un consensus se soit dégagé sur le fait de ne pas aborder cette question, qu'il faudra, à terme, régler.

M. Albéric de Montgolfier a rappelé que l'accord des associations d'élus sur une spécialisation des impôts locaux « éclate » lorsque les modalités concrètes de cette répartition sont envisagées. Les taxes locales spécifiques devraient porter sur les équipements lourds et non délocalisables tels que, par exemple, les autoroutes, les installations d'incinération, ou encore les centrales nucléaires. Un travail important devra être mené dans cette matière et ces taxes pourraient rapporter davantage que les 1,2 milliard prévus dans l'hypothèse du Gouvernement.

Puis, la commission des finances a entendu M. Jean Arthuis , président , sur la synthèse des travaux de la commission sur la réforme des finances locales et de la taxe professionnelle.

M. Jean Arthuis , président , a évoqué les deux réformes d'envergure concernant les collectivités territoriales, engagées au cours de l'année 2009 : la quasi suppression de la taxe professionnelle et la modernisation de l'organisation territoriale, alimentée par les conclusions du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par M. Edouard Balladur. Rappelant que ces initiatives feront l'objet de débats au Parlement au cours de l'automne, il a précisé que la réforme de la taxe professionnelle sera abordée dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2010.

Dans cette perspective, la commission des finances a ouvert une réflexion préparatoire, qui s'est appuyée sur un nombre volontairement limité d'auditions, ainsi que sur le concours appréciable des sénateurs membres du groupe de travail sur la réforme de la taxe professionnelle, placé auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Par ces auditions et les débats qui les ont suivis, la commission investit un domaine auquel elle avait consacré en 2003 un rapport d'information, qui proposait de fixer les principes devant guider la réforme, non seulement de la fiscalité locale, mais également de l'ensemble des finances locales.

M. Jean Arthuis , président , a rappelé que les débats se sont focalisés sur trois sujets : la taxe professionnelle, la réalité de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et la péréquation, et qu'ils ont permis de mettre à jour des enjeux et de réfléchir aux orientations proposées par le Gouvernement en les confrontant aux réalités de la compétitivité de l'économie et du déséquilibre actuel des comptes publics.

Il s'est félicité que les échanges au sein de la commission aient écarté les tabous et les réflexes conservateurs dont l'expérience a montré qu'ils sont souvent présents dans le domaine des finances locales.

Il a ensuite présenté les observations principales résultant de ces travaux sur chacun des trois thèmes abordés.

S'agissant de la réforme de la taxe professionnelle, il a constaté que le débat n'est pas clos et que nombre d'arbitrages n'ont pas encore été rendus, notamment sur la répartition des compensations et du produit des nouveaux dispositifs fiscaux qui seront mis en place.

La justification de la réforme de la taxe professionnelle ne tient qu'à l'amélioration qu'elle peut apporter à la compétitivité des entreprises et à l'attractivité du territoire. Dans ce but, elle doit répondre simultanément à trois conditions. Elle ne doit pas pénaliser ou avantager à l'excès un secteur de l'activité économique par rapport aux autres. Elle doit s'accompagner de la révision des valeurs locatives cadastrales qui sont décalées par rapport à la réalité économique. Enfin, elle doit être l'occasion de renforcer la responsabilisation des collectivités territoriales, par la suppression des dégrèvements, qui ont fait de l'Etat le premier contribuable de fait de la fiscalité locale.

Après avoir souligné la nécessité de la réforme pour préserver l'activité économique et limiter les délocalisations, M. Jean Arthuis , président , a considéré que si la réforme de la taxe professionnelle ne doit pas aboutir, par le jeu de nouvelles garanties, à geler des situations acquises en confortant les blocages du système actuel des finances locales, elle doit aussi rester neutre pour le budget de l'Etat et ne pas être financée par un recours au déficit ou à l'emprunt.

