- Réforme des finances locales et de la taxe professionnelle péréquation Audition de M. Yves Fréville (mercredi 10 juin 2009)

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Yves Fréville, ancien sénateur, professeur d'université , sur la réforme des finances locales et de la taxe professionnelle.

A l'invitation de M. Jean Arthuis , président , M. Yves Fréville a répondu aux trois questions suivantes :

- quelle est la plus efficace des péréquations : la péréquation horizontale ou la péréquation verticale, et quel est le bon périmètre pour la péréquation horizontale ?

- quels sont les erreurs à ne pas commettre dans la mise en place de mécanismes de péréquation ?

- enfin, à quelles conditions la péréquation peut-elle conduire plus efficacement à la réduction des inégalités entre collectivités ?

Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, il a exposé l'exemple extrême du Royaume-Uni, où la péréquation est exclusivement verticale et où les dotations de l'Etat sont déterminées après une étude fine des coûts supportés par chaque collectivité territoriale. Cette méthode pourrait être transposée en France - c'était la volonté de la délégation à l'aménagement du territoire du Sénat - mais elle nécessiterait de trouver des critères pertinents d'évaluation des besoins. Par ailleurs, il a relevé qu'il pourrait être opportun d'intégrer dans la DGF un critère relatif à l'évolution de la population, dans la mesure où l'on constate que le montant de la DGF par habitant tend à diminuer avec l'augmentation de la population au sein d'une collectivité territoriale.

Concernant la péréquation horizontale, il a rappelé qu'elle avait existé en France au niveau national jusqu'en 1968, et reposait sur un prélèvement de 25 % de la taxe locale, dont le taux était fixé au niveau national. Il a jugé que, si la contribution sur la valeur ajoutée étudiée par la commission des finances de l'Assemblée nationale était mise en place, le « glissement » de l'imposition locale vers les services et les zones urbaines qu'elle entraînerait rendrait indispensable un mécanisme de péréquation similaire. Il serait toutefois complexe d'allier les fonctions compensatrices et péréquatrices du nouveau dispositif. Il a par ailleurs évoqué les pays d'Europe du Nord qui ont mis en place une péréquation horizontale fondée à la fois sur les ressources et sur les dépenses.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la possibilité, d'une part, de réduire le montant de la DGF des collectivités dont la population baisse et, d'autre part, de diminuer la composante de la DGF correspondant au montant de la taxe locale antérieure à 1968.

En réponse, M. Yves Fréville a rappelé la tentative de mise en place, au début des années 1990, d'un fonds interdépartemental de péréquation de la taxe professionnelle. Cette initiative avait permis de réduire les ressources de certains départements mais avait échoué pour deux raisons : la décision de faire bénéficier du produit dégagé les départements de montagne, et non les départements à faibles ressources de taxe professionnelle, et l'incorporation de cette dotation au sein de la DGF, qui avait conduit à sa disparition.

Il a par ailleurs regretté que la notion de potentiel fiscal, qui était pertinente en 1979, lors de sa mise en place, soit devenue obsolète en raison de deux évolutions :

- la hausse des compensations de fiscalité locale, qui pose la question de leur intégration au sein de la notion de potentiel fiscal ;

- le développement des intercommunalités qui, en raison de l'hétérogénéité de leurs statuts et de leurs compétences fiscales, ne peuvent se soumettre à un système uniforme de définition du potentiel fiscal ;

Evoquant les effets ambigus du coefficient d'intégration fiscale (CIF), il a en outre souligné la difficulté de répartir également les charges sur le territoire, indépendamment des structures administratives.

Puis, M. Yves Fréville , en s'appuyant sur des études chiffrées qu'il a réalisées, a souhaité mettre en exergue plusieurs points :

- l'étude de la dotation nationale de péréquation montre que l'effort redistributif porte principalement sur les communes situées aux extrêmes, au détriment de la grande majorité des communes qui se situent autour de la moyenne du potentiel fiscal, dans un écart de un à trois ;

- la mise en place d'une DGF commune aux établissements publics de coopération intercommunale et aux communes qui les composent réduirait de manière significative les disparités ;

- l'étude de l'évolution de la DGF en fonction de la population montre que plus les communes ont connu des hausses démographiques, plus leur DGF par habitant s'est réduite ;

- en raison de modes de calcul déterminés par voie réglementaire, des différences injustifiées et non conformes à l'esprit des lois créant les systèmes de péréquation peuvent apparaître : ainsi, si le montant de la dotation de fonctionnement minimal est proportionnel au potentiel fiscal du département, celui de la dotation de péréquation urbaine ne lui est pas strictement proportionnel, d'où il résulte que même les départements urbains les plus riches reçoivent une part de dotation de péréquation urbaine ;

- l'étude de la corrélation entre les indices de charges servant de critères de répartition de la dotation de solidarité urbaine montre qu'ils sont tous convergents et que, par conséquent, réduire le nombre de ces critères de répartition pourrait, sans préjudice, simplifier le système. A l'inverse, les indices de ressources servant de critères de répartition apparaissent réellement complémentaires et sont donc plus pertinents ;

- l'examen des effets, sur le montant de la dotation de solidarité urbaine, du critère d'appartenance des communes à une zone urbaine sensible ou à une zone franche urbaine montre que leur application a pour conséquence d'annuler les effets des autres critères de répartition. Comme pour d'autres dotations de péréquation, M. Yves Fréville s'est interrogé sur la pertinence de systèmes visant principalement à régler des cas extrêmes et souhaité que soit étudiée la possibilité de mettre en place, parallèlement au dispositif classique de péréquation, un dispositif spécifique pour les collectivités territoriales qui se trouvent dans des situations extrêmes.

Enfin, il a regretté que l'on attache aujourd'hui trop d'importance aux simulations et que l'on refuse de voir diminuer les dotations de certaines collectivités. Il a rappelé que la mise en place, en 1966, du versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS) s'était faite progressivement, certaines collectivités voyant leur montant de dotation diminuer de 5 % par an. Il a reconnu toutefois que l'application de la réforme avait été facilitée par de forts taux d'inflation.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a rappelé les deux principaux obstacles identifiés par M. Yves Fréville pour une réforme des finances locales : le fait de concentrer les dispositifs de péréquation sur les collectivités se trouvant dans les situations les plus extrêmes et le conservatisme amenant à ce qu'aucune collectivité ne soit perdante à l'issue d'une réforme.

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