Toutefois, quel que soit le mode de financement retenu, augmentation d'une imposition existante ou création d'une nouvelle taxe, son coût sera, directement ou non, in fine à la charge des ménages, par le biais des prix à la consommation ou par celui d'une augmentation de la fiscalité.

Il a ensuite dressé un bilan de la révision constitutionnelle du 25 mars 2003 en matière d'autonomie financière.

Cinq ans plus tard, les principes constitutionnels alors adoptés semblent particulièrement inopérants :

- les transferts d'impôts, sur lesquels les collectivités territoriales n'ont aucune marge de manoeuvre, étant intégrés dans la notion de « recettes fiscales et autres ressources propres », aucune garantie n'est apportée à une réelle autonomie financière des collectivités ;

- le choix de l'année 2003 comme année de référence est arbitraire et illustre la difficulté à établir un critère objectif permettant de garantir l'effectivité de l'autonomie financière des collectivités territoriales ;

- enfin, le lien entre autonomie financière, d'une part, et capacité pour les collectivités à fixer l'assiette et le taux de leurs recettes fiscales, d'autre part, est loin d'être évident comme le démontre l'exemple des Länder allemands.

M. Jean Arthuis , président , a observé que, par rapport à nos principaux voisins européens, l'autonomie financière des collectivités territoriales françaises est relativement préservée en matière de ressources.

Elles disposent, notamment, d'une liberté de recours à l'emprunt qui est une spécificité en Europe. Par ailleurs, la part des recettes fiscales des collectivités françaises est légèrement supérieure à celle des collectivités européennes.

Enfin, alors que la révision constitutionnelle consacrait l'importance d'une autonomie des recettes des collectivités, c'est davantage l'autonomie de leurs dépenses qui semble être menacée, les budgets des collectivités territoriales étant de plus en plus grevés par des dépenses contraintes, telles que les dépenses sociales pour les départements, dans un contexte de crise économique et de vieillissement de la population.

Il a jugé souhaitable que des progrès soient accomplis pour améliorer les modalités de compensation financière des transferts de compétences, par l'affectation de ressources aussi dynamiques que les charges transférées, et par la limitation des abattements, exonérations et dégrèvements de fiscalité locale, décidés et pris en charge par l'Etat, qui réduisent d'autant l'autonomie des collectivités territoriales.

Sur ce point, il a rappelé que les dotations de compensations d'exonérations sont de plus en plus appelées à servir de variables d'ajustement dans le cadre du mécanisme de « l'enveloppe fermée » des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales.

Pour ce qui concerne la péréquation, M. Jean Arthuis , président , a formulé trois observations principales qui ressortent des travaux de la commission.

La première est liée à la réduction des marges de manoeuvre financières. Le dynamisme de la péréquation a reposé longtemps sur la croissance de la DGF. Aujourd'hui, le contexte économique a changé, l'état des finances publiques et les perspectives d'évolution des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales ne donnent plus les mêmes facilités.

En conséquence, les mécanismes horizontaux de péréquation, qui présentent l'intérêt de ne pas peser directement sur le budget de l'Etat, doivent être préférés aux dotations liées à la péréquation verticale.

Les dispositifs de péréquation doivent également être mieux ciblés. La dilution de la péréquation induit en effet deux effets négatifs qui se cumulent : une moindre correction des inégalités et un accroissement des coûts budgétaires. Le « toujours-gagnant » n'est pas tenable et certaines collectivités territoriales devront accepter de voir stagner leurs recettes.

La deuxième observation porte sur la complexité grandissante des politiques de péréquation, qui devient de moins en moins acceptable. La simplification des dispositifs de péréquation doit viser particulièrement les critères relatifs à l'éligibilité et ceux relatifs à la répartition, dont l'application aboutit souvent à des résultats très injustes.

M. Jean Arthuis , président , a, enfin, évoqué l'opportunité de se saisir de la réforme de la taxe professionnelle pour relancer la réforme de la péréquation.

Du fait de la réforme, en effet, les indicateurs de ressources, potentiel fiscal et potentiel financier, qui servent à l'éligibilité mais aussi à la répartition des dotations, perdront leur pertinence. De nouveaux indicateurs de richesse fiscale devront donc être définis en vue d'apprécier, le plus finement possible, les écarts de ressources entre les collectivités territoriales.

La remise à plat sera aussi nécessaire pour les deux dispositifs de péréquation horizontale que sont les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et le fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF), dont le financement repose sur la taxe professionnelle.

Par ailleurs, le système de compensations, qui sera mis en place dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, ne doit pas figer durablement des écarts significatifs de ressources et renforcer, année après année, les inégalités existantes entre les collectivités territoriales.

Enfin, cette réforme permet aussi d'engager une réflexion plus large sur les finances locales, portant notamment sur l'expérimentation d'une affectation d'une fraction de la future cotisation sur la valeur ajoutée au financement de la péréquation ou le transfert d'impôts d'Etat.

Puis M. Jean Arthuis , président , a proposé que le bilan des échanges de la commission soit retranscrit dans un rapport d'information et que ses travaux se poursuivent au cours de la session extraordinaire envisagée en septembre 2009.

Un débat s'est alors ouvert.

M. Serge Dassault a estimé que la réduction des coûts de production des entreprises doit davantage passer par une diminution des charges pesant sur les salaires et par une réforme des 35 heures, la taxe professionnelle n'étant qu'une « goutte d'eau ».

Mme Marie-France Beaufils a souhaité savoir quelles entreprises seront exonérées des nouvelles impositions prévues et dans quelles conditions. Les secteurs des services, de la banque et de la grande distribution notamment devront nécessairement contribuer davantage dans le nouveau système qu'actuellement. Le rapport de M. Jean-Philippe Cotis sur le partage de la valeur ajoutée a par ailleurs montré que la taxe professionnelle n'est pas le principal problème en France aujourd'hui.

En réponse, M. Charles Guené est convenu que 5 milliards d'euros sont peu par rapport à ce qu'il faudrait pour rétablir la compétitivité des entreprises françaises mais que c'est un premier pas. Les précisions quant aux modalités d'exonération des nouvelles impositions prévues devraient être rendues publiques prochainement.

M. Albéric de Montgolfier a estimé que les entreprises de services et de la grande distribution bénéficieront nécessairement moins de la réforme proposée que les autres.

M. Jean-Pierre Fourcade a rappelé que si les entreprises de service sont aujourd'hui privilégiées dans le dispositif fiscal de la taxe professionnelle, c'est en raison de la suppression de la part de cette taxe portant sur les salaires mise en oeuvre par Dominique Strauss-Kahn, lorsqu'il était ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Eric Doligé s'est inquiété des « dégâts considérables » que la réforme pourrait produire sur les collectivités territoriales. Un équilibre financier global de la réforme n'empêchera pas certaines collectivités de perdre 20 % à 30 % de leurs ressources, ce qui les placera dans une situation particulièrement difficile.

M. Jean Arthuis, président, a jugé qu'une réforme de la taxe professionnelle qui ne ferait que des gagnants n'est pas possible et qu'il faut par conséquent approfondir la réflexion sur les modalités aujourd'hui envisagées pour cette réforme.

En conclusion, M. Charles Guené a estimé que cette réforme ne produira pas d'effets néfastes pour les collectivités territoriales et qu'une mise à plat globale de la fiscalité locale serait préférable au cumul de retouches ponctuelles, telles que celles aujourd'hui envisagées concernant l'architecture institutionnelle locale, la taxe professionnelle ou encore la taxe carbone.

La commission a enfin décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication de ses travaux relatifs à la réforme des finances locales et de la taxe professionnelle sous la forme d'un rapport d'information.

DOCUMENT DE PRÉSENTATION DES TRAVAUX DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE PLACÉ AUPRÈS DE LA MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

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